Le nouveau management de l'information

La gestion des connaissances au coeur de l'entreprise 2.0

par Jean-Philippe Accart

Christophe Deschamps

Préface de Marc de Fouchécourt
Limoges, Fyp éditions, 2009, 223 p., 21 cm
Collection Entreprendre
ISBN 978-2-916571-29-4 : 23,90 €

L’entreprise et la gestion de l’information

Ces deux notions – « gestion des connaissances » et « entreprise 2.0 » – se retrouvent de plus en plus associées dans la littérature. Qu’en est-il réellement ? À la lecture de l’ouvrage de Christophe Deschamps, lui-même veilleur, enseignant et concepteur du site Outils Froids  1, cette association apparaît de manière plus évidente : la technologie du web social fait une entrée en force dans le monde de l’entreprise et investit un certain nombre d’activités, notamment la gestion des connaissances, ce qui demande une remise à plat de la notion de « gestion de l’information » telle que nous l’entendons en tant que professionnels. L’auteur se livre à une véritable tentative d’explication – réussie – du monde actuel des réseaux, notamment dans le chapitre 1 : « Le temps de l’individualisme collectif ». Les choix individuels (culturels, sociaux…) deviennent collectifs, le mode de vie de tout un chacun n’est plus dicté par un groupe social ou un mode de pensée unique, internet autorise de plus en plus de créativité en multipliant les services à disposition. Le chapitre 2 expose « De nouvelles pratiques qui changent tout » : données, informations et connaissances sont passées en revue, ainsi que la notion de « gestion des connaissances », faisant appel aux auteurs du domaine tels Thomas D. Wilson, Nonaka et Takeuchi, Thomas Davenport ou Peter Drucker. Ce dernier est à l’origine de la notion de « travailleur du savoir » qui concerne, à titre d’exemple, un tiers des 136 millions de travailleurs américains (chiffres 2005) : ces travailleurs sont de plus en plus « mobiles », parfois même « hypermobiles » (la technologie étant un facteur grandement facilitateur), ils ont accès à une infinité d’informations, ce qui peut devenir chronophage. Il semblerait que l’expertise et l’intuition soient remplacées, dans un futur proche, par des modèles statistiques prédictifs (selon Ian Ayres). Qu’est-ce qui caractérise cette société en « surcharge d’informations » ? Elle est « infobèse », « always on » (connectée en permanence), ses dirigeants rêvent d’individus « multitâches ». Les nouveaux outils du web 2.0 tendent à devenir de véritables plateformes d’informations et de services, rendant les tâches individuelles moins claires.

En dehors des nombreux avantages du web social et des avancées d’internet, l’auteur note un certain nombre d’inconvénients : des interruptions régulières dans le travail, une mauvaise gestion de l’information avec un coût pour l’entreprise, entraînant des impacts négatifs sur la productivité.

Les travailleurs du savoir

« Les technologies 2.0 nous donnent les moyens de faire émerger l’intelligence collective » : telle est la première phrase du chapitre 3, « Les nouvelles richesses de l’entreprise ». Avec des travailleurs au fait de l’informatique, et plus autonomes, l’entreprise va devoir évoluer, ainsi que l’organisation du travail et les relations au travail. Employeurs et salariés (tous deux travailleurs du savoir) sont sur un pied d’égalité en termes d’accès à l’information et à la technologie, mais le plus important est qu’ils doivent collaborer. Dans le chapitre 4, « La gestion des connaissances au cœur de l’entreprise 2.0 », l’auteur pointe un certain nombre de problèmes ou de questions qui se posent chez les cadres par rapport aux jeunes travailleurs, aux outils eux-mêmes et à leur appropriation, ou encore à l’organisation actuelle du travail. Depuis que le concept de gestion des connaissances a émergé (une dizaine d’années), il a évolué. Christophe Deschamps nous présente un nouveau modèle de la connaissance, utilisé par de nombreuses organisations : Cynefin. Il s’agit d’un cadre de la connaissance organisé autour des notions de domaines du complexe, du chaotique, du connu, du connaissable. Il nous propose ensuite une typologie très complète et utile des outils du web 2.0. Le chapitre 5, « Le personal knowledge management au service de l’efficacité personnelle », aborde des notions telles que la productivité personnelle et l’information literacy, vues comme des conditions de réussite si elles sont bien maîtrisées. Ce concept de personal knowledge management (PKM) n’est pas nouveau et fait l’objet d’une littérature importante. Il consiste notamment en : savoir gérer son temps, gérer son identité numérique, gérer ses informations, son capital social et ses compétences.

L’ouvrage de Christophe Deschamps est essentiel à la compréhension du monde actuel de l’entreprise et du travail. Extrêmement bien documenté, étayé par de nombreuses études et rapports, il est complété par « Les fiches pratiques des travailleurs du savoir », disponibles en ligne  2. Tout au long de cette lecture, les liens entre le monde des professionnels de l’information, l’entreprise et les technologies, apparaissent comme évidents et imbriqués. Cet ouvrage constitue également une piste de réflexion pour l’avenir.