Comité de suivi de la loi LRU – rapport 2011

par Bruno Van Dooren
Janvier 2012
Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Disponible en ligne : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-56687

Le comité de suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) 1 a publié en janvier dernier son quatrième rapport depuis sa création en janvier 2008  2.

Rappelons qu’il est institué auprès du ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et qu’il est chargé d’évaluer l’application de la LRU. Il formule des propositions et des recommandations, y compris dans le domaine législatif, s’il l’estime opportun.

Le rapport 2011 est formé de six chapitres suivis de quatre annexes  3 et comprend douze recommandations.

Disons-le d’emblée, le lecteur universitaire, un peu curieux, et pour autant qu’il s’intéresse à la vie de son établissement – enseignant-chercheur, bibliothécaire, personnel administratif –, ne découvrira pas grand-chose à la lecture du rapport qu’il ne sache déjà, tant les débats sur l’autonomie ont donné l’occasion de saisir l’essentiel des enjeux du moment, particulièrement cette année, qui voit un renouvellement quasi général des conseils des établissements. Quant au citoyen non initié, on peut craindre que, au-delà des notions et des principes généraux – autonomie, évaluation, gouvernance, etc. – dont la presse générale d’information s’est faite un peu l’écho, il ait quelque réticence à s’aventurer bien avant dans la compréhension des arcanes de l’alma mater : trop d’idiosyncrasies particulières à cerner, trop de dispositifs stratégiques à mesurer, trop de mutualisations à espérer, trop d’incitations (indirectes) à attendre, bref un ensemble de données complexes qui expliquent la relative indifférence du public pour les défis, pourtant cruciaux, auxquels l’université est confrontée.

Pour autant, le rapport 2011 va néanmoins à l’essentiel de ce qui anime la vie des établissements, cinq ans après la promulgation de la LRU. L’exercice n’est pas aisé car la réalité du fonctionnement des universités, par nature, est mouvante : ce ne sont pas des établissements publics ordinaires. Le principe d’autonomie est ancien, il existe dans les textes au moins depuis la loi Edgar Faure, et dans les faits, depuis toujours, mais avec cette réserve : il s’applique davantage à ses acteurs – aux enseignants et chercheurs et, dans une moindre mesure, à l’ensemble des personnels – qu’à l’institution elle-même. Mesurer l’application de la loi à l’établissement exige de bien comprendre l’effet produit sur chacun d’eux. À cet égard, on peut penser que la multiplication des instances et des dispositifs visant à réformer l’université sert à chacun à s’emparer et à s’approprier la réforme. C’est probablement pourquoi ce qui peut sembler des empilements d’initiatives et de mesures sectorielles ou transverses, si souvent opaques au profane, contribue au contraire à soutenir un mouvement irréversible : le rapport du comité de suivi reflète bien la complexité et l’importance des modifications.

Les changements à l’œuvre

Du côté de l’établissement : en premier lieu, la gouvernance. Certes, les équipes dirigeantes des universités s’emparent progressivement des possibilités offertes par la loi en mettant en place des procédures de gestion mieux contrôlées, mais, en termes stratégiques, le comité rappelle la nécessité de renforcer le conseil d’administration – qui figurait déjà dans le rapport 2010  4 – et d’instaurer la participation des membres extérieurs à l’élection du président. Il expose les modalités possibles de cette désignation mais il prend surtout parti sur une question très sensible, celle – nouvelle – d’un droit d’intervention de la société dans « le débat stratégique au sein de l’établissement » (p. 10).

S’agissant de l’organisation interne des universités, c’est la répartition disciplinaire pour les élections des représentants des enseignants-chercheurs, fixée par la loi, qui, aux yeux du comité, devrait être assouplie « au nom du principe de libre organisation interne des établissements » (p. 12) : il est vrai que cette obligation fige un peu les choses en termes d’affinités électives… Ces deux éléments – élection du président, y compris par les personnalités extérieures, et liberté de s’associer pour solliciter les suffrages – convergent sur la nécessité de « conforter le rôle stratégique » du conseil d’administration dont les membres n’agiraient plus en « représentants et défenseurs de tel ou tel groupe » : c’est probablement l’une des recommandations importantes du rapport 2011 qui vise à libérer le conseil d’administration des questions qui relèvent des autres instances. L’instrument de cette liberté tiendrait dans la nécessité d’accorder « une large délégation du CA au président ». En contrepartie, le comité émet des conseils de prudence et des rappels à la réglementation :

évaluer les enseignements mais en adoptant une démarche de transparence qui doit s’appliquer aussi aux promotions, aux indemnités, aux recrutements et à la modulation des services des enseignants-chercheurs (p. 16-17) ;

éviter la césure entre les unités de recherche et les UFR, c’est-à-dire renforcer les liens entre recherche et formation et appliquer l’article 4 du décret régissant l’attribution de la prime d’excellence scientifique aux chercheurs d’organismes enseignant à l’université (p. 16-21) ;

ne pas généraliser prématurément la dévolution du patrimoine à l’ensemble des établissements (p. 24) ;

favoriser les rapprochements et les mutualisations structurants à l’échelle d’un site, mais ne pas prôner la fusion des établissements en raison des problèmes de gouvernance qu’elle peut engendrer (p. 14-15).

Du côté des étudiants et des bibliothèques

Du côté des étudiants : la sélection et le montant des droits d’inscription. Le comité réaffirme qu’il convient de maintenir l’ouverture de l’université à tous, mais il conseille de réfléchir ou d’expérimenter l’orientation sélective et d’engager un débat public sur le faible niveau des droits d’inscription à l’université : réflexions assurément nécessaires, mais on aurait apprécié que la dimension de politique publique encourage le comité à se dégager du simple rôle technique d’observation de la mise en œuvre de la loi existante ; à cet égard, il aurait pu se montrer plus audacieux dans un sens ou dans un autre (p. 21-22).

Du côté des bibliothèques et de la documentation : peu de choses, sinon la réaffirmation de poursuivre le recours à l’emploi étudiant dans les bibliothèques et de former, avec le concours de l’Observatoire des sciences et des techniques, des responsables universitaires à la bibliométrie (p. 22 et 25-26).

Du côté de l’État

Du côté de l’État : le comité recommande une sorte de bémol sur les contrôles a priori, une révision du système de répartition des moyens Sympa et surtout son application, qui entraînerait un redéploiement des financements et des emplois entre les universités, un renforcement du contrat d’établissement et enfin une évaluation de l’administration centrale assortie d’une mobilité de ses propres agents, cadres de haut niveau dont les universités ont besoin pour poursuivre l’appropriation des RCE… (p. 29).

La dernière recommandation du comité porte précisément sur le rôle régulateur de l’État et le retour du contrat d’établissement comme élément majeur et global de la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche (p. 28) : c’est, après la gouvernance, l’autre dimension importante des préconisations du comité. En effet, outre les moyens financiers – dont la proportion dans les subventions de l’État a considérablement diminué depuis 2007 –, le contrat est le lieu et l’occasion de l’adoption de l’offre de formation d’une université. En préconisant un contrôle a posteriori et non plus a priori de l’offre de formation en licence, le comité transforme la logique actuelle d’accréditation d’un diplôme national : il touche à la question sensible du caractère national des diplômes et à l’appréciation inavouable d’une hiérarchie pourtant à l’œuvre entre les universités.

On terminera sur un regret, celui d’une prise en compte très insuffisante des changements induits par la LRU dans la conduite des activités de support et de soutien à l’enseignement et la recherche : systèmes d’information, bibliothèques et documentation, gestion des ressources humaines  5, technologies de l’information appliquées à l’enseignement, etc. Car, aux côtés de l’enseignant et de l’étudiant, il n’est pas impossible que l’administrateur (administratifs, techniciens, ingénieurs, bibliothécaires, informaticiens) soit la clef de voûte d’une réforme réussie de l’enseignement supérieur et de la recherche.