Numérique et archivage pérenne

Regard du président de la Commission Bibliothèques numériques

Pierre Carbone

Depuis sa création en 2011, la Commission interministérielle Bibliothèques numériques a fait de l’archivage pérenne un de ses thèmes prioritaires. Cette Commission a été créée à la suite de la présentation par le président de la Bibliothèque nationale de France du « Schéma numérique des bibliothèques » au Conseil du livre, le 22 mars 2010, qui dressait à l’époque un état des lieux des collections et des usages numériques en bibliothèque, et émettait des recommandations notamment dans le domaine de l’acquisition des ressources électroniques, de la conservation numérique et d’une meilleure concertation en matière de numérisation. Dans ce cadre, les ministères de la Culture et de la Communication (MCC) et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) avaient décidé de travailler en étroite concertation et de confier à cette Commission Bibliothèques numériques « la mission d’étudier les suites données aux onze recommandations formulées dans le rapport 1 ».

En effet, si les documents numériques connaissent une croissance continue, la pérennité des supports comme celle des informations qui y sont stockées ou des logiciels d’accès n’est pas garantie, et demande la mise en œuvre de procédures sur le long terme. Il va de soi, s’agissant des copies numériques de documents sur support matériel, que la conservation des exemplaires originaux reste nécessaire. L’archivage à long terme est donc une préoccupation qu’il faut intégrer dès la conception d’un projet de numérisation, au lieu de raisonner, comme c’est trop souvent le cas, en termes de supports de stockage.

Plusieurs acteurs publics nationaux sont identifiés en matière d’archivage public pérenne ou intermédiaire :

  • Le Service interministériel des archives de France (SIAF) est en charge de la politique nationale des archives, audite les systèmes d’archivage et donne son agrément aux tiers-archiveurs publics ou privés pour la conservation d’archives publiques courantes ou intermédiaires.
  • Des opérateurs publics ont reçu l’agrément SIAF, notamment pour les bibliothèques : le Centre informatique national de l’enseignement supérieur – Cines – (pour sa plateforme PAC) et la Bibliothèque nationale de France – BnF – (pour le système SPAR).
  • D’autres acteurs publics assurent un archivage intermédiaire ou pérenne, notamment : le Centre national d’études spatiales (CNES) avec sa plateforme STAF en production depuis 1995, l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la Direction générale des finances publiques (DGFIP) avec sa plateforme ATLAS lancée en 2007, l’Imprimerie nationale, et enfin l’Institut géographique national (IGN).

Étant donné les moyens humains et matériels mobilisés par les opérateurs les plus importants (des équipes d’une dizaine d’ETP, des mémoires mesurées en téraoctets ou pétaoctets) ainsi que les coûts d’investissement et de fonctionnement, la mutualisation de l’archivage, comme sa gestion sur la longue durée, est indispensable. Pour la Commission, il serait justifié de créer un centre de compétences mutualisé pour la préservation de l’information numérique, qui serait compétent pour la veille sur les formats d’archivage, les supports, les formats de métadonnées et pour la formation. La première démarche en ce sens serait de s’appuyer sur le groupe Préservation de l’information numérique (PIN) 2 au sein de l’association Aristote  3, et d’officialiser cet organe réunissant des experts en qualité de cellule transversale aux ministères et transdisciplinaires. Une première démarche en ce sens, actuellement en cours à l’initiative du MCC (SIAF et Service du livre et de la lecture [SLL]) et du MESR (Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire [MISTRD]), vise à confier au groupe PIN une étude sur les modèles économiques de tiers-archivage public et privé dans le monde.

Une telle étude, qui serait utile pour tous, éclairerait les travaux de la Commission, qui s’est intéressée aux coûts et aux prestations de tiers-archivage en France. Elle a étudié en effet l’offre du Cines en direction du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que l’offre proposée début 2013 par la BnF pour les institutions du MCC. S’il existe un partage clair des compétences d’archivage pour les institutions relevant de chaque ministère (MESR et MCC), il est toutefois souhaitable d’aller plus loin dans la coopération nationale en favorisant des politiques partagées de sauvegarde entre la BnF et le Cines, ce qui garantirait une plus grande sécurité à chacun des acteurs et permettrait des économies d’échelle.