La lecture est un droit

La lecture est un droit

Les droits fondamentaux des détenus, dont l’accès aux livres et à la lecture, sont réaffirmés avec force par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, dans une liste de recommandations publiées au journal officiel le 4 juin 2020. Les bibliothèques de prison, ici évoquées au chapitre V, sont soumises à des contraintes spécifiques de temps et d’espace. Lieux d’éducation, d’information, de culture et d’échanges mais également lieux clos, difficilement accessibles et en prise avec de nombreuses difficultés humaines et économiques, ces bibliothèques sont des lieux à part. Les personnes qui les gèrent répondent avec plaisir à l’injonction qui leur est faite de faciliter l’instruction de leurs publics, d’aider ces populations caractérisées par un rapport compliqué à la lecture ou encore de favoriser les échanges et l’insertion.

La lecture est donc un droit fondamental non limité par une décision de justice et « chaque établissement [pénitentiaire] dispose d’une bibliothèque […] [1]». L’obligation de mise à disposition d’une bibliothèque est un cas unique en France et propre au milieu fermé. Rien n’impose, par exemple, aux élus de mettre à disposition de leurs administrés une structure de lecture publique. En prison, où la liberté d’aller et venir[2] est limitée, l’administration pénitentiaire se doit d’ « assurer le développement culturel[3] » par le biais de partenariats avec les bibliothèques municipales, les directions régionales d’action culturelle (DRAC) ou le Centre national du livre (CNL) notamment[4]. Les missions de ces bibliothèques si particulières sont, par ailleurs, clairement énoncées dans la circulaire du ministère de la Justice du 3 mai 2012 et dans le rapport n°9712 de 2006 de l’International federation of librarian association (IFLA). Elles doivent être : des lieux de lutte contre l’illettrisme, des lieux de formation et de professionnalisation, des lieux de ressource pour toutes les disciplines, des lieux d’information, de loisir et de socialisation. Chacune de ces six missions a pour objectif la réinsertion des personnes incarcérées. Chacune de ces six missions est entravée par les nombreuses difficultés auxquelles se heurtent les personnels travaillant dans ces structures : locaux exigus, accessibilité restreinte, manque chronique de moyens financiers et humains, etc.

Le peu de moyens alloués par l’administration pénitentiaire aux bibliothèques est un facteur majeur d’explication des difficultés de fonctionnement des bibliothèques de prison. La moyenne des budgets d’acquisition est d’environ 1000€ par an. Cette somme est nettement insuffisante pour mettre à disposition de collections fraiches, diversifiées et de qualité. La moyenne d’âge des collections, quasi exclusivement constituées grâce aux dons dans certains établissements, est comprise entre 5 et 10 ans. Le livre est souvent le seul support disponible alors même que d’autres média comme les supports audiovisuels seraient à privilégier en raison du fort taux d’illettrisme et du rapport compliqué que la majorité des détenus entretiennent avec la lecture. Dans ces conditions, il est très difficile de proposer une offre de qualité et en quantité suffisante. L’offre d’activités culturelles[5] est moins impactée par ce manque structurel et chronique de moyens dans la mesure où il est possible de faire appel à des financements publics ou privés. Contrairement aux acquisitions, les projets culturels de la bibliothèque peuvent être pris en compte dans le cadre de la programmation de l’établissement. Les DRAC peuvent participer au financement de ces actions, des financements européens peuvent être demandés et nombre de fondations peuvent être sollicitées[6].

Adèle Sini

[1] 6 Code de procédure pénale, art. D 441-2.

[2] Constitution du 4 octobre 1958, art. 66.

[3] Code de procédure pénale. Op. Cit.

[4] FEDERATION INTERNATIONALE DES ASSOCIATIONS ET INSTITUTIONS DE BIBLIOTHEQUES. Les bibliothèques / médiathèques en établissements pénitentiaires, fiche technique 4, 3 ème édition, rapport n°97, 2006.

[5] Code de procédure pénale, art. D44-1 : « Une programmation culturelle, résultant de la représentation la plus étendue des secteurs de la culture, est mise en œuvre dans chaque établissement pénitentiaire ».

[6] Cet article est extrait de : « Toute prison a sa fenêtre ». Bibliothèques de prison, islam et laïcité » dans Bibliothèques, religions, laïcité / sous la direction de Fabienne Henryot. Éditeur : Paris : Hémisphères : Maisonneuve & Larose, DL 2018. Description : 1 vol. (281 p.) : ill., cartes, graph., couv. ill. en coul. ; 24 cm