Le recours aux services numériques du SCD par les étudiants

 

* Les références bibliographiques mentionnées entre crochets sont regroupées en fin d’article.

Si la récente thèse de Duguet [2014] sur les pratiques pédagogiques des universitaires souligne un usage peu massif du numérique pour leurs enseignements, Michaux et Roche [2017] rappellent quant à eux les résultats contrastés et mitigés de l’utilisation du numérique sur les performances des étudiants lors de leurs examens et que le numérique reste peu mobilisé dans les stratégies d’apprentissage des étudiants. À l’inverse, la fréquentation de la BU par les étudiants est associée à une plus forte réussite [Dumora et al., 1997 ; Gruel, 2002] et même le lien entre l’emprunt d’ouvrages et la réussite est effectif [Fantin & Heusse 2012].

De fait, l’usage compétent de la BU est un indicateur de l’affiliation universitaire [Coulon, 2005], lui-même facteur de réussite. Pourtant, la proportion d’étudiants se rendant dans les BU diminue régulièrement depuis que cet indicateur est présent dans les enquêtes de l’observatoire de la vie étudiante (OVE), essentiellement dans certaines filières (IUT et sciences) [Paivandi, 2016], certains rencontrent des difficultés lorsqu’ils travaillent au sein des BU [Galland, 2011], et dans le même temps le temps de travail autonome des étudiants tend à diminuer [Lima & Nakhili, 2016].

Les bibliothèques universitaires se sont quant à elles converties à l’ère du numérique se transformant parfois aussi en « learning center », tout en étant confrontées à une recrudescence de la fréquentation physique avec l’essor du nombre d’étudiants entraînant pour nombre d’entre elles un allongement des horaires et des jours d’ouvertures (plan ministériel « Bibliothèques ouvertes » en 2016), répondant à une revendication ancienne des usagers [Mareca et al., 2005] et se retrouvant également confrontées à une transformation des ressources dans certaines disciplines dominées par la documentation numérique. À noter que les bibliothèques de l’université de Bourgogne viennent de recevoir le label NoctamBU+ en raison de leurs plages d’ouverture importantes. Cette nouvelle offre des BU permet ainsi de renouveler le contexte d’apprentissage offert aux étudiants dans les établissements universitaires, contexte dont les travaux sur la réussite à l’université ont souligné les effets dans les trajectoires étudiantes. Mais avant même de penser aux effets possibles de cette nouvelle offre, encore faut-il pouvoir répondre aux questions suivantes : comment les étudiants s’emparent-ils des nouveaux services numériques offerts par les BU ? Le recours à ces nouveaux services est-il différent selon les profils des étudiants ?

Comme dans nombre d’universités, le pôle Documentation de l’établissement de l’université de Bourgogne (uB) accompagne les étudiants avec la mise en place de nouveaux services. En 2016, l’uB s’est engagée dans une étude sur les usages du numérique par ses étudiants en vue du futur schéma directeur numérique de l’établissement (2017-2022). Dans ce cadre, une enquête web a été réalisée auprès des étudiants par le CIPE (Centre d’innovation pédagogique et d’évaluation), les étudiants ayant été invités à répondre à cette enquête par le biais d’une campagne de communication et l’envoi d’un courriel personnalisé au printemps 2017. 1955 étudiants ont participé à cette enquête comportant de multiples questions dont certaines portaient sur le recours aux services numériques du pôle Documentation. Bien plus que de produire des statistiques sur les usages des étudiants vis-à-vis des services offerts par l’uB, cette enquête est utilisée pour étudier si leurs pratiques diffèrent selon la nature des études universitaires, le genre ou encore le travail salarié en cours de cursus, ces trois caractéristiques étant des informations demandées aux étudiants en sus des questions sur le numérique. La mise en perspective des réponses avec ces caractéristiques (genre, niveaux et types de formation, travail durant les études) permet d’apporter des éclairages nouveaux sur les comportements des étudiants vis-à-vis des services offerts par les bibliothèques universitaires des différents sites de l’uB et vient renouveler les données de la recherche sur les pratiques étudiantes. L’objectif n’est ainsi pas de présenter les taux d’usage de différents services du SCD à la manière d’un rapport d’activité, mais de mettre en lumière l’existence des profils d’usagers pour informer l’action [Maisonneuve, 2014].

Construite pour répondre à une demande institutionnelle, cette enquête ne comprend pas d’autres informations habituellement mobilisées par la recherche sur les pratiques étudiantes. Il s’agit ici d’une première approche exploratoire mobilisant les questionnements de l’institution sur le SCD relatifs aux services numériques (catalogue en ligne, ressources numériques, compte lecteur, ressources thématiques, archives ouvertes, tutos et réseaux sociaux) et aux formations aux outils documentaires. Le taux de réponse à cette enquête s’élève à près de 7 %, ce qui peut apparaître a priori faible, mais il apparaît relativement conforme à d’autres enquêtes menées auprès des étudiants sur cette thématique [Michaud et Roche, 2017 ; Sylvestre, 2008]. Une lecture prudente des résultats bruts doit être faite en raison des biais de représentativité de l’enquête (cf. encadré ci-dessous). Mais dans la mesure où la population est suffisamment diversifiée, il est possible d’étudier les profils des étudiants en utilisant des analyses multivariées 1 pour analyser les recours aux services offerts par le pôle Documentation. Dans cette perspective, cette étude fait appel à une série de modélisations statistiques (régressions logistiques 2). Elles permettent de dégager les facteurs explicatifs d’un phénomène en appréciant le poids respectif de chacun de ces facteurs de manière simultanée. Ici, les utilisations des ervices numériques sont ainsi analysées en fonction des différentes caractéristiques des étudiants (genre, statut étudiant, filière et niveau de formation). Ces modélisations permettent alors d’estimer les effets nets de chacune des caractéristiques étudiantes, « les autres caractéristiques étant égales par ailleurs », ces effets nets étant présentés sous un format numérique exprimant les chances ou risques du recours aux services numérique selon le genre, le statut de l’étudiant, la filière et le niveau de formation 3.

Les services numériques de la BU
mobilisés par les étudiants

Dans cette enquête, 29 % des étudiants reconnaissent ne pas utiliser les outils et services numériques de la bibliothèque universitaire et 2 % ne pas les connaître. L’utilisation intensive de ces outils et services est avancée par 9 % des étudiants. Si bien qu’en tenant compte des non-réponses, le taux d’utilisation atteint 67 %. Le recours aux outils et services numériques de la BU est moins fréquent que l’ENT, le wifi, la messagerie et l’emploi du temps (cf. graphique 1).

Comme nombre de bibliothèques universitaires, les services numériques offerts aux étudiants se sont multipliés à l’uB. L’utilisation de ces services se révèle variée avec 35 % d’étudiants utilisant le catalogue en ligne, 32 % les ressources numériques (revues en ligne), 30 % les services du compte lecteur, 10 % les ressources thématiques, 8 % les archives ouvertes et 4 % les tutos. Finalement, la proportion d’étudiants n’utilisant aucun de ces services s’élève à 42 % (cf. graphique 2). En fait, certains étudiants utilisent de multiples services et d’autres ont des usages plus restreints. Ainsi, 22 % des étudiants n’utilisent qu’un seul de ces services, alors qu’un tiers s’appuie sur plus d’un service. (cf. graphique 2).

Le tableau suivant permet d’appréhender les caractéristiques des étudiants selon l’intensité du recours aux services bibliothécaires. Ainsi, la proportion de femmes parmi les non-utilisateurs s’élève à 54 % alors qu’elles sont 62 % dans la population globale. Les étudiants n’utilisant pas ces services numériques sont pour près des trois quarts des étudiants de 1er cycle (73 % exactement alors ils ne représentent que 62 % de la population globale).

Mais surtout, les usages de ces services sont différents selon la nature des formations suivies, le genre et le fait d’avoir ou non un emploi durant les études, comme le démontrent les modélisations statistiques relatives au fait de recourir aux services numériques ou non d’une part, et au fait de recourir à un seul service ou à plusieurs d’autre part. Ainsi, il apparaît que le fait d’utiliser les services numériques de la BU est moins important pour les étudiants des filières professionnelles courtes (DUT et licences professionnelles) comparativement aux étudiants des licences généralistes, et s’accentue avec l’élévation du niveau de formation, les étudiants de master et doctorat ayant une utilisation plus intensive des différents services que les étudiants de licence. L’utilisation de ces services est 2,2 fois plus importante pour les étudiants de master et 1,8 fois plus importante pour les doctorants comparativement aux étudiants de licence, mais en revanche 2,3 fois moins importante pour les inscrits des filières courtes professionnelles. En outre, les femmes sont moins enclines à se détourner des multiples services numériques de la BU que les hommes (elles ont 0,6 fois moins de risque d’ignorer ces services). Les étudiants travaillant durant leurs études ont 1,3 fois plus recours à au moins un des services numériques proposés par la BU. Et ils se distinguent des non salariés par l’utilisation plus importante de plusieurs services. En effet, comparativement à l’ensemble des étudiants non salariés utilisateurs des services numériques de la BU, ils ont 1,4 fois plus de chance de mobiliser plusieurs services et non pas un seul service.

Le catalogue en ligne de la BU

Interrogés plus spécifiquement sur le catalogue en ligne, 89 % de ses utilisateurs s’en déclarent satisfaits ou très satisfaits. Mais 29 % d’entre eux estiment qu’il est complexe, 26 % que les résultats retournés sont souvent trop nombreux, voire erronés, 23 % que le catalogue est complexe, 20 % que les accès aux données sont souvent lents ou dysfonctionnent et 11 % signalent ne pas avoir d’aide dans l’utilisation de ce service. De tels constats ne sont pas sans rappeler les difficultés des étudiants soulevées par Renould [2005] ou encore Després-Lonnes et Courtecuisse [2006]. Mais l’un des points saillant de cette enquête est de révéler que, globalement, plus du tiers des étudiants estiment que ce service n’est pas utile dans leur formation. Cette proportion touche 39 % des hommes et 32 % des femmes, 23 % des étudiants ayant un emploi contre 37 % de ceux sans activité professionnelle, 35 % des Dijonnais pour 32 % des étudiants des sites délocalisés, 30 % des étudiants des UFR contre 40 % des étudiants des écoles et instituts. En termes de formation, c’est le cas de 55 % des inscrits en filières professionnelles courtes (DUT et licences professionnelles), 34 % de licences généralistes, 22 % en masters et 18 % en doctorat.

Face à ces constats, une modélisation statistique permet d’estimer les effets nets de chaque caractéristique des étudiants en raisonnant à caractéristiques égales par ailleurs, c’est-à-dire en déterminant par exemple le poids respectif de la formation et du genre sachant que les formations sont plus ou moins féminines ou masculines. Ainsi, de forts effets liés à la nature de la formation, aux lieux de formation, au genre et au fait de travailler transparaissent avec cette analyse. Comparativement aux étudiants des licences généralistes, les inscrits dans des formations professionnelles courtes estiment 2,1 fois plus souvent que le service « catalogue en ligne » n’est pas utile pour leur formation, alors que les étudiants en masters et de doctorat sont près de deux fois moins souvent dans cette perspective, à caractéristiques égales par ailleurs. De même, les élèves des UFR sont 20 % moins souvent dans cette perspective que leurs collègues des instituts et écoles. Mais encore, les hommes ont 1,2 fois plus souvent cette vision de l’inutilité du catalogue en ligne comparativement à leurs homologues féminins, et les étudiants non salariés ont 1,6 fois plus souvent cette vision que les étudiants ayant un emploi durant leurs études.

Les ressources numériques

Les ressources numériques (articles de revue) apparaissent comme le deuxième outil mobilisé par les étudiants après le catalogue en ligne. Les utilisateurs de ces ressources sont pour les deux tiers des femmes, le quart est salarié et 84 % sont étudiants sur le site dijonnais. Le tiers est inscrit dans un institut ou une école. En termes de formation, 9 % sont inscrits dans les filières professionnelles courtes, 40 % dans les licences généralistes, 40 % en master et 6 % en doctorat (5 % sont dans d’autres formations). Enfin 9 % sont inscrits au titre de la formation continue. Ces utilisateurs des revues en ligne proposées par la BU diffèrent de la population répondante à l’enquête en étant une population plus féminine, plus souvent en emploi, en formation continue et moins inscrite dans des filières professionnelles courtes. La modélisation statistique souligne les différences entre les étudiants : les femmes ont ainsi 1,2 plus de chances de recourir à ce service que les hommes, les salariés 1,3 fois que les étudiants ne travaillant pas durant leurs études et les étudiants en formation continue 1,6 fois plus à caractéristiques égales par ailleurs. Elle révèle également que l’utilisation de cet outil s’accroît avec le niveau de formation, à caractéristiques égales par ailleurs : les étudiants de master ont 2,2 fois plus chances et les doctorants 3,4 que les étudiants de licence, ces derniers ayant eux-mêmes 2,1 fois plus de chances de l’utiliser que les inscrits dans des filières courtes professionnelles.

Les services du compte lecteur

Seuls 30 % des étudiants déclarent se servir du compte lecteur en ligne. Celui est utilisé par 36 % des femmes pour 21 % des hommes, 38 % des salariés pour 28 % des non salariés et 31 % des inscrits en formation continue pour 24 % des inscrits en formation initiale. Selon les formations, il est utilisé par 47 % des étudiants en master, 35 % de doctorants et 8 % des étudiants des filières professionnelles courtes. Ces différences sont significatives comme le montre la modélisation de l’utilisation de ce service : les étudiantes ont ainsi 1,8 fois plus recours à ce service que leurs homologues masculins, les inscrits au titre de la formation continue l’utilisent 1,7 fois plus et les étudiants travaillant durant leurs études sont 1,3 plus usagers que les étudiants sans emploi. Comparativement aux étudiants des filières professionnelles courtes, les inscrits en licence se servent 4 fois plus de leur compte lecteur, les étudiants de master 9,4 fois plus et les étudiants de doctorat 5,6 fois plus (toutes les autres formations l’utilisant aussi 3,2 fois plus) à caractéristiques égales par ailleurs.

Ressources thématiques, archives ouvertes et tutos figurent parmi les services numériques les moins mobilisés par les étudiants avec respectivement 10 %, 8 % et 4 % d’utilisateurs. Concernant plus particulièrement les tutos produits par les personnels des bibliothèques, les profils des utilisateurs n’apparaissent pas spécifiques au regard des informations à notre disposition, excepté le fait que les étudiants des formations professionnelles courtes sont plus enclins à les utiliser (ils constituent le tiers des utilisateurs alors qu’ils ne représentent que 20 % des répondants à l’enquête).

Les réseaux sociaux de la BU

85 % des étudiants de l’enquête utilisent des réseaux sociaux dans leur vie quotidienne, ce constat étant en adéquation avec ceux émis pour la population jeune [INSEE, 2016]. Il s’agit du quatrième motif avancé par les étudiants dans leur utilisation d’internet, après le fait de communiquer par messagerie électronique, naviguer sur des sites pour la détente, écouter de la musique, regarder des vidéos ou la télé. Les réseaux utilisés par les étudiants sont variés, les trois premiers étant Facebook, (97 %), YouTube (72 %) et Snapchat (68 %). Finalement, alors que le recours au réseau Facebook est massif dans la vie quotidienne des étudiants, seuls 48 % connaissent celui de l’université et le consultent peu de manière assidue (seuls 21 % le consultent au moins une fois par semaine ou tous les jours). Les autres réseaux sociaux de l’uB (YouTube, Instagram, LinkedIn) sont peu connus des étudiants car, en fait, c’est bien plus le site internet de la composante de la formation dans laquelle ils étudient qu’ils consultent à 73 %. Bien qu’ils connaissent le site de leur composante, seulement les trois quarts déclarent l’utiliser.

Concernant spécifiquement la BU, seuls 13 % consultent sa page Facebook  et 5 % son compte Twitter. Ces étudiants consultant la page Facebook de la BU sont à 93 % des étudiants en formation initiale. 70 % sont des femmes et 23 % exercent une activité salariée. 89 % étudient sur le site dijonnais (et non sur un site délocalisé) et 70 % étudient au sein d’une UFR et non d’une école ou d’un institut. En termes de formation, 15 % sont étudiants des filières professionnelles courtes (DUT et licences professionnelles), 51 % de licences généralistes, 29 % de masters et 2 % doctorants. Ceux consultant le compte Twitter de la BU sont à 91 % des étudiants dijonnais et 77 % étudient au sein d’une UFR. Parmi ces utilisateurs du compte Twiter de la BU, on dénombre 57 % de femmes, 26 % d’étudiants exerçant une activité salariée. 13 % sont étudiants des filières professionnelles courtes (DUT et licences professionnelles), 58 % de licences généralistes, 20 % de masters et 4 % doctorants. Recourir à une modélisation statistique pour caractériser la consultation des réseaux sociaux en intégrant les informations sur les étudiants (genre, formation, composante, site, salariat, inscription initiale ou continue) permet d’identifier les spécificités des étudiants utilisateurs de ce service offert par le SCD, à caractéristiques égales par ailleurs. Ainsi, seules deux dimensions apparaissent discriminantes : les Dijonnais ont 1,7 fois plus recours à la page Facebook de la BU que les étudiants des sites délocalisés et les étudiants des UFR 1,5 fois plus que ceux des écoles et instituts. Ces effets sont encore plus accentués quant au recours au Twitter de la BU puisque les Dijonnais y recours 2,3 fois plus que les étudiants des sites délocalisés et les étudiants des UFR 1,9 fois plus que ceux des écoles et instituts.

Utilisation des services numériques du pôle Documentation et utilité perçue de ces services semblent aller de pair. Ce sont les étudiants des filières professionnelles courtes qui sont le moins enclins à utiliser ces services et à en percevoir l’utilité pour leurs études, ce qui n’est pas sans questionner sur les pratiques pédagogiques enseignantes plus ou moins associées à des recherches complémentaires comparativement aux études des filières généralistes. Mais encore, la mise en évidence de l’augmentation du recours aux services en ligne du SCD dans les filières généralistes avec l’élévation du niveau des formations n’est pas sans rappeler que les étudiants les plus avancés ont intégré les normes et formes du travail universitaire et acquis les compétences de leur métier d’étudiant gage de leur réussite. La seule exception à ce schéma concerne l’emploi plus important des tutos par les étudiants des filières professionnelles courtes. Le constat des effets différenciés selon le genre précise ainsi que les différences dans le travail étudiant entre femmes et hommes n’est pas remis en cause par l’introduction du numérique, les filles ayant des vies plus studieuses avec des stratégies d’apprentissages plus « en profondeur » (recherche personnelle et/ou utilisation de manuels et pas seulement des cours) [Frickey & Primon, 2000 et 2002]. Les résultats relatifs aux étudiants salariés sont quant à eux relativement novateurs, dans le sens où ils mettent en évidence des stratégies d’études et notamment un travail autonome différent, ces étudiants mobilisant plus les services numériques offerts que les autres étudiants. Faut-il y voir une transformation de leurs pratiques avec l’offre numérique ? Peu mobilisés par les étudiants, les réseaux sociaux du SCD sont marqués par des effets de sites. Ceci n’est pas sans rappeler les différences pédagogiques existantes entre les sites universitaires délocalisés [Losego, 2012 ; Felouzis, 2001]. Ou faut-il y voir les effets d’une communication à destination des étudiants différente entre les sites ? Sans toutefois négliger aussi les effets des déplacements plus ou moins rapides dans des agglomérations de taille très différentes, les étudiants des sites délocalisés étant moins contraints par les temps de trajet entre la BU et leur logement ?

Conclusion

Bien évidemment, il convient de ne pas oublier les limites de cette étude, liées à la méthode et au public. Concernant la méthode, l’échantillon n’est pas exhaustif et les informations collectées ne sont que des déclarations. Toutefois, un certain nombre de constats et de résultats permettent d’apporter des informations sur les recours différenciés des services numériques de la BU par les étudiants. Le recours aux services numérique de la BU est à l’image des constats soulignant une fréquentation variable de la BU « non numérique » selon les filières [Lahire, 2000 ; Mareca et al., 2005 ; Paivendi 2011], mais aussi selon le niveau de formation des étudiants [Paivendi, 2016]. Une partie des données vient conforter l’un des résultats connus de la recherche relative aux pratiques étudiantes, à savoir des pratiques différenciées entre les étudiants et les étudiantes. L’originalité de cette étude est de pointer les spécificités des pratiques des étudiants exerçant un travail salarié durant leurs études sous un angle nouveau en montrant un accès plus important aux services numériques offerts par le pôle Documentation, permettant d’augurer une autonomie plus forte de ces étudiants face au travail académique.

Si les services numériques dans les BU sont en développement, il ne faut pas négliger l’essor de l’accueil des étudiants dans les locaux des BU. Avec l’augmentation du nombre des inscriptions universitaires, les BU se retrouvent confrontées à une saturation des locaux. Dans le même temps, les transformations pédagogiques (exemple : développement des travaux de groupe) contribuent également à faire émerger une nouvelle demande aux BU (exemple : espaces de travail pour des travaux de groupe). Dans un contexte de profondes transformations des bibliothèques universitaires en « learning center » proposant de nouveaux services aux usagers, mais également toute une gamme de nouvelles salles de travail (box individuels et salles de travail de tailles variées équipées en outils numériques) comme de politiques actives en termes de pédagogie numérique avec la production de ressources nouvelles pour les étudiants , il convient de se poser les questions suivantes : ces nouveaux services sont-ils en train de transformer les pratiques étudiantes ? Comment se combinent-ils avec la fréquentation physique de la BU ? Et quels peuvent être leurs effets sur la réussite étudiante ? C’est bien désormais ces questions qui doivent faire l’objet d’investigations via une comparaison de la mobilisation des services numériques et non numériques par les étudiants.

Bibliographie

Coulon A. (2005), Le métier d’étudiant. L’entrée dans la vie universitaire, Economica-Anthropos.

Després-Lonnet M. et Courtecuisse J.-F. (2006), « Les étudiants et la documentation électronique », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n° 2, p. 33-41. Disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-02-0033-005

Duguet, A. (2014), Les pratiques pédagogiques en première année universitaire : description et analyse de leurs implications sur la scolarité des étudiants, Dijon : thèse de doctorat, université de Bourgogne.

Dumora B., Gontier C., Lannegrand L. et Pujol  J.-C. (1995), « Les étudiants en psychologie : de l’histoire scolaire au projet universitaire », L’orientation scolaire et professionnelle, 24 (2), 135-156.

Fantin R., et Heusse M.-D. (2012), Emprunt en bibliothèques universitaires et réussite aux examens de licence (Études et enquêtes), Toulouse : université de Toulouse. Consulté à l’adresse : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/60348-emprunt-en-bibliotheques-universitaires-et-reussite-aux-examens-de-licence

Felouzis G. (2001), La condition étudiante. Sociologie des étudiants et de l’université, PUF.

Gruel L. (2002), « Les conditions de réussite dans l’enseignement supérieur », OVE Infos, n° 2.

INSEE (2016), Usage d’internet pour les relations sociales selon l’âge en 2015. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2411023#graphique-Donnes

Lahire B, 2000, « Conditions d’études, manières d’étudier et pratiques culturelles », in Grignon C., Les conditions de vie des étudiants, La Documentation française, p. 241-392.

Lima L. et Nakhili N., 2016, « Allocation du temps par les étudiants : quelles évolutions ? », in Giret J. F, Van de Velde C. et Verley E., Les vies étudiantes tendance et inégalités, La Documentation française, p. 83-100.

Losego P. (2012), « D’une institution à l’autre, des inégalités de temps de travail », in Inégalités sociales et enseignement supérieur (p. 169-187), Belgique : De Boeck Supérieur. doi:10.3917/dbu.benni.2012.01.0169.

Maisonneuve M. (2014), « Les statistiques d’activité des bibliothèques : pour qui ? Pour quoi ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n° 1, p. 167-172. Disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2014-01-0167-003

Maresca B., Dupuy C. et Cazenave A. (2005), Enquête sur les pratiques documentaires des étudiants, chercheurs et enseignants-chercheurs de l’université Pierre et Marie Curie (Paris 6) et de l’université Denis Diderot (Paris 7), Crédoc : http://www.credoc.fr/pdf/Rapp/R238.pdf

Michaut C. et Roche M., 2017, « L’influence des usages numériques des étudiants sur la réussite universitaire », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [en ligne], 33-1 | 2017, mis en ligne le 6 mars 2017 : http://ripes.revues.org/1171

Paivandi S., 2016, « Comment les étudiants apprécient-ils leur environnement d’études », in Giret J. F, Van de Velde C. et Verley E., Les vies étudiantes tendance et inégalités, La Documentation française, p. 117-132.

Paivandi S. (2011), « Les pratiques studieuses d’études dans l’enseignement supérieur », in Galland O, Verley E et Vourc’h R, Les mondes étudiants. Enquête Conditions de vie 2010, La Documentation française, coll. « Études et recherche », p. 167-176.

Primon J. et Frickey A. (2002), « Les manières sexuées d’étudier en première année d’université », Sociétés contemporaines, 48 (4), 63-85. doi:10.3917/soco.048.0063.

Renoult D. (2006), « Enquêtes de publics dans les bibliothèques universitaires : où en sommes-nous ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n° 2. Disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-02-0005-001

Sylvestre, E. (2008), Améliorer la participation aux enquêtes en ligne. Repéré à : http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/que-dit-la-recherche/ameliorer-la-participation-aux-enquetes-en-ligne-31.htm

Thirion P. et Pochet B. (dir.) (2008), Enquête sur les compétences documentaires et informationnelles des étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur en Communauté française de Belgique, Bruxelles : Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique [CIUF] ; EduDOC.

1. Les analyses multivariées regroupent un ensemble de méthodes statistiques permettant l’analyse d’un phénomène par l’étude des relations entre deux et plusieurs variables.

2. Ces types de modélisations statistiques sont utilisés pour comprendre des phénomènes mesurés par des réponses non numériques (c’est-à-dire qualitatives) lors de réponses à une enquête, par exemple lorsque les enquêtés répondent oui ou non à une question.

3. D’un point de vue technique, les résultats des modèles sont interprétés à l’aide des odds ratio.