Journées UX Design de l’ADBU

« UX Design : quoi de neuf dans les BU depuis 2016 ? » - 20 et 21 mai 2021

Natacha Leclercq-Varlan

Cinq ans après le congrès ADBU 2016, à Nice, consacré à la démarche UX Design, les journées UX des 20 et 21 mai 2021, coorganisée par la commission Métiers et Compétences de l’ADBU et le SCD de l’université de Lille, avaient pour ambition de constater comment les bibliothèques universitaires françaises s’étaient emparées de cette démarche. Le 20 mai, Andy Priestner, consultant UX et référence incontournable de l’UX en bibliothèque, a animé un workshop « Active UX Design », dédié à l’analyse des données et au prototypage, qui a réuni 27 participants autour de petits ateliers interactifs et de restitutions sur Zoom. Le 21 mai, 150 participants ont assisté en ligne via Livestorm à une journée d’échanges et de retours d’expériences 1

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L’ensemble de la journée d’étude est disponible en replay sur YouTube : https://adbu.fr/actualites/retour-sur-les-journees-ux-2021 ainsi que le programme : https://adbu.fr/journeesux2021 (consulté le 10/06/2021).

, mêlant sept restitutions de projets et deux tables rondes, modérées par Julie Willems, responsable des services aux publics au Luxembourg Learning Centre, formatrice UX et grand témoin de la journée.

Pour lancer la journée d’études, Andy Priestner a insisté, lors de sa keynote d’ouverture 2

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La keynote d’Andy Priestner a également été livetwittée : https://twitter.com/andypriestner/status/1395704604516438018 (consulté le 10/06/2021).

, sur la pertinence accrue des méthodes UXD depuis la crise COVID-19. Les usagers ont expérimenté depuis plus d’une année, parfois sans autre possibilité, les cours, la documentation, les services des bibliothèques universitaires (BU) en ligne et ont mesuré ainsi les avantages et les inconvénients du tout à distance. Andy Priestner fait le pari, selon ce qu’il nomme « la théorie de l’intentionnalité », que les usagers feront désormais de vrais choix sur les modalités qu’ils privilégieront : sur place, à distance ou hybride. L’UX se révèle donc indispensable pour connaître ces nouvelles routines, déceler les nouvelles frustrations et définir de nouvelles priorités.

Construire et adapter des espaces et services sur place et à distance avec une démarche UX Design

Dans le cadre du réaménagement de l’espace culture de la BU Droit-Gestion du SCD de Lille, Natacha Leclercq-Varlan a détaillé les techniques d’observation, d’entretiens et d’ateliers participatifs mises en œuvre, en amont du projet, pour en préciser le programme fonctionnel. À l’inverse, c’est après l’ouverture de la e-BU, bibliothèque sans collection du campus Manufacture de Nancy, que cette méthodologie a été employée afin d’étudier les usages par une observation à grande échelle, et de mesurer ainsi comment les usagers s’étaient approprié le concept novateur d’e-BU, selon le retour d’expérience de Cécile Quilliard de Coccola et d’Anne Réveillé de la Direction de la documentation et de l’édition de l’université de Lorraine. Le bilan de l’outil de découverte Supernova du SCD de Rennes 1, présenté sous forme de jeu de rôle par Alice Lemesle et Émilie Liard, a été l’occasion pour l’ensemble des participants de la journée d’apercevoir au plus près un test d’utilisabilité et d’être confronté aux difficultés de navigation et de recherche. L’analyse de ces tests, avec une grande vigilance portée sur les biais qu’ils induisaient, a conduit à prendre rapidement des décisions pour améliorer l’utilisabilité de Supernova. En coanalysant, par des sessions de Lego Serious Play et des focus groups les besoins des étudiants, en coconstruisant un questionnaire avec et pour les enseignants-chercheurs et en veillant à mettre en place une coévaluation à l’issue des nouvelles formations, Jennifer Wolfarth a montré comment l’UX avait été au cœur du projet de refonte des formations documentaires en Licence, Flexi’CI, mené par le SCD de Toulouse 1.

Inscrire l’UX Design dans une dynamique de service

Jude Talbot a présenté la démarche générale d’amélioration de l’accueil des usagers du SCD de Caen, adossée à une démarche qualité et intégrée au projet de service dans laquelle a pris place, en tant qu’étape à mi-parcours, un audit de convivialité, mené par Hélène Huszti lors de son stage professionnel DCB (diplôme de conservateur des bibliothèques) pour interroger les nouveaux aménagements et services mis en place et en vérifier la pertinence. Au SCD d’Aix-Marseille, c’est l’aboutissement du cheminement progressif de la démarche UXD et la « méthode des petits pas » qui ont conduit à la création d’une commission « UX Design : service(s) (aux) public(s) », pilotée par Gaylord Mochel et Laure Papon-Vidal. Cette instance de coordination et d’accompagnement vise à pérenniser, par le biais de groupes de travail thématiques, l’application des techniques UX dans les projets Services aux publics. L’appel à une designeure professionnelle pour accompagner et renouveler Xperium, le dispositif de médiation des savoirs du SCD de Lille, a été l’occasion pour cette équipe, coordonnée par Hélène Deleuze, de faire l’expérience sur le long terme de la démarche design – de projet, d’expérience, d’espace, de management et d’objet –, pour déployer depuis la rentrée 2020 Xperium au carré.

Des projets d’envergure différents, des lignes de force communes

Reprenant ces pitchs, Julie Willems a animé les tables rondes permettant aux intervenant.es de souligner les atouts, les enseignements ainsi que les difficultés rencontrées lors des projets, entre autres :

  • les bénéfices de l’UX afin d’embarquer une équipe, notamment sur des projets qui nécessitent un important accompagnement au changement. La pratique de l’UX et la participation à la conception des outils méthodologiques et au traitement des données sont un véritable levier pour amener les collègues à être parties prenantes actives et engagées des projets ;
  • la facilité de se confronter aux usagers qui sont en attente d’échanges et apprécient l’intérêt que l’on porte à leurs pratiques, à leur quotidien universitaire, même s’il n’est pas toujours facile de les recruter ;
  • la complémentarité des méthodes pour avoir un panorama complet et qualitatif des usages, sans pour autant nécessiter un nombre important de participants ;
  • l’apport d’une formation en interne ou d’une prestation extérieure, afin de matérialiser l’importance donnée par l’établissement à ce type de méthodologie, de faciliter la diffusion et l’appropriation la plus large auprès des équipes mais également de gagner en rigueur méthodologique et de monter en compétences pour les projets futurs ;
  • le long chemin pour se décentrer de son regard de bibliothécaire afin de prendre conscience des biais inhérents à sa propre expérience et aux méthodes appliquées et l’indispensable nécessité de revenir, dans une démarche itérative, au matériel de collecte afin de conserver le long d’un projet cette position centrée sur l’usager.

Voyager en UX

Grand témoin de la journée, Julie Willems a clos cet événement avec une check-list revenant sur le cœur des échanges : les éléments essentiels pour soutenir une démarche UXD. Partageant sa propre expérience, elle a incité les participants à aller trouver au sein de leur établissement les compétences et ressources – en sociologie, psychologie, ergonomie, etc. – nécessaires pour approfondir leurs approches méthodologiques mais qui sont également une opportunité enrichissante, toujours dans une posture décentrée, de sortir des BU pour voir comment l’UX se pratique dans un autre environnement professionnel. Les retours d’expérience ont démontré que l’UX était avant tout une boîte à outils, à adapter aux problématiques et aux contraintes de son établissement, et que grâce à la « méthode des petits pas » on peut la déployer en interne selon un programme en trois temps : « sensibiliser, s’approprier et capitaliser ».

Ces journées UX ont prouvé que l’engouement pour cette démarche n’était pas retombé depuis 2016 : diversement, les établissements ont appliqué, expérimenté, testé l’UXD et les échanges nourris et féconds ont illustré que l’enthousiasme suscité par la découverte de cette méthodologie et de ses possibilités laissait place à un enthousiasme décuplé et à une profonde conviction de ses apports et de ses bénéfices multiples. Elle permet de nourrir des relations riches et éclairées avec les usagers et avec les équipes, grâce à des méthodes de travail collaboratives qui visent dans une « symétrie des attentions » à mieux se connaître les uns les autres et à proposer des solutions qui ont du sens. Par le sondage lancé en ligne au cours de la journée, la majorité des participants a situé son établissement au stade 3 (sur 6) de l’échelle d’adoption de l’UXD 3

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Traduction française du UX Model Adoption, présenté par Andy Priestner en 2017 et repris par Anneli Friberg lors de la conférence UXLibs V (2019) : https://shelleygullikson.files.wordpress.com/2019/06/friberg-slide.jpg?w=656 (consulté le 10/06/2021).

 : « La démarche UX est considérée comme importante. Des activités formalisées voient le jour. » Cinq années ont donc été nécessaires pour permettre au plus grand nombre d’emprunter le chemin de l’UXD et de faire ses premières expérimentations. La liste de diffusion bib-ux 4, créée à la suite de ces journées et suivie par près de 200 inscrits un mois après l’événement, témoigne du besoin de faire communauté autour de ces questions et permettra de recenser et partager les nombreux projets que déploieront les établissements pour continuer leur parcours sur le chemin de l’UXD.

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