Quels obstacles à la formation à l'information ?
12es Rencontres Formist
Cécile Poirot
Les 12es Rencontres Formist se sont déroulées le 12 juin dernier à l’Enssib sur le thème « Quels obstacles à la formation à l’information ? ». Dans son introduction à la journée, Anne-Marie Bertrand, directrice de l’Enssib, a présenté Formist et souligné l’apparition d’initiatives nouvelles en matière de formation des usagers.
Le paysage de la formation à l’information : ce qui a changé
Élisabeth Noël, responsable du service « Diffusion des savoirs » et de Formist à l’Enssib, a retracé les évolutions de la formation à l’information des années 1970 à nos jours, selon différents axes : les technologies, les évolutions de l’Université, les bibliothèques, et enfin la formation documentaire.
Ces évolutions ont bien sûr un impact sur les acteurs et les institutions, comme c’est le cas pour les Urfist (unités régionales de formation à l’information scientifique et technique) dont Michel Roland (Urfist de Nice) a dressé un panorama. Mises en place en 1982 en tant qu’unités régionales et interuniversitaires, elles sont le lieu de rencontre entre deux cultures universitaires, celle des bibliothécaires et celle des enseignants-chercheurs. Ces établissements ont vu leurs publics et leurs missions évoluer. Alors qu’au départ les Urfist avaient une mission de formation à la RDI (recherche documentaire informatisée) pour les personnels de bibliothèque, médiateurs entre les bases de données et les chercheurs, elles ont aujourd’hui pour public majoritaire les doctorants.
Par ailleurs, l’évolution des interfaces permettant à l’usager d’interroger lui-même les bases de données depuis chez lui via internet, les Urfist ont vu émerger des besoins nouveaux chez les publics : on est passé de l’acquisition de compétences en documentation à la maîtrise de l’information. Quel avenir cependant pour les Urfist ? Structures interuniversitaires dotées de missions interrégionales, en même temps rattachées à une université, elles s’intègrent mal dans la loi LRU. Le chantier de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN) 1 permettrait de les recentrer sur leurs missions de base.
Pierre-Yves Cachard, directeur du SCD du Havre et animateur de la « Commission pédagogie universitaire et documentation » au sein de l’ADBU (Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation), a présenté un état des réflexions de l’association autour de la formation à l’information. L’engagement de l’ADBU dans ce domaine s’inscrit dans le contexte de la réforme des universités, avec la LRU qui a conduit à un affaiblissement des SCD dans la stratégie des établissements, du développement des projets de Learning Centers, et de la question de la rénovation pédagogique des universités.
L’ADBU a engagé plusieurs démarches : d’abord, une étude sur les projets de Learning Centers ; ensuite, un travail de lobbying en lien avec les autres associations professionnelles, notamment auprès de la CPU (Conférence des présidents d’université), sur la question des formations. L’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence est en ce sens un élément favorable pour les bibliothèques universitaires, la maîtrise de l’information étant ici considérée comme une science auxiliaire et un savoir capitalisable participant à l’adaptation à la vie professionnelle des étudiants. Enfin, l’ADBU a élaboré un référentiel de compétences dépassant le cadre strict des compétences documentaires pour se fonder sur les compétences informationnelles.
Pierre-Yves Cachard a proposé une réflexion sur les évolutions nécessaires des dispositifs de formation, en préconisant une réforme en profondeur du modèle pédagogique d’établissement français traditionnellement basé sur le modèle top-down. Le concept du Learning Center permettrait un renouvellement dans ce domaine. Il faudrait favoriser une interactivité maximale entre l’enseignant, l’étudiant et les ressources mises à disposition ; la place du bibliothécaire serait alors celle de médiateur auprès des étudiants et des enseignants. Pierre-Yves Cachard souligne un changement de périmètre important : l’étudiant est amené à acquérir une double compétence, de recherche et de production (Literacy) ; l’enjeu des projets de Learning Centers est alors de viser la maîtrise de la recherche et la maîtrise de la production de l’information dès la licence.
La formation des étudiants en action : retours d’expérience
L’après-midi a été consacré à la présentation de retours d’expériences faites dans différents établissements en matière de formation des étudiants.
Anne-Céline Dubois, du SCD Rennes 1, a évoqué les actions de la formation à l’information dans son établissement. Les formations assurées par le SCD se sont mises en place relativement tardivement, mais elles sont désormais inscrites dans les cursus universitaires. Autre réussite : la mise en place de réseaux et de mutualisations, en interne au niveau licence (Plan licence), et à l’échelle régionale pour le niveau D avec le Collège doctoral international et les écoles doctorales de Bretagne, qui ont été les partenaires des SCD des universités de Bretagne, pour concevoir des séminaires de formation sur place, en complément du tutoriel Form@doct 2 (Formation à distance en information documentation pour les doctorants). Les actions de formation à l’information ont toutefois inévitablement été confrontées à des obstacles : questions de calendrier, retours aléatoires des enseignants sur les contenus des formations, manque de formateurs.
De leur côté, Damien Laplanche (SCD de Strasbourg) et Marie-Pierre Thévenot (SCD de Haute-Alsace) ont présenté l’expérience alsacienne de formation des usagers, en particulier les réalisations communes entre quatre partenaires : l’université de Haute-Alsace, l’université de Strasbourg, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, l’Urfist de Strasbourg, qui ont constitué un groupe de travail autour de la formation des usagers : GTFU Alsace. Deux outils ont été élaborés au sein de ce groupe de travail : le premier, la « mallette du formateur », a pour objectif de partager les documents de formation de l’ensemble des collègues de ces établissements dans une base commune. Le second permet d’estimer le temps nécessaire à l’organisation et l’animation d’une formation, et donc de nourrir la réflexion autour du coût d’une formation et de l’estimation de la charge de travail. Le GTFU va amorcer d’autres projets : élaboration d’un questionnaire d’évaluation automatique des formations, création d’un atelier de retour d’expérience, mise en place d’une veille sur les tutoriels.
Dernier retour d’expérience : la formation des usagers au SCD Lyon 2, qui s’articule de manière étroite avec le service de questions-réponses Bibliothécaires en ligne (BEL) 3, comme l’a souligné Christelle Caillet. Dans cet établissement, la formation des usagers existe de manière structurée depuis 2001 et cible tous les niveaux de formation et toutes les disciplines. La plupart des formations sont dispensées hors cursus. De son côté, le service BEL a été créé en 2008, suite à la nouvelle organisation de la bibliothèque. Il s’est constitué sur la base de volontaires qui appartenaient au service formation, puis s’est ensuite étoffé. Il existe une complémentarité et une continuité entre ces deux services (démarche pédagogique, objectifs).
En conclusion, en dépit d’obstacles réels à la formation à l’information, de nombreuses opportunités s’offrent aux bibliothèques pour inscrire et rendre visibles leurs actions de formation au sein des instances universitaires. Cela nécessite une collaboration étroite entre acteurs universitaires et professionnels des bibliothèques. Or, le modèle des Learning Centers permettrait de réduire les frontières entre enseignement et documentation, comme le soulignait Pierre-Yves Cachard lors de son intervention. •