Mettre en oeuvre un plan de classement
Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2009, 199 p., 21 cm
Coll. La Boîte à outils, vol. 18
ISBN 978-2-910227-74-6 : 22 €
Le titre de cette nouvelle « Boîte à outils » est explicite et engageant : il s’agit bien de « classement » (et non de « classification »), soit la mise en ordre d’un fonds, il est bien question de « plan » (et non de « modèle »), soit une suite ordonnée d’opérations prévue pour atteindre un but, et c’est bien une incitation à « mettre en œuvre » (et non seulement à « concevoir »), autrement dit à agir, à entreprendre, à produire du concret et en mouvement.
Penser le monde
Tout en distinguant, au préalable, le classement (la cote) et la classification (l’indice), deux notions souvent (encore !) confondues dans les pratiques professionnelles, le propos n’est pas, pour autant, de penser un type d’espace mais bien de « penser le monde ». Il s’agit avant tout de « rechercher une lisibilité, une efficacité, une adéquation à une population dans le cadre contraint d’un lieu donné et d’une collection particulière ».
C’est en effet à partir de cette double et commune exigence de prise en compte du réel et de « facilitation de la gestion tant des circuits que des documents », que Bertrand Calenge rassemble et structure les contributions de ce manuel, chacune à la mesure de son expérience, de son contexte architectural, documentaire et humain.
L’éventail des réflexions, diagnostics, points de vue, questionnements, contraintes, solutions, processus, outils, méthodes… est ainsi suffisamment large et en même temps suffisamment précis et détaillé pour que le professionnel en charge d’un projet de construction ou de restructuration, d’un pôle documentaire, d’un réseau de BDP (bibliothèque départementale de prêt), d’un fonds spécialisé ou encore d’un service de coopération documentaire puisse trouver là, possiblement, espace à sa collection, document à son étagère.
On ne négligera pas pour autant tous ces petits « cailloux dans la chaussure » (centres d’intérêt, corpus, principes de classement des documents musicaux – PCDM, fonds ados, romans, périodiques, supports minoritaires, etc.), que Bertrand Calenge se plaît, entre autres expérimentateurs, à observer, avec cet art de faire dialoguer principe et réalité, et de proposer, face aux situations complexes, les options possibles plutôt que La solution.
On prendra acte de l’importance des questions d’organisation et de planification du travail, de la nécessité de fixer des règles et de créer des instances de validation, de l’intérêt d’associer les utilisateurs et de mobiliser tous les collègues concernés pour assurer une appropriation pérenne et dialogique de l’outil.
Et, en fin de parcours du manuel, on appréciera le mémento qui, accompagné d’un petit glossaire, permettra de tracer la première ligne de son plan, à angle droit.
La relation de service
Alors qu’une partie de la profession s’interroge aujourd’hui sur la pertinence à consacrer encore du temps et de l’énergie à la question de l’ordonnancement intellectuel et physique des collections, au risque de privilégier toujours le travail d’intendance à la relation de service, la fonction d’architecte à celle de médiateur, cet ouvrage collectif nous démontre ainsi que, tant qu’il y aura des documents, tant qu’il y aura des espaces pour les accueillir, la problématique du classement se posera immanquablement et périodiquement.
Le nier serait favoriser les plus aguerris, ces usagers les mieux formés aux codes complexes de l’arbre de la connaissance ; le négliger serait précisément réduire la capacité de la bibliothèque à offrir à tous (et avant tout à ceux pour qui l’accès aux contenus intellectuels est difficile) les conditions d’une médiation plus facilitatrice, plus naturelle, plus directe entre le document et son utilisateur.
On remerciera donc une fois encore Bertrand Calenge d’avoir su si bien orchestrer cet ensemble à plusieurs voix, mêlant réflexions et praxis, interrogations globales et propositions concrètes, apports méthodologiques et restitutions d’un travail de terrain. La célèbre maxime du Cardinal, « la méthode ne vaut que par l’exécution », aurait pu ainsi être citée en exergue de cette contribution qui, par son caractère à la fois rationnel et vivant, nous invite à en faire notre miel pour mieux… mettre en œuvre notre plan.