Building Library 3.0. Issues in creating a culture of participation

par Joachim Schöpfel

Woody Evans

Oxford : Chandos Publishing, 2009, 188 p., 23 cm
Coll. Chandos Information Professional Series
ISBN 978-1-84334-497-1 : 49,50 £

Le modèle anglo-saxon

Quel modèle pour la bibliothèque publique ? Dans un ouvrage récent  1 un collectif d’enseignants-chercheurs et de bibliothécaires a essayé de décrire le modèle « à la française » de bibliothèque – ouverte à tous, universaliste, avec un projet culturel et une mission républicaine d’éducation des citoyens – par opposition notamment au modèle anglo-saxon.

Mais quel est donc ce modèle anglo-saxon autant décrié qu’envié ? Pour ceux qui veulent aller aux sources et mieux comprendre, voici l’occasion de voir à l’œuvre la culture de participation.

La culture de participation

L’auteur, un bibliothécaire du Texas  2, a des convictions simples. Quelques exemples :

La bibliothèque est un espace social d’autoformation et d’apprentissage. Les bibliothécaires ont un rôle social et politique : « We are the ones who help the people to get the information. » Ce rôle est compris non pas comme mission de l’État mais, au contraire, comme une valeur fondamentale dirigée contre le pouvoir qui censure et retient l’information.

« Our community’s needs (the people !) must come first. » D’abord les besoins de la communauté, c’est-à-dire du peuple. Si la bibliothèque ne correspond plus aux intérêts et besoins de ses lecteurs, elle perd sa légitimité. Or, avec les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), les besoins des lecteurs ont changé ; ils veulent interactivité, mobilité et sociabilité. Ils veulent une bibliothèque qui répond au nouvel environnement informationnel. Si nous enquiquinons les lecteurs avec nos plaintes sur les nouvelles technologies et la baisse des inscriptions, ils chercheront ailleurs.

« Technology is culture. » La bibliothèque 2.0 est un moyen avancé pour rendre service aux lecteurs, un mouvement pour établir et promouvoir des outils utiles et fonctionnels. Mais elle n’est pas une fin en soi.

Du web 2.0…

Pour Woody Evans, le web 2.0 est une collection d’idées, un processus participatif, dynamique et collaboratif. Son livre propose au lecteur une véritable caisse à outils. On y trouve notamment des conseils et exemples pour le marquage ou balisage (tagging) de documents, l’utilisation des réseaux sociaux (MySpace, Facebook…), les téléphones portables  3 et les codes QR  4, les jeux virtuels (Second Life, etc.), la radio identification et l’internet des objets (RFID).

Tout cela est décrit de façon professionnelle, concrète, immédiatement applicable même par les non-initiés. Par exemple, à la fin du chapitre sur les RFID, l’auteur propose un véritable mini-cahier des charges en 14 points sur la mise en place d’un équipement RFID. L’auteur est clair : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise technologie, mais il y a de bons et de mauvais services. Ces derniers sont inutiles et font fuir les lecteurs-clients.

… à la bibliothèque 3.0

Le web 2.0 préfigure le web 3.0, défini comme le web où l’on pose des questions en langage naturel et où l’on obtient des réponses intelligentes par des machines. Pour Woody Evans, pas de doute : la réussite du web 3.0 posera un réel problème au métier du bibliothécaire.

Alors, comment anticiper ce risque ? Comment assurer la survie de la bibliothèque publique dans le contexte du web sémantique et de l’internet des objets ? Là encore, W. Evans avance dans la droite ligne de la culture de participation : la bibliothèque aura un avenir dans la mesure où elle saura répondre aux nouveaux besoins des lecteurs, assimiler les NTIC, rester proche des communautés et offrir des services interactifs et dynamiques d’accès à l’information. Le livre se termine par quatre entretiens avec des professionnels et une liste d’actions à mettre en œuvre.

Trois modes de lecture

On peut lire l’ouvrage de trois manières différentes, au moins. Building Library 3.0 est surtout un plaidoyer pour la culture de participation – « (the people) must come first ». C’est un manuel technique pour quelques applications du web 2.0. Mais c’est aussi le témoignage d’un bibliothécaire enthousiaste, écrit dans un style passionné pour des collègues engagés aux côtés de leurs lecteurs.

Culture américaine incompatible avec la politique culturelle française ? À voir. Internet réduit les différences du village planétaire. Le débat sur la bibliothèque 3.0 ne fait que commencer. Gageons qu’il portera d’abord et davantage sur la qualité des services et sur les usages et la satisfaction des utilisateurs  5 que sur des missions.

On souhaite beaucoup de lecteurs au livre de Woody Evans  6 et, plus encore, des professionnels courageux qui sachent traduire cette culture de participation dans leur pratique quotidienne.

  1. (retour)↑   Anne-Marie Bertrand (dir.), Quel modèle de bibliothèque ?, Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2008. Cf. la critique de Chantal Stanescu dans le BBF, 2009, n° 3, p. 106.
  2. (retour)↑   Après une carrière qui l’a emmené à travers plusieurs états américains, l’Angleterre et Taiwan.
  3. (retour)↑   La consigne : ne pas interdire mais, au contraire, en profiter pour les services de la bibliothèque.
  4. (retour)↑   Code matrice en deux dimensions pouvant stocker bien plus d’information qu’un code-barres traditionnel.
  5. (retour)↑   Le lecteur fera un parallèle avec les Digital Consumers de D. Nicholas et I. Rowlands, London, Facet Publishing, 2008.
  6. (retour)↑   W. Evans a créé un blog pour rester en contact avec ses lecteurs : http://buildingthree.blogspot.com