Journées Abes 2013
Le SGB mutualisé au carrefour des chemins
Marc Maisonneuve
La session plénière du 15 mai 2013 réunissait Jean Bernon (Abes), deux représentants du comité technique et Carl Grant (directeur des systèmes d’information de l’université d’Oklahoma) autour du projet de SGB mutualisé pour faire un bilan des réflexions menées depuis 2012 par l’Abes en collaboration avec plusieurs d’établissements.
Les enjeux du projet
Le chargé de mission du projet, Jean Bernon, a présenté les résultats de l’étude d’impact 1 qui doit être soumise pour décision au conseil d’administration de l’Abes lors de sa réunion du 31 mai 2013. Après un rapide historique de cette réflexion initiée en 2011, Jean Bernon a rappellé les avis déjà rendus par les instances du projet (comité technique du 15 avril 2013, comité de pilotage le 16 avril 2013) et par le comité scientifique de l’Abes (le 8 avril 2013). Les enjeux du projet sont présentés : fournir aux établissements un outil plus simple et plus performant, mieux gérer et mieux signaler les ressources numériques, faire évoluer le Sudoc et remplacer les outils sur lesquels il s’appuie (logiciel CBS), enfin réduire l’écart constaté entre les données nationales du Sudoc et les données locales. Pour les établissements, plusieurs impacts du déploiement d’un système de gestion de bibliothèque mutualisé sous forme d’une plateforme de services en ligne ont été identifiés : ce projet imposera une importante formation des équipes et une réorganisation des circuits de traitement ; l’adaptation locale de la plateforme de services en ligne sera une tâche délicate ; l’accès à la plateforme s’effectuera sous forme d’un abonnement nécessitant la mobilisation d’un budget de fonctionnement… Concernant l’Abes, le projet aura des incidences non négligeables sur ses missions de signalement et de coordination documentaire (adoption d’un code de catalogage RDA adapté aux besoins français ; prise en compte de flux de données venant des éditeurs notamment pour les ressources numériques…) comme sur ses missions de gestion et de développement des systèmes d’information. Le remplacement de CBS, situé au cœur du système d’information de l’Abes, souligne la complexité technique de ce projet, la continuité des services au réseau devant être assurée. L’Abes devra étoffer ses services d’assistance aux établissements et continuera à alimenter une base miroir nationale, jugée garante d’une certaine autonomie vis-à-vis du fournisseur de la plateforme de services en ligne.
Choisir l’un des trois scénarios de déploiement envisagés
Le premier scénario, de type big bang, consiste à faire migrer le plus grand nombre d’établissements (idéalement tous) et le Sudoc sur le nouveau SGB mutualisé 2. Le deuxième scénario s’appuie sur l’hypothèse d’une plateforme en ligne qui ne serait pas nécessairement capable d’héberger le Sudoc ; il consiste à faire migrer un premier lot de bibliothèques volontaires et à conduire en parallèle des évaluations de la capacité de l’outil à supporter le catalogue Sudoc et plus généralement les besoins dits consortiaux. En cas d’évaluation favorable de ces capacités, on reviendrait alors au premier scénario, et dans l’hypothèse inverse, on conserverait les outils actuels du Sudoc. Le troisième scénario retient l’hypothèse de la coexistence durable de plusieurs systèmes de gestion de bibliothèque distincts ; l’Abes porterait le projet de SGB mutualisé pour les établissements volontaires et labelliserait les autres systèmes ou plateformes de services en ligne capables de dialoguer avec le Sudoc. Les scénarios 1 et 2 s’inscrivent dans une forte dynamique nationale et permettent d’espérer une meilleure économie de moyens. Le scénario 3 est plus proche du mode de fonctionnement actuel du Sudoc et également plus respectueux de l’autonomie des établissements. Ces différents scénarios retiennent un calendrier d’environ quatre ans, les deux premières années portant sur la migration d’un premier lot d’établissements pilote. Jean Bernon considère que l’étude d’impact laisse plusieurs questions sans réponse : l’offre de solutions est-elle suffisante et répond-elle aux besoins, notamment en ce qui concerne les fonctions consortiales ? Comment ne pas tomber dans une situation de forte dépendance vis-à-vis du fournisseur de ce SGB mutualisé ? Quels seront au bout du compte les coûts de fonctionnement de ce système ?… Si le conseil d’administration du 31 mai valide le projet et fait le choix d’un de ces trois scénarios, l’Abes constituera alors un groupe d’établissements pilote et formera une équipe de projet mixte associant ses équipes et des représentants de ces établissements. Tout au long de ce projet, l’Abes devra veiller à la cohérence du calendrier de l’équipement des établissements, du calendrier de changement de ses propres outils et du calendrier des projets connexes, comme celui de la base nationale de connaissances.
L’avis du comité technique 3
Deux représentants du comité technique constitué en juin 2012 ont présenté les analyses de cette instance. Concernant les fonctionnalités du SGB mutualisé, le comité technique a insisté sur la gestion des acquisitions (traitement des commandes groupées, articulation avec le système de gestion financière de l’université), sur le traitement des métadonnées (adoption des modèles FRBR et FRAD), sur la gestion du PEB et sur l’outil de découverte qui pourrait se trouver affaibli par la présence trop rare des éditeurs français dans la future base de connaissances sur laquelle cet outil devra s’appuyer. L’ouverture des données constitue un enjeu important. Le modèle économique suscite des inquiétudes, le niveau des coûts de fonctionnement n’étant pas connu. Concernant le périmètre de ce SGB mutualisé, le comité n’a pas retenu l’option d’un outil supportant les fonctions de gestionnaire de bibliothèque numérique mais souhaite qu’une réelle interopérabilité soit garantie entre ces outils. Les incertitudes demeurent nombreuses : niveau d’aboutissement des outils, pertes et gains fonctionnels par rapport à l’existant, charge de gestion de ce projet, nombre d’établissements candidats à l’utilisation de ce SGB mutualisé alors que l’économie de moyens y est directement liée…
L’avis d’un expert des plateformes de services en ligne
En conclusion, Carl Grant, directeur des systèmes d’information de l’université de l’Oklahoma, a souligné l’importance des web services et autres API tant pour le SGB mutualisé que pour l’outil de découverte qui l’accompagnera. C’est un gage d’ouverture des produits et d’indépendance vis-à-vis d’un fournisseur qui pourrait se trouver en position de force. L’intérêt d’un allotissement avec différents fournisseurs retenus pour la mise en œuvre de chaque brique du nouvel outil est également un moyen de contribuer à cette ouverture et à l’établissement d’un rapport de force plus en faveur des établissements. Une démarche collective, réunissant un grand nombre d’établissements, permettra également de mieux négocier et d’obtenir des conditions plus favorables. Quels que soient les outils retenus, ce projet aboutira à une forte amélioration du service rendu aux usagers, il ne faut donc pas hésiter à se lancer dans cette opération, en ayant bien conscience qu’il va falloir tout d’abord négocier de pied ferme avec les fournisseurs potentiels.
Les réactions des auditeurs
Plusieurs questions ont été postées sur Twitter : le scénario 3 peut-il être jugé conforme à l’objectif de mutualisation ? Ne faudrait-il pas davantage séparer fonctions locales (celles des établissements) et consortiales (celles de l’Abes) dans ce projet ? Dans la salle, une personne s’interroge sur l’opportunité d’avancer à marche rapide alors que les solutions disponibles sont encore incertaines et que les coûts ne sont pas connus, l’emploi d’une prochaine solution libre (celle du projet Kuali OLE 4) pouvant s’envisager si l’on fait preuve d’un peu de patience. Une autre personne souligne son inquiétude vis-à-vis des scénarios 1 et 2 ; elle redoute la perte d’adaptations locales des logiciels jugées essentielles à la qualité des services rendus, souligne le caractère optimiste des calendriers envisagés ainsi que l’absence de prise en compte des coûts d’export des données aux fins de reprise. À la question du soutien apporté par le ministère à ce projet, deux représentants de l’administration centrale indiquent que ce projet est suivi avec attention, qu’aucune dotation budgétaire n’a été inscrite pour l’instant au contrat de l’Abes mais que cela pourrait faire l’objet de nouveaux échanges.
Aucune question n’a été posée sur la gouvernance de ce projet qui permettrait de garantir la prise en compte de l’évolution des besoins de chacun, ni sur la réversibilité de l’adhésion d’un établissement à ce projet. La très importante extension du périmètre du projet, initialement le simple déploiement d’un SGB mutualisé, aujourd’hui complété par un outil de découverte, une base de connaissances et le remplacement des outils du Sudoc, n’a fait l’objet d’aucune intervention du public. •