Les bibliothèques créent le futur : construire sur l’héritage culturel

75e Congrès de l’Ifla

Ophélie Ramonatxo

Un an après un congrès québécois placé sous le signe officiel de la francophonie, mais en réalité imprégné d’une vision très anglo-saxonne de la bibliothéconomie, le congrès annuel de l’Ifla 2009 s’est tenu, du 23 au 27 août, à Milan, ville de patrimoine et d’histoire profondément européenne. Un contraste saisissant pour qui a assisté aux deux événements, dû à la thématique choisie cette année (« Construire sur l’héritage culturel »), dû aussi à la ville d’accueil et aux signes particuliers des bibliothèques transalpines : des collections patrimoniales et sacrées hors du commun (Biblioteca Trivulziana, Milan), un poids de l’Église non négligeable (Biblioteca Ambrosiana, Milan), des bâtiments souvent de toute beauté (Biblioteca Angelo Mai, Bergame), mais, à côté de cela, des équipements de lecture publique qui tombent en lambeaux et ne laissent que peu de place, sauf exception, à la modernité, à la liberté et à l’autonomie de l’usager (Biblioteca comunale centrale Sormani).

Malgré une organisation assez inégale, les 3 200 bibliothécaires accueillis semblent ne pas avoir été déçus. La relative pauvreté des visites professionnelles a été quelque peu compensée par des événements sociaux et culturels hors pair : concerts réservés aux congressistes à la Scala et à la cathédrale de Milan ; accès gratuit durant toute une soirée à un grand nombre de musées de la ville, etc.

Un espace de débats et de rencontres

Plus important évidemment, le contenu du congrès lui-même : le faible intérêt présenté par le salon professionnel est à déplorer, mais a aussi mis en relief le niveau élevé des conférences. L’Ifla et son congrès demeurent, quoique l’on puisse dire, un espace de débat, de rencontres, de rendus d’expériences et d’innovation assez hors du commun, en particulier pour les pays qui, comme la France, ne sont pas encore en pointe dans tous les domaines de la bibliothéconomie : produits numériques, horaires d’ouverture, équipement informatique, etc.

Les Français de l’Ifla n’ont pas eu à rougir pour autant en la matière car nombre d’interventions françaises intéressantes et pionnières ont été à signaler durant ce congrès : on peut citer l’exemple de la présentation des bibliothèques des établissements pénitentiaires de Rhône-Alpes par Odile Cramard (Arald) ou encore celle de Vincent Bonnet (BMVR de Marseille) sur le développement durable. Le bât blesse davantage pour les bibliothécaires de l’Hexagone en termes de participation des bibliothèques publiques : seules quelques grandes villes de France étaient représentées à ce congrès de premier ordre et les associations professionnelles ont brillé par leur absence…

Les temps forts

Les temps forts du congrès ? Le discours inaugural de Claudia Lux s’interrogeant sur le lien paradoxal entre bibliothèques et crise économique : « De nombreuses bibliothèques et associations de bibliothèques ont été durement touchées par la crise économique. Nombre d’entre elles ont toutefois reconnu le potentiel lié à la crise, sachant très bien qu’elles pouvaient aider à surmonter ces temps difficiles. En encourageant les personnes en quête d’emploi, en favorisant l’apprentissage de compétences informatiques, en aidant de petites entreprises à dénicher des occasions d’affaires, en plus de soutenir la recherche scientifique en matière d’économie durable et de nouveaux développements, bref en garantissant l’accès au savoir […]. »

Autre temps fort, la session organisée par la section toujours en pointe des « Bibliothèques métropolitaines », ponctuée d’une présentation du directeur des bibliothèques du Queens (New-York, États-Unis, Thomas W. Galante), fortes de leurs 70 équipements et de leurs 50 000 visites par jour ; ponctuée aussi par l’intervention de la directrice des bibliothèques de la Gold Coast (Australie, Marian Morgan-Bindon), dont 20 % des documents sont numériques. À noter enfin l’opération de mécénat toujours aussi impressionnante de la « Bill and Melinda Gates Foundation » qui récompense chaque année une bibliothèque proposant des accès gratuits à internet à des populations « défavorisées » : cette année, c’est le réseau des médiathèques de Medellín (Colombie) qui s’est vu attribuer la replète somme d’un million de dollars. La Fondation en a d’ailleurs profité pour lancer un appel en direction des bibliothèques françaises et/ou francophones dont ils reçoivent très peu de candidatures et qui n’ont donc jamais été récompensées à ce jour. À bon entendeur…