La musique en bibliothèque aujourd’hui : quelle offre, quels services ?

Journée élèves conservateurs promus DCB26 – 21 juin 2017

Agnès Drouglazet

Cette journée, organisée à l’occasion de la fête de la musique par les élèves de la promotion Nina Simone, a mis à l’honneur la question de la musique dans les médiathèques et établissements spécialisés.

Les interventions de l’après-midi à l’Enssib étaient précédées de visites d’établissements lyonnais.

Celle de la bibliothèque municipale de Lyon par Cyrille Michaud a permis de découvrir la salle du département musique et de constater que, face aux baisses de prêts de CD, la BML a mis en place divers dispositifs de médiation et d’écoute sur place : postes d’écoute de CD et de sélections du webzine l’Influx, tablettes et bornes 1dtouch, mise à disposition d’une platine vinyle avec faisceau laser. La BML a également misé sur l’organisation d’actions culturelles : showcase d’artistes locaux, rencontres, accueils de scolaires, etc. La visite s’est achevée au milieu du silo qui conserve 48 000 CD sur les 70 000 du fonds (conservation de la production locale) ; ainsi qu’une collection importante de vinyles.

Yves Alix (directeur de l’Enssib) a ouvert les échanges de l’après-midi, puis Monique Calinon et Marie-Josée Krill ont présenté les différentes interventions.

Dans son Tour d’horizon de l’offre musicale en bibliothèque aujourd’hui, Amandine Minard a commencé par rappeler que la musique reste la première pratique culturelle des jeunes et une pratique importante dans la société française 1. Mais le CD n’est plus qu’un moyen d’approche de la musique, concurrencé par le renouveau du vinyle, tandis que les ventes liées au streaming explosent (cf Enquête du SNEP 2).

En bibliothèque, ces évolutions interrogent la constitution des collections : des médiathèques prêtent de nouveau des vinyles, échangent des fichiers numériques, proposent le prêt d’instruments (médiathèque des Temps Modernes à Tarnos). Amandine Minard a présenté divers services s’adaptant à ces usages : possibilité de jouer du piano à la BPI, numérisation des vinyles à la bibliothèque de Cologne, ateliers makey makey dans divers établissements. Un tour d’horizon qui a montré comment les nouvelles pratiques du public interrogent l’évolution du métier et les compétences des professionnels : la bibliothèque n’est plus centrée sur les collections mais sur l’usager. Il ne suffit plus d’acheter des CD, il devient nécessaire de développer des partenariats, sortir des murs (CDcrossing à Toulouse), favoriser la participation des usagers (Montez le son ! à la bibliothèque de Lyon 4e).

En se chargeant des Aspects Juridiques, Yves Alix a rappelé la tension entre le public qui souhaite s’emparer des œuvres et les titulaires des droits qui en revendiquent la protection. Les dernières directives européennes ont été rappelées : celle du 27 septembre 2011 a étendu la durée de protection des droits voisins à 70 ans au profit des artistes-interprètes et des producteurs ; celle de 2012 a reprécisé les conditions de numérisation des œuvres orphelines. Si l’exception pédagogique est précisée dans le protocole de janvier 2015, Yves Alix a rappelé qu’il n’existe pas de droit de prêt numérique pour la musique : les médiathèques doivent appliquer le droit commun et signer des contrats.

Amandine Minard a ensuite animé les tables rondes sur l’offre musicale et les services dans les établissements spécialisés puis dans les bibliothèques d’tat.

Valérie de Wispelaere a présenté la bibliothèque Nadia Boulanger du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD) et son fonds composé de livres, CD, partitions, bases de données et revues. Des collections, très spécialisées et pour un public averti, mais désormais moins consultées. Les usages là aussi ont évolué et la question de la modernisation des services et de la mise à disposition des contenus se pose.

L’intervention suivante, par Laura Jouve-Villard du CMTRA (centre des musiques traditionnelles Rhône-Alpes) a permis de découvrir ce portail régional qui répertorie des fonds collectés depuis les années 1950, et se présente comme un réseau coordonnant divers lieux détenteurs d’archives sonores (répertoires instrumentaux, contes oraux, berceuses, etc.).

Hélène Fortin a présenté une offre de collections et d’animations, construite en cohérence avec les besoins de son public, au sein du département musicologie de la BU de Saint-Etienne. La bibliothèque est en lien étroit avec le département : enseignants prescripteurs pour les collections, politique d’animations en collaboration avec les professeurs et associations d’étudiants (battle de slam, concert de la chorale, rencontre avec des musiciens).

Pascale Issartel a précisé que les nouvelles pratiques autour de la musique interrogent de manière très nette l’organisation du département de l’audiovisuel de la BNF : les dépôts physiques se réduisent (8 000 en 2016 - 16 000 en 2003 !), tandis que les dépôts dématérialisés augmentent depuis 2006. Il s’agit d’une évolution majeure pour la sauvegarde du patrimoine musical, qui nécessite de revoir les pratiques professionnelles, de repenser l’organisation du travail et les processus techniques de conservation.

La BPI aussi est confrontée à ces évolutions. Enora Oulc’hen a évoqué la problématique de la valorisation de la musique dans un établissement de consultation sur place et encore largement tourné vers son offre de collections. Divers projets émergent pour compenser les baisses de prêts. La numérisation des CD pour de l’écoute sur place et à distance a commencé en 2007 pour développer une offre de musique numérique. Des actions de médiation se multiplient : ateliers de musique assistée par ordinateur, massages sonores, concerts et performances en partenariat, etc. Le projet de rénovation de la BPI aura d’ailleurs pour objectif de créer des espaces plus propices à ces actions de médiation.

Ces différentes interventions ont montré que les baisses de prêt et de fréquentation des espaces musiquent touchent tous types d’établissements. Les usages évoluent et engagent les bibliothécaires à repenser leurs pratiques professionnelles et à développer des projets allant davantage au devant des publics. Intégrer la participation des usagers, monter des actions de médiation, développer des partenariats et des réseaux et valoriser autrement les collections sont quelques-unes des pistes qui ont été abordées au cours de cette journée riche en exemples.