Journées nationales des formateurs : « Quelle place pour la pédagogie en BU ? »
Lille, 24 et 25 janvier 2019
Les Journées nationales des formateurs 2019 (#JNFormateursBib), co-organisées par la Commission Pédagogie et documentation de l’ADBU, le Réseau des formateurs du Nord et le SCD de l’université de Lille, ont accueilli, les 24 et 25 janvier 2019, 150 participants dans les locaux de la bibliothèque universitaire Lille SHS. Cette année encore, les inscriptions avaient été closes au bout de quelques heures, confirmant le succès de cette seconde mouture.
Les deux journées ont mis en avant la notion d’échange : c’est bien cela que les formateurs venaient chercher au travers des interventions, d’une table ronde et de 11 ateliers 1, qui ont déployé des temps d’étude et de réflexion autour des pratiques pédagogiques déployées aujourd’hui en BU.
Les compétences informationnelles
ou « l’espace du savoir »
Lors de la conférence introductive « La pédagogie à l’Université : enjeux et pratiques », Christelle Lison 2 (professeur, département de pédagogie, université de Sherbrooke, Canada) a permis de lier la place de la pédagogie et l’importance des compétences informationnelles dans un environnement en mutation. Si l’université s’est construite autour de la transmission des connaissances, elle a évolué vers le modèle d’université de recherche qui produit des connaissances au service de la science, pour finalement devenir « université intégrale », qui applique des connaissances au service de la société : son rôle est de favoriser le développement de connaissances et de compétences critiques au service de l’individu et de la collectivité. Les étudiants viennent désormais chercher du sens à l’université, qui se doit de résoudre l’équation « Bac + 5 = Bac + sens » 3. L’évolution du rôle de l’université a entraîné une évolution des attentes, celles des enseignants comme celles des étudiants. L’injonction de qualité des formations pour favoriser l’autonomie des étudiants et leur capacité à être critique a généré une pression institutionnelle qui doit aussi prendre en compte l’hétérogénéité des publics. Enfin, la société de la connaissance jette un trouble épistémique : quels sont les savoirs auxquels on peut se fier ? Et où sont les sachants aujourd’hui ?
Dans ce contexte, les compétences informationnelles apparaissent essentielles car elles permettent de développer des situations d’apprentissage favorisant le développement de compétences cognitives de haut niveau. Les stratégies de connaissances permettent d’accéder à « une organisation de compétences » : développer la pensée critique, la posture épistémologique relativiste, la mise en doute, donner du sens. Or s’il est inutile de rappeler ici l’importance des compétences cognitives, il faut insister sur le fait que les étudiants ne mettent pas toujours en place des stratégies de connaissance. La plupart se contentent de surligner ou de faire des fiches. Il est donc stratégique que les étudiants développent des capacités en matière de transfert des compétences (savoir transposer une connaissance acquise dans une situation pour la transposer dans une autre situation).
Les BU, un espace commun
pour un changement institutionnel
Les BU, que ce soit à travers les formations des usagers, les services d’appui à la recherche ou les modalités de renseignement en service public, peuvent toucher de façon transversale les étudiants et les enseignants-chercheurs. À ce titre, la BU doit devenir force de propositions car, évidemment, les usagers ignorent ce qu’ils ignorent.
Jacques Tardif définit une compétence comme un « savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations 4 ». Ce savoir-agir est amené à être développé tout au long de la vie et devra prendre en compte de nouvelles ressources ou de nouvelles situations. C’est précisément pour cette raison que les compétences informationnelles doivent intervenir à différents moments des cursus universitaires car si un savoir théorique peut être facilement transmis, un savoir-agir nécessite des savoir-faire et des savoir-être qui s’acquièrent progressivement.
Les compétences informationnelles sont, de fait, transversales car elles n’ont pas d’ancrage disciplinaire 5. Il faut donc développer des situations d’apprentissage qui favorisent l’interdisciplinarité et provoquent « un déséquilibre cognitif ». Sortir les étudiants, voire les pousser en dehors de leur zone de confort, permet de véritablement mettre en place des situations d’apprentissage fécondes. Il est également fondamental de favoriser la métacognition faute de quoi l’apprenant ne peut avoir la distance nécessaire pour réinvestir les compétences dans d’autres situations. La progression ne s’envisageant que sur le long terme, la mise en place de l’acquisition des compétences informationnelles doit se faire tout le long du cursus pour qu’ainsi la progression entre novice, débutant, compétent, efficient, expert, soit réelle.
Les ateliers mis en place lors de ces deux journées montrent clairement que les bibliothécaires savent multiplier des situations d’apprentissage variées et riches. La première thématique, intitulée « Pratiques et modalités pédagogiques », proposait six ateliers. Ont été abordés : l’innovation pédagogique, ce qu’elle est vraiment et pourquoi y recourir ou pas ; le recours au sketchnote dans les formations ; comment motiver les étudiants ; le passage de la pédagogie active à la pratique réflexive ; les enjeux de la transposition numérique de visites actives en BU ; les apprentissages ludiques en formation.
La deuxième série d’ateliers était consacrée à des retours d’expérience ou de témoignages de collaborations autour des compétences informationnelles : dispositifs pédagogiques (escape game pour les enseignants-chercheurs, coopération pédagogique avec plusieurs acteurs de l’université, vidéo comme moyen pour dynamiser les formations), e-learning (plateformes créées pour former aux compétences informationnelles) et évaluation des compétences informationnelles.
L’intérêt des participants pour ces ateliers a largement témoigné du besoin de collaboration et d’échanges des formateurs en bibliothèques. C’est dans ce cadre que la Commission Pédagogie et documentation de l’ADBU a officiellement présenté l’espace de mutualisation de matériaux pédagogiques qui a pour objectif d’impulser et de faciliter le partage de méthodes ou de supports pédagogiques pour la formation des usagers entre services de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les dépôts s’effectuent sur la plateforme d’archivage Zenodo 6 sous l’étiquette unique « ADBU compétences informationnelles ». Zenodo est une plateforme académique créée en 2013, produit d’un projet de la commission européenne H2020/Science ouverte. Véronique Palanché (responsable de la Commission Pédagogie et documentation de l’ADBU) a rappelé que tous les formateurs sont invités à y déposer leurs méthodes ou leurs supports pédagogiques.
Développer les collaborations
Une table ronde a conclu les journées autour du thème des compétences informationnelles à l’université. Lynne Franjié (VP formation, université de Lille), après avoir décrit la nouvelle offre de formation intégrée aux maquettes développée pour les L1, L2 et L3, a rappelé la nécessaire coordination entre le SCD et la Commission Formation et vie universitaire (CFVU). Elle a également insisté sur les partenariats avec l’ingénierie pédagogique et les enseignants des sciences de l’éducation, pour mettre en place une plateforme dédiée aux compétences informationnelles. Ces collaborations sont rendues absolument nécessaires pour deux raisons. La première est la variété des publics dans l’université d’aujourd’hui. Les cursus linéaires (l’étudiant qui suit un même cursus de la L1 au doctorat) ne sont plus représentatifs du public universitaire, qui compte de plus en plus d’étudiants en reprise d’études et d’étudiants internationaux. La seconde raison, non sans lien avec la première, est l’hétérogénéité des niveaux.
Le ressort pédagogique est bien le seul à même de proposer des solutions. Il nécessite aussi que les démarches et les choix soient expliqués aux équipes pédagogiques et que des ateliers permettent de les accompagner. L’importance des espaces pédagogiques et du mobilier modulable a été soulignée, qui joue un rôle déterminant dans le type de pédagogie déployée.
L’évaluation est également devenue un véritable enjeu. Si la note peut apparaître comme dépassée aujourd’hui, c’est bien parce qu’il s’agit, dans le cadre de la loi 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, de passer d’une formation diplômante à une formation certifiante. L’offre de formation certifiante s’appuie sur des blocs de compétences, qui sont la base et l’outil pour développer l’offre de formation. L’intégration des blocs de compétences dans les diplômes permet de nouvelles modalités d’acquisition des diplômes, qui répondent à la diversité des voies d’accès et de formation tout au long de la vie. L’université pourrait ainsi faire de la remédiation, de la remise à niveau ou de la pédagogie adaptée. C’est dans ce sens que les Open Badges se développent, car ils permettent la mise en place transversale de formations certifiantes.
Les JNF 2019 ont profité du très bel accueil du SCD de l’université de Lille. Les organisateurs ont permis que tous se retrouvent avec plaisir. Gageons que le succès de ces journées fera que son acronyme deviendra bientôt familier à tous ! Marquez-le dans votre agenda, les JNF 2020 auront lieu à Toulouse !
La Commission pédagogie et documentation de l’ADBU a mis en ligne la restitution des JNF, avec les vidéos des interventions plénières et la restitution des ateliers sous forme de fiches pratiques.