Les usages documentaires dans une bibliothèque de Recherche

Une étude menée sur le Rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France

Thierry Pardé

Article publié dans le BBF n° 5 d'avril 2015


L’ouverture en 1998 du Rez-de-jardin, espace de recherche du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France, accomplissait le projet d’une grande bibliothèque couvrant tous les champs de la connaissance. Retour, donc, à l’ambition d’universalisme et d’encyclopédisme que porta la Bibliothèque jusqu’au début du XXe siècle, déployée à travers onze salles thématiques auxquelles s’ajoutent une salle dédiée aux documents audiovisuels et la réserve des livres rares. Près de vingt ans après, il importait de mettre cette volonté d’ouverture à tous les savoirs du monde en regard des pratiques, usages et attentes des usagers actuels. Aussi, pour la première fois depuis l’inauguration du Rez-de-jardin, une grande étude a été conduite en 2013-2014 sur les usages documentaires de ses chercheurs (25 000 chercheurs accrédités, représentant 300 000 entrées par an).

La méthode suivie

Cette étude, conduite par la délégation à la Stratégie et à la recherche de la BnF  1, comportait deux volets complémentaires mais distincts :

  • une analyse statistique du million de demandes de documents  2 effectuées en 2012, mise en regard du profil des lecteurs et des données du catalogue. La consultation de documents issus des magasins concerne 85 % du lectorat, qui dispose par ailleurs d’importants fonds en libre accès (350 000) ;
  • un questionnaire auto-administré (3 000 réponses reçues), qui nous renseigne sur les représentations et les attentes des usagers. Ce questionnaire permet, entre autres, d’approcher des usages documentaires pour lesquels la BnF n’a pas ou peu de données statistiques : libre accès, ressources électroniques, fréquentation d’autres fonds documentaires, etc. 3

Si ces deux modes d’investigation se croisent sur certaines thématiques (ainsi par exemple de l’origine géographique des documents utilisés), ils ne sauraient être superposés : une chose est de déclarer à titre personnel une fréquence de consultation d’ouvrages d’Amérique latine, une autre de comptabiliser les documents en provenance de cette aire effectivement demandés sur une année. Comme nous le vérifions régulièrement dans les autres enquêtes menées, les usagers surévaluent bien souvent leur fréquentation des salles de lecture et leurs usages vertueux des collections. Malgré cette distorsion, les représentations des usagers constituent une information importante sur l’intérêt pour certains fonds ou dimensions de l’offre documentaire.

Le premier résultat de l’enquête est sans doute le fort attachement au Rez-de-jardin de ses lecteurs et leur satisfaction d’être consultés sur les questions documentaires, vérifiés par le bon taux de participation de 13 %  4, obtenu sans effort particulier de relances.

La politique documentaire du Rez-de-jardin

Rappelons les quatre principes fondateurs de la politique documentaire, tels qu’ils sont énoncés dans la Charte documentaire des acquisitions de la Bibliothèque nationale de France (2005). Même s’ils s’appliquent à l’ensemble des collections de la BnF (y compris donc aux collections conservées à Richelieu, à l’Arsenal, etc.), ces principes décrivent bien l’effort consenti par les départements de collections thématiques  5 présents en Rez-de-jardin. S’ils posent des priorités, celles-ci n’altèrent pas la volonté d’offrir un ensemble documentaire présentant le savoir dans la diversité de ses manifestations historiques, évitant de le réduire à une sélection de dominantes (langues, cultures ou disciplines) :

  • La France, objet d’étude privilégié : une place importante est accordée aux acquisitions rétrospectives de documents publiés en France et non reçus par dépôt légal, aux acquisitions de documents publiés à l’étranger concernant la France et aux acquisitions francophones.
  • L’ouverture sur le monde : dans le souci d’un « paysage intellectuel rééquilibré », une politique volontariste d’acquisition est mise en place pour les langues, littératures et cultures qui ne sont pas dominantes. Plus généralement, l’accès, pour les chercheurs du Rez-de-jardin, à des travaux publiés à l’étranger est primordial.
  • L’encyclopédisme : intégrer « les sciences exactes, les sciences sociales, l’économie, domaines où une part des recherches est publiée à l’étranger, dans un ensemble cohérent de savoirs complémentaires ». Par-là, il s’agit de promouvoir l’interdisciplinarité.
  • La dimension temporelle : compléter les fonds existants et veiller à la fraîcheur et à l’actualité des collections pour couvrir « un très large champ temporel ».

Émergence de nouvelles disciplines

S’agissant du profil des chercheurs accueillis et de leurs usages documentaires, l’établissement est passé, au fil des décennies, d’une bibliothèque d’humanités – la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu, où dominaient de façon écrasante l’histoire, la littérature et l’histoire de l’art au détriment des disciplines juridiques, économiques et scientifiques, quasi-absentes  6 – à une bibliothèque dans laquelle les sciences sociales et le droit ont désormais un poids qui n’est plus négligeable.

Les modulations générationnelles illustrent cet élargissement des champs disciplinaires. Encore majoritairement centrés sur l’histoire et la littérature, les enseignants-chercheurs (27 % du lectorat) conservent un profil plus proche des domaines d’excellence de l’ancienne Bibliothèque Nationale, alors que les doctorants (27 %), public plus récent et en renouvellement régulier, présentent un spectre disciplinaire plus large : avec un poids moins fort de l’histoire, c’est le public qui compte le plus grand nombre de chercheurs relevant des sciences sociales ainsi que des sciences juridiques et politiques. De leur côté, les étudiants de master (18 %), public plus volatil (de par la brièveté de son temps de recherche) et moins consommateur de ressources documentaires, font émerger des thématiques documentaires faiblement présentes dans les deux précédentes catégories, tels l’art ou les sciences appliquées. Sur ce point, ces étudiants rejoignent une autre population tout aussi importante pour la diversification des domaines de lecture : celle des actifs n’ayant pas charge de recherche ou d’enseignement dans le supérieur (18 %), dont l’activité est sensiblement plus affirmée dans les disciplines alternatives (audiovisuel, musique, psychologie, bibliothéconomie). Notons que ces « autres » actifs comprennent une part non négligeable d’enseignants du secondaire ainsi que des professionnels des bibliothèques et de la documentation.

En dépit de ce panorama diversifié, le poids d’un ensemble de disciplines sur les pratiques est confirmé à la fois par la répartition des domaines de recherche déclarés lors de l’inscription et des thématiques des livres consultés. Si ces deux types de données obéissent à des référentiels distincts, ceux-ci sont suffisamment proches pour être mis en regard  7. L’analyse des domaines déclarés scinde en deux familles, d’importances très inégales, le lectorat : 86 % des lecteurs travaillent dans six domaines ; par ordre décroissant : littérature ; histoire ; arts ; droit, économie, politique ; philosophie ; sciences sociales et géographie – laissant le petit reste se répartir entre dix domaines minoritaires, voire ultraminoritaires : entreprise et finance, psychologie, sciences exactes, etc. Si l’on regarde maintenant les thématiques des livres demandés, celles-ci confirment en partie la liste des six domaines majoritaires, tout en en modifiant quelque peu la hiérarchie. Ainsi, cinq thématiques représentent à elles seules 87 % des lectures  8 ; par ordre décroissant : sciences économiques, juridiques et sociales ; histoire et géographie ; littérature ; arts ; philosophie et psychologie. L’arrivée en tête de classement des sciences économiques, juridiques et sociales (22 %) – et, en son sein, des sciences sociales, des sciences politiques et du droit – confirme cette tonalité « sciences humaines et sociales » des chercheurs du Rez-de-jardin.

Interdisciplinarité vérifiée, mais ouverture au monde modérée

Si la consultation du domaine francophone est dominante, l’usage avéré de documents en langue étrangère est élevé (seuls 36 % des lecteurs n’utilisent que de la documentation en langue française, les documents en langue étrangère totalisant 28 % des lectures sur une année), encore plus dans les réponses au questionnaire. Cet usage se concentre cependant autour du monde anglo-saxon, suivi par les pays européens non anglophones ; avec la France, cet ensemble représente 98 % des lectures. Avec les disciplines, l’origine géographique des documents se révèle être un des critères les plus discriminants pour les consultations (devant par exemple le type et l’ancienneté des documents), les aires linguistiques minoritaires – c’est-à-dire hors Europe et monde anglo-saxon – se révélant en fait ultraminoritaires : dans un rapport de 1 à 5 avec les aires majoritaires. Seules les réponses au questionnaire permettent de déceler la discrète émergence, au sein des aires géographiques minoritaires, de l’Amérique latine.

Pour ce qui est de l’interdisciplinarité, l’analyse des usages documentaires la vérifie tout en en circonscrivant l’étendue. Si les sciences sociales s’affirment comme une discipline pivot à l’intersection des grandes disciplines de recherche des lecteurs, l’espace global de l’interdisciplinarité reste limité à cinq grandes thématiques : sciences sociales ; histoire ; littérature ; philosophie ; arts. Ce spectre de l’interdisciplinarité relève davantage de l’interdisciplinarité désormais inhérente à certains travaux de recherche et domaines de connaissance plus qu’il ne révèle un rapprochement de disciplines favorisé par leur proximité dans les espaces décloisonnés du Rez-de-jardin. Sans surprise, l’interdisciplinarité reste imperceptible au plan statistique entre les sciences humaines et sociales et les sciences fondamentales ou appliquées. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la concentration des attentes des lecteurs sur le niveau de spécialisation, la fraîcheur et l’internationalité accrus de l’offre ne concernent, d’abord, que ces disciplines et langues dominantes.

Cette ouverture modérée se vérifie également par rapport au temps et à l’histoire : 34 % des documents demandés sont du XXIe siècle et 52 % du XXe. Le recours très fréquent à des documents très récents caractérise le plus fortement la population étudiante. La tendance s’inverse pour le XIXe siècle et, encore plus nettement, avant le XIXe, période que les étudiants sont 51 % à déclarer ne jamais consulter. Notons que les domaines de recherche des lecteurs demandant le plus fréquemment des ouvrages très récents sont, sans surprise, les sciences sociales, suivies du droit, de l’économie et de la politique.

Politique documentaire de la BnF : quelques pistes d’action

Cette enquête, la première de cette ampleur depuis la création de la BnF, semble conforter la politique documentaire menée par la Bibliothèque depuis deux décennies. On s’en souviendra peut-être, cette politique avait suscité le débat dans les années 1990-2000.

Voilà la BnF bien installée dans le paysage comme une grande bibliothèque patrimoniale et de recherche, surtout prisée pour ses collections dont la couverture internationale est amplement justifiée et dont une des caractéristiques importantes est d’être pluridisciplinaire. Outre les nombreux points de satisfaction relevés (par exemple le haut niveau de spécialisation des collections), l’enquête donne des aperçus très riches sur les pratiques des chercheurs au moment même où s’achève la mise à jour de la charte documentaire publiée en 2005.

Les résultats ne sont pas dénués non plus de quelques points d’alerte, autour des collections et des services liés, qui doivent constituer autant de pistes d’action pour l’avenir.

On peut en retenir au moins six :

  • Mettre à jour la politique documentaire : tout en restant dans un cadre encyclopédique, s’affirme très nettement la nécessité de repositionner la politique documentaire en sciences et techniques – dont le lectorat n’a pas trouvé le chemin de la Bibliothèque –, de poursuivre l’effort en sciences sociales (droit, économie et science politique…) dont l’enquête confirme l’émergence. L’enquête constate aussi une utilisation très faible de toutes les ressources qui ne sont pas européennes et anglo-saxonnes. Sans adopter une logique « d’audimat », il faudra sans doute s’interroger un jour sur la tradition universaliste de la Bibliothèque nationale. D’autres points appellent l’attention : la possibilité de pousser certaines thématiques en fonction des catégories de publics (par exemple l’histoire du livre ou la musique pour les professionnels), de coordonner encore mieux les politiques documentaires avec d’autres établissements. Nous travaillons en ce sens avec l’INHA, avec la Bulac, mais l’enquête incite à le faire aussi avec la Sorbonne, la bibliothèque Sainte-Geneviève, le réseau spécialisé de la Ville de Paris, ou encore la bibliothèque de l’École normale supérieure.
  • Agir en faveur de l’usage des ressources numériques acquises : 36 % des répondants déclarent ne jamais utiliser de ressources numériques acquises, et 39 % ne le faire qu’occasionnellement. Ces pourcentages paraissent très élevés pour une bibliothèque qui consacre une part importante de ses ressources au développement de cette offre dans toutes les disciplines. La BnF se doit de favoriser la consultation de cette offre remarquable (amélioration des interfaces de recherche, etc.).
  • Accélérer la mise à disposition de la documentation : 20 % des répondants précisent que la « fraîcheur » des collections est en deçà de leur attente. La BnF doit se faire un objectif fort de réduire le plus possible ce taux, en accélérant la mise à disposition de toutes ces ressources. Un travail est en cours sur le sujet, et cette amélioration figure dans les objectifs du contrat de performance 2014-2016.
  • Mieux prendre en compte les usages des lecteurs sur place pour la numérisation des collections : 22 % des répondants considèrent que l’accès aux documents originaux est en deçà de leurs attentes. Les verbatims témoignent d’une grande lassitude des microformes, pointent le fait qu’il n’y a pas suffisamment de documents dits hors d’usage numérisés. Il faut augmenter l’effort en faveur de la numérisation à la demande des lecteurs, de la numérisation en nombre des documents en mauvais état de conservation, accélérer le remplacement des microformes par des versions numérisées. Des actions en ce sens sont déjà engagées (nouveau marché de numérisation des imprimés qui permettra une numérisation plus importante des documents fragiles, numérisation massive des microformes des départements du site Richelieu,...).
  • Continuer à agir sur les offres de service et de confort : si l’offre documentaire est le premier – et de loin – motif de fréquentation, les espaces et le cadre de travail sont la seconde raison de travailler à la BnF. On le sait, ce mouvement de la « bibliothèque collections » vers la « bibliothèque lieu de travail », avec ce qu’il y faut de convivialité et de sociabilité, est une tendance lourde et une forte stimulation à viser le plus haut niveau en termes d’offre de services et de confort. Les dix dernières années ont vu à la BnF la multiplication des nouveautés dans ce domaine : la photographie individuelle pour les documents du domaine public, l’offre de carrels individuels de travail, une nouvelle réservation de place plus simple, la mise en place d’un logiciel spécifique pour consulter les ressources sous droits sur son ordinateur personnel… D’autres projets sont à l’étude.
  • Mener des actions par segments de publics : grâce à l’étude conduite, la cartographie des publics et des usages documentaires a beaucoup progressé. Il a été possible de dessiner de très intéressants « portraits documentaires » par type de publics (assiduité, ampleur de la consultation, interdisciplinarité, pratiques numériques,). Ils vont permettre à la BnF de s’engager dans des actions plus ciblées vers les doctorants, les enseignants-chercheurs, les étudiants de master, les autres publics actifs, qui sont les premiers fréquentants de la BnF et qu’il importe de satisfaire prioritairement.

Denis Bruckmann

Directeur des collections – Bibliothèque nationale de France

    Satisfaction et attentes : être efficace et complet dans son domaine

    Le lecteur du Rez-de-jardin, quelle que soit sa discipline ou son activité, va droit au but quand il exprime ses attentes et ses motivations, l’œil rivé en priorité sur son domaine de recherche et ses besoins documentaires. Réponse plébiscitée par les chercheurs à la question « Pour quelles raisons fréquentez-vous le Rez-de-jardin ? », « Je veux trouver tous les documents dont j’ai besoin pour ma recherche » dénote un souci premier d’accès aux documents et d’efficacité. C’est dire que les services complémentaires offerts et l’opportunité d’être entouré par d’autres savoirs que les siens pèsent peu dans ses motivations. Cette faible curiosité se vérifie dans une complétude des collections jugée moins nécessaire (ou ne faisant l’objet d’aucune opinion) à mesure que l’on s’éloigne des disciplines reines indiquées plus haut. Malgré l’intensité de la « faim » documentaire du lecteur dans son domaine, redoublée par de hautes exigences de spécialisation, les espaces et le cadre de travail s’imposent comme une raison complémentaire forte de venir en Rez-de-jardin, en particulier pour les doctorants. 36 % des lecteurs s’accordent sur le fait de venir d’abord pour les documents et ensuite pour les espaces  9.

    L’aspect de l’offre du Rez-de-jardin le plus mal perçu est l’accès aux documents originaux, qu’il existe ou non un document de substitution. Il est le plus mal vécu par les enseignants-chercheurs, en particulier dans les domaines de l’histoire et des arts, et concerne plus fortement les lecteurs demandant fréquemment des documents du XIXe siècle et des journaux français – ce qui est cohérent avec les problèmes connus de conservation pour cette catégorie de documents. L’usage des microformes est jugé fastidieux et appelle un surcroît d’effort en faveur de la numérisation des collections non communicables. Par ailleurs, l’absence dans certains domaines d’ouvrages récents de référence (ou leur délai excessif de mise à disposition), en particulier en langue anglaise, conduit certains usagers à pointer un risque de « franco-centrisme » et d’« appauvrissement de l’offre récente ». Le maintien d’un haut niveau de spécialisation des collections, en priorité dans les disciplines permettant de documenter la vie d’une « culture », comme l’exprime un répondant au questionnaire, quitte à limiter l’effort dans des domaines bénéficiant déjà sur Paris de fonds très spécialisés, est le premier défi du Rez-de-jardin aux yeux de ses usagers. « Attente très large, simple, facile et difficile à satisfaire à la fois ! », commente un autre.

    Un écosystème aux raisons multiples

    Pour terminer, regardons comment l’offre du Rez-de-jardin s’insère au sein de l’écosystème des bibliothèques de recherche parisiennes. Ce n’est pas une surprise, 70 % des répondants au questionnaire déclarent fréquenter au moins une autre bibliothèque à des fins de recherche et « en raison de ses collections », ce qui se vérifie encore plus fortement pour les enseignants-chercheurs alors que la multifréquentation chute pour les étudiants de master. Plébiscitée d’abord pour la complétude et la rareté de ses collections, la BnF n’est la bibliothèque principale que d’une courte majorité de lecteurs, sur fond de complémentarités multiples entre bibliothèques, qui ne se précisent que pour deux disciplines : histoire et arts. Si les chercheurs dans ces deux domaines sont, à des niveaux semblables, majoritairement enclins à utiliser une autre bibliothèque (ou plus) pour leur recherche, les premiers gardent volontiers la BnF comme bibliothèque principale, contrairement aux seconds qui trouvent ailleurs des fonds plus complets ou plus spécialisés. Le domaine à la BnF dont le niveau de spécialisation est le plus apprécié est la littérature. Au-delà de ces quelques repères, on constate un éparpillement des raisons complémentaires de faire ses recherches ici et là, l’intérêt exprimé en termes de collections (leur rareté, leur complétude, leur spécialisation, etc.) étant quasi identique.

    Conclusion

    L’importance des consultations en langue étrangère donne pleinement raison à une politique d’acquisition apportant aux lecteurs le matériau international indispensable à la conduite de ses recherches au-delà de ce qu’il est en droit de trouver dans une bibliothèque nationale, de fait encyclopédique s’agissant de la production française. Ainsi, tout l’art délicat du bibliothécaire va consister à évaluer les besoins documentaires au carrefour d’une connaissance pointue et actualisée des disciplines et d’une observation rigoureuse des usages. Cette évaluation peut être l’occasion d’un dialogue fécond avec des communautés de chercheurs constituées. De surcroît, la proximité d’autres fonds spécialisés (70 % des lecteurs du Rez-de-jardin disent fréquenter une ou plusieurs autres bibliothèques pour leurs collections) et la multiplication des ressources accessibles à distance obligent plus que jamais à se soucier des complémentarités d’offres et de services documentaires entre bibliothèques. Au final, la prise en compte, dans toute leur richesse et leur étendue, des pratiques documentaires des lecteurs, outre sa nécessité quant à l’évaluation de l’utilité des fonds acquis, permet également d’aborder sous un angle renouvelé les questions de politique documentaire en dépassant à la fois le plan des principes abstraits et la logique de l’offre qui peuvent, à défaut de retours sur les usages et les attentes, manquer de précisions.

    1. (retour)↑  Véronique Michel pour l’analyse des données de communication des documents et Philippe Chevallier pour l’analyse du questionnaire en ligne.
    2. (retour)↑  Les documents analysés portent sur les livres entrés par dépôt légal (plus de 70 000 par an au cours des trois dernières années) ainsi que sur les acquisitions qui complètent le dépôt légal (de l’ordre de 30 000 à 35 000 acquisitions rétrospectives en langue française, francophones et étrangères qui rejoignent chaque année les collections patrimoniales de la Bibliothèque).
    3. (retour)↑  L’analyse des réponses au questionnaire, incluant les tris croisés, est disponible en ligne : http://www.bnf.fr/documents/usages_documentaires_2013.pdf
    4. (retour)↑  Taux calculé à partir du nombre d’adresses électroniques valides, donc utilisables pour l’administration du questionnaire.
    5. (retour)↑  Audiovisuel ; Droit, économie, politique ; Littérature et art ; Philosophie, histoire, sciences de l’homme ; Sciences et techniques ; auxquels il convient d’ajouter le département de l’Orientation et de la recherche bibliographique.
    6. (retour)↑  Données de l’enquête « Les lecteurs de la Bibliothèque Nationale », sous la direction de Christian Baudelot (École normale supérieure) et Claire Verry (Louis Harris France), Rapport d’enquête, deux volumes, 1993.
    7. (retour)↑  Le domaine de recherche déclaré est renseigné au moment de l’inscription des lecteurs ; la thématique du livre demandé dépend de sa notice bibliographique dans le catalogue général. Par ailleurs, nous simplifions ces référentiels pour ne pas alourdir l’article : « littérature et techniques d’écriture » est devenu simplement « littérature », « arts, jeu et sports » est devenu « arts », etc.
    8. (retour)↑  Une « lecture » a le sens ici de « un lecteur ayant lu un livre ». Le nombre de « lectures » tient compte du nombre de lecteurs « distincts » d’un même livre au cours d’une période donnée (ici, l’année) sans s’attacher au nombre de fois que le même livre a pu être demandé par un même lecteur.
    9. (retour)↑  La question était fermée ; étaient également proposées les réponses suivantes : « La situation géographique », « L’assistance documentaire du personnel », « Les services offerts (reproduction, wifi, etc.) » et « Retrouver des collègues ».