Le métier de bibliothécaire
Association des bibliothécaires de France
Paris, Cercle de la Librairie, 2010, 565 p., 24 cm
ISBN 978-2-7654-0977-9 : 42 €
Vingt-sept auteurs, près de 600 pages, 12e édition… Vertige chiffré de la gageure ! Comment en effet renouveler, sans décevoir, la « Bible » de toute une profession ? C’est à ce défi qu’Yves Alix et son équipe se sont attelés avec courage pour une nouvelle édition du Métier de bibliothécaire, ouvrage traditionnellement patronné par l’ABF (Association des bibliothécaires de France).
Un essentiel de la culture commune des bibliothécaires
Ce livre constitue un vade-mecum non seulement pour les bibliothécaires, mais aussi pour tous les professionnels de la documentation. En effet, comme le rappelle Dominique Arot, alors président de l’ABF, dans son avant-propos, le métier de bibliothécaire 1 est devenu polymorphe, nécessitant polyvalence et maîtrise d’un arsenal de méthodes enrichi. À cet égard, les auteurs ont réussi le tour de force de parvenir à exposer avec clarté, sans verser dans un manuel technique indigeste, l’essentiel de la culture commune des bibliothécaires. Encadrés, bibliographie, sitographie, textes de référence, décryptage des abréviations chères à la profession, « bibliothèque en cent mots » complètent un travail dense et bien organisé, utile à un public varié allant des étudiants préparant les concours aux professionnels désireux d’approfondir leurs connaissances. L’ambition de tout expliquer depuis l’origine permet effectivement au lecteur, même le moins averti, de se familiariser avec les bibliothèques, de comprendre leur fonctionnement et de percevoir les défis auxquels ces institutions sont confrontées. De surcroît, un effort appréciable a été réalisé pour dépoussiérer certaines notions (celle de patrimoine, par exemple, entendue dans une acception élargie) 2. On aura donc beau jeu de pointer tout ce que ce vade-mecum, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, laisse de côté (histoire du livre, chapitres spécifiques consacrés à la jeunesse ou à la musique, problématiques économiques…).
Un discours recentré sur les publics
L’objectif de cette 12e édition est de recentrer la réflexion sur les publics et sur les fonctions exercées par les bibliothécaires, la précédente ayant privilégié la lecture publique et le patrimoine 3. On pourra donc y découvrir avec intérêt une initiation à la sociologie des publics. Cet élément est d’autant plus important que les bibliothèques ont récemment connu une mutation fondamentale : d’« espace de collections », elles sont devenues « espace des usages »… et des usagers ! Au terme de ce panorama, le lecteur appréhende mieux les références communes aux bibliothécaires ainsi que l’environnement en constante évolution qui les entoure. Il est ainsi invité, in fine, à réfléchir à la question suivante : quelle(s) bibliothèque(s) pour quel(s) public(s) ? Pour être centrale, cette interrogation n’en demeure pas moins assez éloignée des préoccupations concrètes de candidats aux concours ou de jeunes professionnels. Il eût été intéressant de mieux illustrer la gamme très étendue de fonctions que recouvre un métier confronté au défi de nouvelles missions, notamment dans un environnement technologique sans cesse renouvelé. Enfin, le propos reste parfois ethnocentré et l’on aimerait, par exemple, avoir des éclairages comparatifs sur d’autres métiers de la culture (archives, musées…).
Un objet transitionnel
Chaque édition du Métier de bibliothécaire est toujours attendue avec impatience dans la mesure où elle attire l’attention de la profession sur les nouvelles tendances bibliothéconomiques, comme l’illustre le centrage sur les publics précédemment mentionné. De même, l’hésitation perceptible quant au mode de publication de l’ouvrage reflète l’évolution du métier : fallait-il s’en tenir à un manuel papier qui, malgré un effort avoué de concision, reste volumineux, ou opter pour la mise en ligne, totale ou partielle, du texte ? Un parfum suranné flotte déjà sur ce manuel professionnel qui propose une sitographie générale… papier, ainsi que des illustrations type « captures d’écrans » qui ne peuvent que laisser sur sa faim un lecteur en quête d’interactivité. Dans ce contexte, l’obsolescence rapide des informations paraît inévitable. Reste qu’en attendant une 13e édition qui combinerait d’un côté un site web réactualisé en permanence et, de l’autre, une édition papier plus maniable (et moins coûteuse), cette version du Métier de bibliothécaire demeure incontournable pour une profession dont le questionnement constitue une valeur de référence.