Organiser des résidences artistiques et littéraires en bibliothèque

Sous la direction de Claire Castan et Hélène Glaizes

par Sophie Courtel
Presses de l’Enssib, collection « La Boîte à outils, #45 », 2019, 144 p.
ISBN 9791091281867 : 22 €

Écrite en écriture inclusive, cette nouvelle « Boîte à outils » parue aux Presses de l’Enssib se veut un mode d’emploi pour les organisateurs de résidences artistiques et littéraires en bibliothèque, mais aussi un outil de réflexion pour interroger le dispositif actuel.

La publication de cet ouvrage se fait l’écho des recherches actuelles des bibliothèques pour trouver de nouvelles formes de présence au territoire, auprès des usagers et des non-publics : la résidence réinvente, de multiples manières, les dispositifs de transmission.

Pourtant, ce n’est pas une idée neuve : en effet, le concept apparaît dès l’Antiquité avec le développement fort du mécénat. Plus récemment, ce sont les années Malraux qui relancent le système, porté par la notion de démocratisation culturelle. Le mouvement de l’éducation populaire et le développement des politiques culturelles territoriales valorisent les notions d’animations, de rencontres et d’échanges utilisées comme outils de développement personnel, citoyen et territorial. La résidence permet également un soutien économique essentiel à l’artiste.

Qu’est-ce qu’une résidence ? Une forme prolongée de l’artiste sur un territoire, qui induit un écosystème d’acteurs incluant les municipalités, les collectivités, les acteurs culturels et le tissu associatif. Au final, un dispositif lourd et complexe qui est loin de la vision romantique de la villégiature et du voyage initiatique. Pour autant, l’ouvrage incite à ne pas prendre peur face à cette lourdeur, et a justement pour objectif de donner des clés, des pistes pratiques et des solutions pour faciliter l’organisation de résidences en bibliothèque.

Cette « Boîte à outils » se compose donc de contributions théoriques et méthodologiques pour les porteurs de projets en bibliothèque, en milieu rural comme à l’université.

La première partie est un mode d’emploi pratique sur l’organisation d’une résidence : les différents textes permettent d’apprendre à se positionner, à se poser les bonnes questions et à penser en amont les relations aux publics et au territoire. Ils dessinent ainsi une typologie des dispositifs existants, en partie grâce à un texte de Pascal Jourdana : résidence de création, recherche ou expérimentation ou résidence tremplin (rémunération en droits d’auteur) ; résidence « artiste en territoire » ou résidence d’artiste associé (installation longue dans une institution, impliquant un salaire).

Les objectifs artistiques et culturels de la résidence sont ensuite définis, avant la méthodologie précise, du cahier des charges à l’organisation pratique de l’accueil de l’artiste. On évoque enfin les résidences dans l’enseignement supérieur, moins fréquentes mais aussi importantes pour positionner l’université comme lieu de production, création et diffusion artistique et culturelle reconnu (comme c’est le cas à Montpellier).

La deuxième partie, intitulée « Résider en bibliothèque », s’intéresse à la mise en œuvre et les enjeux de l’organisation de résidences artistiques et littéraires en bibliothèque.

L’artiste et la bibliothèque partagent des enjeux : valoriser un artiste et un fonds d’une bibliothèque, diffuser le soutien à la création, gagner en visibilité. Pour les bibliothèques, la résidence leur permet de s’inscrire sur le territoire et de renforcer leur mission d’opérateur culturel et social. Pour les artistes, la bibliothèque est un lieu de ressource et d’expérimentation, mais également un espace de sociabilité où ces derniers peuvent rencontrer directement leurs publics. C’est ce qui a été mis en place par exemple à Tours et à Vaise.

Les auteurs insistent en particulier sur le rôle moteur de la bande dessinée : plusieurs bibliothèques départementales organisent actuellement des résidences. Elles les considèrent comme des outils de promotion du livre et de la lecture, particulièrement adaptés aux spécificités de leurs territoires et de leurs missions. Les résidences contribuent à l’aménagement des territoires en travaillant par exemple en réseau avec d’autres bibliothèques, mais aussi avec des publics empêchés et éloignés. L’impulsion décisive de ces projets vient le plus souvent des DRAC, aidés par soutiens financiers importants de l’Europe, des régions et des départements.

Enfin la troisième partie est composée de témoignages, d’extraits de blogs, de récits ou de romans qui évoquent la richesse de l’expérience de la résidence, du point de vue des artistes. Ils permettent de comprendre comment se passe une résidence, son impact sur le processus de création, voire sur l’imaginaire artistique. Les témoignages sont souvent positifs, parfois négatifs mais rarement indifférents.

Cet ouvrage très riche se conclut par un mémento pratique récapitulant ce qui a été dit dans l’ouvrage. Il montre à nouveau la grande diversité des projets menés et insiste sur l’importance de bonnes conditions techniques, financières et pratiques pour concevoir, écrire, achever, produire une œuvre nouvelle, en menant ou non des actions de médiation. Il récapitule enfin les différentes étapes à mener, scrupuleusement, pour faire aboutir le projet : définition du projet (contexte politique et territorial, démarche artistique, projet culturel) qui donne lieu à un cahier des charges ; mise en œuvre (implication de l’équipe en amont et pendant la résidence, équilibre des temps de création et de médiation, interaction avec le public) ; fin de la résidence (bilans, analyses, documentation du projet).

Au final, cette nouvelle « Boîte à outils » apporte de véritables clés pour l’organisation d’une résidence artistique ou littéraire en bibliothèque, tout en insistant sur la spécificité de chaque projet qui implique un cahier des charges sur mesure et un suivi régulier.