Ouvrir plus, ouvrir mieux

Journée d’étude ARL-Paca/Enssib – 4 juin 2015 – Cité du livre d’Aix-en-Provence

Laure Guez

Céline Ridet

L’agence régionale du livre Paca et l’enssib proposent une journée professionnelle consacrée à l’amélioration de la facilité d’accès aux bibliothèques. Ce thème n’est pas nouveau, mais il est d’actualité. Il anime la profession depuis une dizaine d’années, étayé par des études montrant la mutation du rapport de l’usager à la bibliothèque. Ce changement de comportement individuel peut s’observer sous les angles de la gestion du temps social et de l’aménagement des temps urbains.

Il est d’actualité pour le ministère de la Culture et de la Communication avec la clôture d’une étude Aménagement des horaires, diversification des publics, menée conjointement avec la Bibliothèque publique d’information, et le lancement d’une mission portant sur l’adaptation des horaires d’ouverture des bibliothèques de lecture publique aux rythmes de vie des Français. Il l’est aussi pour les Presses de l’enssib, avec la publication de l’ouvrage Ouvrir plus, ouvrir mieux  1

Cette journée professionnelle est soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication (Drac Paca). La Fill (Fédération interrégionale pour le livre et la lecture) en est partenaire.

Une vidéo de capture a été faite de la journée et sera bientôt disponible sur le site web de l’ARL Paca et sur celui de l’enssib. Les documents projetés lors de cette journée sont d’ores déjà disponibles sur le site.

Introduction

Georges Perrin, inspecteur général honoraire des bibliothèques, coordinateur de la publication Ouvrir plus, ouvrir mieux aux Presses de l’enssib (2014), après avoir fait un historique et un état des lieux des bibliothèques françaises depuis les années 1980, a posé un constat : les bibliothèques françaises aujourd’hui sont peu ouvertes et de façon discontinue.

Sur la base d’une étude menée par G. Perrin sur 910 bibliothèques municipales de villes de plus de 10 000 habitants, la moyenne d’ouverture constatée est de 20 heures semaine, 40 heures semaine pour les plus grosses communes. Ces chiffres sont loin de ceux d’autres bibliothèques étrangères.

Peu de bibliothèques sont ouvertes le dimanche : environ 45 sur le panel de l’étude.

Il n’existe pas de recette unique pour ouvrir plus, mais on peut souligner quelques axes communs :

- La condition déterminante : il faut une volonté forte des décideurs, une volonté politique.
- Toute l’équipe est concernée, il faut pouvoir fédérer les équipes autour du projet, et les former à l’accueil sur des bases nouvelles.
- L’environnement immédiat de la bibliothèque doit être étudié : on n’ouvre pas avec la même amplitude une bibliothèque isolée ou une bibliothèque centrale.
- Il faut, bien évidemment, des moyens financiers.
- Les services doivent être décloisonnés et le personnel doit être polyvalent.
- Les forces peuvent être mutualisées entre la centrale et les annexes.
- Les taches matérielles peuvent être externalisées (utilisation de catalogues nationaux par exemple) ou allégées (moins de back office, plus de front office).
- Il faut prévoir des évaluations régulières pour ajuster ou modifier les services.

Les bibliothèques doivent devenir des lieux d’accueil ouverts proposant une variété dans l’offre de services et adaptés aux nouveaux temps de vie. Pour augmenter la fréquentation des bibliothèques, il faut ouvrir plus. Augmenter son public permet à la bibliothèque de remplir ses missions culturelles, éducatives et sociales.

Aménagement des horaires, diversification des publics : restitution des premiers résultats de l’étude lancée par le ministère de la Culture et de la Communication et la Bpi

Christophe Evans, chargé des études en sociologie au service Études et recherche de la BPI, a présenté le rapport final de l’« étude d’impact sur l’optimisation des horaires d’ouverture des bibliothèques territoriales », publié le 9 juin 2015 2 lors du Congrès de l’ABF.

L’origine de cette étude : c’est une commande du Service du livre et de la lecture (SLL) du ministère de la Culture et de la Communication (MCC) à laquelle la BPI s’est associée. Cette étude s’inscrit dans la volonté d’incitation de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques territoriales depuis 2008.

L’étude vise à doter les bibliothèques territoriales de lecture publique d’outils méthodologiques et d’éléments d’aide à la décision pour instruire la question de l’élargissement de leurs horaires d’ouverture à destination des professionnels et des élus. Cette étude a deux volets : un volet qualitatif et un volet quantitatif.

Parallèlement, la parution en 2014 du livre Ouvrir grand la médiathèque - Faire évoluer les horaires d'ouverture 3 sert de guide aux professionnels et aux élus pour les démarches d’extension horaire.

Présentation de l'état d'avancement de la mission
confiée à la sénatrice Sylvie Robert

Pierre-Jean Riamond, chargé de mission du Service du livre et de la lecture, a présenté la mission confiée à la sénatrice Sylvie Robert, qui rendra son rapport en septembre 2015. La lettre de mission de Sylvie Robert : étudier l’adaptation des horaires d’ouverture des bibliothèques aux rythmes de vie en prenant en compte les aspects financiers et sociaux, avec une attention particulière à l’ouverture du dimanche. Cette lettre de mission fait suite à la pétition de « Bibliothèques sans frontières » et s’inscrit aussi dans un contexte où le vivre ensemble est mis à mal (attentats du 7 janvier 2015). Le rôle d’éducation et de citoyenneté des bibliothèques est réaffirmé. La mission de la sénatrice se positionne à un niveau politique, elle rencontre des élus et des professionnels tout en respectant les spécificités territoriales. Une part de son rapport sera consacrée à une redéfinition des missions des bibliothèques du XXIe siècle.

Repenser les espaces et les services
en vue de l’extension des horaires d’ouverture

Chloé Dumas, élève conservateur de l’Enssib, a présenté son mémoire de diplôme de conservateur de bibliothèque (DCB), dirigé par Françoise Legendre : Repenser les espaces et les services en vue de l’extension des horaires d’ouverture 4.

Les usagers sont au cœur de la réflexion menée par Chloé Dumas. Son mémoire s’appuie sur un questionnaire à destination des BM de villes de plus de 50 000 habitants et des BU.

L’extension des horaires d’ouverture est une nécessité :

- Pour répondre aux exigences de service public (principes de continuité et de mutabilité),
- Pour remplir les missions des bibliothèques (accessibilité et garantie d’accès à tous),
- Pour s’adapter aux rythmes de vie et aux contextes du territoire.

Difficultés et perspectives :

- Le levier principal pour ouvrir plus est la volonté politique. L’impulsion doit se faire au niveau national pour répondre aux nécessaires besoins de ressources humaines et de financement.
- Importance de convaincre les équipes souvent réticentes face aux changements. Il est important d’impliquer l’ensemble du personnel dès le début du projet.

Dynamiques favorables à la mise en œuvre des extensions d’horaires d’ouverture :

- Remettre les usagers au centre des services
- Appartenance à un réseau
- Insertion dans une politique plus large de mutualisation

En conclusion : « Élargir ou adapter les horaires d’ouverture, c’est faire le choix de penser en termes de service en partant des besoins des publics, c’est accepter de soumettre le fonctionnement du service aux besoins des usagers 5. »

Ouvrir plus

Cette première table ronde a réuni Emmanuelle Kalfa (directrice de la médiathèque de Lomme, Nord), Rémi Borel (directeur de la bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence), Louis Burle (conseiller pour le livre et la lecture, Drac Paca), et Georges Perrin (inspecteur général honoraire des bibliothèques).

Emmanuelle Kalfa a présenté la bibliothèque de Lomme 6 et son fonctionnement. Lomme est une ville de 28 000 habitants, située dans la périphérie de Lille.

La médiathèque est ouverte 31 heures par semaine, dont le dimanche matin, avec une équipe de 30 agents, dont 6 en extérieur. Les horaires ont été retravaillés en fonction des nouveaux rythmes de vie (fermeture le mercredi matin depuis la rentrée) et en fonction des besoins des publics.

Rémi Borel a présenté la réflexion menée depuis 2008 et la mise en place des horaires élargis à la bibliothèque de Méjanes 7 en 2011.

La bibliothèque d’Aix-en-Provence, ville de 140 000 habitants et 36 000 étudiants, est ouverte 45 heures par semaine, du lundi au samedi, de 10 h à 19 h avec une équipe de 108 agents.

Louis Burle a d’abord présenté le projet d’extension horaire de la BMVR de Troyes 8 qui s’est fait naturellement lors du projet de construction.

La BMVR est ouverte 50 heures par semaine, dont un dimanche par mois, avec une équipe de 34 agents.

Ouvrir mieux

Cette deuxième table ronde a réuni Chrystelle Amblard (responsable de la mission Temps et territoire, Montpellier Agglomération), Amélie Borelly-Renaudin (responsable de la bibliothèque de Jouques), Agnès Garrus (directrice du réseau des médiathèques de la Dracénie, Var) et Christophe Evans (responsable du service Études et recherche de la BPI).

Chrystelle Amblard, qui travaille pour l’association Tempo Territorial 9, a énuméré les mutations qui ont bouleversé notre temps de vie : espérance de vie, formation initiale, entrée des femmes sur le marché du travail, augmentation du temps libre, réforme des rythmes scolaires, TIC, augmentation des vitesses de transport, etc. L’offre de loisirs doit alors répondre à ces évolutions. Elle pose la question de l’aménagement temporel du territoire et de la régulation de ces temps.

Notre quotidien structure nos temps : temps de travail, temps de transport, rythmes biologiques, rythmes scolaires, horaires des services, etc. Pour ouvrir mieux, il faut donc s’adapter aux rythmes de vie, développer des synergies de réseau et développer les services à distance.

Anne Borelly-Renaudin a présenté la bibliothèque de Jouques 10, village de 4 000 habitants. Pour elle, ouvrir mieux, c’est créer du lien. La bibliothèque est très dynamique.

Enfin, Agnès Garrus a présenté la médiathèque intercommunale de la Dracénie 11. Cette bibliothèque d’agglomération regroupe 19 communes et dessert une population de 105 000 habitants. Le territoire est très disparate : zones rurales sensibles, zone semi rurale, sites touristiques, ville d’artillerie, etc.

Ce nouvel équipement s’est adapté à son environnement et aux temps de vie. La direction mise sur la cohésion d’équipe et la mutualisation des tâches.