Raymond Josué Seckel

Le bibliothécaire des deux rives

Christophe Catanese

Marie-Noëlle Bourguet-Seckel, Nadine Férey-Pfalzgraf et Jean-Didier Wagneur (éd.)
Raymond Josué Seckel : le bibliothécaire des deux rives
Éditions des Cendres, avec le soutien de la BnF, 2021
ISBN 978-2-86742-300-0

Tout d’abord, donnons la parole à Raymond Josué Seckel qui, avant même que nous débutions notre entreprise, en avait deviné les limites :

« Il n’y a que ceux qui n’ouvrent jamais une bibliographie ou qui n’en ont jamais fabriqué pour s’imaginer qu’on peut être exhaustif. » R. J. Seckel, « Bibliométrie, bibliographie et classification », in Mesure(s) du livre, 1992, p. 43.

Effectivement, face un ouvrage aussi foisonnant, il est difficile d’être exhaustif.

Ce livre est un hommage à un immense bibliothécaire, « un homme-livre » mais il n’est pas empreint de tristesse, de mélancolie ou de désespoir, bien au contraire, il est rempli de reconnaissance, de respect et de fierté, de la part de ses proches, de ses amis et de nombreux lecteurs (écrivains, universitaires, chercheurs, etc.) qui l’ont connu et apprécié à la Bibliothèque nationale (BN), puis à la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Commençons par ce beau titre « le bibliothécaire des deux rives » : littéralement, la carrière de Raymond Josué Seckel s’est déroulée sur les deux rives de la Seine : la BN, rue de Richelieu (rive droite), où il est entré en 1973 et la BnF, site Tolbiac (rive gauche). Symboliquement, il est le bibliothécaire sur la rive des bibliothèques, des bibliographies et des catalogues mais il est également sur la rive de la littérature, des écrivains et des chercheurs qu’il a côtoyés et aidés durant tout son parcours. Avec cette connotation topographique « des deux rives », nous pensons également aux déambulations méditatives de Raymond Josué Seckel, nécessaires au travail de recherche et enrichissantes pour les rêveries littéraires.

L’ouvrage est composé de trois parties, l’Album amicorum, À la Bibliothèque et Explorations, études, auxquelles viennent s’ajouter un choix de textes de Raymond Josué SECKEL et sa bibliographie. Vous en trouverez une description détaillée dans un article 1

X

Olivier Jacquot, « Souscription : Raymond Josué Seckel. Le bibliothécaire des deux rives », Carnet de la recherche à la BnF, 18 décembre 2020. En ligne : https://bnf.hypotheses.org/10076

du Carnet de la recherche à la BnF.

Puisque nous ne pouvons pas être exhaustifs, nous ne retiendrons de la première partie que quelques mots d’Henri Seckel, son fils : « Mon ami Lucas m’avait dit, après un séjour en Ardèche : “Henri, ton père, c’est Google.” Je dois reconnaître que ça n’a pas toujours été simple d’être le fils de Google. » […] « Mon père m’a légué le goût des mots et de l’écriture » et il conclut en disant : « Je peux dire que je suis heureux d’avoir été le fils de mon père », le 30 novembre 2019 lors d’une cérémonie au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Raymond Josué Seckel est enterré au cimetière de Chomérac en Ardèche.

Dans la deuxième partie, remplie de souvenirs de ses nombreux collègues et ami(e)s, Raymond Josué Seckel devient un personnage de fiction, érudit, amical, fascinant. En effet, dans Le rêve de Saxe (Ramsay, 1986), Michel Chaillou évoque la figure d’un conservateur de la BN, spécialiste des catalogues, énigmatique, proche, pertinent… qui le guide affectueusement et l’intrigue beaucoup.

Parmi les souvenirs, retenons quelques expressions qui caractérisent bien l’homme : « bibliographe pédagogue », « monstre sacré », « le maître et l’ami », « bibliothécaire idéal », « bibliothécaire encyclopédiste » ou encore « l’homme aux livres », « l’homme au béret », « crapahuteur des corridors », etc., la liste est presque infinie.

Enfin, nous ne pouvons pas terminer cette recension sans évoquer cette exposition de 2007 (qui a son catalogue), L’Enfer de la Bibliothèque, Éros au secret dont Raymond Josué Seckel a été le commissaire avec sa complice, Marie-Françoise Quignard. En mai 2012, il est intervenu à l’Enssib dans une journée d’étude nommée Bibliothèques d’enfer(s) organisée par les élèves conservateurs promus DCB 21 sur L’Enfer de la BN, nous faisant partager sa passion pour Sade, Rétif de la Bretonne, Apollinaire et en détaillant les coulisses de la construction de cette exposition qui a eu un réel succès et a été interdite aux moins de 16 ans.

Pour terminer, faisons un retour à la fin de l’avant-propos rédigé par sa compagne, Marie-Noëlle Bourguet-Seckel et ses collègues Nadine Férey-Pfalzgraf et Jean-Didier Wagneur : « Michel Chaillou l’assure : La mort n’empêche pas de lire. Cela tombe bien, cher Josué : c’est un peu de lecture qu’à vous aussi nous offrons. »

Finalement, ce sera 387 pages de souvenirs, d’hommages, d’analyses littéraires et de recueils bibliographiques. Un délice…