L’open access en action : dispositif de valorisation de la recherche

Journée Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse / INRA PACA – 24 octobre 2016

Hugo Catherine

Claire Poiron

Dans le cadre de l'Open access week, l'Université d'Avignon et des pays de Vaucluse (UAPV) s’est associée à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) PACA pour organiser cette journée d’étude.

Georges Linarès, vice-président Recherche de l’UAPV, a ouvert cette journée en rappelant combien il était urgent d'inventer de nouveaux modèles pour répondre à la tension qui entoure la diffusion et l'accès des travaux scientifiques car toute production issue des services publics reste par nature une propriété commune.

Open Edition : présentation du Cleo et de ses services

La matinée de cette journée d'étude se tenait à la Bibliothèque Maurice Agulhon de l’UAPV. Elle était consacrée à la présentation du portail OpenEdition par Julien Gillet, responsable du pôle Freemium. Intégrée aux projets français (BSN7) et européens (DARIAH-EU, prochainement à OPERA 1), OpenEdition est la marque du CLEO, Centre pour l'Édition Scientifique Ouverte, créé en 1999 par Marin Dacos à l'université d'Avignon.

L'audience globale d'OpenEdition est en hausse constante : elle est passée de 20 millions de visites en 2011 à 64 millions en 2015, l'ouverture d'OpenEdition Books en 2013 ayant correspondu à une forte hausse en 2014-2015.

Si la consultation des plates-formes est avant tout le fait de lecteurs francophones, le libre accès à celles-ci contribue à internationaliser le lectorat : hausse constatée au Royaume-Uni mais aussi dans les pays d'Amérique latine (cf. revues en langues espagnole et portugaise accessibles via revues.org).

- Plate-forme de communication directe qui permet de publier sans filtre et de collaborer, Hypotheses réunit des carnets de recherche de chercheurs, comme les « Carnets de l'IFPO » 2, mais aussi d'étudiants se formant à la recherche, « Devenir historiens » 3, ou encore de professionnels de l'information et de la documentation, « l'Alambic numérique » 4

- De son côté, Revues.org héberge à ce jour 430 revues scientifiques des domaines SHS, soit plus de 100000 articles dont 95 % sont accessibles librement en texte intégral. Contrairement aux plates-formes classiques qui intègrent les revues sur la base de leur notoriété et de leur index de classement, Revues.org sélectionne les revues en confiant préalablement à des acteurs extérieurs une expertise que ceux-ci doivent mener sur le fond. A noter que les revues qui veulent postuler doivent avoir déjà publiées au moins 4 numéros.

- Dernière née en 2013 des composantes d'OpenEdition, OpenEdition Books regroupe 59 éditeurs et donne accès à plus de 3300 livres. Parmi les conditions demandées aux éditeurs, ceux-ci doivent être déjà établis et proposer au moins 50 % de leurs publications en open access (OA) ou en OA Freemium. Preuve que le modèle de financement Open Access/Open Access Freemium est compatible avec les intérêts des éditeurs, 85 % des livres présents sur OpenEdition Books sont accessibles par cette voie.

Parmi les nombreux modèles économiques proposés pour procurer des revues électroniques en accès ouvert, Julien Gillet met en valeur le modèle Platinium :

- l'auteur ne paie pas pour publier,
- les bibliothèques s’abonnent à des prix d'abonnement modérés,
- le lecteur bénéficie du libre accès (html à minima),
- les éditeurs perçoivent des revenus par le biais de services premiums (pdf, epub, personnalisation graphique, statistiques).

En bref, un modèle innovant, éthique, respectueux des différents acteurs, et durable pour les éditeurs et les institutions, qui a incité plus de 30 revues en 2012 à supprimer les barrières mobiles (synonymes d'une perte de visibilité non rattrapable, ce qui correspond à terme à une baisse de revenus).

De la même façon, en choisissant ce modèle, de plus en plus de revues utilisent des licences Creatives Commons non commerciales (BY NC) pour favoriser la diffusion de leurs publications.

Une séance d'échanges a suivi l'exposé de Julien Gillet durant laquelle la vidéo « Privés de savoir #Datagueule 63 5» a été diffusée pour répondre à une partie de l'auditoire qui s'interrogeait sur l'intérêt pour les auteurs de publier en OA.

L’après-midi s’est déroulée sur le site de l’INRA d’Avignon. Dans son message de bienvenue, Michel Bariteau, le président de l’INRA PACA, a rappelé l’orientation politique de l’INRA pour les prochaines années vers un total engagement en faveur du libre accès.

Open access : Etat des lieux et évolutions

Directrice de la bibliothèque des Arts et Métiers et responsable du GTAO Couperin 6, Christine Ollendorff, a exposé un état des lieux de l’OA en France.

Les acteurs de la communication scientifique sont très nombreux et partagent des points de vue différents. D’une part, quatre grands éditeurs se partagent le marché en imposant des coûts d’abonnements exorbitants et la montée en puissance des APC. D’autre part, les budgets des bibliothèques sont en baisse, et la volonté est grandissante de voir la publication des fonds publics profiter à l’ensemble des entreprises et des citoyens. Enfin, les chercheurs souhaitent conserver leur souveraineté scientifique, publier dans une revue à fort impact factor et se soucient de la qualité du peer reviewing, critères parfois controversés en OA. Les premières offensives du libre accès datent des années 1990 avec la création de l’archive ArXiv par GinsPard. Les années 2000 voient se développer des initiatives communes (BOAI en 2002, Déclaration de Berlin en 2003).

Depuis 2010, les positions s’affirment. L’Allemagne, l’Italie ou les USA préconisent la voie verte, c'est-à-dire l’auto-archivage des publications scientifiques dans des archives ouvertes, pour les recherches financées sur des fonds publics. Dans le cadre du projet H2020, la totalité des publications financées par des fonds européens devront être accessibles gratuitement. En 2013, la France recommande le développement de la voie verte, le dépôt dans HAL et l’élaboration d’un modèle de contrat de publication. Puis, en octobre 2016, la loi pour une république numérique qui autorise les chercheurs à déposer en OA après un embargo de 6 à 12 mois est votée.

En France, il n’y a pas d’obligation et peu d’incitation pour déposer dans des archives ouvertes. Même si certaines institutions ont pris la décision d'évaluer leurs chercheurs uniquement sur les publications déposées dans les archives ouvertes, initiatives qui devraient favoriser le développement de l’OA.

ProdInra : Une archive ouverte pour tous

Diane Le Hénaff a présenté l’archive ProdInra 7 qui a notamment pour objectifs de valoriser la production des chercheurs et de capitaliser la mémoire de l’INRA. Aujourd’hui, ProdInra recense 30% de documents en OA dont 27.5% d’articles et 50% de rapports.

ProdInra propose une multitude de services :

- Dépôt simplifié : DOI, PMID, ou formulaire,
- Capitalisation de toute sa production,
- Multiples fonctionnalités : Cartographies, Statistiques, Recherche avancée,
- Partage de sa production, de celle de son unité ou de son département via une URL courte,
- Réalisation d’export CSS facilement réutilisable pour l’évaluation des chercheurs ou pour établir une liste de références bibliographiques,
- Etudes métriques: exports de tableaux de bords du type HCERES,
Intégration de la production d’une unité dans un site web à partir d’un flux RSS.

ProdInra est également connectée avec d’autres archives ouvertes comme HAL. L’export des données dans HAL se fait simplement mais sous conditions. Enfin, les informations de ProdInra peuvent être mises à disposition sur un portail de référence traitant d’un domaine de recherche de l’INRA.

L’exemple de HAL à l’UAPV

Jacky Barbe, directeur de la bibliothèque universitaire, est venu présenter l’exemple de la mise en œuvre de HAL à l’UAPV. Auparavant, l’évaluation de la production scientifique de l’UAPV reposait sur IPERU. En 2009, l’université s'est engagée dans une démarche de migration vers HAL en choisissant la BU comme acteur central de ce projet. Puis en 2015, la BU a décidé de développer son expertise et son offre de service.

De nombreuses adaptations ont été nécessaires. La bibliothèque reste toujours un lieu physique où l’on consulte livres et articles et où le personnel peut conseiller et transmettre un savoir. Parallèlement la documentation électronique se développe mais peut être difficile d’accès. La BU se doit de rendre accessible l’ensemble de la documentation aux étudiants et chercheurs et de participer à la production scientifique de l’établissement, ce qui suppose de nouvelles compétences ainsi qu’une méthode de travail particulière.

Les 6500 notices d’IPERU ont été directement exportées dans HAL mais il reste des corrections à effectuer dans les dépôts.

A l’avenir, la BU envisage de créer un service dédié à la valorisation de la recherche (veille documentaire, aide à la recherche et à la publication). L’objectif est de rendre HAL UAPV indispensable et d’élaborer des indicateurs fiables pour rendre compte de l’activité de recherche de l’établissement.

Le coût de la documentation électronique n’étant pas maîtrisé, il est difficile d’établir une politique documentaire. Le dépôt dans HAL s’impose donc comme une alternative intéressante.

Une synthèse avec les différents intervenants a permis de revenir sur certains points clés du développement de l’OA : la problématique de l’impact factor, les besoins d’amélioration de HAL (facilité de dépôt, fonctionnalités), la réelle charge de travail des éditeurs et la justification des frais de publication, ainsi que les changements attendus suite à la loi sur le numérique adoptée en octobre 2016.

En fin de journée, différents ateliers thématiques ont été organisés et animés par des intervenants ou organisateurs de la journée :

- utiliser HAL,
- choisir une revue en open access en science de la vie,
- revues et blogs scientifiques SHS,
- OA en informatique.