Dlis, carnet de recherche partagé
Un espace éditorial à la croisée des sciences de l’information et des bibliothèques
Le carnet de recherche DLIS est un espace éditorial ouvert pour les bibliothécaires et les chercheurs confrontés, à l’ère numérique, aux problématiques professionnelles et de recherche communes aux sciences de l’information et des bibliothèques, à l’information scientifique et technique et aux humanités numériques. Retour sur ce pari éditorial singulier et prometteur.
The DLIS research log is an open publishing platform for librarians and researchers dealing with professional issues raised by digitisation in both information science and library science, and with technological and scientific information and the digital humanities. The article looks at the unique and highly promising experiment.
Ouvert en mai 2016 sur le portail de blogging scientifique Hypothèses – réseau des carnets de recherche académique en SHS –, le carnet collaboratif DLIS est publié avec le soutien de l’Enssib et s’inscrit dans le paysage international des sciences de l’information et des digital humanities, en adoptant délibérément un nom anglo-saxon : Digital Libraries & Information Sciences. Né de la rencontre d’intérêts partagés entre le monde des bibliothèques et celui de la recherche, il s’adresse à des chercheurs et des professionnels de l’information pour informer et débattre des questions actuelles autour de l’information scientifique et technique, des sciences de l’information et des humanités numériques.
À l’image de cet espace éditorial hybride, ce carnet, porté par la Direction de la valorisation de l’Enssib, est le fruit d’une collaboration éditoriale entre un conservateur des bibliothèques, (Catherine Muller – Enssib) et deux chercheurs, membres des laboratoires Elico et LERASS-CERIC 1 et maîtres de conférences en sciences de l’information et de la communication (Benoît Epron – Enssib, et Hans Dillaerts – université Paul Valéry Montpellier 3).
Objectif scientifique et conception éditoriale : l’intérêt du carnet de recherche
Accueillant des contributions académiques plus ou moins formelles – dont certaines en anglais – de bibliothécaires, de chercheurs, d’informaticiens, d’ingénieurs et d’étudiants inscrits dans les filières des sciences de l’information, le carnet a pour ambition de construire un espace éditorial d’échange et de vulgarisation scientifique entre des communautés francophones et d’ailleurs, convergeant à analyser les effets de la transition numérique sur leur écosystème de travail. L’objectif d’une telle rencontre est de permettre un partage de questionnements, de connaissances, de méthodes et de regards croisés sur les problématiques professionnelles et les démarches de recherche communes. Par ailleurs, à l’heure de la sociabilité connectée, le carnet de recherche constitue un des outils pour construire son identité numérique et exister dans le réseau, et il n’est pas rare de voir un projet de recherche ou un séminaire se doter d’un carnet. Disposant d’un ISSN qui lui consacre la reconnaissance institutionnelle d’une publication en série, le carnet de recherche conserve pour autant une grande liberté au niveau éditorial, dans son calendrier de publication, le travail de l’équipe de rédaction, le mode de diffusion et le choix de ses auteurs.
Le carnet DLIS 2, lancé en 2016, compte à ce jour une centaine de billets publiés : en plus du travail d’édition des articles, sous la forme de débats, d’apports méthodologiques, de retours d’expérience ou encore d’échanges au sein de webinaires, il s’appuie sur un travail de veille, de repérage et de réseautage à partir de son compte Twitter 3. Emblématique de l’identité numérique de l’équipe, c’est aussi un outil adapté pour relayer l’actualité dans ses domaines de questionnement, en particulier les colloques, les séminaires de recherche et les appels à communication, mais aussi ponctuellement des annonces de soutenances et de publications scientifiques. Cet exercice de repérage est essentiel à la constitution des lignes de force, des questionnements de recherche ou de terrain qui traversent simultanément le champ des sciences de l’information et des bibliothèques, et dont le carnet de recherche se fait le porte-voix. L’activité de veille effectuée par l’équipe éditoriale du carnet permet, dans un premier temps, d’identifier la pluralité des acteurs qui participent à ces débats, de repérer les consensus ou, à l’inverse, les controverses qui les nourrissent, et en définitive de suivre les intérêts scientifiques des uns et des autres.
Hypothèses : le réseau des carnets de recherche académiques en SHS
• Estimez-vous, dans le cadre de vos missions de blogging scientifique, d’accompagnement des communautés et de valorisation des contenus d’Hypothèses, qu’il y a suffisamment d’espaces éditoriaux d’échanges entre les professionnels de l’information et les chercheurs ?
Il n’y a jamais trop d’espaces de rencontre entre les producteurs de savoirs et les acteurs de leur diffusion vers un public le plus large possible ! À la question de savoir si ces espaces existent en nombre suffisant, Hypothèses apporte un élément de réponse en proposant non pas un lieu unique de rencontre, mais autant d’espaces d’échanges potentiels que de carnets de recherche. DLIS en est un parfait exemple.
• Y a-t-il beaucoup de carnets de recherche sur OpenEdition co-animés par des bibliothécaires et des chercheurs ?
Il y a actuellement, sur Hypothèses, une cinquantaine de carnets qui se présentent comme étant des « carnets de bibliothèques ». Parmi ceux-ci, certains sont co-animés par des chercheurs et des bibliothécaires, d’autres non. Il y a aussi d’autres types de carnets auxquels participent des bibliothécaires. Ces collaborations sont difficilement identifiables et quantifiables à notre échelle. Elles constituent l’essence même d’Hypothèses dans ce qu’elles ont de souple, d’évolutif et de protéiforme.
Au-delà du « moissonnage » des sources et des sujets qui posent question, l’enjeu du réseautage social est de tisser des liens avec les différentes communautés présentes sur le même périmètre scientifique pour positionner l’identité éditoriale du carnet au sein d’un environnement professionnel et de recherche en constante évolution et recomposition.
A contrario, le travail d’éditorialisation du carnet, lui, repose sur un processus de tri et de choix à opérer parmi une surabondance d’informations. Si l’objectif à terme est bien de voir émerger et de confronter les grandes tendances qui interrogent les professionnels de l’information et les chercheurs, le fait de privilégier tel débat de réflexion ou de mettre en avant tel colloque plutôt qu’un autre répond à une double logique d’arrêt sur images – portée par une analyse étayée par une bibliographie, une synthèse sur une question en débat dans la profession ou une étude de cas plus spécifique – et de flux d’informations réactualisés en permanence, dont témoignent par exemple la succession des appels à communication des chercheurs et les annonces des colloques professionnels. Cette temporalité paradoxale, qui distingue l’espace éditorial du carnet de recherche, en fait probablement sa force et sa singularité.
On voit bien l’articulation de ces deux dimensions temporelles, l’une qui couvre l’actualité, l’autre qui pose un jalon réflexif. On peut citer pour exemple l’annonce en amont du Congrès 2016 de l’ADBU sur « Les méthodes de design UX en bibliothèques, des services vraiment orientés usager ? » et la publication en aval d’un article de fond, très lu par nos lecteurs, « Concevoir l’expérience utilisateur en bibliothèque : pour quoi faire ? », qui prend la forme d’un panorama sur les problématiques de l’expérience utilisateur dont se sont emparées récemment les bibliothèques, en replaçant la notion au sein du spectre plus large de la discipline, l’architecture de l’information.
Cette approche à deux vitesses des questions qui traversent le champ de la recherche et des sciences de l’information permet ainsi de dessiner, au fil des publications, une sorte de cohérence fortuite sous forme de collection kaléidoscopique, en dépit du principe de non-exhaustivité – ou peut-être grâce à lui –, de la disparité des formats éditoriaux – de la simple annonce événementielle à une analyse plus approfondie, en passant par la publication d’un rapport institutionnel –, de la fragmentation temporelle des contenus ou encore de la multiplicité des approches et des auteurs.
Un exemple frappant pourrait être le thème des « humanités numériques » qui constitue avec celui de l’IST un point de convergence entre chercheurs et bibliothécaires. Il n’est pas une semaine sans que ce concept soit l’objet d’étude d’un séminaire de recherche, d’un congrès professionnel, d’une parution scientifique, et que des publications académiques s’en réclament ou qu’une revue de recherche prenne son nom ; pas une semaine sans que le concept soit questionné à l’aune des disciplines historiques, archivistiques, culturelles, scientifiques, techniques ou philosophiques, ou qu’il entre, plus récemment en France, comme élément de discours dans le champ des politiques publiques de recherche ; que le questionnement porte sur les méthodologies d’analyses, les outils informatiques utilisés dans les SHS, l’épistémologie de la discipline, ou que les humanités numériques traitent de la transformation elle-même opérée par ces technologies sur l’ensemble de la civilisation.
Ainsi dans le carnet, on peut lire un certain nombre d’articles de réflexion qui essayent de stabiliser les approches des uns et des autres comme autant de pièces de puzzle d’une collection fragmentaire et non finie. Autrement dit, pour reprendre la terminologie de « traces numériques » analysée par Louise Merzeau, l’objet éditorial sert à collecter des traces, à « faire mémoire des traces ». À ce titre, il nous aide à ne pas nous noyer complètement sous le flot du déluge informationnel et de l’effacement qu’il génère. Pour illustration, on pourrait choisir deux articles, l’un de chercheur, « Humanités digitales et bibliothèques entre transformations et formations 4 », l’autre de bibliothécaire, « Professionnels de l’information et humanités numériques : compétences, formations, métiers 5 », qui parlent des transformations des habiletés professionnelles, vécues de plein fouet par les deux communautés.
Hélène Bert – Bibliothécaire, responsable des ressources numériques à la bibliothèque départementale des Côtes-d’Armor
• Quelle valeur ajoutée représente pour vous la publication d’articles sur un carnet de recherche tel que DLIS ?
J’y ai trouvé une opportunité de distanciation par rapport à ma pratique professionnelle. Écriture et synthèse, et surtout relecture critique, m’ont permis, pour chaque billet, de gagner en connaissance et en cohérence par rapport aux thématiques traitées. Chacun des billets a été lié à une journée d’étude ensuite, ce qui montre, il me semble, que cette vocation du carnet à susciter l’échange, même si les billets suscitent peu d’échanges (commentaires), dépasse son périmètre virtuel. J’avoue ne pas m’être posé la question d’un lectorat cible, je réalise que j’ai vraiment une démarche très personnelle (bilan d’expérience, synthèse de mon travail). C’est un peu comme de faire de l’alpinisme d’écrire dans ce carnet, je ne me serais jamais lancée seule, mais là, en cordée, ça va.
La question de la formation et des identités professionnelles figure au cœur des débats, après celles du périmètre scientifique et des communautés de pratique. Plus largement, il s’agit de savoir ce que les humanités numériques apportent de nouveau à la réflexion en SIC et dans les SHS, et inversement. Comment former les futurs professionnels de l’information aux enjeux des humanités numériques ? Deux autres articles, l’un d’un chercheur et informaticien 6, l’autre d’un professeur documentaliste 7, vont s’attacher à contextualiser les humanités numériques à l’échelle historique : le premier, « Humanités numériques, architecture de l’information : des réponses à un changement de paradigme documentaire », les resitue dans l’histoire longue du modèle documentaire qui renouvelle à chaque fois notre rapport au savoir, le second propose une « Chronologie des humanités numériques » sous forme de frise illustrée. Il y aurait bien d’autres exemples de cet assemblage composite de textes qui finit par faire sens, à l’image de la collection et du recueil d’articles.
Olivier Le Deuff – Maître de conférences HDR en SIC à l’université Bordeaux Montaigne
• Estimez-vous, dans vos pratiques professionnelles, qu’il y a suffisamment d’espaces éditoriaux d’échanges entre les professionnels de l’information et les chercheurs ?
Il reste selon moi à définir ce que l’on entend par espaces. Disons qu’il existe des lieux ou milieux de publication dans lesquels peuvent s’effectuer des échanges. Je pense que l’enjeu n’est pas seulement de trouver des lieux, mais aussi de trouver des moments pour réaliser un travail de veille et de lecture de ce que font les autres. Les interactions se font sur des temporalités différentes, mais le plus opportun ce sont les possibilités de poursuivre les échanges entre deux conférences, colloques et autres entrevues via les mails et les réseaux sociaux comme Twitter. On pourrait considérer que la liste DH autour des Digital Humanities gagnerait à inclure plus de débats et des formes contradictoires, voire des logiques référentielles pour améliorer les connaissances des uns et des autres. Pour l’instant, ce n’est pas vraiment le cas, si ce n’est à de rares occasions. C’est un peu plus le cas sur les listes anglo-saxonnes. Il reste sans doute à imaginer d’autres formes de débats et de discussions qui puissent faire traces en dehors des séminaires sur le sujet qui existent désormais depuis quelques années. Il y a une histoire courte et une histoire longue des humanités digitales, il faut trouver les moyens pour inciter à y participer davantage et pour faciliter les possibilités d’y prendre part. En ce sens, on a sans doute aussi besoin d’un retour des fameux ThatCamps dans des déclinaisons peut-être renouvelées et avec plus d’originalité. Je plaide d’ailleurs pour un ThatCamp piloté par les actrices du domaine qui sont nombreuses désormais alors que les statistiques démontraient que l’organisation de ces évènements et l’animation des ateliers étaient demeurées essentiellement masculines. J’espère que cela pourra se faire prochainement. Au niveau SIC, les échanges entre recherche et professionnels me semblent se faire de façon assez fréquente via le web, mais aussi par des événements particuliers et le rôle des associations professionnelles notamment, type APDEN ou ADBS. Il reste cependant à retrouver les aspirations et l’énergie d’antan lorsqu’un chercheur comme Jean Meyriat se trouvait présider à la fois la SFSIC (Société française des sciences de l’information et de la communication) et l’ADBS. Cela pourrait sembler une forme de concentration de pouvoir, mais cela me semble assez opportun dans certaines périodes. C’est à mon sens le cas actuellement où la SFSIC cherche le placement opportun vis-à-vis des DH, tandis que l’ADBS cherche un avenir autour d’un repositionnement avec les data. Dans tous les cas, ce sont des périodes où il faut se montrer surtout visionnaire plutôt que de vouloir suivre des modes de manière contrainte. Cela implique par conséquent une vision historique pour mieux envisager des perspectives qui ne soient pas à court terme.
• Quelle valeur ajoutée représente pour vous la publication d’articles sur un carnet de recherche tel que DLIS ?
Je crois qu’un tel carnet joue à la fois un rôle de médiation dans le sens de valorisation ou de vulgarisation, mais aussi qu’il représente une forme de collection. J’entends par collection l’idée de collecter et de mettre ensemble, ici dans une forme éditoriale via un carnet thématique qui va prendre sens au fur et à mesure des ajouts. L’autre atout important est de rappeler que les carnets de recherche bénéficient d’une indexation via les moteurs de recherche dédiés comme Isidore. Dernier point, il y a dans les carnets de recherche une dimension de conservation à long terme qui semble mieux assurée du fait de la logique institutionnelle qui permet également une reconnaissance du travail qui est effectué. C’est moins le cas sur des blogs plus hybrides ou personnels, mais cela permet également une plus grande liberté d’expression et de formats.
• Quel public visez-vous ?
En général, la publication sur des blogs ou des carnets de recherche permet de toucher un public élargi. En ce qui concerne les SIC et les DH qui sont mes domaines de recherche, cela va des chercheurs et enseignants-chercheurs aux ingénieurs, bibliothécaires, étudiants, professionnels de l’information et autres publics intéressés par les questions de la formation et de la transmission. Mais cela peut concerner d’autres acteurs, les décideurs politiques ou économiques notamment.
En définitive et paradoxalement, sans prétendre à une quelconque exhaustivité, la forme éditoriale du carnet permet de se faire une idée relativement précise des questions que se posent chercheurs et bibliothécaires à la fois sur le court et le moyen terme, tantôt à l’unisson, tantôt séparément, voire à l’insu des uns et des autres. C’est probablement cette forme inachevée, qui la distingue d’une publication scientifique « finie », qui en fait sa force d’un point de vue éditorial.
D’autres carnets de recherche partagent cette approche professionnelle plurielle. Par exemple, le blog du projet franco-italien Fonte Gaïa, dont la force tient à la réunion de chercheurs et de bibliothécaires français, italiens, et également à la constitution d’une bibliothèque numérique. On peut citer aussi les excellentes analyses et retours d’expérience de terrain produits par l’équipe de la bibliothèque numérique de l’université de Clermont dans L’alambic numérique, dont le blog traite aussi bien de bibliothèques que de numérique et d’informatique. On trouve d’ailleurs, parmi les rédacteurs, le conservateur Olivier Legendre, dont l’ouvrage collectif paru en 2017 en libre accès aux Presses universitaires de Montréal, Expérimenter les humanités numériques 8 – co-écrit avec un autre conservateur, Étienne Cavalié, et deux chercheurs, Frédéric Clavert et Dana Martin –, témoigne bien du positionnement du bibliothécaire sur le terrain de la recherche.
Autre publication intéressante de bibliothèques, proche de la ligne éditoriale de DLIS, l’excellent carnet de veille documentaire des bibliothécaires de la FMSH (Fondation Maison des sciences de l’homme), Digital Library, qui aborde les problématiques d’environnement numérique d’une bibliothèque de recherche en SHS et propose des outils et des méthodes de travail, bien au-delà du cadre institutionnel que représente la bibliothèque.
Cibles et audience
DLIS accueille actuellement une vingtaine de contributeurs réguliers ou occasionnels venus d’horizons divers (de France et d’ailleurs, Italie, Espagne, USA, Canada) et exerçant leurs fonctions dans des cadres institutionnels variés (centres de recherche, écoles de formation, universités, bibliothèques publiques ou universitaires). Chacune des contributions, portée par un regard qui lui est propre dans son champ d’expertise, participe de l’analyse globale des enjeux sur les transformations numériques qui redéfinissent les pratiques professionnelles, les outils et les objets de recherche des sciences de l’information, voire l’économie des connaissances dans son ensemble.
Bianca Tangaro – Chargée d’édition web chez OpenEdition
• Estimez-vous qu’il y a suffisamment d’espaces éditoriaux d’échanges entre les professionnels de l’information et les chercheurs ?
Pendant mon master 2 en publication numérique à l’Enssib (2017), j’ai eu la possibilité de contribuer à deux carnets de recherche sur la plateforme Hypothèses, un des deux était le carnet de recherche DLIS. Je ne connaissais pas d’autres plateformes de blogs scientifiques au-delà d’Hypothèses proposée par OpenEdition. C’est un espace de dialogue où, en tant qu’étudiant par exemple, on peut commencer à rédiger de manière suffisamment libre, mais en même temps structurée, les premiers brouillons pour un mémoire, ce qui était mon cas.
• Quelle valeur ajoutée représente pour vous la publication d’articles sur un carnet de recherche tel que DLIS ?
Lorsqu’on sait qu’un carnet de recherche possède un ISSN, donc un identifiant bibliographique unique et standardisé pour les revues en série, on s’oblige à une rédaction plus complète et formalisée par rapport à celle qu’on peut avoir sur un carnet privé (papier ou numérique d’ailleurs). Cela permet d’avancer dans son travail de rédaction. La valeur ajoutée de ce type de publication, qui peut être vraiment envisagé comme un exercice dans les premières phases de rédaction d’un mémoire, ou d’un dossier de master, tient également dans le fait qu’on soumet son texte à des possibles commentaires et critiques. Dans mon cas, par exemple, après la publication de l’article sur la conception du livre numérique dans le carnet DLIS, j’ai eu un retour de la part de Hervé Bienvault avec qui j’ai pu continuer à discuter et prendre en compte ses suggestions et son point de vue. L’échange avec un professionnel m’a permis de prolonger ma réflexion, et ensuite d’enrichir indirectement aussi mon mémoire. C’est pourquoi contribuer à un blog scientifique est un exercice que je ne peux que conseiller aux étudiants afin d’ouvrir un dialogue à la fois avec d’autres étudiants, mais aussi avec des enseignants-chercheurs et des professionnels.
L’analyse statistique de consultation des articles 9 depuis l’ouverture du carnet confirme l’intérêt d’un lectorat diversifié, issu de réseaux professionnels hétéroclites. On pourrait être tenté de les regrouper selon des logiques d’appartenance à quatre familles professionnelles, quelquefois convergentes – entre autres, autour des problématiques pédagogiques et fédératrices de l’IST. D’abord la communauté des professionnels de l’information qui regroupe bibliothèques, documentalistes, archivistes, tutelles institutionnelles, éditeurs académiques et associations professionnelles (ADBU, ADBS, ABF), Couperin, l’Inist, les Urfist, le réseau pédagogique Canopé, etc. ; ensuite le réseau académique des chercheurs en SIC et en « humanités numériques » au sens large, tel que Humanistica ou la SFSIC (Société française des sciences de l’information et de la communication), très actif sur les questions de recherche d’ordre épistémologique, technologique ou économique – en particulier le modèle de publication scientifique ; enfin, la communauté des architectes de l’information et des Community Managers, plus orientée sur les utilisateurs et les approches marketing, ainsi que le réseau des Makers, Hackers et des Fablabs qui partagent quelquefois les problématiques des autres communautés sur les outils et les modèles socio-économiques alternatifs de la connaissance.
Pour preuve de l’écho que rencontre le carnet auprès de ces communautés, on saluera les nombreux relais d’articles sur les réseaux sociaux par les leaders d’influence de ces domaines, au carrefour des SIC et des bibliothèques, dont par exemple l’ADBU, ÉchosDoc (le portail francophone des spécialistes de l’information et de la documentation), Persée, Érudit, LaLIST, la cellule de veille de l’Inist, etc., et sans évoquer ici les influenceurs de renom dans leur champ d’expertise qui suivent le carnet.
Par ailleurs, l’ancrage de DLIS sur Hypothèses, la plateforme de blogging scientifique des chercheurs en SHS, contribue à valoriser le carnet auprès des communautés de recherche. Non seulement l’équipe éditoriale met volontiers en vedette les billets de DLIS sur son portail, mais elle participe également à promouvoir le carnet auprès des réseaux de chercheurs, dont témoigne par exemple l’initiative de lui consacrer la rubrique « Un carnet à la une » dans la Lettre de la recherche de l’InSHS du CNRS parue en novembre 2017. Par ailleurs, grâce à l’Enssib qui soutient l’activité éditoriale du carnet, DLIS bénéficie sans aucun doute d’un environnement « attentionnel » privilégié, composé de futurs professionnels concernés par ces questionnements. Le carnet accueille ainsi régulièrement des contributions anglophones des chercheurs étrangers invités par la mission Relations internationales de l’école, et l’ensemble des articles de DLIS sont systématiquement relayés sur les réseaux sociaux de l’Enssib.
Pour aller plus loin
Une sélection d’articles à découvrir dans DLIS
Des articles pragmatiques écrits sous la forme de retours d’expérience, comme ceux de la Bibliothèque départementale des Côtes-d’Armor, sous la plume d’Hélène Bert : « Dispositif de prêt de livre numérique », « Les bibliothèques et l’open data », ou plus réflexif : « Ce que les données font aux bibliothèques ».
Des articles croisant théorie et pratique, comme les panoramas de Catherine Muller : « Les méthodes de conception de l’expérience utilisateur en bibliothèque », « Qu’est-ce qu’un document numérique au 21e siècle ? ».
Des questionnements théoriques de fond comme celui de la Fulbi : « L’apport des professionnels des bibliothèques, de l’info-doc et du patrimoine aux Digital Humanities ».
L’article du chercheur Éric Guichard, publié conjointement dans une tribune de Libération, qui interroge les liens entre science et technique d’un point de vue scientifique et philosophique : « La science et l’enseignement supérieur face au pouvoir des algorithmes ».
La réflexion du chercheur canadien Marcello Vitali-Rosati sur les questions d’écriture numérique : « L’édition à l’époque du numérique », qui trouve un écho dans l’analyse non moins stimulante de Bianca Tangaro sur « La conception du livre numérique : de la page au flux ».
Sur l’évolution du modèle des bibliothèques, l’entretien de Hans Dillaerts avec Julien Amghar, animateur et créateur d’un « Dispositif de FabLab au sein d’une bibliothèque publique », témoignage original que vient mettre en perspective un autre billet humoristique de ce contributeur atypique, doctorant en Histoire contemporaine, sur le récit d’une « Course de drones à la médiathèque de Pontivy ».
Le questionnement de Karen Diaz (directrice de la BU de West Virginia) sur la définition des bibliothèques de recherche au 21e siècle, « What is the 21 st Century Academic Library ? ».
Et tout récemment, « Les données de la recherche : entretien avec Joachim Schöpfel et Alexandre Serres – Périmètres et pratiques ».