L'oeuvre éducative, les bibliothèques et la lecture publique en afrique occidentale française

Dr. A. Hahn

Impressions de mission

D'une étude du Dr Hahn, rédigée à la suite de sa mission en Afrique occidentale française, nous extrayons les passages suivants particulièrement consacrés au développement des bibliothèques. Nous avons maintenu dans le texte les paragraphes relatifs à l'œuvre du Service de Santé en A. O. F., bien qu'ils ne concernent pas directement les bibliothèques, en raison de l'importance et de l'activité des centres médicaux.

Une mission.

L'une des préoccupations dominantes de la Direction générale de l'enseignement en Afrique occidentale française, au moment où le développement de l'enseignement secondaire se confirme et que plus nombreux sont les étudiants africains, tend à confirmer la structure de l'enseignement supérieur et à créer à Dakar une Université africaine moderne, dont l'Institut des hautes-études a été la première expression.

C'est pourquoi, répondant à l'invitation de M. le Recteur Jean Capelle, directeur général de l'éducation en A. O. F. et président du conseil de l'Institut des hautes-études, M. l'Inspecteur général A. Masson me proposait une mission en Afrique occidentale française. Je devais organiser la future Bibliothèque fédérale et universitaire de Dakar et étudier les possibilités locales de création d'un centre et d'un réseau de lecture publique en Afrique noire. J'acceptai en pensant non seulement à l'intérêt du voyage mais aussi et surtout à la contribution que pourrait apporter cette mission au développement de l'œuvre éducative et de la culture française.

La situation des bibliothèques africaines et de la lecture publique à la veille d'une mission.

Au lendemain d'un voyage d'information qui avait conduit M. l'Inspecteur général A. Masson au Nigeria, en Gold-Coast, en A. O. F. et au Maroc, à l'occasion du stage d'études sur le développement des bibliothèques publiques en Afrique organisé par l'Unesco en 1953, à l'Université d'Ibadan, la situation très différente des bibliothèques et de la lecture publique dans ces territoires avait été soulignée.

Au Maroc, la Bibliothèque générale, d'abord orientée vers l'étude scientifique du pays, avait ouvert des annexes de lecture publique, sans toutefois négliger sa mission première. En Afrique occidentale où il n'y avait pas eu pratiquement de bibliothèques normalement organisées jusqu'à la création officielle, en 1938, de l'Institut français d'Afrique noire (I. F. A. N.), les établissements dispersés et très spécialisés souffraient d'un manque de cohésion. Les bibliothèques des écoles supérieures, constituées en 1950, sur l'initiative de M. le Recteur G. H. Camerlynck, au moment de la création de l'Institut des hautes études (I. H. E.), ne représentaient encore qu'une faible expression de ce qu'il convient d'appeler une bibliothèque universitaire.

La bibliothèque de l'I. F. A. N., devenue en même temps celle du Gouvernement (25.000 ouvr., 1.800 pér.), pouvait être considérée comme la seule bibliothèque de haute culture de Dakar. Les Archives constituaient un service particulier du Gouvernement général. Aux chefs-lieux des territoires, les neuf bibliothèques des gouverneurs, fréquentées surtout par des chercheurs et des Africains évolués, avaient été versées aux centres I. F. A. N. et confiées à des agents techniques recrutés sur place. A Dakar même, on comptait en 1953 une dizaine de bibliothèques dépendant de l'Institut Pasteur, de l'Ecole de médecine, des laboratoires de recherches de la Direction de la santé, de l'Inspection de l'élevage, du Service météorologique et de la Direction des travaux publics. Elles ne comportaient que de 1.000 à 5.000 volumes et de 50 à 100 périodiques. Les bibliothèques municipales étaient pratiquement inexistantes. Théorique à Dakar, celle de Saint-Louis avait été rattachée au centre I. F. A. N. Deux bibliothèques de cercles privés ne comportaient que peu d'ouvrages mais un effort venait d'être tenté par l'Alliance française avec 2.000 volumes. On ne comptait à cette date que deux bibliothécaires qualifiés : Mme R. Laurens-Machatre, chef de la section de documentation de l'I. F. A. N., et Mlle Suzanne Séguin, bibliothécaire détachée à l'I. H. E.

La supériorité apparente des établissements du Commonwealth britannique semblait tenir essentiellement au nombre et à la qualité du personnel scientifique européen, aux méthodes employées par le « British Council » et la « Library Association » de Londres ainsi qu'aux conditions historiques et économiques qui rendaient possible un plus large effort en faveur de la lecture publique. Des dispositions étaient également prises par l'enseignement et les stages en Grande-Bretagne, pour la formation du personnel africain nécessaire.

Quelle était la situation de ces établissements? En Gold-Coast, le Comité des bibliothèques ne datait que de 1949 et la création de la Bibliothèque centrale d'Accra, avec ses trois filiales temporaires et ses quatre bibliothèques enfantines de 1950. Le fonds de livres s'élevait trois années plus tard à environ 70.000 volumes. La lecture publique bénéficiait d'un système de distribution d'ouvrages par caisses-bibliothèques et bibliothèques itinérantes.

En Nigeria, la Bibliothèque du Collège universitaire d'Ibadan, fondée en 1948, inaugurait ses nouveaux bâtiments qui allaient accueillir 250 lecteurs et 250.000 volumes pour une clientèle universitaire d'environ 500 étudiants, sensiblement équivalente à celle de nos étudiants dakarois. Elle comptait alors 60.000 volumes et recevait régulièrement 1.000 périodiques. Il n'existait pratiquement pas de bibliothèques publiques, mais de simples collections de 2 à 3.000 volumes. On notait cependant, dans certaines provinces, un service régional de bibliothèques approvisionnant environ 150 salles de lecture par le moyen d'un système de caisses de livres.

L'œuvre du Service de santé en A. O. F.

L'oeuvre sanitaire est la plus ancienne. Elle est due à l'action du corps de santé militaire, bordelais pour la plus large part, et aux découvertes des pastoriens. Dakar nous la rappelle dans son Hôpital militaire principal (1890) qui doit faire place à la Cité hospitalière de Fann, plus proche de la nouvelle Ecole de médecine. L'Hôpital Le Dantec et la Maternité africaine (1913) abritent les services de cliniques, où étudiants et élèves sages-femmes suivent l'enseignement des médecins-chefs de service et des professeurs de l'école. On se plaît à y retrouver ses pavillons séparés, ses services modernisés, ses blocs opératoires, les bibliothèques et centres de documentation spécialisés et cet enseignement audio-visuel si nécessaire aux auxiliaires médicaux. L'action médicale se rapproche davantage de la population africaine à la Polyclinique Roume (1934), véritable centre de santé au cœur de la Médina et recevant plus de 100.000 consultants chaque année.

A la lutte contre les épidémies et les affections tropicales s'attachent les noms de Marchoux, de Jamot et de tous les médecins qui, depuis 1896 au laboratoire de bactériologie de Saint-Louis, puis depuis 1913, se sont succédé à l'Institut Pasteur de Dakar, dont les bâtiments actuels datent de 1938, et dans sa filiale de Kindia créée en 1923. Ils évoquent une lutte ardente contre le paludisme, la dysenterie, la lèpre, la maladie du sommeil, la peste, la bilharziose, les hélminthiases et spirochètoses. Ils rappellent aussi les étapes de cette lutte contre la redoutable fièvre jaune et la découverte en 1939 de la vaccination anti-amarile.

Au service de l'assistance médicale indigène, créée en 1905 et dont l'action permanente s'est étendue, avec la collaboration des médecins et sages-femmes africains formés dès 1918 à l'Ecole africaine de médecine, nous associerons la Direction générale de la santé publique à qui l'on doit, depuis 1913, outre la création de laboratoires de recherches, la création de 15 hôpitaux, de 500 dispensaires et 200 maternités et l'Institut central de la lèpre à Bamako.

Des recherches d'un grand intérêt social sont d'autre part entreprises à l'Office des recherches sur l'alimentation et la nutrition africaine (ORANA) et au Centre de transfusion sanguine, de toute récente création.

Diverses publications synthétisent enfin l'activité scientifique du corps médical : le Bulletin médical de l'A. O. F. (Dir. gén. de la santé), les Bulletins et mémoires de l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie, la Médecine d'Afrique noire ainsi que les Rapports de l'Institut Pasteur et les Mémoires de l'ORANA.

L'œuvre de l'enseignement et de l'éducation en A. O. F.

Dès 1817 fonctionnait à Saint-Louis la première école française. Cependant, le développement de l'enseignement, bien que secondé par les missions chrétiennes tant du point de vue sanitaire que culturel ou religieux, n'a été que progressif. Il s'est heurté à d'énormes difficultés humaines et financières mais son œuvre n'en est pas moins considérable. Après l'Ecole William-Ponty fondée à Gorée puis transférée à Dakar en 1936, trois autres écoles ont été créées peu avant la guerre, deux au Soudan, à Datibouga et Sévaré, la troisième à Dabou en Côte-d'Ivoire. L'enseignement du 1er degré est distribué dans les écoles des villages et des villes par des instituteurs africains formés dans ses écoles normales et vingt cours normaux. Une école normale de filles a pu être créée à Rufisque en 1939.

Parallèlement, l'enseignement secondaire est donné à présent dans quatre lycées à Saint-Louis (1920 : lycée Faidherbe), à Dakar (1925 : lycée Van Vollenhoven), à Bamako et Abidjan, dans dix collèges classiques et vingt-quatre collèges modernes. Une école supérieure technique fonctionne à Bamako et un collège technique de commerce à Dakar (1947). L'enseignement technique est assuré dans 112 établissements, dans 7 centres d'apprentissage et 6 collèges techniques d'industrie.

Depuis 1950, la direction générale de l'enseignement est confiée à un recteur, assisté de cinq inspecteurs d'académie.

Nous ne saurions également oublier de rappeler l'action des services géologiques, géographiques et météorologiques dont les travaux sont remarquables ni celle des services de l'élevage, de l'agriculture et des eaux-et-forêts auxquels est dévolue la lourde tâche de transformer l'économie du pays en éduquant le paysan africain.

C'est enfin à la contribution de l'organisme métropolitain de la Recherche scientifique Outre-mer que sont dus les laboratoires de géophysique de M'Bour, de pédologie de Hann et d'agronomie tropicale d'Adiopodoumé, près d'Abidjan.

Expériences éducatives en A. O. F.

Nous avons pu, au cours de notre mission, prendre contact avec divers services d'éducation des adultes et des jeunes. Certains ont retenu notre attention comme base de notre enquête sur la lecture publique.

Les équipes mobiles de l'éducation de base, dues à l'initiative de M. le Recteur Camerlynck et de M. l'Inspecteur primaire Terrisse, sont nées en 1951 de l'expérience de M'Boumba, village sénégalais de 1.800 habitants ne possédant ni école, ni dispensaire. Elles prennent le village et non l'individu pour le cadre d'une action placée sous le signe fonctionnel dont les habitants sont eux-mêmes les artisans, sous l'impulsion d'une équipe de spécialistes européens et africains qualifiés. L'accueil réservé aux membres de cette mission et les résultats obtenus bien que partiels ont montré que la population pouvait profiter des moyens audiovisuels modernes employés dans la lutte contre l'analphabétisme, pour la diffusion des conseils de santé, des méthodes nouvelles en agriculture, élevage et eaux-et-forêts, pour la formation professionnelle des artisans ruraux, pour l'habitat ou les travaux d'intérêt collectif. L'éducation de base doit trouver sa suite logique dans l'implantation de l'école. Il semble cependant qu'elle doive se heurter au désir qu'a l'Africain de bénéficier d'une instruction complète et non plus élémentaire pouvant susciter l'attribution de diplômes dont la valeur pourrait être contestée.

En opposition avec les centres culturels, essentiellement administratifs et dirigés par la Direction des affaires sociales du Gouvernement général et dont l'action se limite à la distribution de livres et de films non soumis au choix, les Maisons des jeunes, constituées en associations privées sous le contrôle de la Direction de la jeunesse et des sports, ont une action pédagogique certaine. La première de ces Maisons a été construite à Dakar en 1953 et inaugurée en novembre 1955. Elle compte actuellement près de 400 membres (300 garçons et 100 filles) de 15 à 20 ans, en majorité employés. Centre de formation, la Maison de jeunes est installée et décorée par les jeunes eux-mêmes qui contribuent à son fonctionnement par une cotisation personnelle. On y trouve salle de jeux, terrain de sports, ateliers de peinture et de couture, ciné-club, salle de conférences (le jour de ma visite, une conférence sur « Victor-Hugo, l'homme et son oeuvre » retenait l'attention soutenue de toute une pléiade de garçons et de filles) et bibliothèque où je pus me rendre compte du choix exclusif qui était fait des oeuvres classiques, à l'exclusion de toute œuvre romancée ou dont le caractère pourrait faire soupçonner une quelconque orientation.

Les Maisons de jeunes semblent devoir être des organismes d'avenir en A. O. F. si, comme à Dakar, elles peuvent bénéficier d'une direction dont l'Africain sait reconnaître la compétence. Il est vraisemblable qu'elles se substitueront peu à peu aux centres culturels et qu'elles nous apporteront la possibilité d'amorcer la lecture publique en Afrique noire.

L'ceuvre de scolarisation.

Faibles encore en apparence, les taux de scolarisation ne sont encore que de 10,9 % de la population scolarisable et de 1,6 % de la population totale, soit environ 286.000 élèves (dont 66.000 filles). Ils marquent cependant une progression rapide depuis 1946 où ils n'atteignaient que 4,7 % et 0,67 %. Le nombre des élèves reçus respectivement au C. E. P., au B.E. et au B. E. P. C., au baccalauréat ou au brevet de capacité coloniale s'élevait en 1955 à 7.010 (c. 2.136 en 1946), à 951 (c. 52) et à 511 (c. 60).

Le moment semble donc venu de constituer ce cycle complet de l'enseignement supérieur en Afrique noire. Après l'Ecole africaine de médecine et l'Ecole préparatoire de médecine, après l'Institut des hautes études qui en ont été les étapes, l'Université africaine de Dakar en exprimera la synthèse et le rayonnement.

L'Institut français d'Afrique noire.

Dans cet ensemble de culture encyclopédique qui honore l'Afrique occidentale française, l'œuvre de l'Institut Français d'Afrique noire mérite tout particulièrement d'être soulignée. Fondé en 1938 par l'Inspecteur général Charton et le Pr. Th. Monod, du Muséum d'histoire naturelle de Paris, l'I. F. A. N. a repris, pour l'élargir, l'ancien Comité d'études historiques et scientifiques de l'A. O. F. organisme gouvernemental permanent de recherches, il a pour mission un inventaire approfondi du milieu naturel des hommes de l'Afrique occidentale. Son activité est remarquable aussi bien par l'organisation et la coordination des recherches que par sa documentation et ses nombreuses publications : bulletin, études, etc. qui font autorité. Dans le domaine des sciences humaines il participe aux travaux archéologiques, préhistoriques, ethnographiques et géographiques. Il contribue d'autre part aux recherches des laboratoires de zoologie, botanique, océanographie et de biologie marine.

L'I. F. A. N. comprend un centre fédéral à Dakar et des centres locaux dans tous les territoires de l'Afrique noire. Le plus récent vient d'être inauguré à Saint-Louis. Ses bibliothèques constituent actuellement les seuls centres de haute culture. A Dakar même, la bibliothèque publique de l'I. F. A. N. est riche d'un fonds de plus de 30.000 volumes et d'environ 2.000 périodiques. Son catalogue vient heureusement compléter un classement par ordre alphabétique d'auteurs et par formats qui en rend la consultation assez délicate.

L'enseignement supérieur en A. O. F.

Le projet de décret portant création d'un Institut universitaire date de juin 1949. Mais même avant d'être érigé en académie, l'Afrique noire possédait un premier établissement d'enseignement supérieur qui fit l'objet d'une cérémonie solennelle à Dakar le 20 juin 1949.

L'École préparatoire de médecine se substituait alors à l'École africaine de médecine créée en 1918 et dont l'enseignement limité à 4 années d'études et réservé aux élèves pourvus du brevet élémentaire avait permis de constituer le cadre des médecins et sages-femmes africains nécessaires au développement de l'œuvre sanitaire. La nouvelle cité universitaire de Fann, proche de Dakar, avait été mise en chantier au printemps de 1948. Œuvre du FIDES, elle comprend aujourd'hui dans un site remarquable, un internat et les bâtiments modernes et luxueux de l'École de médecine et de ses services de recherches. C'est dans ce cadre que doivent se trouver prochainement rassemblés les diverses écoles, un groupe hospitalier et la future Bibliothèque fédérale et universitaire.

L'enseignement supérieur ne date officiellement que de 1950, date de la création de l'Institut des hautes études de Dakar (Décret 6.4. 1950) et de l'Académie d'A. O. F. (Décret 27.11. 1950). Le Recteur, président du conseil de l'institut, est chargé des fonctions de directeur général de l'enseignement (puis de l'éducation) en A. O. F., la direction locale de l'enseignement étant confiée à un vice-recteur, inspecteur d'académie.

L'Institut des hautes études de Dakar.

Rattaché aux universités de Paris et de Bordeaux, l'I. H. E. comprend 4 écoles: École supérieure de droit (Lic. I-IV ; Cert. de droit et coutumes d'O. M.; Dipl. d'études adm. de l'A. O. F.; Centre de préparation au concours B de l'École Nle de la France d'Outre-mer); Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie (Doct. I-III ; stages en pharmacie et chirurgie dentaire); École supérieure des sciences (P. C. B.; M. P. C.; S. P. C. N.; Mathém. génér.; C. E. S. Botanique); École supérieure des lettres (Cert. d'études littér. classiques et modernes). Son régime d'études, de programmes et de conditions d'attribution des diplômes d'État est le même que celui en vigueur dans la métropole. Son corps enseignant est constitué essentiellement de membres du corps métropolitain détaché à Dakar. Les directeurs sont nommés et non soumis à l'élection.

Le nombre des étudiants inscrits à l'I. H. E. n'a cessé de s'accroître. En 1951-52 : 229 étudiants. En 1955-56 : 487 étudiants, dont env. 36 % d'étudiants originaires de la métropole (garçons : 71 %; filles 29 %) et 64 % de l'Union française (garçons : 96 % ; filles : 4 %). La répartition entre les écoles de droit (181, dont 105 Africains et moitié d'auditeurs libres pour la préparation des concours administratifs), de médecine et pharmacie (80, dont 52 Africains), de sciences (146, dont 99 Africains) et de lettres (80, dont 54 Africains) reflète l'intérêt que les jeunes Africains portent aux sciences et un certain parallélisme avec le nombre des élèves des classes terminales du second degré qui compte 219 élèves de philosophie pour 167 de sciences expérimentales et 162 de mathématiques générales.

Les résultats acquis aux examens (droit : 56 %; sciences : 65 %; lettres : 31 % de reçus) témoignent de la valeur de l'enseignement malgré les critiques dont il peut faire l'objet soit dans le sens d'une infériorité relative, soit dans celui d'un ajustement insuffisant ou d'une comparaison avec des institutions créées dans d'autres pays et qui portent déjà le nom d'universités. Cet ensemble de haute qualité ne pourra que s'affermir et les causes d'un certain malaise disparaître, lorsque l'I. H. E. qui n'a pu obtenir en 1950 le titre d'universitaire, sera doté d'un nouveau statut organique et bénéficiera d'un corps enseignant entièrement permanent.

L'on comptait en 1956 soixante-deux enseignements (droit : 18; médecine-pharm. : 17; sciences : 15; lettres : 12) assurés par quarante-sept professeurs (droit : 11; médecine-pharm. : 17; sciences : 15; lettres : 4), trente chefs de travaux et soixante-dix-sept assistants. Le secrétariat est en outre assuré par un secrétaire général, assisté de secrétaires pour chacune des écoles.

La future université africaine de Dakar.

Comme l'Académie, la future Université de Dakar doit être conçue pour servir le pays qui la porte. Nous ne saurions mieux en définir le caractère qu'en rappelant ce qu'écrivait, il y a peu de mois, M. le Recteur J. Capelle. Pour prendre rang parmi les grandes universités françaises, lisions-nous, l'Université africaine de Dakar doit d'abord être au service de l'Afrique noire et s'attacher à la formation de tous les élites dont l'Afrique a besoin et à l'étude des problèmes techniques, économiques ou sociaux que pose la recherche du mieux-être et du progrès dans ce vaste pays. Elle se doit d'accomplir cette double mission en coopération étroite avec tous les animateurs de la vie africaine, avec tous les services scientifiques et techniques qui ont des responsabilités immédiates dans la conduite pratique des entreprises ou des collectivités.

Mais aussi doit-elle ajuster ses programmes à ceux des universités métropolitaines. C'est dire que ces programmes, tout en étant spécifiquement élaborés pour les besoins de l'Afrique et tout en illustrant les données scientifiques permanentes par des applications africaines, doivent être également couronnés par des examens ayant, sauf cas exceptionnels, la même dénomination, la même consécration et la même valeur d'utilisation dans toute l'Union française que ceux délivrés par les universités de la Métropole.

Il faut enfin que le préjugé de plus grande facilité qui, aux yeux des autochtones et peut-être aussi des métropolitains, risque de nuire à son prestige soit à jamais effacé par l'institution d'un statut du corps professoral qui doit être le même que celui des universités métropolitaines et prévoir une même appartenance et un cadre unique soumis à des conditions identiques de nominations ou de mutations. Un élément supplémentaire de qualité et d'unité serait ainsi apporté à l'Union française sur le plan de l'esprit.

A ces impératifs caractériels, M. le Recteur J. Capelle désire associer une formule moderne de structure inspirée de l'exemple des grandes universités. Plus souple que la conception universitaire française du xixe siècle, exclusivement professionnelle, elle associerait, dans le cadre de l'université, des départements scientifiques groupant des disciplines voisines où l'étudiant irait chercher sa formation scientifique de base, des écoles ou facultés qui encadreraient les jeunes gens se consacrant à un même ordre d'activité et désireux de compléter leur formation par tout un ensemble de connaissances pratiques orientées vers la future profession et des instituts de recherches qui sont à la base de tout enseignement supérieur, parce qu'ils préparent les données de progrès de la société de demain.

Les Bibliothèques universitaires.

Créées grâce à l'intervention personnelle de M. le Recteur Camerlynck en 1950, sauf celle de l'École de médecine, héritière des collections plus numériques que qualitatives de l'ancienne École africaine de médecine, dans le cadre des quatre écoles supérieures de l'I. H. E., les trois bibliothèques universitaires : Droit-Lettres, Médecine, Sciences, ont été consacrées jusqu'ici aux besoins propres des étudiants et de l'enseignement classique. Elles ne constituent encore qu'une ébauche de grande bibliothèque universitaire s'ouvrant à la fois aux travaux du corps enseignant ou des étudiants et à la recherche scientifique. Administrées jusqu'en 1955 sous l'autorité directe des directeurs des écoles et parties intégrantes de ces établissements, elles bénéficient depuis 1956, grâce à l'heureuse initiative de M. le Recteur Capelle, d'une certaine autonomie, sous le contrôle du recteur et de la Commission de la bibliothèque, chargée, avec la collaboration des sous-commissions désignées par chaque école, de la répartition des crédits et du choix des acquisitions. Pratiquement, en l'absence d'un emploi de conservateur, chef d'établissement, le fonctionnement technique reste identique à ce qu'il était précédemment et la collaboration entre directeurs, professeurs et bibliothécaires se poursuit dans une formule qui restera celle de la future bibliothèque centrale.

De création récente, ces bibliothèques ne possèdent encore actuellement qu'un fonds restreint rassemblant essentiellement des ouvrages et des périodiques édités pour la plupart au cours des dix dernières années. Le fonds ancien n'exprime plus les formes évolutives de la science moderne. L'ensemble des collections peut être évalué à 25-30.000 titres d'ouvrages, brochures, thèses et périodiques classés par disciplines et par format et à 36.000 volumes, chacun des volumes d'un même ouvrage, chaque brochure ou thèse constituant une cote. Les collections de périodiques au nombre de 793, classées par ordre alphabétique et indexées, n'ont pu jusqu'ici, faute du personnel scientifique suffisant, être enregistrées et cotées.

Le catalogage des entrées n'était que très sommaire jusqu'à la nomination, en octobre 1952, de Mlle Séguin (Mme Carlier), à qui échut la très lourde charge de réinstaller, de mettre en ordre et de diriger le fonctionnement des bibliothèques dispersées des quatre écoles. Nous nous plaisons à rendre hommage à l'œuvre accomplie dans des conditions difficiles et qu'elle réalisa seule, pendant deux années, secondée par deux Africains pourvus seulement du certificat d'études, une dactylographe française, deux relieurs africains et pendant quelques mois par une institutrice détachée. Sur l'initiative de M. l'Inspecteur général A. Masson, un second bibliothécaire, M. Chauveinc, était nommé à Dakar et chargé des sections Sciences et Médecine. M. Donati, muté en décembre 1954, a pris en charge la section de Droit jusqu'en mai 1955. Son poste est actuellement vacant.

Le fonds moderne n'est lui-même, pour une très large part, que l'expression fonctionnelle des enseignements particuliers et des recherches personnelles du corps professoral et de ses assistants. C'est dire que certaines disciplines ne sont que peu ou pas encore représentées et que les préoccupations d'avenir devront être essentiellement axées sur un désir de satisfaire parallèlement aux besoins de l'immédiat mais aussi à la constitution de collections de base, traités, thèses, périodiques anciens, sources d'informations indispensables et à l'achat d'ouvrages de références, de biographies et de bibliographies, d'ouvrages de culture générale et encyclopédique, de publications se rapportant au caractère africain de l'Université.

Nous retiendrons cependant qu'un gros effort a été déjà réalisé depuis 1952 pour assurer la constitution de ce fonds culturel de base et qu'il se poursuit à un rythme aussi rapide que possible. Nous signalerons aussi d'heureuses réalisations, exemples de collaboration entre professeurs et bibliothécaires, telle la communication mensuelle aux diverses chaires des catalogues de librairies ou de ventes publiques ou privées ainsi que la diffusion hebdomadaire des listes des récentes acquisitions.

Mais nous avons aussi pu constater les effets néfastes des conditions d'application du prêt à long terme et du déplacement de collections entières, faisant obstacle à la communication libre et rapide des publications et qui ne doit s'appliquer qu'à des cas exceptionnels ou des disciplines très spécialisées.

Si le budget d'acquisitions et de fonctionnement est relativement important (10.000.000 F CFA), le nombre du personnel scientifique est nettement insuffisant : deux bibliothécaires détachés du cadre métropolitain. Bien que secondé par des auxiliaires non techniciens ou des agents du cadre local, il ne peut suffire à la lourde tâche qui lui est assignée. Le problème de recrutement se pose avec d'autant plus d'acuité que la réforme administrative mise en oeuvre prochainement dans les territoires d'Outre-mer doit faire une large place au personnel africain non encore préparé à cette tâche. Si dans le cadre général l'accession du personnel scientifique est soumis à l'obtention des diplômes auxquels métropolitains comme Africains peuvent prétendre, il devient nécessaire pour le cadre local réservé aux emplois techniques d'envisager des programmes d'examens adaptés et des facilités particulières d'accès. C'est dans ce sens que j'ai eu l'honneur de soumettre à M. le Recteur un premier projet relatif au sous-bibliothécariat et à un enseignement local de la bibliothéconomie et de la documentation.

Une autre impression est celle de la fréquentation relativement faible des salles de lecture, où l'on trouve des catalogues bien rédigés. Elle tient essentiellement au développement du prêt extérieur et aux bourses d'études et d'achats de livres dont bénéficient les étudiants, qui pratiquement ne sont pas soumis au paiement des droits de bibliothèque. Mais l'action et l'activité d'une bibliothèque n'est pas le fait de la seule fréquentation, elle tient surtout à la qualité de ces collections et aux possibilités de travail qu'elle peut offrir. Cette activité est réelle en fonction du nombre des étudiants et des professeurs. Le tableau résumé ci-dessous en donne un aperçu (voir tableau).

Un atelier de reliure propre aux bibliothèques rend les plus grands services, (il n'y a pratiquement pas d'ateliers à Dakar). Son fonctionnement est assuré dans d'excellentes conditions par une équipe de cinq relieurs africains.

L'aménagement des trois sections de la bibliothèque universitaire pose cependant dès maintenant des problèmes difficiles à résoudre. C'est ainsi que la Section de médecine ne dispose que d'une grande salle, mais sans bureau et avec seulement quelques rayonnages sans possibilité d'extension. Si le cadre est luxueux, l'installation matérielle ne correspond plus aux besoins et le classement des acquisitions doit très prochainement en souffrir. La Section des sciences ne dispose que d'une petite salle et ses magasins seraient insuffisants si le déplacement des collections dans les laboratoires n'apportait une solution temporaire, mais non recommandable. La Section droit-lettres, installée dans une dépendance de l'internat, ne dispose plus, elle aussi, d'aucun emplacement et le personnel doit assurer son service dans des conditions très relatives de calme et de confort matériel.

Il est un dernier point sur lequel M. l'Inspecteur général A. Masson avait déjà insisté en 1953, l'I. H. E. ne reçoit pas encore l'ensemble des thèses françaises. Il conviendrait que la Commission des thèses en décide dès que possible l'échange régulier comme elle l'a fait antérieurement pour Rabat. Elle répondrait ainsi à l'un des plus vifs désirs du corps enseignant.

La nouvelle bibliothèque fédérale et universitaire.

L'étude de ces divers problèmes et la réorganisation des bibliothèques des écoles dans le cadre des bibliothèques universitaires métropolitaines méritait donc de retenir l'attention. Ce fut, sur l'invitation de M. le Recteur J. Capelle, dont on sait l'intérêt qu'il portait comme recteur de l'Académie de Nancy aux bibliothèques universitaires et aux bibliothèques des centres scolaires, l'objet principal de ma mission de trois mois. Elle devait aboutir à situer le caractère de la nouvelle Bibliothèque fédérale et universitaire dans le cadre de l'Université africaine et à fixer les plans de construction du nouvel établissement.

Il m'est, en cette occasion, agréable de rendre hommage à l'accueil si bienveillant et compréhensif que voulu bien me réserver M. le Recteur J. Capelle. A la base de la large enquête qui précéda le choix des décisions à prendre, se situent les utiles conversations que j'ai eues avec les membres du cabinet du Haut commissariat, les directeurs et les professeurs des écoles, le Secrétaire général de l'I. H. E. M. Meyrignac, l'Architecte en chef du Gouvernement général, M. Cerruti et les chefs des instituts et services fédéraux, des représentants des étudiants et diverses personnalités que leur fonction conduisait normalement à s'intéresser aux problèmes de diffusion des méthodes d'éducation et de la lecture publique. Chez tous, et bien que dans certains cas il fut nécessaire d'ajuster des impressions différentes, il m'a été permis de discerner cette marque d'intérêt qui est à la base de tout travail positif.

Enfin, c'est avec la collaboration étroite des deux bibliothécaires en exercice Mme Carlier et M. Chauveinc, que j'ai pu mettre au point le plan des besoins fonctionnels intéressant le fonctionnement et la construction de la nouvelle bibliothèque.

Nous en rappellerons brièvement le caractère. Appelée à recevoir des étudiants, des membres du corps enseignant des diverses écoles supérieures, des chercheurs attachés aux instituts et des techniciens appartenant à toutes les disciplines, la Bibliothèque fédérale doit également atteindre un public désireux de s'informer ou de poursuivre des travaux documentaires de culture générale et contribuer à la diffusion de la lecture publique d'un degré moyen ou supérieur. Elle se situe enfin dans cet ensemble de haute culture que doit devenir la Cité universitaire de Fann et dans lequel, aux côtés des écoles, de la Cité hospitalière, de l'Internat et du Rectorat, un auditorium moderne de mille places accueillera les cérémonies solennelles, les conférences publiques et les manifestations culturelles, musicales ou théâtrales.

Il fallait aussi tenir compte de l'accroissement du nombre des étudiants et des enseignements actuels et d'avenir, des besoins des départements scientifiques et des instituts de recherches et du caractère de capitale fédérale de la ville de Dakar dont la population est passée de 25.468 habitants (dont 2.791 Européens) en 1918 à 252.000 (dont 30.000 Européens) en 1956.

La construction et l'aménagement de la bibliothèque impliquait également certaines conditions d'orientation et de protection des collections en pays tropical. Ils devaient tenir compte, outre les impératifs habituels d'accueil des lecteurs, de rapidité de service, de crédits, etc., des alizés, de la poussière, du soleil, de la chaleur et de la luminosité, du degré hygrométrique et des techniques particulières de l'habitat africain.

Voulez-vous que nous le visitions ensemble? Le nouveau bâtiment constitue un ensemble majestueux, orienté est-ouest, à l'extrémité de cette large avenue ornée de jeunes palmiers, qui, de la Corniche voisine de l'Océan, encadrée des bâtiments modernes des écoles, aboutit à la bibliothèque et à l'auditorium. Il impose de loin sa silhouette par sa façade de 64 mètres dominée par une tour de 44 mètres dont la terrasse constitue un point de vue admirable sur Dakar, l'Océan et la presqu'île du Cap-Vert. En arrière et de chaque côté dé la tour centrale, deux étages flanqués de galeries. Le premier étage est réservé aux deux salles de lecture (17 X 8 m) de 96 places chacune, auxquelles sont annexées des salles de périodiques et des cabinets de travail pour le personnel enseignant. L'une est affectée aux disciplines littéraires et juridiques, l'autre aux disciplines scientifiques et médicales. Faisant suite à la tour et au centre des salles de lecture, la salle d'accueil où l'on trouvera rassemblés catalogues, ouvrages généraux de références, services du prêt et de communication sur place.

La tour-magasin (20 X 28 m), entièrement climatisée, doit avoir seize étages garnis de 20 kilomètres de rayons métalliques et pourra recevoir 500.000 publications. Dans l'immédiat, elle peut recevoir 150.000 volumes. Des accès limités en raison de la climatisation sont prévus au rez-de-chaussée et au niveau de la salle d'accueil du 1er étage. Des ascenseurs et des escaliers permettront d'assurer un service rapide à l'intérieur des magasins, dont la conception se situe dans les lignes de l'architecture moderne. Les bureaux des bibliothécaires (1 par section) et de leurs adjoints techniques assurent au personnel des conditions de calme nécessaire au travail positif en même temps qu'un accès facile aux catalogues, aux magasins et aux salles de lecture.

Au rez-de-chaussée, quelque peu surélevé par rapport au sol, sont aménagés d'un côté le bureau du conservateur, chef d'établissement et ses services ainsi que les salles de manipulations, l'atelier de reliure et le service photographique. De l'autre, à proximité d'un service nouveau consacré à la culture encyclopédique, aux recherches documentaires et à la lecture publique, une filmo-radiothèque, une phonothèque et la réserve.

Une salle d'exposition proche du hall d'entrée et de l'auditorium est prévue pour associer la bibliothèque aux manifestations culturelles organisées à l'auditorium. Outre le téléphone intérieur pour la liaison entre les services, des services sanitaires (vestiaire, douches, lavabos) et un réfectoire pour le personnel doivent être installés. Des mesures préventives ont été prises également contre le feu, l'eau et le vol. L'éclairage sera discret et axé sur l'appareillage individuel. Enfin, il n'a pas été utile de loger sur place un personnel qui bénéficie déjà, comme tous les fonctionnaires détachés, d'un logement à proximité de la Cité universitaire.

La mise en construction de cet ensemble architectural dont la superficie atteint 5.000 m2 est prévue pour 1957 sur les crédits du FIDES.

Nous ne pouvons pousser ici plus avant le détail de cet exposé. Qu'il nous soit cependant permis de souligner l'avantage que les lecteurs pourront avoir à trouver toutes les collections groupées. Tout en conservant à cette bibliothèque sa physionomie universitaire, nous avons cru devoir y inclure un nouveau département, de culture encyclopédique et technique, qui doit répondre aux besoins propres de la lecture publique en A. O. F. et au caractère fédéral de ce nouvel établissement.

Ce caractère pourrait encore trouver sa confirmation dans la création d'un service de catalogues collectifs qui grouperait l'inventaire des collections de l'I. F. A. N., des institutions scientifiques du territoire et de l'Université. Je l'ai préconisé en y voyant l'ébauche de cette harmonisation désirée des sources d'information culturelle.

Le problème de la lecture publique en A. O. F.

Si des dépôts d'archives sont constitués à Dakar, à St Louis et dans les chefs-lieux du territoire, il n'existe encore que peu ou pas de bibliothèques de lecture publique en dehors des bibliothèques des centres I. F. A. N., qui ne correspondent pas d'ailleurs entièrement à cette définition, de la Bibliothèque municipale d'Abidjan, des bibliothèques de classes, des écoles et lycées et de la bibliothèque de la Maison des jeunes de Dakar. Les établissements privés sont eux-mêmes très rares.

Le problème de la lecture publique se pose donc entièrement et je dois à la vérité de dire qu'il s'auréole d'un certain scepticisme. Des impératifs paraissent s'opposer à cette forme essentielle de l'éducation : manque d'intérêt des Européens ; analphabétisme d'une grande partie de la population africaine; désaffection d'un public évolué pour la lecture et qui atteint même les étudiants qui ne lisent pas, même les prix littéraires; constitution même des centres de lecture dont la composition des fonds devrait être avant tout axée sur les problèmes de colonisation et raciaux, le reste étant considéré comme dirigé, donc sans intérêt.

Est-ce à dire cependant que l'expérience ne doit pas être tentée? Mes entretiens avec M. le Recteur J. Capelle et certaines personnalités des Départements de l'éducation et de la jeunesse, avec des lecteurs éventuels, me laissent à penser qu'il y a quelque chose à faire et qu'il faut intéresser à la lecture des jeunes gens et des adultes dont le degré de culture s'étend de la troisième au baccalauréat.

N'est-ce pas impressionnant en effet de voir que les jeunes s'intéressent aux conférences classiques et qu'ils lisent dans le texte, de préférence à tout autre lecture, les œuvres de Molière, de Corneille, de Montesquieu, de Voltaire et de Victor Hugo. N'est-ce pas non moins intéressant d'observer ces Africains adultes qui, assis sur le bord d'un trottoir, préparent avec assiduité les cours du soir et s'efforcent à la lecture de manuels élémentaires. Enfin, ne doit-on pas penser que l'élève du lycée ou de l'école ne désire pas autre chose qu'un diplôme et qu'il n'a pas été préparé à poursuivre par lui-même cette contribution au développement de la pensée.

Nous pensons qu'il faut avant tout créer une atmosphère favorable et ce dans ce premier centre de lecture urbain, confié à un bibliothécaire chevronné de la lecture publique en même temps qu'à un animateur instruit des problèmes africains. Déjà, au lendemain du stage d'Ibadan, M. l'Inspecteur général A. Masson avait établi un avant-projet s'inspirant à la fois des méthodes appliquées en France, en Afrique du nord et dans les territoires du Commonwealth britannique voisins de l'A. O. F. Il rappelait notamment que les vœux du stage d'Ibadan rejoignaient les préoccupations de la conférence des directeurs de l'enseignement de l'Afrique noire tendant à l'ouverture dans chaque localité importante d'une bibliothèque de documentation et à la création dans chaque circonscription d'inspection primaire d'un centre de lecture publique, complété par l'organisation de prêts à domicile (bibliothèque circulante), les directeurs des écoles publiques étant les correspondants de ces centres.

Le centre de lecture publique peut donc se concevoir à un niveau voisin mais supérieur des centres d'éducation pratique stabilisés qui doivent compléter la première expérience des centres mobiles d'éducation de base et des Maisons de jeunes. De préférence aux dépôts permanents de livres qui occasionnent des pertes d'ouvrages, il serait souhaitable de prévoir des approvisionnements périodiques, soit auprès des directeurs d'écoles ou fonctionnerait un centre d'éducation des adultes, soit auprès des directeurs des Maisons de jeunes pour des bibliothèques d'une valeur légèrement supérieure aux bibliothèques métropolitaines pour enfants.

M. le Recteur Capelle a bien voulu réserver son attention à ce problème. Il semble qu'il soit maintenant possible de créer ce premier centre de lecture, à mi-chemin entre la Médina et la ville et c'est vraisemblablement en accord avec les Maisons de jeunes que cet essai pourra être tenté au niveau de culture souhaitée. Nous avions envisagé en premier lieu d'associer comme en Métropole la Bibliothèque fédérale et universitaire à ce premier effort. La réforme administrative prévue doit rattacher ces services au cadre territorial. Mais aussi, le nouveau département de culture encyclopédique et de recherches documentaires, constituera à l'échelon le plus élevé et dans un cadre voisin de l'Université ce que nous souhaitons voir s'exprimer comme la future bibliothèque publique de Dakar.

Traiter des problèmes posés par le développement des bibliothèques et la diffusion de la lecture publique sans évoquer également l'œuvre magnifique de la France dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement en Afrique noire ne pouvait se concevoir. Cette oeuvre, nous l'avons suivie pas à pas dans cet exposé et nous vous avons convié à partager nos impressions de mission. C'est en effet dans la connaissance exacte des impératifs qui commandent et guident l'évolution d'une population que l'on peut le mieux trouver la base d'une juste interprétation de ses possibilités, de ses moyens, de ses ressources et de ses besoins. Nous souhaitons que cette constante préoccupation se justifie par la valeur pratique des résultats acquis.

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