Journées d'étude des bibliothèques de France

Pour la troisième fois depuis l'institution des Journées d'étude de la Direction des bibliothèques de France, les responsables des grandes bibliothèques municipales de province au nombre d'environ 70 - bibliothécaires de bibliothèques classées et d'une trentaine d'autres établissements importants - étaient réunis à Paris sous la présidence de M. Julien Cain, membre de l'Institut, administrateur général de la Bibliothèque nationale, directeur des Bibliothèques de France.

Le programme de ces Journées d'étude, qui se tinrent les 4 et 6 décembre 1957 dans le grand amphithéâtre du Muséum national d'histoire naturelle et le 5 décembre à la Bibliothèque nationale, était le suivant :
Mercredi 4 décembre 1957
Matin (10 h.).
- Allocution de M. Julien Cain.
- La documentation locale et régionale.
Après-midi (15 h.).
- La Bibliothèque municipale, centre de documentation (documentation économique, sociale et technique).
Exposés de MM. Henriot Marty, chef du Service de la Bibliothèque et des archives de la Chambre de commerce de Paris; F. Reynaud, conservateur de la Bibliothèque de la Chambre de commerce de Marseille; Jean Hassenforder, du Centre d'études économiques.
Jeudi 5 décembre 1957.
Matin (9 h. 30).
- Introduction par M. André Masson, inspecteur général des Bibliothèques de France : Les fonds spéciaux dans les bibliothèques.
- Exposé de M. Jean Babelon, conservateur en chef du Département des médailles de la Bibliothèque nationale : Monnaies et médailles.
- Visite guidée du Département des médailles.
Après-midi (15 h.).
- Présentation par M. Jean Vallery-Radot, conservateur en chef du Département des estampes de la Bibliothèque nati onale.
- Exposé de M. Jean Adhémar, conservateur au Département des estampes : Les fonds d'estampes.
- Visite guidée du Département des estampes.
Vendredi 6 décembre 1957
Matin (9 h. 30).
- La lecture publique urbaine.
- Exposé de M. Pierre Vaillant, conservateur de la Bibliothèque municipale de Grenoble : Le bibliobus urbain de Grenoble.
- Exposé de M. René Fillet, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Tours : Le « bibliocar » scolaire de Tours.
- Présentation du « bibliocar » scolaire de Tours.
Après-midi (15 h.).
- Questions diverses.
- Conclusion et clôture des Journées d'étude.

Première séance : La documentation locale et régionale.

M. Julien CAIN souhaite la bienvenue aux bibliothécaires des bibliothèques municipales de province et se félicite des contacts directs que ces Journées d'étude lui permettent d'avoir avec eux. « Mais, ajoute-t-il, nos Journées d'étude présentent en outre l'intérêt de favoriser entre vous des discussions, de ton assez vif ainsi que j'ai pu le constater parfois, mais toujours amicales.

« Le temps n'est plus où le bibliothécaire pouvait travailler dans la solitude et le recueillement. L'actualité nous invite, nous contraint, dirais-je même, à nous informer sans délai de ce qui se fait ailleurs dans tous les domaines et les frontières nationales elles-mêmes se révèlent trop étroites.

« La tâche d'informer, non seulement le savant et le chercheur, mais aussi l'homme d'affaires et'le simple citoyen n'est plus réservée à telle ou telle catégorie de bibliothèques : elle est commune à toutes. Elle nous oblige à mettre l'actualité la plus vivante à la disposition des lecteurs. Elle entraîne pour nous tous la nécessité de développer les techniques et les ressources professionnelles les mieux adaptées à cette obligation qui nous incombe ».

M. Cain énumère alors les différents moyens d'information que la Direction des bibliothèques de France a mis à la disposition des bibliothécaires, notamment les Cahiers des bibliothèques de France et le Bulletin des bibliothèques de France. Il dresse ensuite un rapide tableau des réalisations qui ont été effectuées depuis les dernières Journées d'étude des bibliothèques municipales et tout d'abord la reconstruction des bibliothèques municipales sinistrées de Douai, de Beauvais, de Brest, de Tours enfin, dont l'inauguration est prochaine. Si l'on joint aux crédits obtenus pour les bibliothèques sinistrées ceux dont ont bénéficié les travaux d'aménagement, d'agrandissement, de transfert poursuivis dans d'autres bibliothèques, c'est une somme de plus de 250 millions de francs qui a été engagée durant les quatre dernières années.

M. Cain évoque ensuite les efforts poursuivis dans le domaine de la lecture publique : annexes ou succursales de prêt, bibliobus urbain ou « bibliocar » scolaire, création de sections pour enfants et de discothèques.

« La lecture publique, si elle est devenue un impératif pour toutes les biblio thèques qui veulent s'adapter au rythme de la vie moderne et affirmer le rôle qu'elles sont appelées à jouer dans les activités de la cité, ne vous a pas détournés cependant des autres tâches qui s'imposent à vous. Je crois superflu d'évoquer ici le concours important qu'apportent vos bibliothèques aux savants, aux érudits, aux étudiants qui peuplent vos salles de travail. Dans les villes sièges d'universités, les fonds précieux, les ouvrages d'érudition, les livres de culture générale ou d'imagination que possèdent vos bibliothèques ont fourni aux étudiants et aux professeurs un appoint notable pour la poursuite de leurs études et de leurs travaux. Avec la création d'instituts d'études supérieures et de collèges techniques dans des villes, jusque-là dépourvues d'établissements d'enseignement supérieur, la vocation universitaire de nos bibliothèques municipales est appelée à se préciser.

« Nous aurons également à évoquer dans cette séance et dans celle de l'après-midi le rôle de la bibliothèque comme centre de documentation. Il est en effet essentiel qu'à une époque où l'importance des facteurs économiques, techniques et sociaux ne fait que croître, la bibliothèque municipale soit en mesure de faire face avec efficacité à de nouvelles tâches tout en sachant maintenir les droits supérieurs de la culture ».

M. Julien Cain rappelle alors l'aide que la Direction des bibliothèques s'est efforcée d'apporter aux bibliothécaires, aussi bien sous la forme traditionnelle des subventions et des envois de livres, que par l'élaboration au Service technique de règles de catalogage et des normes publiées par l'Association française de normalisation ou par la mise en service d'une entreprise de multigraphie qui permet une refonte plus rapide des catalogues.

Abordant ensuite un autre aspect de l'activité des bibliothèques qui sera également évoqué au cours des Journées d'étude, M. Cain déclare que l'adaptation des bibliothèques à la vie moderne ne doit pas nous faire oublier non plus qu'elles sont le dépôt de la culture des siècles passés et que leurs richesses, leurs fonds précieux demandent non seulement des soins tout particuliers de conservation, mais également un effort accru pour les faire connaître et les faire apprécier.

Après avoir souligné l'intérêt des expositions qui, en nombre croissant chaque année, sont organisées par les bibliothèques municipales ainsi que la contribution importante que par leurs travaux d'érudition les bibliothécaires apportent à l'histoire ainsi qu'à la documentation régionale et locale, M. Julien Cain conclut en ces termes : « Mais tous nos efforts pour améliorer vos conditions de travail ainsi que pour donner à la bibliothèque la place qui lui revient dans la vie de la cité seraient inutiles s'ils ne recevaient l'appui des autorités municipales. MM. les inspecteurs généraux ont pu, en intervenant avec toute l'autorité que leur donnaient leurs titres et leur compétence, aplanir bien des difficultés et surmonter bien des obstacles. Mais c'est dans une liaison étroite avec les personnalités locales et avec les représentants de la municipalité qu'il faut chercher les solutions qui permettront à la bibliothèque de remplir les tâches qui lui sont dévolues et d'affirmer sa vocation à être en même temps qu'un centre de culture le point de convergence de toutes les activités intellectuelles, sociales, économiques qui contribuent à la prospérité d'une ville de province ».

M. POINDRON, conservateur en chef, chef du Service technique, dresse alors un tableau des questions qui seront particulièrement évoquées au cours des deux séances du mercredi 4 décembre. Il rappelle que la séance de l'après-midi est consacrée à la bibliothèque, centre de documentation économique, sociale et technique, mais qu'il est indispensable de faire place également au cours des Journées d'étude à un aspect traditionnel du rôle documentaire des bibliothèques : celui de la documentation locale et régionale. Il évoque alors quelques-uns des problèmes que soulèvent la composition des fonds locaux et la répartition de la documentation locale et régionale entre les bibliothèques et les archives.

« Depuis longtemps, déclare-t-il, les bibliothèques conservent des manuscrits, des imprimés, des estampes, des cartes... Or, on effectue de plus en plus la multigraphie de documents qui, autrefois, seraient restés manuscrits et de documents qui auraient été imprimés. La masse de ces documents ne cesse de s'accroître et comme ils échappent le plus souvent au dépôt légal, il est difficile de se les procurer; aussi sur le plan local et régional, vous devez les rechercher.

« Un des rôles essentiels de la bibliothèque est de collecter tous les documents publiés en plusieurs exemplaires et qui sont l'objet d'une diffusion dans le commerce ou hors commerce ».

Quant au rôle des dépôts d'archives, il est d'abord, selon M. Poindron, de conserver les archives des administrations publiques et privées, se présentant généralement sous forme de dossiers contenant aussi bien des documents manuscrits et multigraphiés, que des pièces imprimées, des plans, des photographies, etc... C'est à titre complémentaire que les dépôts peuvent être amenés à conserver la documentation imprimée des administrations dont ils détiennent les archives et qu'ils sont dotés d'une bibliothèque de référence, parfois enrichie de collections de sociétés savantes.

Des archivistes ont revendiqué pour eux la documentation départementale, laissant aux bibliothécaires municipaux la documentation locale. C'est un cadre un peu étroit qu'archiviste et bibliothécaire sont amenés l'un et l'autre à déborder. Ce qui importe avant tout, c'est une liaison permanente entre archives et bibliothèques.

Après avoir rappelé que le choix des documents doit être fait non seulement dans une perspective historique, mais aussi en tenant compte des activités les plus variées de la vie locale et régionale, M. Poindron attire l'attention des bibliothécaires à titre d'exemple sur un certain nombre de documents qu'il est important de conserver en raison de leur intérêt. Ce sont notamment les thèses de doctorat et les mémoires présentés par les étudiants du diplôme d'études supérieures ainsi que par les élèves de l'École nationale d'administration ou d'autres établissements d'enseignement, les publications des collectivités privées, les affiches typographiques et illustrées, les périodiques locaux et enfin la documentation iconographique, ces deux dernières catégories de documents devant faire l'objet d'exposés par MM. Prinet et Vallery-Radot.

A titre d'illustration de l'intervention de M. Poindron, Mme GAUTHIER, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Limoges, expose les principes qui l'ont conduite à reconsidérer le problème de la documentation locale et régionale dans le cadre de la bibliothèque de Limoges. La documentation ne doit pas en effet se limiter à l'enregistrement des publications et études locales, mais elle doit encore comprendre des travaux de dépouillement qui porteront aussi bien sur les travaux généraux et les ouvrages de synthèse que sur les bibliographies spéciales rétrospectives ou courantes - nationales ou internationales -, les monographies relatives à d'autres régions, à titre d'information et de comparaison, les périodiques spéciaux dans les diverses disciplines. « Il s'agit, comme l'a déclaré Mme Gauthier, d'aider le public non seulement à se distraire et à « se souvenir », mais à apprendre et éventuellement à « produire », l'entraînant ainsi à participer au progrès collectif des connaissances humaines ».

C'est en conformité avec ces principes que la Bibliothèque municipale de Limoges a pu mettre à la disposition des usagers une documentation très complète relative à des disciplines très variées, allant de l'hagiographie à la minéralogie du granit. Elle collabore en outre aux Notes bibliographiques relatives à l'archéologie et à l'histoire du Limousin publiées dans le Bulletin de la Société archéologique du Limousin. Enfin Mme Gauthier a entrepris avec le concours du Centre national de la recherche scientifique l'élaboration d'un « corpus » international des émaux champlevés méridionaux pour lequel elle s'est assurée du concours de 250 correspondants français et de 300 correspondants étrangers originaires de 40 pays différents.

D'autres bibliothèques participent également à d'importants travaux bibliographiques, celle de Nancy notamment qui assure, comme le rappelle son conservateur, M. ROUSSEAU, la continuation du fichier de bibliographie lorraine élaboré dès 1924 sous les auspices de l'Académie nationale de Metz.

Mais des entreprises de dépouillement semblables à celles qui sont en cours à Limoges et à Nancy ne sont pas à la portée de toutes les bibliothèques. M. LELIÈVRE, inspecteur général des Bibliothèques, estime que toutes les bibliothèques doivent faire de la documentation locale, mais que seules quelques-unes d'entre elles sont bien placées historiquement, géographiquement et techniquement pour faire œuvre utile dans le domaine de la documentation régionale. Quoi qu'il en soit, une entente entre bibliothèques d'une même région s'avère nécessaire, comme le souligne M. ROCHER, bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Lyon.

Le problème du personnel qui peut être utilisé à ces travaux de dépouillement conduit Mme GAUTHIER à souligner le concours appréciable qu'elle a rencontré à titre bénévole parmi les érudits locaux et notamment les membres des sociétés savantes. M. COULET, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Toulon, demandant que les bibliothécaires aient droit de contrôle sur les Sociétés savantes, tout au moins en ce qui concerne leurs publications, plusieurs de ses collègues estiment que leur action peut être plus efficace si elle est menée au sein même des sociétés ; de nombreux bibliothécaires en assument en effet le secrétariat, mais il est certain que - M. Lelièvre en a pu faire la constatation au cours de ses inspections - plusieurs d'entre elles, possédant de riches bibliothèques, sont extrêmement jalouses de leurs prérogatives et peu favorables à l'intrusion dans leur gestion de l'archiviste ou du bibliothécaire.

M. PRINET, conservateur en chef du Département des périodiques de la Bibliothèque nationale, expose les conditions dans lesquelles ce département a été incité à entreprendre une enquête sur les collections de quotidiens et d'hebdomadaires conservées dans les bibliothèques municipales de province et les archives départementales. Le nombre croissant des périodiques provinciaux et celui des éditions locales d'un même quotidien régional soulève des problèmes particuliers du point de vue de leur conservation et de leur communication. Les réponses à l'enquête à laquelle s'est livrée la Bibliothèque nationale ont permis l'établissement d'une liste collective qui doit paraître sous forme multigraphiée au début de l'année 1958 et qui mettra en évidence les doubles emplois et les lacunes.

D'autre part, un projet de programme a été dressé en vue de la reproduction systématique sur microfilms des collections de journaux réputés les plus importants de la presse française.

M. Prinet termine son exposé en rappelant deux des entreprises en cours : le Répertoire de la presse périodique française par départements de 1865 à 1944 établi par M. Monnot et le Répertoire de la presse et des publications périodiques françaises reçues par la Bibliothèque nationale au titre du dépôt légal et parues en France du 1er janvier 1956 au 15 juin 1957. Ce dernier répertoire qui est l'œuvre de M. Raux, conservateur, doit être mis en vente également au début de l'année 1958.

M. VALLERY-RADOT, conservateur en chef du Département des estampes à la Bibliothèque nationale, aborde le problème des fonds d'estampes dans les bibliothèques municipales d'un point de vue strictement documentaire et rappelle quelques notions de classement des estampes. M. LELIÈVRE souligne que l'intérêt des collections d'estampes conservées par certains de nos grands dépôts provinciaux n'est pas seulement d'ordre documentaire, mais aussi artistique.

M. CAIN, après avoir rappelé qu'une partie de la séance du lendemain sera précisément consacrée au classement des estampes, donne la parole à Mlle SALVAN, conservateur au Service technique de la Direction des bibliothèques de France, pour un exposé sur l'activité des bibliothèques municipales considérée du point de vue bibliographique. Qu'ils soient rédigés sur fiches ou imprimés, les catalogues des bibliothèques en effet ne peuvent être séparés des bibliographies locales dont souvent ils tiennent lieu. Certains de ces catalogues sont d'ailleurs signalés dans le Répertoire des bibliothèques de France. Pour les sources de l'histoire locale, il convient également de mentionner le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques ainsi que les catalogues publiés à l'occasion des expositions organisées par les bibliothèques.

Mlle Salvan aborde ensuite les problèmes soulevés par la participation des bibliothécaires à des entreprises bibliographiques, aussi bien sur le plan régional que sur le plan national. L'intérêt de certaines bibliographies courantes régionales a conduit les spécialistes à envisager la publication d'un index unique qui permettrait de renseigner rapidement les chercheurs sur une documentation dispersée, mais cela suppose une normalisation préalable des bibliographies existantes. Sur le plan national, Mlle Salvan rappelle que la Commission nationale de bibliographie créée en 1951 qui contrôle l'exécution du programme bibliographique élaboré par l'Unesco et qui a publié en 1952 un rapport de Mlle Malclès sur les bibliographies spécialisées internationales courantes à participation française. L'histoire régionale intéresse naturellement le programme de la Commission. Il faut citer également la Bibliographie annuelle de l'Histoire de France qui est éditée par le Centre national de la recherche scientifique et qui a été entreprise par Mlle Albert à la demande du Comité français des sciences historiques. Enfin le Comité des travaux historiques et scientifiques réorganisé récemment sur des bases nouvelles assure le fonctionnement régulier du Congrès des sociétés savantes auquel les bibliothécaires de province sont associés. Parmi les publications du Comité, il faut citer en premier lieu la Bibliographie générale des travaux historiques et archéologiques de Vidier et Lasteyrie continuée pour la période 1910-1940 par M. René Gandilhon et qui a un caractère rétrospectif. Une solution est à trouver pour la bibliographie courante.

Mlle Salvan souhaite d'autre part l'établissement d'un guide d'orientation à travers les fonds spéciaux des bibliothèques municipales qui rendrait aux chercheurs les plus grands services.

Au cours de la discussion qui suivit l'exposé de Mlle Salvan, certains bibliothécaires, et notamment M. ROCHER, bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Lyon, furent conduits à souligner que le répertoire de M. Gandilhon ne possède pas de table et que les revues locales les plus importantes n'y sont pas recensées parce qu'elles n'ont pas été publiées par des Sociétés savantes. M. DESGRAVES, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, suggère qu'on étudie de préférence une normalisation des publications existantes, telles que les bibliographies annexées aux Annales du Midi et aux Annales de l'Est. Mais ces bibliographies ne recouvrent pas tout le territoire français. M. POINDRON souhaite qu'à ce propos on établisse une carte de la France des publications [régionales afin de préciser les provinces pour lesquelles aucun dépouillement, n'est fait.

M. CAIN lève la séance en demandant à M. Rocher d'établir, pour une réforme éventuelle du répertoire de M. Gandilhon, un plan de travail en collaboration avec quelques-uns de ses collègues. Ce plan pourra être publié dans le Bulletin des bibliothèques de France et soumis éventuellement au Centre national de la recherche scientifique.

Deuxième séance : La bibliothèque, centre de documentation technique, économique et sociale.

Après avoir salué la présence de M. Meyriat, chef de service de la documentation à la Fondation nationale des sciences politiques; de Mme Gorgeon-Demartres, représentant M. Koch, directeur de la documentation à la Présidence du Conseil; de M. Caro, chef du centre de documentation à l'Institut national de la statistique et des études économiques; de M. Albou, chargé de mission au Commissariat général à la productivité et de Mlle Gagnière, représentant M. Pérol de l'Association française pour l'accroissement de la productivité, M. Julien Cain donna la parole à M. POINDRON, qui rappela les raisons qui ont fait inscrire au programme des Journées d'étude 1957 une séance consacrée à la bibliothèque centre de documentation technique, économique et sociale au service de l'industriel et du commerçant. Citant une phrase de M. André Siegfried extraite de son étude « Culture générale et formation technique des cadres de l'industrie et du commerce », M. Poindron est amené à constater que la nécessité de la culture générale ne se pose pas seulement pour les cadres supérieurs, mais que les projets ministériels de réforme de l'enseignement accordent une large place à l'éducation permanente, forme renouvelée de l'éducation populaire.

« Encore que les bibliothèques n'aient pas, dans les textes officiels publiés à ce jour sur l'éducation permanente, le rang qu'elles mériteraient, on est en droit d'affirmer qu'aucune éducation permanente valable ne pourra être assurée sans les bibliothèques. Encore faut-il que les bibliothèques s'adaptent et, cela va sans dire, reçoivent les moyens matériels de s'adapter aux besoins actuels... Mais, ajoute M. Poindron, la bibliothèque ne doit pas être seulement un instrument de culture générale, elle doit avoir un rôle plus directement utilitaire. Certes, elle n'a pas à se substituer au centre de documentation, au service d'informations ou de renseignements spécialisé, mais elle peut orienter vers ces organismes et devrait jouer un rôle d'information de caractère général, non seulement à l'égard de l'industriel et du commerçant, mais de tous les citoyens qui, chaque jour, ont à résoudre des problèmes d'ordre économique, social et technique ».

M. CRÉMIEUX-BRILHAC, chargé de mission au Cabinet de M. le Ministre de l'Éducation nationale et représentant ce dernier, souligna l'intérêt que M. Billères portait aux questions qui allaient être évoquées au cours du débat.

« L'éducation permanente, a-t-il déclaré, est une de nos préoccupations essentielles et elle est inscrite dans le projet de réforme de l'enseignement. M. le Ministre a très clairement conscience que l'éducation n'est pas seulement celle qui est donnée dans les établissements d'enseignement, mais que c'est une œuvre à l'échelon national qui dépasse les murs de l'école. Or, pour cette éducation permanente, il est évident que la bibliothèque est un instrument et un instrument irremp laçable.

« Parmi nos préoccupations essentielles, il en est une autre sur laquelle je voudrais attirer votre attention, c'est l'élévation du niveau des connaissances scientifiques et techniques de la masse des Français. L'effort qui est en train de s'accomplir et qui se déploiera sur une grande échelle tend essentiellement à développer dès l'école cette culture technique et scientifique qui est d'une importance capitale pour la prospérité de notre pays. Là encore, la bibliothèque a un rôle important à jouer. M. le Ministre en a pleinement conscience et je serai heureux de lui rendre compte de vos débats ».

M. Henriot MARTY, chef du Service des archives et de la bibliothèque de la Chambre de commerce de Paris, présente ensuite, avec toute l'autorité que lui confère son expérience, une sélection de documents utiles aux responsables de bibliothèques municipales pour leur permettre de répondre aux demandes des usagers appartenant au monde des affaires. M. Marty range sous une première rubrique : documentation d'information une série d'annuaires, ouvrages de synthèse, manuels, périodiques qui fournissent des renseignements suffisants pour une exploration préliminaire du sujet.

Une seconde rubrique : documentation d'orientation comprend les divers instruments de travail qui permettront au bibliothécaire de diriger les lecteurs qui cherchent des renseignements plus précis vers des centres, organismes de documentation, groupements professionnels ou patronaux, etc., spécialisés. La première tâche du bibliothécaire est précisément de dresser la liste des organismes similaires existant dans la région.

M. Marty conclut un exposé très riche en insistant sur l'utilité de contacts très étroits de bibliothèque à bibliothèque, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan personnel.

Il appartenait à M. REYNAUD, conservateur de la Bibliothèque de la Chambre de commerce de Marseille, d'apporter un témoignage provincial. Après avoir cherché à définir la nature des services que les milieux industriels et commerciaux attendent d'une bibliothèque, M. Reynaud traite du fonctionnement et de l'utilisation de celle qu'il dirige, de l'étendue de ses collections et de la composition du public qui la fréquente. Si la Bibliothèque de la Chambre de commerce de Marseille est en mesure de répondre à la majorité des demandes qui lui sont adressées avec les ressources qu'elle possède, pour d'autres elle doit renvoyer le lecteur à la Bibliothèque municipale ou à des institutions plus spécialisées avec lesquelles elle est en rapport constant : bibliothèques des instituts d'université, services américains d'information, centres de documentation, etc...

M. HASSENFORDER, documentaliste au Centre d'études économiques, succède à M. Reynaud pour un bref exposé sur les problèmes de la documentation dans une grande bibliothèque municipale anglaise, celle de Birmingham qu'il eut l'occasion d'étudier en 1956, au cours d'un stage de l' « International summer school of librarianship ».

Birmingham, grande cité industrielle de plus d'un million d'habitants, possède un important réseau de bibliothèques publiques - bibliothèque centrale et bibliothèques de quartiers, au nombre d'une vingtaine -, une riche bibliothèque universitaire et divers centres de documentation privés. La bibliothèque centrale publique comprend une bibliothèque de prêt et une bibliothèque d'étude : la « Reference library » qui se divise en plusieurs sections parmi lesquelles on trouve, outre la « Shakespeare memorial library », une bibliothèque économique : la « Commercial and patents library » et une bibliothèque technique : la « Technical library ». Toutes deux pratiquent l'accès libre aux rayons pour la plus grande partie de leurs collections et ont développé d'importants services de renseignements.

La bibliothèque commerciale conserve une abondante documentation 'sur le monde du commerce : annuaires, « yearbooks », catalogues commerciaux de firmes, répertoires de marques commerciales, etc... La bibliothèque technique n'est pas moins riche et possède notamment des recueils de normes anglaises et étrangères, des recueils de brevets ainsi que de nombreuses bibliographies (Chemical abstracts, Science abstracts, Engineering index, etc.). Elle joue le rôle d'un centre de documentation technique et travaille en étroite collaboration avec les entreprises industrielles de Birmingham et de sa région, notamment en apportant son concours à celles qui créent des services de documentation pour leur propre usage.

M. Julien CAIN remercia les orateurs et souligna l'intérêt que présentait la liste bibliographique établie par M. Henriot Marty et que celui-ci avait fait spécialement multigraphier à l'intention des bibliothécaires. Au cours de la discussion à laquelle donnèrent lieu ces trois exposés, M. LELIÈVRE, constatant la place qui est consacrée dans les revues et les journaux - souvent sous la signature d'un membre de l'enseignement - à la critique de nos institutions et notamment au retard de la France dans certains secteurs scientifiques, économiques et techniques, regrette de ne pas avoir encore vu exposer l'opinion de bibliothécaires. Il est certain que la comparaison entre bibliothèques anglaises et bibliothèques françaises est, en général, peu favorable pour ces dernières, alors que la comparaison entre le système d'enseignement en France et celui des pays étrangers est beaucoup moins défavorable. M. Lelièvre tire de ces constations la conclusion suivante : « Pour une large part les responsabilités du retard que nous avons à déplorer sont à rechercher moins dans la structure de notre enseignement et de notre recherche scientifique que dans l'organisation, la structure et le fonctionnement de nos bibliothèques et de nos services de documentation. Mais si l'on veut que les bibliothèques élargissent leur horizon et multiplient leurs activités, il faut procurer à ceux qui les dirigent des moyens suffisants en personnel et en matériel et leur donner en même temps l'assurance que leurs efforts seront rentables, c'est-à-dire qu'ils rencontreront dans le public un accueil favorable ». Trop de Français malheureusement continuent d'avoir sur le rôle des bibliothèques des conceptions périmées. « Si demain, déclare M. Lelièvre, nous avions les moyens matériels nécessaires pour rivaliser avec les Anglais, nous devrions entreprendre une vaste campagne dans l'opinion publique pour la persuader que notre métier n'est pas un luxe et que les établissements que nous dirigeons correspondent à des activités vitales. C'est dans cette conversion de l'opinion publique qu'il faut chercher la solution de ce problème spécifiquement français qui fait que, partie importante de notre héritage culturel, les bibliothèques françaises ne tiennent pas dans la vie de la nation le rôle qu'elles devraient avoir, spécialement dans le domaine de la documentation et de l'information générale ». M. Lelièvre conclut son intervention en soulignant que l'effort accompli par les villes anglaises pour leurs bibliothèques est un effort local sans aucune prise en charge par l'État et qu'en France également, c'est sur le plan local que l'effort financier indispensable doit être accompli.

Les interventions des bibliothécaires qui ont pris successivement la parole après M. Lelièvre témoignent que les milieux commerciaux et industriels de province ignorent le plus souvent le chemin de la bibliothèque. Cependant dans certaines villes, comme à Limoges, des contacts ont pu être pris avec divers groupements économiques. M. RICHTER, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Mulhouse, précise les conditions dans lesquelles une collaboration a pu être établie entre la Bibliothèque municipale et les centres de documentation mulhousiens. La Bibliothèque municipale joue un rôle d'orientation vers ces divers centres, mais dans la pratique on constate que les commerçants et les industriels s'adressent directement à ces centres. M. MIRONNEAU fait également remarquer que les industriels et commerçants de Besançon viennent de préférence à la Bibliothèque universitaire qui leur offre un choix plus varié de périodiques utiles à leurs recherches.

Un effort de publicité s'impose donc aux bibliothèques municipales, si elles veulent attirer à elles ce nouveau public et lui faire connaître les services qu'elles sont en mesure de lui rendre. M. FILLET, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Tours, signale à ce propos que les informations publiées dans la presse locale à l'occasion de la reconstruction de la bibliothèque ont permis d'augmenter considérablement le nombre des lecteurs. M. BRUN, inspecteur général des bibliothèques, suggère qu'une expérience soit tentée dans les sections de lecture publique des bibliothèques municipales : « pour ce public nouveau que nous cherchons à attirer, il serait intéressant de placer, à côté des ouvrages de vulgarisation et de délassement, des périodiques techniques, scientifiques, concernant la vie industrielle, économique et sociale. Il faudrait réunir quelques usuels et quelques manuels, grouper des annuaires, des « Bottins », des guides locaux qui seraient consultés directement sans que le lecteur soit obligé de recourir au catalogue ». M. MASSON, inspecteur général des bibliothèques, se rallie à cette suggestion et propose que l'expérience soit tentée au début dans quelques-unes des bibliothèques municipales récemment reconstruites telles que Brest et Tours pour lesquelles la Direction des bibliothèques a consenti un gros effort financier.

La création d'un centre de documentation à l'usage des industriels et des commerçants pose en effet un certain nombre de problèmes matériels, notamment pour la recherche et l'aménagement des locaux nécessaires. A cet égard, M. POINDRON regrette qu'il soit très rarement possible d'ouvrir des salles de consultation dans d'anciennes « boutiques » situées à proximité de la bibliothèque. M. CAIN estime que la formule d'une association entre la bibliothèque municipale, la bibliothèque de la Chambre de commerce ou d'antres établissements tels que groupements d'études économiques, instituts d'universités, pourrait être également recherchée.

Les bibliothécaires devront également tenir compte en établissant leur programme d'acquisitions de la nécessité d'y inscrire un certain nombre d'ouvrages et de périodiques de caractère économique et scientifique. M. POINDRON donne les résultats d'un sondage auquel il s'est livré à partir des listes départementales des périodiques en cours afin de déterminer la diffusion de certains périodiques scientifiques et techniques de caractère général dans les bibliothèques municipales : il a été amené à constater que trop rares sont celles qui reçoivent ces sortes de publications. Il estime qu'il faut dresser un plan de travail dont la première étape serait l'établissement d'un guide d'orientation à l'usage des bibliothèques municipales. La consultation de ce guide permettrait aux bibliothécaires de compléter leurs collections et de remédier aux lacunes les plus graves.

Il est évident néanmoins que toutes les bibliothèques ne sauraient prétendre à constituer des centres de documentation dotés de l'équipement bibliographique suffisant et que c'est dans le cadre des vingt grandes régions économiques par exemple, selon la suggestion de M. MARTY, qu'il faudrait peut-être rechercher la constitution, au siège du chef-lieu de chacune de ces régions, d'une bibliothèque de documentation économique, technique et sociale qui établirait les liaisons nécessaires avec les différents centres de documentation publics ou privés existants.

Troisième séance : Les fonds de monnaies et médailles.

Les séances du jeudi 5 décembre consacrées aux fonds spéciaux de monnaies et médailles et d'estampes se sont déroulées toutes deux à la Bibliothèque nationale où M. Julien Cain accueillait les bibliothécaires de province.

Celle du matin devait être réservée à un exposé de M. Jean Babelon sur les fonds de monnaies et médailles et à une visite du Cabinet des médailles de la

Bibliothèque nationale, mais auparavant, M. MASSON, inspecteur général des Bibliothèques de France, tint à poser le problème des fonds spéciaux dans son ensemble. Il rappela que c'était à la suite de conversations recueillies au cours de leurs inspections en province que ses collègues et lui avaient demandé que le traitement des fonds spéciaux fût inscrit à l'ordre du jour des Journées d'étude de 1957. Bien que le débat ait été circonscrit à deux de ces fonds spéciaux : les monnaies et médailles d'une part, les estampes de l'autre, M. Masson donne aux bibliothécaires quelques instructions relatives à la préparation du tome LIII du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France et insiste pour que ceux-ci lui communiquent l'état des pertes subies par leur établissement, qu'elles soient survenues au cours des dernières guerres ou en toutes autres circonstances.

Abordant ensuite les problèmes propres aux fonds spéciaux, M. Masson rappelle la richesse des collections numismatiques et des fonds d'estampes de certaines de nos grandes bibliothèques de province et les problèmes que posent le classement et la conservation de ces fonds à ceux qui en ont la charge.

Les cabinets de médailles sont d'importance variable selon les villes; un certain nombre d'entre eux possèdent outre un riche médaillier, des collections d'objets antiques : en particulier, tous ceux qui ont visité la Bibliothèque de Grenoble ont été frappés par le remarquable ensemble exposé dans la salle de lecture. A Troyes, à Carpentras, il existe des collections de monnaies conservées dans des médailliers qui offrent de même un grand intérêt artistique.

Parmi les fonds d'estampes de province, le plus beau est sans doute celui de Besançon, constitué au XVIIIe siècle par un architecte de Louis XVI nommé Paris et qui contient des gravures et des dessins originaux de haute qualité. Celui de Caen, constitué par les collections du Cardinal Fesch acquises par Mancel et resté indivis entre la bibliothèque et le musée, celui de Rouen, légué par Hédou, sont également très riches.

La possession de tels trésors pose aux bibliothécaires des problèmes souvent difficiles : problème de personnel, que l'envoi en mission temporaire de jeunes diplômés du D. S. B. ou de l'École des Chartes permettra en partie de résoudre; problème de matériel pour lequel la Direction des bibliothèques de France peut apporter une aide appréciable en subventionnant à 35 % l'aménagement de salles et l'acquisition de meubles pour la présentation et le classement des fonds spéciaux.

M. BABELON, conservateur en chef du Département des médailles à la Bibliothèque nationale, justifie l'existence d'un cabinet de médailles au milieu des collections d'une bibliothèque en montrant qu'elle correspond à une conception humaniste de l'histoire : « Les monnaies sont en effet les documents les plus authentiques et les plus sûrs que l'on possède sur l'histoire de l'antiquité. Les types monétaires sont l'illustration des événements historiques. »

Si les collections de médailles sont situées à proximité des collections de livres, c'est d'abord pour des raisons pratiques de consultation. Il n'en reste pas moins que la présentation de ces fonds n'est pas toujours aussi satisfaisante qu'on pourrait le désirer et qu'ils ne sont qu'imparfaitement répertoriés. La rédaction d'un inventaire des fonds numismatiques a d'ailleurs été évoquée au cours des réunions de la Commission internationale de numismatique.

La mise en valeur de ces fonds appelle des solutions différentes selon les villes et les bibliothèques, mais il importe, dans les présentations qui en sont faites au public, de limiter le nombre des pièces exposées et de les accompagner des explications nécessaires. Le reste des collections doit être placé dans des tiroirs et mis à la disposition des spécialistes.

M. Babelon aborde alors un problème qu'il estime particulièrement important : celui des trouvailles monétaires. Si la valeur marchande infime de quelques-unes d'entre elles cause souvent des désillusions à leurs inventeurs, elles fournissent à l'historien des renseignements précieux, par exemple sur la progression des armées romaines en Gaule.

« C'est donc une nécessité pour le bibliothécaire d'être tenu au courant de ces découvertes. Leur analyse et leur inventaire sont des travaux minutieux qui demandent l'intervention de spécialistes. On ne peut demander au bibliothécaire de province d'avoir une compétence universelle. Aussi se trouve-t-il dans l'obligation d'avoir recours au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale qui tend, de ce fait, à devenir le centre des études numismatiques en France ». Aussi M. Babelon demande-t-il aux bibliothécaires de lui signaler toutes les trouvailles numismatiques qui parviennent à leur connaissance et de lui en communiquer les pièces pour examen. Le Cabinet établit des statistiques et dresse des cartes où il consigne ces découvertes.

M. Babelon ne se dissimule pas que l'intervention du Cabinet des médailles se heurte parfois de la part des milieux provinciaux à une méfiance instinctive; il tient à préciser que les fonds précieux restent la propriété des municipalités et cite en exemple le médaillon d'or découvert à Arras en 1923. Cette pièce qui date de 293 après J.-C. offre la première figuration d'un débarquement en Angleterre et a une valeur inestimable. Toutes les démarches effectuées par le gouvernement britannique pour l'acquérir se sont heurtées à un refus de la municipalité d'Arras.

M. Babelon conclut son exposé en soulignant la nécessité d'une collaboration étroite entre les spécialistes du Cabinet des médailles et les responsables de bibliothèques municipales.

M. LELIÈVRE prit ensuite la parole pour rappeler que des contestations ont pu surgir entre les bibliothécaires et les musées de province au sujet de la possession des fonds numismatiques, mais que la Direction des musées a admis le principe que dans tous les cas où des dispositions testamentaires ne s'y opposent pas, c'est aux bibliothèques que doivent revenir les collections de monnaies. Il a également insisté sur le fait que le Comité des travaux historiques et scientifiques a accepté de publier dans le bulletin de sa section d'archéologie ou dans celui de la section de philologie et d'histoire les inventaires sommaires et les états de collections de monnaies antiques ou médiévales qui lui seraient soumis.

M. MIRONNEAU, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Besançon, exprime le vœu, qu'aussi bien pour les fonds numismatiques, que pour les collections d'estampes, les chargés de mission envoyés par la Direction des bibliothèques de France pour seconder le bibliothécaire aient acquis une certaine pratique et qu'ils aient fait au préalable leur apprentissage dans les départements spécialisés de la Bibliothèque nationale. M. MASSON estime qu'il faudrait réserver les spécialistes chevronnés pour le catalogage des collections importantes soulevant de délicats problèmes d'identification, mais que sous la direction et la responsabilité du conservateur de la bibliothèque, un chargé de mission, même débutant, peut rendre des services appréciables.

M. Julien CAIN pose le problème du recrutement sur le plan local et suggère de faire appel à des collectionneurs érudits qui pourraient faire bénéficier la bibliothèque de leur expérience et de leur compétence.

M. POINDRON demandant si l'on est actuellement en mesure de dresser un répertoire sommaire des collections numismatiques existant en province, M. BABELON regrette qu'une circulaire adressée aux bibliothécaires il y a quelques années par le Cabinet des médailles soit restée sans effet.

M. BREILLAT, conservateur de la Bibliothèque municipale de Versailles, indique que bien souvent les trouvailles numismatiques échappent au contrôle du bibliothécaire et que l'archiviste qui cumule parfois ses fonctions avec celle de directeur de la circonscription archéologique, est seul avisé de ces découvertes et en fait l'expédition au Cabinet des médailles. Dans d'autres départements, selon M. MIRONNEAU le courant numismatique va vers le musée. La législation en cette matière présente d'ailleurs des lacunes, particulièrement en ce qui concerne les monnaies médiévales, mais, dans tous les cas, ainsi que le précise Mlle KLEINDIENST, conservateur à la Bibliothèque nationale, il y a obligation de prévenir le Cabinet des médailles, obligation qui est d'ailleurs assortie de mesures coercitives.

Pour les questions pratiques d'envoi des monnaies à la Bibliothèque nationale et les mesures de sécurité à prendre, M. CAIN demande à MM. Babelon et Poindron de se réunir pour étudier en commun les instructions qui pourraient être adressées aux bibliothécaires.

Les participants aux Journées d'étude ont ensuite visité le Cabinet des médailles sous la conduite de M. Babelon et de ses collaborateurs.

Quatrième séance : Les fonds d'estampes.

En l'absence de M. Cain, M. MASSON, inspecteur général des bibliothèques, donne la parole à M. VALLERY-RADOT, conservateur en chef du Département des estampes de la Bibliothèque nationale, qui rappela que, le problème de la bibliothèque, centre de documentation par l'image, ayant été déjà abordé la veille sur le plan théorique, c'est sur le plan pratique que se plaçait la séance du 5 décembre. Les trois problèmes essentiels que pose l'existence dans une bibliothèque d'une collection d'estampes - et sous ce vocable M. Vallery-Radot range aussi bien les estampes, et les dessins que les photographies - sont ceux de sa conservation, de sa présentation, de son accroissement.

Le problème de l'accroissement concerne uniquement les bibliothécaires et dépend avant tout de considérations budgétaires. Les questions relatives à la conservation et à la présentation doivent être traitées par M. Adhémar.

M. ADHÉMAR, conservateur au Département des estampes, succède à M. Vallery-Radot. Le but de son exposé est de montrer comment le Département des estampes de la Bibliothèque nationale a résolu les problèmes soulevés par la conservation, la présentation et le catalogage des estampes.

Le Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale est le plus ancien : il a été fondé en 1667, et il est le plus riche du monde : il conserve environ 5 millions d'estampes ou d'images variées. Il est aussi le mieux organisé, car les doubles au lieu d'être vendus, comme c'est le cas dans de nombreux pays, ont été conservés dès l'origine et ont ainsi permis la constitution de deux séries de classement : l'un par auteur, l'autre par sujet.

M. Adhémar rappelle alors brièvement l'histoire du Cabinet des estampes, les éléments dont il a été composé à ses débuts : collections de l'abbé de Marolles, de Clément et de Beringen, ses accroissements successifs, particulièrement importants pendant la Révolution, en raison de la confiscation des collections des collèges de Jésuites, enfin l'important travail de classement qui s'est poursuivi pendant le XIXe siècle. Pour l'époque contemporaine, les relations personnelles que les conservateurs du département, fidèles à une ancienne tradition, entretiennent avec les maîtres graveurs, ont enrichi le dépôt d'un grand nombre de pièces de valeur. L'histoire du Cabinet des estampes montre que celui-ci est en mesure de répondre aux besoins des deux publics différents qui le fréquentent : les historiens de l'estampe d'une part, les personnes qui sont à la recherche de documents iconographiques sur un sujet déterminé d'autre part.

M. Adhémar aborde ensuite les problèmes de la conservation : l'estampe est une chose rare, précieuse et fragile dont les principaux ennemis sont l'humidité qui occasionne des moisissures et la lumière du soleil qui la ternit. On doit éviter de placer deux estampes l'une sur l'autre, l'encre de l'une pouvant se déposer sur le dos de celle qui lui est superposée.

Les estampes peuvent être conservées montées ou non montées. Pour le montage, elles sont collées sur une feuille de papier soigneusement choisie. On les place ensuite dans des portefeuilles ou dans des reliures. Le système le plus simple est celui du portefeuille du type de carton à dessin, dont on aura élargi et renforcé le dos pour y introduire plus de pièces. Les portefeuilles doivent être fermés soit par du papier, soit par de l'étoffe, afin d'éviter que la poussière ne pénètre à l'intérieur et que les estampes ne s'échappent du carton. Au Cabinet des estampes, les portefeuilles sont rangés sur les rayons en position verticale, à l'exception de ceux qui contiennent des estampes précieuses. Le format habituellement utilisé est celui du papier cavalier 46 X 62 cm.

Après avoir rappelé quelques notions relatives à la lecture de la lettre d'une estampe, M. Adhémar évoque en conclusion les problèmes du classement : on sélectionne quelques épreuves d'artistes que l'on classe par époque, plutôt que par école; le reste est réparti dans les séries documentaires : histoire, portraits, costumes, topographie.

MM. Vallery-Radot et Adhémar assistés de MM. Pognon, Lethève, Weigert firent ensuite visiter le Cabinet des estampes aux bibliothécaires participant aux Journées d'étude.

Cinquième séance : La lecture publique urbaine.

La cinquième séance des Journées d'étude tenue sous la présidence de M. Julien Cain devait être marquée par la présentation, dans les jardins du Muséum national d'histoire naturelle, du « bibliocar » scolaire de Tours qui eut lieu en présence de M. Cros, directeur du cabinet de M. le Ministre de l'Éducation nationale; de MM. Braillon, Prévot, Meyer, inspecteurs généraux de l'Instruction publique, représentant respectivement MM. les Directeurs généraux de l'enseignement du second degré, du premier degré et de l'enseignement technique; de M. Cortat, chef du Bureau de l'éducation populaire représentant M. le Directeur général de la jeunesse et des sports; de Mme Larue, représentant M. Eyraud, directeur des Beaux-arts de la ville de Paris, et de nombreuses autres personnalités. M. le sénateur Canivez, président de la Commission de l'éducation nationale du Conseil de la République, et M. le sénateur Lamousse s'étaient fait excuser.

Après avoir rappelé dans quelles conditions a été créé le bibliobus urbain de Grenoblel, M. VAILLANT, conservateur de la Bibliothèque municipale de Grenoble 1, apporte les résultats de deux années de fonctionnement : la totalité des dépenses d'entretien et de consommation ne dépasse pas actuellement 150.000 francs pour l'année. En ce qui concerne le personnel il est apparu qu'aux heures d'affluence une seule employée est insuffisante pour donner des renseignements, inscrire les nouveaux emprunteurs, distribuer les livres, les classer, contrôler les prêts, etc... L'augmentation des heures de stationnement a apporté d'autre part un surcroît de travail, elles sont en effet passées en 1957 de 11 heures à 19 h. 30 par semaine. Cette prolongation des arrêts a entraîné un accroissement notable du nombre des inscriptions et des prêts. Aux quatre premiers stationnements hebdomadaires, s'en sont ajoutés trois autres d'une durée plus courte variant entre 1 h. 30 et 2 heures et qui s'effectuent dans des cités ouvrières ou à la sortie d'usines.

M. Vaillant a été amené à faire les constatations suivantes : c'est dans les stationnements les plus rapprochés du centre, et où la densité de population est la plus forte, que proportionnellement le nombre des nouveaux emprunteurs est plus élevé; d'autre part, le nombre des cartes auxquelles s'abonne le même emprunteur du bibliobus et qui lui donnent droit au prêt d'un livre indéfiniment renouvelable pendant l'année est très supérieur au nombre des cartes souscrites par un lecteur d'une bibliothèque de quartier. « Il en ressort que le besoin de lecture n'est pas satisfait entièrement avec une carte lorsque l'emprunteur n'a pas la possibilité de renouveler son prêt plusieurs fois par semaine ».

L'augmentation constante du nombre des cartes va de pair avec l'augmentation du nombre des prêts, qui est passé de 1.707 en décembre 1956 à 4.195 en mai 1957. Si la proportion des prêts par lecteur (15 prêts par inscription) reste encore inférieure à celle qui est atteinte par les bibliobus suédois ou par le bibliobus de « l'Enoch Pratt free library » à Baltimore, c'est que le système des cartes (100 francs par an et par carte) utilisé à Grenoble restreint dans une certaine mesure le nombre des emprunteurs; mais ce système de cartes payantes est imposé par le manque de personnel et la limitation à 5.500 volumes environ du stock des livres pour adultes du bibliobus. Quoi qu'il en soit, le nombre des prêts par rapport au nombre des volumes est très supérieur à celui qui est observé dans les bibliothèques municipales françaises et étrangères les plus fréquentées et n'est guère dépassé que par les bibliobus des comtés américains qui ont un district peu étendu et des contacts directs avec les emprunteurs.

La composition du public fait apparaître la prédominance très nette du sexe féminin, même aux stationnements de la voiture à des heures où les usines et les bureaux sont fermés. Une seule exception : celle de la cité ouvrière de l'Abbaye où le bibliobus stationne tous les samedis après-midi. Les enfants sont en très petit nombre, sans doute parce qu'ils n'aiment pas être mêlés à des emprunteurs adultes, mais les parents viennent souvent chercher des livres à leur intention. D'autre part, on observe une proportion relativement élevée de lecteurs appartenant à des milieux ouvriers.

M. Vaillant tente de dégager en conclusion quelques leçons de l'expérience de Grenoble : « Il semble bien qu'un bibliobus urbain, quelle que soit sa fréquentation, ne peut, en aucun cas, satisfaire complètement la demande des habitants des quartiers de trop grande densité. On ne peut en effet, si grande soit la longueur des stationnements, inscrire toutes les personnes susceptibles d'emprunter et surtout donner à chacune le nombre et la variété des livres qu'elle désire, s'il n'y a pas à la fois un gros stock de livres et un important personnel. Mais alors la question peut se poser de savoir s'il ne serait pas plus économique, comme le pensent beaucoup de bibliothécaires américains, d'avoir une bonne bibliothèque de quartier.

« Il n'en est pas moins vrai que le bibliobus urbain constitue à notre avis un excellent moyen de publicité pour susciter très rapidement de nouveaux lecteurs dans une ville où la fréquentation de la bibliothèque n'est pas établie dans les mœurs, Et surtout il a le grand avantage d'atteindre dans les quartiers périphériques de faible densité de population des lecteurs très sérieux qui n'ont pas les loisirs et les moyens de fréquenter des bibliothèques presque toutes trop éloignées de leur domicile. En d'autres termes, comme l'affirme un rapport de l' « Enoch Pratt free library » à Baltimore en 1952, un bibliobus urbain, s'il ne peut fournir la variété des ressources d'une bibliothèque de quartier, a en revanche l'avantage de répondre immédiatement, du moins partiellement, aux besoins nouveaux d'une ville en plein développement 2 ».

A la suite de l'exposé de M. Vaillant, il est procédé à la projection du film en noir et en couleurs qu'il a réalisé sur le bibliobus de Grenoble.

M. Julien CAIN, après avoir remercié M. Vaillant, insiste sur l'importance des conclusions qu'il a tirées de son expérience de bibliobus urbain et donne la parole à M. FILLET, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Tours, qui s'attache tout d'abord à montrer les différences qui existent entre le bibliobus de Grenoble et le « bibliocar » scolaire de Tours 3. Ce dernier véhicule est en effet exclusivement réservé à un public scolaire. A des enfants qui sont destinés à devenir plus tard le noyau des bibliothèques municipales, il est nécessaire d'apporter dès le plus jeune âge les moyens de satisfaire leur besoin de lecture, un besoin d'autant plus réel et d'autant plus vif que ces enfants sont très sensibles à l'actualité, que leur curiosité est universelle et qu'enfin l'achat de livres présente pour eux de grandes difficultés.

Le choix du bibliobus - un ancien car - a été déterminé par la nécessité de disposer d'un véhicule assez vaste pour accueillir une classe toute entière. La classe constitue en effet une unité qu'il est indispensable de ne pas scinder d'abord parce qu'elle est placée sous la responsabilité du maître et qu'ensuite les enfants s'y trouvent tout naturellement groupés par âge.

M. Fillet étudie les aménagements qui ont permis de transformer ce car en une véritable bibliothèque circulante et décrit l'arrivée du bibliobus dans une cour d'école. Il a pu constater que si, lors des premières tournées, les enfants choisissaient les livres souvent au hasard ou sous l'influence d'un camarade, leur comportement est devenu avec le temps plus réfléchi. De plus en plus, ils demandent conseil au bibliothécaire. S'ils restent encore sensibles à l'aspect attrayant de certaines collections, leurs préférences vont souvent à des livres présentés plus modestement, dont le texte leur paraît plus intéressant. A l'exception de quelques indécis, les emprunts effectués par les enfants sont très individualisés et très précis, et le bibliothécaire, loin de contrarier leurs choix, s'inspire au contraire des désirs qu'ils manifestent. M. Fillet se félicite enfin du soin avec lequel les enfants conservent les livres qui leur sont prêtés.

L'exposé de M. Fillet est suivi de la visite du bibliocar à laquelle participaient, outre les bibliothécaires et les personnalités invitées aux Journées d'étude, des représentants de la presse parisienne - quotidienne et hebdomadaire - ainsi que des journalistes de la Radiodiffusion télévision française. L'intérêt suscité par cette présentation - la première qui ait été faite à Paris - se reflète dans les nombreux articles et comptes rendus auxquels elle a donné lieu.

La mise en circulation de bibliobus urbains, de « bibliocars » scolaires ne constitue pas la seule possibilité qui soit ofierte aux bibliothèques municipales pour développer leurs activités et acquérir de nouveaux lecteurs.

A Châteauroux, comme à Villeurbanne, Mlle ENJOLRAS et Mme GUILLIEN ont organisé des visites commentées de leur bibliothèque à l'intention des élèves des écoles (centre d'apprentissage, école d'infirmières, école normale, etc.) qui se sont révélés par la suite dans leur majorité de fidèles lecteurs. Mme Guillien est, d'autre part, amenée à préciser les conditions dans lesquelles elle a instauré un système de prêt aux usines, mais elle doit reconnaître que ce système rend difficile un contact direct entre le bibliothécaire et les usagers. Les résultats sont plus appréciables si l'on peut atteindre les ouvriers à la porte même de leur usine.

A la demande de M. Cain, M. BLETON, conservateur au Service technique de la Direction des bibliothèques de France, évoque le service de prêt de livres réalisé aux usines Renault de la région parisienne par l'association « Loisirs et culture », œuvre sociale du Comité d'entreprise. La bibliothèque centrale, dont le siège est à Boulogne-Billancourt, ne pouvant atteindre l'ensemble des ouvriers, il a été mis en service trois bibliobus qui parcourent les communes de la région parisienne où sont implantées les usines Renault et qui transportent, dans des caisses, des livres et des périodiques destinés à être exposés sur des éventaires à la sortie des usines. Sur un total d'environ 42.000 personnes employées, on compte à l'heure actuelle 15.000 emprunteurs.

Une expérience faite par Mlle DUPIC, conservateur de la Bibliothèque municipale de Rouen, et directrice de la Bibliothèque centrale de prêt de Seine-Maritime, a également donné des résultats intéressants, le bibliobus s'arrête dans la cour de deux usines de la région au moment des sorties d'ouvriers le matin et le soir. Mais de telles initiatives se heurtent parfois, malheureusement, à l'indifférence du patronat.

M. LELIÈVRE fournit des précisions sur le projet de bibliobus qui est en cours de réalisation à Saint-Brieuc, ville moyenne d'une population de 40.000 habitants environ, dont le bibliothécaire a obtenu, grâce à l'appui de la municipalité, des résultats appréciables dans le domaine de la lecture publique urbaine. Certains quartiers excentriques se trouvant cependant défavorisés, entre les différentes solutions qui ont été proposées pour les approvisionner en livres, c'est finalement la formule du bibliobus urbain qui a été retenue comme la seule véritablement efficace.

Élevant le débat, M. Lelièvre ne croit pas cependant que l'on doive renoncer à édifier des bibliothèques de quartier. Il conçoit l'installation, comme à Toulouse, d'une bibliothèque dans un groupe scolaire en construction, à condition toutefois que la biblothèque demeure indépendante. Quant aux dépôts de livres effectués dans les écoles, l'expérience qui a été tentée à Marseille, démontre que cette formule valable dans les campagnes manque d'efficacité pour le développement de la lecture publique urbaine.

Si le bibliobus constitue, par son efficacité immédiate et son aptitude publicitaire, un moyen de diffuser le livre parmi des quartiers dépourvus de bibliothèque, M. Lelièvre estime qu'on doit attendre de la création d'annexes de prêt des résultats également appréciables. Les exemples de Nancy, de Bordeaux, de Nice démontrent en effet l'efficacité de cette formule. M. CAIN souhaite que sur ce plan une émulation s'établisse entre les villes et qu'un effort de propagande soit fait auprès des conseils municipaux.

A la demande de Mlle MONGINOUX, bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand, qui suggère que des réunions d'information soient organisées à l'intention des maires, M. CAIN se propose d'aborder cette question avec des représentants du Ministère de l'intérieur et, éventuellement, de l'évoquer au cours d'une session du Congrès des maires de France.

Sixième séance : Questions diverses.

Selon un usage désormais solidement établi, ce sont les questions diverses soumises par les bibliothécaires à la Direction des bibliothèques de France qui ont été évoquées au cours de cette dernière séance, placée sous la présidence de M. Lelièvre, remplaçant M. Julien Cain retenu par une commission siégeant à l'Unesco.

Mme BOUYSSI, conservateur de la Bibliothèque municipale de Pau, appelle l'attention de ses collègues sur la conservation sous cartonnage des journaux de grand format et leur soumet un modèle réalisé par un cartonnier local et comportant un dos articulé et des attaches de ruban de chaque côté. Le prix de ces cartonnages s'établit entre 200 F et 225 F. Le modèle permet la conservation de 60 numéros environ d'un quotidien et il est assez solide pour être classé verticalement.

M. MONNOT, sous-bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, présente les cartonnages en forme de boîte qui sont employés au Département des périodiques. Ils préservent entièrement les journaux de la poussière, mais ils doivent être classés à plat. Selon les formats leurs prix varient entre 223 et 306 F (prix établi pour une commande de 500 exemplaires); pour les fascicules de revues, la Bibliothèque nationale utilise des pochettes à soufflets renforcées qui coûtent de 46 à 80 F selon la grandeur.

Mlle DOUGNAC, conservateur en chef du Département des entrées de la Bibliothèque nationale, rappelle différents problèmes relatifs au dépôt légal et annonce la prochaine publication d'une brochure rassemblant les dispositions législatives afférentes au dépôt légal, qui sera distribuée aux bibliothèques.

Mlle SALVAN présente aux bibliothécaires l'étude de Mmes Delsaux et Drevet, conservateurs à la Bibliothèque universitaire de Paris, sur le catalogue alphabétique de matières dont il a été déjà rendu compte dans ce bulletin 4. Elle signale, en outre, l'intérêt d'un petit appareil pour la multigraphie des fiches utilisé par M. Archimbaud, bibliothécaire à la Bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand, et qui a le mérite d'être économique et d'un fonctionnement facile.

M. DESGRAVES, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, fait ensuite une communication sur l'établissement d'une bibliographie des travaux relatifs à l'imprimerie et aux imprimeurs, première étape d'un « corpus » ou catalogue collectif des ouvrages demandés en France au xve et XVIe siècle. En réponse à M. Desgraves, M. GUIGNARD, conservateur à la Bibliothèque nationale, expose la nature des différents travaux actuellement en cours à la réserve du Département des imprimés de la Bibliothèque nationale qui feront l'objet d'un article dans un prochain numéro du Bulletin des bibliothèques de France. M. Guignard considère qu'ils pourront servir de base aux travaux de bibliographie proposés par M. Desgraves.

M. LELIÈVRE demande aux bibliothécaires d'établir pour leur région, un plan de travail sommaire et de se mettre en relations avec MM. Guignard et Desgraves. Il regrette qu'il ne soit pas fait une place plus large dans l'étude des civilisations de l'histoire du livre et à sa diffusion.

Le problème des échanges de doubles qui avait déjà été évoqué au cours des dernières journées d'étude des bibliothèques municipales est soulevé de nouveau par M. JENNY, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Bourges. M. MASSON demande qu'un délai soit accordé à la Direction des bibliothèques de France pour terminer la répartition des doubles mis par les bibliothèques municipales à la disposition des bibliothèques sinistrées. Une politique générale d'échange des doubles est liée à la création d'une bibliothèque nationale de prêt; elle soulève de nombreux problèmes et M. BRUN fait remarquer qu'une grande partie des doubles entreposés dans les bibliothèques municipales est d'ailleurs constituée, par des ouvrages antérieurs à 1800, qui ne présentent bien souvent qu'un intérêt rétrospectif et local et que les possibilités d'échange auxquelles ces doubles pourraient donner lieu sont de ce fait assez limitées.

Certains bibliothécaires ayant formulé des observations sur les conditions dans lesquelles ils reçoivent le Bulletin des bibliothèques de France, M. POINDRON rappelle que les nécessités de l'impression exigent un délai d'un mois entre le moment ou le manuscrit du Bulletin est remis à l'imprimeur et celui où la revue est expédiée aux bibliothécaires. Cela explique qu'un numéro portant la date du mois de mars ne soit reçu que dans les premiers jours du mois de mai. M. Poindron fait appel à la collaboration des bibliothécaires de province pour la partie bibliographique et souhaite également recevoir avec régularité les comptes rendus de leurs activités.

M. LELIÈVRE faisant part d'une critique formulée par les membres de la Commission d'inspection et d'achat d'une bibliothèque qui ont estimé que le niveau du bulletin était trop savant et trop difficile pour être utilisé avec fruit, rappelle que le Bulletin ne constitue pas seulement un organe de liaison entre la Direction des bibliothèques de France et les bibliothécaires, mais aussi une revue bibliothéconomique de diffusion internationale qui doit conserver un niveau technique et scientifique élevé. Il a en outre été précisé que les frais d'impression étant importants, il n'a pas été possible de continuer certains services gratuits du bulletin.

M. GUIGNARD souhaite que le Bulletin publie des études sur l'histoire du livre; il lui est répondu que le programme du bulletin ne permettait pas de retenir pour le moment cette suggestion en ce qui concerne les monographies et les études de détail, mais qu'on pourrait peut-être soit envisager la publication de tels articles dans un numéro spécial comportant de plus nombreuses illustrations, soit y consacrer un fascicule des Cahiers des bibliothèques de France.

M. CAILLET, conservateur de la Bibliothèque municipale de Toulouse, fait des réserves sur les conditions dans lesquelles est assurée la conservation des manuscrits souvent très précieux appartenant aux trésors des cathédrales et émet le vœu qu'un droit de contrôle soit exercé sur eux par les bibliothécaires municipaux. M. LELIÈVRE estime que cette suggestion mérite d'être étudiée tout en soulignant les difficultés administratives auxquelles se heurterait un tel droit de contrôle accordé à des bibliothécaires lorsque ceux-ci ne sont pas fonctionnaires d'État.

Les questions soulevées par Mme GAUTHIER et par M. GRANET, conservateur de la Bibliothèque municipale de Nantes - et relatives l'une à la création de bibliothèques dans les collèges universitaires scientifiques, l'autre au remplacement du personnel municipal en congé de longue durée - ne donnent lieu à aucun débat.

Les questions diverses étant épuisées, M. LELIÈVRE tire les conclusions de ces Journées d'étude en faisant remarquer que la diversité des sujets exposés reflétait la complexité même du métier de bibliothécaire.

M. Lelièvre estime que dans les circonstances actuelles les bibliothécaires ont le devoir de ne pas négliger les problèmes de la documentation économique et technique et il démontre l'inanité de la querelle qui oppose bibliothécaires et documentalistes par cette considération : « la véritable documentation se fera toujours dans les bibliothèques ».

Revenant sur les questions relatives aux fonds spéciaux, M. Lelièvre rappelle que « du fait de circonstances historiques, les bibliothèques municipales sont devenues non seulement des cabinets de manuscrits, d'incunables et de reliures armoriées, non seulement des dépôts de livres au sens plein du mot, mais aussi des cabinets numismatiques et des cabinets d'estampes. Pourquoi renoncer à ce qui est un héritage, pourquoi ne pas développer ce qui est leur patrimoine? Il est indispensable que les bibliothécaires apportent tous leurs soins non seulement à la conservation de ces fonds, mais encore à leur développement, en tenant compte à la fois de leur intérêt documentaire et de leur caractère artistique ».

Enfin, M. Lelièvre insiste sur l'effort de publicité qui doit être fait pour que les bibliothèques tiennent dans la vie culturelle et économique du pays la place qui leur revient : « Le lustre et le prestige qui s'attachent à la mise en valeur d'œuvres d'art comme celles que les bibliothèques municipales conservent sont réels et ne doivent pas être négligés si l'on veut attirer sur les bibliothèques cette considération publique dont elles ont besoin pour poursuivre leurs autres tâches. C'est dans cette même perspective que l'on doit développer la documentation parce qu'elle constitue un moyen d'intéresser à la bibliothèque des secteurs du public qui ignorent encore que la bibliothèque leur est destinée ».

M. Lelièvre termine son exposé en assurant aux bibliothécaires que dans ces diverses tâches le concours de la Direction des bibliothèques de France ne leur sera pas ménagé.

Au cours des Journées d'étude, il avait été également organisé pour les bibliothécaires la visite d'un établissement spécialisé dans les divers procédés de photocopie. En outre, au début de la sixième séance, il fut procédé à une démonstration de reliure par encollage. Parmi les manifestations auxquelles les bibliothécaires participant aux Journées d'étude furent conviés, signalons encore la réception organisée par l'Association des bibliothécaires français dans les salons de l'Hôtel Lutétia le 4 décembre ainsi que le repas amical qui les réunit le même jour.

  1. (retour)↑  Voir : B. Bibl. France. 1re année, n° 3, mars 1956, pp. 167-177 ; 2e année, n° 3, mars 1957, pp. 219-221.
  2. (retour)↑  En ce qui concerne les aménagements intérieurs du bibliobus, M. Vaillant estime qu'à l'usage, quelques perfectionnements se sont révélés utiles, et notamment l'installation d'un ventilateur branché sur la batterie d'accumulateurs destinée au chauffage. Il serait également souhaitable d'avoir un escalier automatique commandé par l'ouverture de la porte et des cales pour éviter les mouvements de la voiture. En hiver, il est difficile d'éviter les émanations du chauffage au gaz butane, il n'y aurait pour cela qu'un remède, celui d'un chauffage électrique branché aux arrêts sur le courant de la ville. Pour la construction d'un autre bibliobus, M. Vaillant conseille un plafond un peu plus élevé, de 10 à 15 cm tout au plus, pour faciliter les expositions d'ouvrages au-dessus des rayons. Enfin la difficulté d'obtenir un personnel suffisant ne rend pas souhaitable un bibliobus plus spacieux.
  3. (retour)↑  Voir : B. Bibl. France. 2e année, n° 3, mars 1957, pp. 179-191.
  4. (retour)↑  Voir : B. Bibl. France. 2e année, n° 10, oct. 1957, p. 734 .