« On en parle » : rapport Bothorel sur l’ouverture des données publiques

Pierre Moison

Béatrice Michel

La rubrique « On en parle » apporte des éclairages complémentaires sur une actualité récente. Vous souhaitez partager des références ? Envoyez votre contribution « On en parle » à : bbf@enssib.fr

Une sélection conçue par Pierre Moison et Béatrice Michel, de la mission « Médiation numérique » à l’Enssib.

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– « une plus grande transparence vis-à-vis du public ;

– un gain en performance et en réactivité dans des situations d’urgence grâce au recueil d’informations ;

– un levier économique pour la création de nouveaux services ou d’entreprises innovantes, en particulier dans les secteurs de l’intelligence artificielle ;

– une meilleure évaluation des politiques publiques grâce au croisement de données issues de différentes administrations. »

  • Vie-publique.fr retient ces recommandations :

– « une politique de la donnée portée par le Premier ministre dans le cadre d’un comité interministériel porté par lui ;

– un renfort humain et financier notamment au sein des instances publiques chargées de la protection des données (CNIL, CADA…) ;

– la mise en place d’un label qualitatif en matière de données ainsi qu’une amélioration de l’accessibilité à ces données ;

– un meilleur partage des données entre acteurs publics ;

– une mise en œuvre effective des dispositions relatives aux données d’intérêt général contenues dans la loi pour une République numérique de 2016 ;

– un accès sécurisé aux données sensibles pour renforcer l’indépendance en matière d’intelligence artificielle.

Le rapporteur souligne par ailleurs la nécessité pour les acteurs publics d’accéder à des données issues du secteur privé lorsque celles-ci sont considérées d’intérêt général. »

« Le rapport remis par M. Éric BOTHOREL éclaire la mise en œuvre de ces principes par les administrations, relevant des insuffisances ponctuelles, exemples à l’appui, et formule des recommandations pour y remédier, en valorisant davantage la filière RH publique du numérique, de la statistique et de la donnée mais aussi en structurant le réseau des administrateurs des données, des algorithmes et des codes sources. Il a rappelé que, lorsqu’elle ne peut pas être ouverte, la donnée peut être partagée entre administrations et être mise à la disposition de tiers agréés. Un principe de partage des données entre administrations pourrait ainsi être défini, à fins de simplification de la vie quotidienne des Françaises et des Français mais aussi de plus grande efficacité des administrations. De même, l’État pourrait se doter d’un cadre juridique et technique de confiance pour favoriser et accélérer l’accès sécurisé des chercheurs, des innovateurs et des entrepreneurs aux données dont ils ont légitimement besoin dans leurs activités. »

« Jean Castex demande ainsi aux membres du gouvernement de “s’impliquer personnellement” pour faire de la politique de la donnée “une priorité stratégique de l’État” en demandant à leurs administrations de “rechercher en permanence la meilleure circulation de la donnée, des algorithmes et des codes sources dans des formats ouverts et exploitables par des tiers”. La circulaire demande également un “renforcement de l’usage du logiciel libre et ouvert” symbolisé notamment par la constitution d’une mission pour la promotion des “logiciels libres et communs numériques” au sein de la DSI de l’État. […]

Quant au ministère de l’Enseignement supérieur, celui-ci devra élaborer avec le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, une “charte d’engagement de l’État pour accélérer le traitement des demandes des chercheurs souhaitant accéder à des données ayant vocation à être mises à disposition du public et en particulier réutiliser des algorithmes et des codes sources”. Et ce d’ici au 1er juillet 2021.

Le rapport Bothorel avait largement insisté, en outre, sur l’acculturation des agents publics aux enjeux de la donnée, et plus spécifiquement sur l’attractivité des professionnels de la donnée au sein de l’État. Bien qu’un plan d’action pour la filière RH très complet ait été lancé en 2019, avec notamment la possibilité de recourir aux contractuels pour les métiers en tension, dont les data scientists, la circulaire remet une pièce dans la machine et demande à Amélie de Montchalin de lui remettre d’ici au 15 mai une “stratégie interministérielle pour la filière numérique incluant les compétences liées aux données et aux algorithmes”. »

Plusieurs des acteurs consultés dans le cadre de la mission Bothorel ont réagi à sa publication.

« Sur le volet open source, la circulaire lance au sein de la Dinum une mission dédiée à l’animation et à la promotion interministérielle en matière de logiciel libre. Le contour de cette mission devra être précisé selon les différentes associations du logiciel libre. L’April indique qu’il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction qui devra être confirmée et détaillée. Elle ajoute qu’« une telle mission ne pourra produire d’effets utiles sans moyens dédiés, particulièrement des moyens humains ».

Cette mission aura comme tâche de créer le portail interministériel code.gouv.fr. Là encore, rien n’est dit sur le contenu du site et l’April avertit en souhaitant « qu’il s’agisse d’une véritable forge logicielle publique, accueillant les codes sources produits par les administrations et librement accessible, et non pas d’un simple portail listant les liens vers des codes hébergés sur des forges extérieures. »

« Des acteurs du logiciel libre ont mis en avant dans une tribune au Monde 8

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que “le logiciel libre et l’ouverture des données sont deux enjeux majeurs du numérique moderne qui méritent une stratégie publique” et l’Association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres pour les administrations et les collectivités territoriales (Adullact) a publié les 5 propositions 9 qu’elle a soumises au moment de son audition. »

« Le principe d’ouverture par défaut introduit par la Loi Lemaire donne à l’administration l’initiative de l’ouverture, et non plus au seul citoyen, comme prévu par la loi de 1978. En pratique, beaucoup d’administrations ne jouent pas le jeu. Il est donc nécessaire de rendre ce droit plus effectif, notamment en renforçant les pouvoirs de la CADA. Dans 80 % des cas, l’administration ne répond même pas aux demandes, et le délai d’attente d’une réponse de la CADA atteignait en moyenne 176 jours en 2019. »

« La science ouverte est mentionnée à plusieurs reprises avec l’exemple des actions menées par le CoSO (Comité pour la Science Ouverte) dont le but est d’implémenter le plan national de la science ouverte faisant de la mise à disposition des données de la recherche un des axes stratégiques. À ce sujet, la mission enlève une ambiguïté présente depuis la loi République Numérique sur le statut des données et des codes sources de la recherche. Il est ainsi rappelé que les données de recherche ainsi que les codes sources rentrent dans le cadre des documents administratifs de l’État et sont soumis de ce fait aux mêmes obligations d’ouverture. […]
L’ouverture des données et des codes sources s’inclut en effet dans un régime numérique des données et plus généralement des savoirs, qui implique des transformations organisationnelles, économiques, juridiques et culturelles majeures pour les acteurs en présence mais aussi la prise en considération de nouvelles figures collectives sous la forme notamment de communautés. »

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