Détectives en herbe

Quand la littérature de jeunesse invite à mener l’enquête

Mina Bouland

Un réel engouement pour le genre policier s’est développé auprès des jeunes lecteurs, et les éditeurs l’ont bien compris. Portrait d’un secteur éditorial riche et foisonnant…

Young readers have shown a real taste for crime novels, a development publishers have been quick to note. The article provides an overview of a flourishing publishing sector.

C’est en 1986 que la collection de petits romans Souris noire voit le jour. On considère aujourd’hui que les éditions Syros ont créé ainsi officiellement en France la première collection de romans noirs pour la jeunesse. L’originalité réside alors dans le fait que les aventures s’ancrent dans une réalité familière aux enfants, souvent un contexte urbain, en abordant des problématiques modernes ou des sujets de société. Depuis, un réel engouement pour le genre policier existe auprès des jeunes, et les éditeurs l’ont bien compris !

Syros ou la naissance du roman noir pour enfant

Afin de séduire de nouvelles générations de lecteurs, les éditions Syros offrent en 2011 un nouveau look à la collection « Souris noire ». À cette occasion, sont réédités d’anciens titres qui ont fait le succès de la collection. C’est le cas d’Ippon de Jean-Hugues Oppel, édité pour la première fois en 1995, puis en 2013 avec une illustration de couverture plus moderne.

La collection « Souris noire » se distingue également par son grand nombre d’auteurs de renom : Didier Daeninckx, Malika Ferdjoukh, Stéphanie Benson, Thierry Lenain, Béatrice Nicodème, Thierry Jonquet…

Si « Souris noire » s’adressait au départ à de très jeunes lecteurs, aujourd’hui elle vise plutôt les 10-13 ans. En effet, en 1997, Syros crée la collection « Mini Souris noire » à destination des enfants de 8-9 ans. Mais depuis 2007, « Mini souris noire » a changé de nom, et c’est ainsi que la nouvelle collection « Mini Syros Polar » vise la tranche des 6-9 ans.

Cette dernière-née s’adapte à un public de lecteurs débutants grâce à un format très court. C’est le cas de la série écrite par Olivier Mau mettant en scène Armand, un canard. Cet animal appartient à un jeune garçon et se retrouve toujours malgré lui embarqué dans des aventures imprévues : témoin involontaire d’un délit, kidnapping avec demande de rançon, braquage, combats de coqs… bref, de quoi ravir les jeunes lecteurs avides d’histoires rocambolesques.

Depuis 2002, Syros touche les plus de 13 ans en créant la collection « Rat noir ». Tous les ingrédients sont réunis pour plaire aux adolescents, notamment l’identification au héros. Le dernier-né de cette collection est une traduction du roman de John Harvey qui s’intitule Nick’s blues. Nick, jeune garçon de 16 ans passionné de musique, orphelin de père, vit seul avec sa mère dans un quartier populaire de la banlieue de Londres. Un soir, bousculé par une bande de jeunes en fuite qui viennent de commettre un vol, il reconnaît Steve, une des terreurs des quartiers nord de Londres. La police arrête Nick parce qu’il porte le même type de vêtements que cette bande de jeunes. Il se retrouve face à une lourde décision : dénoncer Steve afin de se faire disculper ou pas !

Si ce roman vise plutôt un public masculin d’adolescents, la collection « Rat noir » s’applique également à toucher un public de jeunes filles. Shooting star de Stéphanie Benson, paru en 2011, en est le meilleur exemple : « Marie-Madeleine, dite Maddie, a quelques kilos en trop, pas d’ami(e)s, et vit pauvrement avec sa mère. Elle a décidé de prendre sa revanche en participant à l’émission télévisée Star de demain, sans se rendre compte qu’elle n’a même pas l’âge requis. Un photographe propose de lui faire une fausse carte d’identité en échange de sa participation à quelques petits films… L’affaire finira mal, très mal. Pas de suspense ici : dès le départ, on sait que Maddie est décédée dans des conditions sordides […] Un roman noir très dur à valeur morale, pour grands ados 1. »

Filles ou garçons, qu’importe ! Les histoires chez Syros se distinguent par un fort engagement social, et c’est là une des clés de leur succès.

Flash-back sur les années 50

La maison d’édition Syros n’est la seule à avoir exploité le filon de la littérature policière. En revanche, les choses ont bien changé depuis la série Le Club des cinq des années 50 et 60 parue dans la collection « Bibliothèque rose » chez Hachette.

Le Club des cinq, écrit par Enid Blyton, nous vient d’Angleterre où la série a été publiée sous le titre The Famous Five. Cette bande, composée de quatre jeunes adolescents et d’un chien, se retrouve durant toutes les vacances scolaires pour vivre des aventures et jouer les apprentis détectives.

En France, si l’on doit se référer à une série mêlant intrigues, aventures et solidarité entre des enfants d’une même bande, ce sera la série Les Six Compagnons parue chez Hachette de 1961 à 1980 dans la collection « Bibliothèque verte ».

Mais en réalité, c’est aux USA dans les années 30 que l’on trouve la première héroïne d’enquêtes policières : Alice Roy dont le nom original est Nancy Drew. Cette série qui met en scène une jeune détective amateur arrive en France dans les années 50, toujours aux éditions Hachette.

Le point commun entre ces trois séries est de s’adresser exclusivement à des adolescents car les héros sont âgés d’environ 12 ou 13 ans minimum. Alice est une héroïne plus âgée puisqu’elle a 18 ans (16 ans au début de la série).

Dernière série emblématique des années 50 et 60 : Fantômette, héroïne française ! Inventée par Georges Chaulet, le scénariste de la bande dessinée Les 4 as, Fantômette est un peu différente d’Alice au sens où elle mène une double vie : jeune fille le jour, justicière masquée la nuit.

Bien que ces petits détectives fassent office de héros modernes pour l’époque, ils reflètent cependant les conditions de leur société : la vertu et la morale sortent toujours triomphantes. Alice est par exemple une jeune fille polie, bienveillante et vertueuse. Alors que les héros d’aujourd’hui n’ont presque plus de tabous et sont confrontés à des problèmes réels : délinquance, milieux sociaux difficiles, drogues… où la vertu et la morale sont parfois mises à mal.

Diversité des romans policiers pour enfants

La spécificité des romans actuels tient dans le fait qu’on mélange les genres : humour, fantastique, science-fiction, dimension historique, intrigues policières… En effet, les frontières sont poreuses et les intrigues policières ne sont plus seulement cantonnées à de simples histoires d’aventure. Le meilleur exemple est celui de la collection « Chair de poule » (éditions Bayard). Cette collection, apparue au milieu des années 90, a ouvert la voie aux mélanges des genres dans un seul et même récit : suspense, énigme, horreur, épouvante, fantastique…

Surfant sur la vague de l’humour, apparaissent des héros nouveaux comme celui du détective Félix File-Filou. Personnage imaginé par Gérard Moncomble, on le retrouve dans la collection « Milan poche benjamin. Quel mystère ! » Avec des titres comme L’affaire de l’éléphant en pantoufles, Le mystère du slip panthère ou encore Le gang des petits-suisses… le ton est donné.

Dans le même état d’esprit, la collection « Polar » chez Oskar propose non seulement des histoires pleines de suspens mais également pleines d’humour comme Panique au cirque. Du bonheur pour les enfants !

Pour les amateurs de romans sur fond historique, la collection « Courants noirs » chez Gulf Stream propose des intrigues qui se déroulent aussi bien au XVIIe siècle (Venenum), au XXe siècle (Kabylie Twist) ou encore 400 ans avant Jésus Christ (Sanglante comédie).

Dans un tout autre genre et afin de plaire à la génération des digital natives, Christian Grenier s’est lancé depuis 1994 dans l’écriture de la série Les aventures de Logicielle, surnom d’une jeune lieutenant de police, férue d’informatique. Publiée par les éditions Rageot dans la collection « Heure noire », cette série comporte environ une dizaine de titres dont certains ont remporté des prix (prix Tam-Tam 1996 pour L’ordinatueur et prix Les Mordus du polar 2005 pour Simulator).

Rageot lance également en 2012 une collection remarquable : « Rageot Thriller ». Elle tente ainsi de séduire un public visé dans son slogan comme « amateurs d’actions, d’émotions fortes et de suspense ». S’il ne fallait en citer qu’un seul, ce serait l’ouvrage de Jean-Luc Luciani, Et à la fin il n’en restera qu’un : « 2037. Réal-TV Europa 29 lance un jeu de télé-réalité toujours plus spectaculaire. Les candidats, dix mineurs condamnés à mort, sont enfermés dans le château d’If. Après le vote du public et sous l’œil des caméras, ils seront traqués par des killers en temps réel. L’unique survivant du jeu recouvrera la liberté. De Steeve, Romain, Ketty, Loween… qui survivra ?  2 »

Finalement, rares sont les éditeurs qui ne possèdent pas de collections de romans policiers : « DoAdo noir » au Rouergue, « Les policiers » de Magnard jeunesse ou encore leur collection « Les P’tits Policiers », « Cadet polar » chez Milan, « Collection Mystère » chez Nathan poche, etc.

Mais il faut reconnaître que certains éditeurs savent se démarquer. Ainsi, l’initiative prise en 2006 par la maison d’édition Sarbacane en créant la collection « Exprim’ » est intéressante. En effet, elle donne la possibilité à des auteurs originaires des quartiers défavorisés de s’exprimer au travers de romans noirs décrivant la réalité, parfois très dure, dans laquelle peuvent se reconnaître beaucoup de jeunes issus du même milieu social. En s’autorisant des libertés narratives, la collection se libère de certains carcans. Mais la violence et la dureté présentes dans ces romans font l’objet de vives critiques. Tibo Bérard, directeur de la collection, se voit reprocher le non-respect de la loi du 16 juillet 1946 sur les publications destinées à la jeunesse.

Pour comprendre, il suffit de regarder l’illustration de couverture du roman de Hamid Jemaï, Dans la peau d’un youv, qui met en scène Karnal, un apprenti poète, qui se retrouve embarqué sans trop le vouloir dans une affaire de braquage. La présence d’une arme sur l’illustration de couverture peut choquer.

Les séries : une recette qui fait loi !

Depuis Le Club des cinq et Les Six Compagnons, le succès des séries ne retombe pas, bien au contraire !

Il suffit de constater la multiplication des séries télé avec leurs héros en tout genre : profiler, criminologue, policier, médecin légiste…

Les séries font recette parce qu’en plus de distraire par la création d’un univers qui nous captive, elles jouent sur les émotions et le suspense. En outre, l’évolution d’un ou de plusieurs personnages au fil du temps induit un attachement, voire une identification. Tout est fait pour que nous soyons accros !

Certains héros de séries contemporaines pour la jeunesse sont des personnages qui ont existé dans des histoires plus anciennes. Cela donne alors naissance à des spin-off pour le plus grand plaisir des lecteurs, et incite parfois à découvrir l’œuvre de départ.

Citons par exemple, Enola Holmes, la sœur cadette du plus célèbre détective, Sherlock Holmes, dans Les enquêtes d’Enola Holmes, une série de romans pour enfants, à partir de 10 ans, écrite par Nancy Springer, auteure habituée aux détournements de personnages. Elle a remporté deux fois le prix Edgar-Allan-Poe dans la catégorie « meilleur roman policier pour jeune adulte ».

Shane Peacok, un autre auteur, a imaginé Sherlock Holmes quand il avait 13 ans : La jeunesse de Sherlock Holmes nous présente un héros qui aime faire l’école buissonnière et qui doute de son avenir.

En France, on pense à l’auteure Béatrice Nicodème avec la série Wiggins : c’est le nom d’un gamin des rues, vendeur de journaux qui a existé dans certaines aventures de Sherlock Holmes. Il devient le personnage principal d’une dizaine de romans dont l’histoire se déroule dans le Londres de la fin du XIXe siècle.

Quittons l’univers du plus célèbre des détectives pour entrer dans celui d’un empereur : Jules César. C’est le contexte historique choisi par Jean-François Nahmias pour sa série Titus Flaminius. Les amateurs (adolescents ou adultes) de civilisations romaines auront plaisir à voir évoluer le héros au fil des intrigues policières.

Dans le genre humoristique, on trouvera une série recommandée par le ministère de l’Éducation nationale pour les classes de sixième. Il s’agit d’Enquête au collège de Jean-Philippe Arrou-Vignod. Ce qui est intéressant ici, c’est la manière de divertir le lecteur en utilisant un contexte qui peut sembler ennuyeux : un couloir du collège hanté la nuit, une salle de classe saccagée, une chasse au trésor, la disparition d’un professeur… Le personnage principal, Pierre-Paul Louis de Culbert dit P.-P. Cul-Vert est un personnage à la fois attachant et agaçant car il est en décalage avec l’image qu’il veut donner de lui. En effet, il se croit intelligent et, bien qu’il ait le rôle de « détective », c’est toujours lui qui amène les situations comiques.

Dans un autre genre, CHERUB est une série qui cartonne tellement qu’un site web lui est dédié : actualités de la série, jeux concours pour choisir la couverture du prochain livre, bonus, goodies graphiques, fonds d’écran à télécharger  3… De quoi entretenir le phénomène.

CHERUB est une branche des services secrets britanniques qui recrute ses agents uniquement dans des orphelinats. La sélection se base sur des compétences non seulement physiques mais également intellectuelles. Pourquoi recruter des enfants ? Parce que les criminels ne s’imaginent pas que l’on peut être un agent secret quand on est aussi jeune !

Dans le même genre, on peut citer Les aventures d’Alex Rider d’Anthony Horowitz.

Les lecteurs débutants ne sont pas en reste. On a pu voir que Syros avait publié les aventures d’Armand le canard, détective malgré lui. Chez Milan, on trouve la série Les enquêtes de Scarlett et Watson écrite par Jean-Michel Payet. La fillette, accompagnée de son chat, enquête tour à tour sur un vol de livre, la disparition d’une statuette… Bref, des crimes pas bien graves.

Les enquêtes et intrigues policières ne se cantonnent pas qu’au roman. Elles concernent également les autres genres de la littérature pour enfant.

Du polar dans la BD

Pour la bande dessinée, on pense aux grands classiques qui existent depuis les années 80 ou 90 comme Marion Duval ou Inspecteur Bayard pour les plus jeunes ou encore à Jérôme K. Jérôme Bloche pour les plus grands.

Mais depuis la fin des années 90, certaines séries s’inspirent soit des séries télé soit de l’univers du manga. C’est le cas de Bloodline : Kevin et Lauren sont deux adolescents dont la vie bascule le jour où des tueurs à gages font irruption chez eux et massacrent toute leur famille. S’ensuit alors une fuite pour sauver leur vie.

Zblucops est une série qui utilise le graphisme du manga pour mettre en scène de manière humoristique de jeunes personnages caricaturaux recrutés par un commissaire pour remettre des voyous dans le droit chemin.

Du côté des mangas, on trouve le célèbre Détective Conan, mais aussi des titres pour les plus grands comme Les enquêtes de Kindaichi ou encore Angel Heart.

Pour les amateurs de BD sur fond historique, la série Les Quatre de Baker Street est considérée comme une référence par les fans de Conan Doyle  4.

Enquêtes et intrigues dans les albums

Les albums aussi proposent des intrigues policières… Déjà en 1993, Yvan Pommaux dévoilait à ses lecteurs le personnage de John Chatterton. Les récits qui mettent en scène ce chat détective font parfois référence à d’autres personnages de contes pour enfants : la Belle au bois dormant, le Petit Chaperon rouge, le Petit Poucet…

En 1996, Fred Bernard et François Roca inventent le personnage Mandibule de Savon dans l’album La reine des fourmis a disparu. En tant que représentant de la loi de la jungle, Mandibule est chargé d’enquêter sur la disparition de la reine. Ce bel ouvrage devrait être réédité à l’automne 2016, soit vingt ans plus tard, dans une édition collector.

Ce genre d’albums est très utilisé en classe et on trouve de nombreux blogs mettant à disposition des fiches créées par les enseignants comme le blog La classe de Luccia 5 ou encore La classe de Define 6. L’idée de ces fiches est non seulement de permettre aux enfants d’acquérir les clés de compréhension de l’histoire mais également de se familiariser avec les ingrédients du genre policier. Ce type d’outils sous forme de tableau  7 peut s’avérer un exercice attrayant pour des enfants qui souhaitent à tout prix élucider un mystère.

Un autre album, paru en 2004 chez Casterman, est également intéressant à utiliser dans le cadre d’animations. Il s’agit de Qui a volé la camionnette d’Ahmed ? de François Braud. Ahmed, l’épicier du quartier, est catastrophé : sa camionnette, chargée de tajines et de pâtisseries préparés pour le mariage d’Adèle et d’Émile, a disparu. Il se refuse à croire que l’un de ses fidèles clients puisse être le coupable.

Le Plan lecture, de la bibliothèque municipale de Lille, a conçu une malle de livres intitulée Énigmes à la bibliothèque. Cette malle regroupe à la fois une sélection de livres et des idées d’activités. On y trouve du matériel et une fiche technique d’animation à partir de l’album Qui a volé la camionnette d’Ahmed ? L’objectif de cette animation est d’aider les enfants à acquérir les notions de coupable, mobile, victime, témoin, crime…

Deux autres ouvrages semblent être des albums emblématiques en matière de livres illustrés utilisant les ingrédients de l’intrigue policière. Il s’agit d’abord d’Article 309 du code pénal du jardin de Thierry Dedieu paru au Seuil jeunesse en 2003. « Un prétendu escargot vient saisir le crapaud procureur : on lui a volé sa maison. Mais n’est pas escargot qui veut… surtout lorsqu’on est une limace. Entre fable des jardins et enquête policière, Thierry Dedieu propose un livre ludique où la morale est sauve et la loi respectée. Avec des images pleines page, l’illustrateur se joue de l’intrigue et rythme son histoire. D’un côté, un fond noir et des silhouettes au trait rouge comme pour mieux traduire le mensonge. Sur la page de droite, des couleurs éclatantes et franches. Une belle affaire, rondement menée, à partager  8. »

Il s’agit ensuite de Touchez pas au roquefort de Bernard Stone et Ralph Steadman, édité par Gallimard Jeunesse en 2004. « Au pays des souris, il y a des bars mal famés et des détectives à la Humphrey Bogart, du suspense, de l’action… et de l’humour. Pour tous les amateurs de polar et de fromage ! Ambiance mystérieuse à souhait, individus patibulaires : impossible de résister à l’humour corrosif des illustrations de Ralph Steadman. À ne pas manquer !  9 »

Pour les très jeunes lecteurs, la série Les enquêtes de l’inspecteur Lapou sont un vrai plaisir. Les titres en eux-mêmes donnent déjà le ton du contenu : Le mystère de la patate, La fin du haricot, Le concombre démasqué ou encore L’aubergine somnambule. Le cadre de l’action est un potager et l’inspecteur Lapou est un lapin flegmatique, vêtu d’un imperméable à la Colombo.

Apprendre à aiguiser son regard

Sans qu’ils relèvent à proprement parler du genre policier, certains albums pour les tout-petits apprennent déjà à l’enfant à aiguiser son regard. Il s’agit, au travers d’indices donnés tout au long de la lecture, de trouver le coupable du méfait.

Plusieurs albums de Fabienne Teyssèdre sont construits sur ce principe : Qui a pris ma laine ?, Qui a pris mes bonbons verts ?, Qui a écrasé mon pâté ?, Qui a croqué mon goûter ?, et Qui a volé ma fusée ? En effet, le héros est un petit mouton qui, guidé par des empreintes découpées dans chaque double page, interroge à tour de rôle des animaux et finit par trouver le coupable. L’enfant peut lui aussi s’amuser à comparer les empreintes.

Le petit voleur d’Édouard Manceau est une réussite en matière de lecture interactive entre l’enfant et l’adulte. Cet album ludique invite le tout-petit à soulever les caches et le pousse à constater qu’un voleur chaparde les dessins de ce petit livre.

Des livres jeux pour détectives en herbe

Sans parler des romans dont le lecteur est le héros, on trouve un autre type d’ouvrages qui permet aux jeunes lecteurs d’être actifs dans l’histoire : les livres jeux. On pense immédiatement à la série de chez Actes Sud Junior, Les enquêtes de Lenoir et Blanc, écrite et illustrée par Jürg Obrist. Le lecteur doit coopérer avec Edgar Lenoir et Amandine Blanc, les deux jeunes détectives, pour élucider des énigmes posées grâce aux images, aux rébus et aux jeux de mots.

Toujours chez le même éditeur, Opération Dragon jaune : 60 énigmes à résoudre en s’amusant met en scène d’autres personnages avec qui il faut faire équipe : Caroline, Valentin, David et Robinson, le perroquet de l’agence Malice et Réglisse.

Dans la collection « Vivez l’aventure » chez Gründ, on trouve également quelques livres invitant le lecteur à jouer les apprentis détectives : Le paquebot aux 100 suspects, Venise aux 100 suspects, Le train aux 100 suspects.

Si jusqu’à présent, les livres jeux s’adressaient à des enfants âgés d’environ 9 ou 10 ans, aujourd’hui des séries comme Mystère, Mystère (éditions Rageot) permettent à des enfants à peine lecteurs de se mettre dans la peau d’un détective. Dans cette série, un jeune garçon nommé Alex voyage dans le monde entier accompagné par son singe Kaki. En plus de participer à élucider l’enquête, le tout jeune lecteur découvre la culture du pays dans lequel se déroule l’action.

Documentaires

Si le livre Crimes et enquêtes, paru chez Gallimard dans la collection « Les yeux de la découverte » en 1998, semble faire partie du patrimoine, le sujet passionne toujours.

Vingt ans plus tard, un autre documentaire s’établit comme la référence : La science enquête, les métiers de la police scientifique, édité par le Seuil Jeunesse, présente le nouveau visage des métiers autour de la criminalité.

Pour conclure

On constate que depuis les années 80, le récit policier a investi progressivement l’univers de la littérature de jeunesse en France. Les romans pour enfants d’aujourd’hui veulent répondre à des lecteurs exigeants qui souhaitent y retrouver la « vraie vie » avec ce qu’elle peut comporter de parfois cruel. Actuellement, les récits sont beaucoup moins tendres que ceux de Fantômette ou autre consœur de l’époque ! Le genre policier, qui fait écho au goût du mystère et au plaisir irrationnel de se faire peur, évolue ainsi avec son époque.

On lit avant tout pour le plaisir mais certaines lectures ont des vertus qui leur sont propres : les littératures de l’imaginaire permettent l’évasion, les sagas historiques peuvent nous instruire, la morale des contes nous pousse à réfléchir, voire à philosopher, et les récits humoristiques nous amusent. Parmi toutes les littératures policières pour enfant, mettons de côté les romans à suspense, les romans à énigmes… et retenons le genre du polar ou roman noir. Quel rôle joue-t-il auprès des jeunes lecteurs ? Que viennent-ils y chercher ? Quel est l’intérêt de proposer du roman noir à une jeunesse faite d’individus en construction ?

Et si le polar pour la jeunesse a encore du mal à s’imposer, contrairement au polar pour adultes qui a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse, c’est peut-être parce que nous avons du mal à tolérer que dans des romans destinés aux enfants, on puisse trouver ce qu’il y a de plus sombre dans l’être humain : violence, injustice, peur, transgression des tabous, mort… Mais si le succès du roman noir auprès des jeunes est indéniable, ne serait-ce pas parce qu’il utilise des ingrédients qui font écho à la vie des adolescents ? Proximité avec le monde « populaire », figure d’antihéros, langage argotique, écriture sans fioriture, rejet de la société et critique du système, violences sociales…

Le polar ou roman noir pour la jeunesse n’aurait-il pas pour avantages de savoir lever les tabous et, par son pouvoir cathartique, d’aider la jeunesse à s’inscrire dans le monde des adultes ?

Vrac d’animations en bibliothèque

– Une table thématique mêlant les différents genres (romans, BD, albums, films…)

– Pour les plus jeunes, un quizz sur le jargon policier (mobile, alibi…)

– Mise en place d’une scène de crime en guise de décor

– Emprunt ou location d’une exposition : se rapprocher des BDP, du CNLJ – La Joie par les livres, de la Bilipo (Bibliothèque des littératures policières), de la Cité des sciences et de l’industrie…

– Une Murder Party avec des indices à trouver dans la bibliothèque et des témoins à interroger (faire participer les collègues !)

– Participation à un prix littéraire spécial polar (ou en créer un avec plusieurs classes !)

– Un concours d’écriture de nouvelles policières

– Rencontre avec un auteur de polars ou un professionnel du milieu de la police ou de la justice pour expliquer son métier, un journaliste de faits divers, un médecin légiste…

– Ateliers jeux (jeu vidéo ou de type Cluedo…)

– S’amuser à dresser un portrait-robot