La médiation à l’heure du numérique
Jean-Philippe Accart
ISBN 978-2-7654-1505-3 :35 €
Réseaux sociaux, applications, moteurs de recherche, sont aujourd’hui des outils du quotidien. Leur rapidité d’exécution, leur accessibilité, sont autant d’arguments qui exigent des institutions de repenser leurs services et de prendre en compte les nouveaux besoins qu’engendrent ces pratiques.
Dès le premier chapitre, Jean-Philippe Accart propose un échantillon du vaste débat qu’engendrent, dans les métiers de l’information et de la communication, le numérique et le concept de médiation. Il cite Yves Jeanneret, Anne-Marie Bertrand, Abraham Moles, et propose ainsi au lecteur une introduction à ses propos : la médiation liée au numérique est une question complexe, à la fois politique – dans le sens « vie de la cité » –, technique et sociologique. En citant Michel Durampart, il introduit également la question des implications des évolutions technologiques sur les professionnels, et donc sur des métiers et sur une organisation.
Ce dernier point est d’ailleurs évoqué dès la préface de Christophe Deshamps, notamment par cette phrase : « (…) avec Google, je suis mon propre bibliothécaire (documentaliste, veilleur). »
Google a modifié notre rapport à l’information : je mets en place mes propres veilles, j’ai accès de chez moi à des manuscrits de la BnF, je peux consulter les archives de l’INA et regarder des films sur des plateformes payantes qui sélectionnent pour moi, selon mon profil, des documentaires, des séries et autres vidéos. Je peux compléter ou créer des articles sur Wikipédia et, en tant que bibliothécaire, je suis même sollicitée afin d’apporter mon savoir-faire. J’ai été formée pour trier, hiérarchiser l’information, vérifier les sources et les rendre accessibles.
Cet outil, pourtant, est accessible par tous, tout le temps. Quel est mon rôle alors, auprès de l’usager qui, lui aussi, a accès à un flux ininterrompu d’informations, met en place ses propres veilles et rédige des articles Wikipédia ? N’est-ce pas paradoxal de parler de médiation, alors que le public semble aujourd’hui se débrouiller seul ?
Ainsi la préface et le premier chapitre de cet ouvrage pose le cadre d’une réflexion qui va au-delà de l’outil et de la pratique du numérique à un instant T. Il invite le professionnel à prendre en considération le fait que le rapport à la documentation a fondamentalement changé pour chacun d’entre nous, et qu’il s’agit de s’approprier les outils, afin de continuer à être pertinent pour l’usager et notre métier. L’ouvrage de Jean-Philippe Accart apporte également une base sur laquelle s’appuyer, afin de faire évoluer les services proposés aux usagers, en intégrant pleinement la médiation en ligne au projet de service.
L’auteur nous accompagne donc, en organisant sa réflexion en deux volets : dans le premier, il met en exergue les contours de la médiation, étudie le contexte économique et réfléchit sur l’évolution des rôles du professionnel et de l’utilisateur.
Dans le second, l’auteur se concentre sur la mise en œuvre de la médiation en ligne : il s’agit tout d’abord d’analyser les besoins des utilisateurs, puis de proposer différentes pistes afin de mettre en place des services de médiation en ligne, en phase avec sa structure, avec les moyens mis à disposition et surtout avec l’équipe. Parce que la médiation est affaire de sens, il est nécessaire que chaque membre de l’équipe s’approprie le projet.
En définitive, qu’est-ce que la médiation à l’heure du numérique ? Employée couramment dans le milieu culturel, la notion de « médiation » renvoie à de multiples réalités et contextes. Établir une définition unique manquerait donc de pertinence et de relief : l’auteur choisit de redessiner ses contours, en s’appuyant sur les débats actuels et en analysant les deux grands types de médiation – en présentiel et virtuelle. Ainsi, le lecteur et l’auteur partent d’une base commune.
La médiation est donc humaine, multiple et nécessite des outils adaptés. Elle n’est pas de la communication, de la prescription, et ne se résume pas à un dispositif technique. Elle est un ensemble de projets, avec un fil conducteur, qui prend en compte l’usager, la société dans lequel il évolue, le professionnel et les outils adéquats.
Il s’agit de penser l’intermédiaire, en travaillant sur les services proposés à l’usager, face aux nouvelles technologies et aux nouvelles pratiques, à la fois plus individuelles et participatives, qui ne met pas l’aspect prescriptif au premier plan, mais plutôt l’échange, la réactivité et la convivialité.
Ainsi le professionnel doit s’adapter à cet utilisateur multiple, autonome, qui recherche chez le bibliothécaire une assistance, une possibilité de consultation. En bref, un médiateur. Ainsi il est essentiel que la médiation numérique fasse partie intégrante du projet de service, liée à l’existant pour ainsi gagner en pertinence, et permettre à l’ensemble de l’équipe de donner pleinement sens.
Jean-Philippe Accart ne nous laisse pas sur ce constat et propose ensuite des pistes afin de développer des services numériques en phase avec les pratiques actuelles. Partir des besoins de l’usager, voilà le point de départ. Il s’agit de prendre en compte l’existant, d’impliquer l’ensemble de l’équipe afin que les services en ligne soient pertinents et performants. Pour impliquer et donner sens, il est nécessaire de formaliser : étude de faisabilité, cahier des charges, sont autant d’outils qui permettent de suivre le projet et de veiller à son bon déroulement.
Le paradoxe de la médiation à l’heure du numérique est évoqué dès les premières lignes de cet ouvrage. Jean-Philippe Accart prend soin d’y revenir au dernier chapitre, et achève d’expliciter la raison pour laquelle la médiation à l’heure du numérique – donc déjà hier, aujourd’hui et demain – est plus que jamais nécessaire. Cet ouvrage invite le lecteur à cheminer, à réfléchir sur son activité, sur son métier, à prendre la mesure des changements qu’apportent les nouvelles technologies et fournit des outils pour aborder ces dernières de manière sereine.