« Ouvrir les bibliothèques »

Journée d'étude ABF / CORDIAL – Colmar, 26 septembre 2016

Antoine Ehrismann

Nathalie Erny (Conseillère pour le livre, la lecture, les archives, la langue française et les langues de France – DRAC Alsace Champagne-Ardennes Lorraine), dont l'intervention s'intitule « Les dispositifs proposés par l'État pour accompagner l'extension horaire des bibliothèques », revient notamment sur la question récurrente de l'extension / évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques.

En 2012, le rapport de Dominique Arot, Inspecteur général des bibliothèques 1, soulignait la faible amplitude d'ouverture des bibliothèques et apportait des pistes de réflexion (revoir la répartition entre le travail interne et la médiation, mieux coordonner bibliothèques universitaires et bibliothèques publiques notamment...). Les pétitions successives de Bibliothèques Sans Frontières (« Ouvrons + les bibliothèques » 2, 2014) et de l'ABF (« Ouvrir mieux les bibliothèques » 3, 2014), puis le rapport de la sénatrice Sylvie Robert 4 (2015) ont régulièrement replacée cette question au centre du débat... jusqu'à ce qu'en 2016, l'État mette en place des dispositifs visant à soutenir les initiatives des collectivités territoriales souhaitant s'engager dans ce sens.

Les dispositifs

Les textes officiels

Ces dispositifs s'inscrivent dans le cadre du concours particulier de la dotation générale de décentralisation (DGD) pour les bibliothèques, et ont fait l'objet d'un décret en date du 8 avril 2016 5 dont les modalités de mise en application sont précisées par une circulaire du 15 juin 2016 6.

Ce décret ouvre le concours particulier de la DGD aux projets d'extension / évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques, dans la limite de 15% de l'enveloppe totale du concours particulier. Une dotation accordée pour un tel projet l'est pour une durée maximale de 5 ans et pour un montant qui peut être dégressif.

La procédure

Toute collectivité territoriale intéressée par un projet d'extension des horaires d'ouverture de sa bibliothèque doit prendre attache avec le conseiller livre et lecture de la DRAC, qui instruit le dossier pour le compte du préfet. Pour ce faire, il apporte aux élus locaux et aux professionnels l'expertise et l'aide scientifique et technique nécessaires à la rédaction du projet culturel, scientifique, éducatif et social de la bibliothèque ; puis il émet un avis sur le contenu culturel et technique des dossiers et propose au préfet le niveau d'accompagnement de l'État.

Les critères d'éligibilité et les procédures administratives

Toute demande, pour être éligible, doit porter sur un projet n'ayant pas été engagé au 1er janvier 2016, puis à partir de 2017. Elle peut porter sur tout ou partie d'un réseau.

Elle doit par ailleurs être accompagnée d'une note de présentation du projet (précisant les publics visés, le diagnostic effectué, les bénéfices attendus, les partenariats envisagés, les moyens mis en œuvre, le plan de financement, le calendrier de mise en œuvre du projet, ...) et d'une copie de la saisine des instances paritaires appelées à discuter du projet.

Les dépenses prises en compte

Sont retenues les dépenses concernant le diagnostic temporel, les frais supplémentaires de personnel liés à ce projet, l'adaptation des locaux, des équipements ou des systèmes informatiques, l'évaluation du projet.

Le taux d'accompagnement financier de l'État

Le taux de financement est fixé par le préfet après avis du Conseiller Livre et Lecture et peut être modulé selon plusieurs critères, dont la liste ci-dessous n'est ni limitative ni hiérarchisée :

- importance numérique pour le public visé et caractéristiques socio-économiques et culturelles de ce public ;
- importance de l'extension horaire envisagée (notamment par rapport à la moyenne des bibliothèques de même niveau) et pertinence de cette évolution ;
- moyens mis en œuvre par la collectivité (présence de personnel qualifié, évolution du régime indemnitaire et des récupérations...) ;
- qualité du diagnostic réalisé et du projet culturel ;
- surface et diversité des espaces ;
- variété des services proposés dans le cadre de cette extension ;
- qualité de l'offre documentaire et culturelle ;
- projets concernant une zone sensible, comme les quartiers de la ville (QPV) ou bien les zones de revitalisation rurale, etc.

Le plan « Bibliothèques ouvertes »

Anne Boraud (Directrice du Service Commun de Documentation de l'Université de Haute Alsace) est venue présenter le plan « Bibliothèques ouvertes » 7 établi en 2016 à l'intention des établissements et bibliothèques universitaires (BU) par le Ministère de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi que l'action de l'Université de Haute Alsace (UHA) dans le cadre de ce plan.

Les plans successifs mis en place par le ministère depuis 1990 8 ont permis des progrès notables en matière d'accueil des étudiants (augmentation des surfaces et des places assises disponibles, extension des horaires d'ouverture), faisant notamment passer la moyenne d'ouverture hebdomadaire des BU de 40h en 1988 à 61h aujourd'hui.

Cependant, la transformation pédagogique en cours à l'université (liée à l'arrivée des ressources numériques et à la volonté de casser le dispositif frontal enseignant/étudiant, phénomènes qui font des bibliothèques un acteur incontournable de cette transformation) ainsi qu'une progression horaire jugée encore insuffisante 9 et trop inégale ont rendu nécessaire pour le ministère l'adoption de ce nouveau plan pluriannuel (2016-2019), qui poursuit deux objectifs :

- élargir les horaires d'ouverture des BU le soir, le week-end et pendant les vacances ;
- améliorer la qualité des services des BU aux usagers.

Il ne s'agit donc plus seulement d'ouvrir plus, mais également d'ouvrir mieux. Tout projet, pour être éligible, doit ainsi proposer des avancées quantitatives et qualitatives.

Élargir les horaires d'ouverture des BU

Les objectifs sont les suivants :

- ouvrir au moins une bibliothèque dans chaque université jusqu’à 22h du lundi au vendredi ;
- ouvrir au moins une bibliothèque dans chaque université le samedi après-midi ;
- ouvrir au moins une bibliothèque dans 40 grandes villes le dimanche après-midi ;
- ouvrir au moins une bibliothèque dans chaque université pendant les périodes de révisions ;

Améliorer la qualité des services des BU aux usagers.

L'extension des horaires d'ouverture doit s'accompagner de services novateurs destinés à répondre aux besoins des usagers : optimisation des flux d'usagers 10, démarche de certification de la qualité du service rendu (label Marianne, certification ISO 9001-2008), création du label « NoctamBU+ » 11, ouvertures partielles de certains espaces de bibliothèques, développement de la coopération entre BU et bibliothèques municipales 12.

Financement

Les moyens attribués pourront couvrir jusqu'à 75% des dépenses engendrées par le projet. Les dépenses éligibles sont les suivantes : embauche de vacataires étudiants, frais de gardiennage, acquisition d'équipement pour le comptage des entrées / sorties et pour la gestion des accès (badges), supports de communication.

À noter : le caractère dégressif des aides prévues pose la question de la pérennité des dispositifs mis en place 13.

L'action engagée par l'UHA

L'UHA envisageait d'étendre les horaires d'ouverture de ses BU à l'occasion de l'ouverture du « Learning Center » prévue en 2018. Suite à la publication du plan « Bibliothèques ouvertes », elle a décidé d'avancer son projet d'extension horaire et d'engager dès septembre 2016 un projet en deux phases.

Phase 1 (septembre 2016 – juin 2018)

Il s'agira d'abord :

- d'ajuster les horaires d'ouverture / fermeture (simplifier et harmoniser pour gagner en visibilité). Pour ce faire, les BU de l'UHA fermeront à 20h du lundi au vendredi et à 18h30 pendant les vacances ;
- et d'améliorer la qualité de l'accueil des étudiants, en travaillant sur la formation du personnel et la charte de qualité du Label Marianne.

Phase 2 (septembre 2018 – décembre 2019)

Il s'agira ensuite :

- d'élargir les horaires d'ouverture, avec comme objectif une amplitude 8h-22h et une ouverture le samedi;
- de poursuivre le travail sur la qualité de l'accueil ;
- de proposer de nouveaux services aux étudiants.

Conclusions

Ce plan et sa mise en œuvre inspirent à Anne Boraud les réflexions suivantes :

La bibliothèque est-elle réductible à ses horaires d'ouverture ? En effet, le seul indicateur obligatoire à faire remonter aux autorités de tutelle pour l'évaluation du dispositif concerne les horaires d'ouverture. Tant que leur amplitude augmente, les résultats sont jugés satisfaisants. Il convient pourtant de porter une attention particulière :

- à la réponse aux attentes des usagers (services proposés, qualité de ces services) ;
- au respect des conditions de travail du personnel.

Des horaires d'ouverture élargis n'entraînent pas forcément une hausse de la fréquentation. Cela impose de s'interroger sur les attentes des usagers : sont-elles vraiment celles que nous projetons (emprunter des livres) ? Est-on prêt à accepter que les publics viennent à la bibliothèque pour des usages « ne correspondant pas » à notre métier ? La question de l'extension / évolution des horaires d'ouverture reflète donc celle de l'extension / évolution du métier de bibliothécaire.

Bilan de l'ouverture le dimanche à la BNU

Christophe Cassiau-Haurie (Directeur des services au public de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg) présente un premier bilan de l'ouverture le dimanche à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg »

Le contexte

La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNUS) a rouvert en novembre 2014, à l'issue de travaux qui ont permis de porter la surface ouverte au public à 11 000 m² (sur un bâtiment de 18 000 m² / 30 000 m² en incluant la réserve et les magasins) et au centre d'un contrat d'établissement qui prévoyait notamment d'augmenter l'amplitude horaire de la bibliothèque. Pour soutenir cette démarche, l'État s'est engagé à financer 12 équivalents temps plein sur 3 ans et à augmenter le budget de l'établissement de 8 % (le portant à 10,8 millions d'euros par an).

Les horaires

La BNUS est désormais ouverte 7 jours sur 7, du lundi au samedi de 10h à 22h et le dimanche de 14h à 22h, pour un total de 80 heures par semaine et de 40 dimanches par an.

Et comme « ouvrir plus » ne signifie pas seulement ouvrir le dimanche mais aussi « fermer moins », la BNUS reste désormais ouverte pendant les vacances (hors été) et les week-end de jour férié (le seul week-end dans l'année où la fermeture est totale étant le week-end de Pâques).

Le dispositif

Pour pouvoir ouvrir le dimanche, les besoins en personnel sont les suivants...

« Front office »

- 1 cadre A ;
- 7 moniteurs étudiants.

« Back office »

- 3 personnels de sécurité (service externalisé) ;
- 1 employé du service technique / logistique (présent pour la fermeture + en astreinte le reste du temps).

Personnel de ménage

- 4 agents avant l'ouverture, dont 1 repasse à 16h30.

Astreinte du service informatique

… pour une somme totale de 4 000 € par dimanche ouvert.

Le contrat passé avec l'État prévoit 40 dimanches par an. En comptant les dimanches fériés et ceux mobilisés pour le récolement, la BNUS est effectivement ouverte 37 à 38 dimanches.

Impact sur les services proposés

Ces évolutions horaires ont eu un impact sur les services proposés

Services supprimés

- du lundi au samedi après 19h + le dimanche : dans ces plages horaires, le public n'a accès qu'aux documents en libre accès 14. Il lui est cependant possible de demander un document en magasin, qui sera mis à sa disposition dès le lendemain ;
- du lundi au samedi après 19h + le dimanche : certaines banques de prêt sont fermées ;
- du lundi au dimanche après 19h : les caisses sont fermées.

Services dégradés

- le dimanche : les personnels en poste le dimanche peuvent manquer soit d'expérience, soit de formation (le cadre A n'étant pas forcément au fait des procédures d'accueil, les moniteurs étudiants n'ayant pas bénéficié de formation à leur embauche). Trois éléments permettront d'améliorer cette situation : la formation du personnel, l'information du public, la simplification des services proposés.

Gestion du personnel et compensations

Pour les ouvertures du dimanche, la direction a décidé de ne pas recourir systématiquement au personnel titulaire. Hormis des cadres A (23 agents), dont la présence est requise le dimanche (40 dimanches), c'est sur la base du volontariat (très rare) que se répartissent les dimanches entre les titulaires. En échange, les cadres B sont plus souvent sollicités les samedis (3 samedis par an pour les cadres A / 6 pour les cadres B / 7 pour les cadres C).

Les compensations accordées aux personnels travaillant le dimanche sont les suivantes :

- les moniteurs étudiants sont payés double ;
- les cadres A, ainsi que les autres agents sollicités (astreinte ou volontariat), récupèrent double (jusqu'au 31 décembre de l'année suivante).

« Retours d'expérience » 1/2

Esther de Climmer (Directrice de la Médiathèque et des Archives de Roubaix), revient sur l’évolution des horaires d’ouverture à la médiathèque de Roubaix, passée en septembre 2015 de 41 heures par semain à 50 heures d'ouverture hebdomadaires.

Le contexte

Inaugurée en 1979, la médiathèque de Roubaix (95 ooo habitants) dispose d'un espace de 5 300 m² répartis sur 4 étages et 1 rez-de-chaussée. En mars 2010, la création par le ministère de la culture et de la communication du label « Bibliothèque numérique de référence » fournit l'occasion à la médiathèque de mettre en œuvre un ambitieux projet incluant rénovation du bâtiment (avec réaménagement du RDC, dont seuls 160 m² étaient jusqu'alors utilisés), acquisition de nouveaux outils numériques (matériel, portail web, services) et extension des horaires d'ouverture.

Le diagnostic : ouvrir plus, mais à quel moment ?

Pour déterminer les attentes en termes d'horaires et de jours d'ouverture, la médiathèque a mis en place des groupes de travail s'adressant à différents publics potentiels (jeune public et famille, lycéens et étudiants, actifs et chômeurs, seniors). De ces groupes ressortit le constat suivant :

- la demande ne concernait ni le dimanche, ni le lundi...
- … mais une ouverture plus matinale, une fermeture plus tardive et des horaires identiques en périodes de vacances scolaires.

Les horaires d'ouverture furent donc modifiés de la manière suivante :

Avant :

- mardi-mercredi : 10h-18h30 ;
- du jeudi au samedi : 10h-18h ;
- changements d'horaires pendant les vacances (du mardi au samedi : 13h-18h),

Maintenant :

- du mardi au samedi : 9h-19h ;
- horaires identiques pendant les vacances (RDC ouvert le matin / étages l'après-midi)

… 50 heures par semaine, plus lisibles, plus simples.

Vision d'ensemble

En parallèle à l'extension des horaires d'ouverture furent menés les chantiers suivants :

- l'augmentation de la surface d'accueil du RDC (de 160 à 1 200 m², avec centralisation des retours et des inscriptions, espace wifi, postes informatiques, prises, chauffeuses, café) ;
- l'automatisation du prêt-retour des documents (boîte de retour extérieure, automates de prêt) ;
- le choix d'une nouvelle cartographie documentaire ;
- l'évolution des missions des agents.

Construire la nouvelle organisation du travail : méthodologie

L'extension des horaires d'ouverture, l'augmentation de la surface d'accueil du RDC et l'introduction d'automates de prêts imposèrent de réfléchir à une nouvelle organisation du travail. Cette réflexion fut menée en quatre étapes :

Rencontre avec tous les agents

(par petits groupes et par le biais d'un questionnaire), l'objectif étant de faire le bilan de l'existant et d'exprimer ses souhaits sur l'organisation à venir.

Formation de quatre groupes de travail :

- prospection (qu'est-ce qui se fait ailleurs ?) ;
- organisation avec des équipes postées (équipes du matin / équipes de l'après-midi) ;
- adaptation du modèle existant (journée divisée en quatre tranches horaires, chaque agent en assurant une ou deux) ;
- organisation à la carte (semaine de travail sur 4,5 ou 5 jours au choix).

Confrontation des scénarii d'organisation à des plannings en semaine réelle

Exposé des règles et limites posées par la réglementation

Choix d'organisation définitif

Au terme de cette réflexion, les scénarii « équipes postées » et « à la carte » furent abandonnés, au profit de l'adaptation du modèle existant, avec découpage de la journée en cinq tranches horaires de deux heures chacune.

Les plannings-types d'accueil sont désormais élaborés sur deux semaines, selon les souhaits des agents. Ils requièrent néanmoins que chacun assure :

- une plage de fermeture un samedi sur deux ;
- deux plages de fermeture en semaine ;
- deux plages de midi.

Une partie des agents souhaitant des plannings fixes, l'organisation des plannings d'accueil repose sur le principe d'une « brigade », composée d'agents volontaires pour travailler de façon flexible, dans le cadre suivant :

- sans planning-type ;
- sur une semaine de travail de 4,5 jours ;
- avec un volume d'accueil du public n'excédant pas celui des autres agents ;
- avec un samedi sur deux travaillé.

La compensation de ces « brigadiers » prend la forme d'un samedi sur deux non-travaillé.

À noter : la commande des élus exigeait que l'extension des horaire d'ouverture fût réalisée à effectif constant et sans prime supplémentaire, mais comme cette organisation du travail supposait le retour à l'effectif de référence (60 équivalents temps plein), cinq agents jusqu'alors non remplacés l'ont tout de même enfin été.

Ça fonctionne ! Un bilan positif

- Contrairement à certaines prévisions, l'absentéisme n'a pas augmenté et a même diminué de manière significative.
- Le volume de temps d'accueil par agent reste quasi-inchangé.
- Piste d'amélioration à l'étude : par semaine, aménager pour chaque agent deux permanences à 19h, deux départs à 16h30 et un départ à 15h.
- Les statistiques d'emprunts (+13 % entre 2014 et 2015) et d'inscriptions (+32,4 %) sont encourageantes.

« Retours d'expérience » 2/2

Emmanuel Marine (Responsable de l'action culturelle et de la communication externe de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, ancien directeur de la Bibliothèque municipale de Lons-le-Saunier), présente l’ouverture de la nouvelle médiathèque de Lons-le-Saunier (16 000 habitants). Ouverte en 2012 dans un ensemble culturel de 3 500 m² comprenant également un cinéma en régie directe, elle est passée de 23h à 35h30 d'ouverture hebdomadaire.

Le projet culturel envisagé

À l'origine du projet, la présence du cinéma à côté de la médiathèque est considérée à la fois comme une chance et comme une contrainte : une chance car le cinéma pourrait faire découvrir la médiathèque à de nouveaux publics ; une contrainte car pour ce faire, la médiathèque devrait être ouverte aux horaires du cinéma (et non l'inverse).

Lors de la phase de réflexion sur les horaires d'ouverture, il est décidé que ceux-ci devront être simples et lisibles, convenir aux différents publics ciblés et permettre une organisation du travail en interne acceptée de tous (avec notamment la reconnaissance du travail le dimanche). L'amplitude horaire finalement retenue sera de 35h30 hebdomadaires (incluant le dimanche) pour 34 séances de cinéma, décomposées ainsi :

- du mardi au jeudi : 12h30-18h ;
- vendredi-samedi : 12h30-20h ;
- dimanche : 14h-18h.

L'organisation du travail et les compensations

L'extension des horaires d'ouverture est accompagnée d'une augmentation du nombre d'agents (de 7 à 15).

Pour pouvoir assumer ce temps d'accueil supplémentaire, il est par ailleurs décidé de remplacer les accueils de classe par des ateliers thématiques animés par des intervenants extérieurs et de cesser le catalogage en interne.

Le conseil municipal ayant demandé que les dimanches soient intégrés dans le temps de travail hebdomadaire (35h), les plannings d'accueil sont organisés par cycles de trois semaines :

- semaine 1 : du mardi au dimanche, sur tous les horaires d'ouverture ;
- semaine 2 : du mardi au vendredi ;
- semaine 3 : du mardi au vendredi.

À l'expérience la semaine 1 se révélera trop dure pour les agents. Les plannings deviendront personnalisés, avec demande d'engagement individuel dans le projet en retour.

Aucune compensation n'était a priori prévue pour le travail du dimanche, celui-ci étant intégré dans le temps de travail hebdomadaire. Après discussions, une somme de 40 à 50 € est toutefois obtenue et versée à tous les agents, indépendamment de leur cadre d'emploi. Malheureusement, il y aura des maladresses : versements oubliés et refus de formaliser le fait que cette somme est liée au travail du dimanche... un an plus tard, l'origine de cette disposition égalitaire est oubliée des agents.

Bilan intermédiaire

- La grille horaire choisie semble pertinente et les résultats sont supérieurs aux attentes : la médiathèque passe de 1 700 à 11 500 inscrits (objectif : 8 000) et le cinéma compte 34 000 visiteurs (objectif : 25 000).
- Ce sont de nouveaux publics qui fréquentent la médiathèque le dimanche, disposant de plus de temps, ce qui offre à l'équipe la possibilité de leur proposer du qualitatif.
- L'image de la médiathèque en sort renforcée.
- Peu à peu, le public de la médiathèque fréquente le cinéma et celui du cinéma la médiathèque.

Problèmes rencontrés

Au fil du temps, l'équipe s'essouffle, phénomène aggravé par le report de divers projets d'animation et du déploiement de services numériques, dans lesquels elle s'était impliquée. Certains agents ont l'impression de ne plus faire « qu'ouvrir ».- L'absence d'universités à proximité rend difficile le recrutement d'étudiants et il faut recruter quatre vacataires non-étudiants.
- Plus que la grande amplitude horaire, les écarts de fréquentation compliquent la gestion du planning d'accueil.

Spirale et rebond

Une spirale négative s'est enclenchée... L'équipe, fatiguée, demande le retour à des horaires moins atypiques. Emmanuel Marine sollicite alors un œil extérieur, formateur chargé de travailler avec l'équipe sur les missions d'accueil et de médiation... moments qui se transformeront en séances de coaching débouchant sur la rédaction de multiples procédures visant à faciliter le travail en période de fatigue... jusqu'à l'abandon du projet par la tutelle politique, justifié par les baisses de dotations de l'État... entraînant une baisse du budget (en termes de personnels et d'acquisitions)... alors que la municipalité soutient par ailleurs des projets laissant penser que celui de médiathèque est abandonné (la création d'un multiplex cinéma à proximité par exemple)... amenant Emmanuel Marine à tenter de donner une nouvelle impulsion à ce projet.

Conclusion

Pour Emmanuel Marine, le nœud du problème est l'absence de règles communes fixées par l'État, sur lesquelles élus et cadres pourraient s'appuyer : cela crée de nombreuses disparités, sources de frustrations et de conflits potentiels. Selon lui, le rôle de l'État n'est pas tant d'inciter les bibliothèques à ouvrir plus (aides financières) que de leur offrir un cadre législatif pour qu'elles ouvrent d'avantage (accord-cadre sur les conditions de travail).