La biblioteca nella città : architettura del servicio : Architettura dell’edificio

par Livia Rapatel
Sous la direction de Giuliana Casartelli et Marco Muscogiuri
Roma : Associazione italiana biblioteche (AIB Lombardia), 2008, 246 p., 21 cm
ISBN 978-88-7812-188-1 : 25 €

Cet ouvrage au titre évocateur : La bibliothèque dans la cité, architecture des services, architecture du bâtiment, publié par l’Association des bibliothèques italiennes  1, rassemble différentes contributions présentées lors d’un colloque organisé par la section Lombarde de l’AIB, en octobre 2006.

La Lombardie a connu, ces dernières années, une grande effervescence bibliothéconomique et la construction de très nombreux bâtiments. Ce dynamisme, confirmé lors du Congrès de l’Ifla  2 de cet été 2009, concerne aussi d’autres régions, mais dans le Nord surtout, car il n’existe pas de politique volontariste pour soutenir ce type d’initiative à l’échelon national.

Quel dialogue entre le bibliothécaire et l’architecte ?

Les actes de ce colloque abordent la question de la construction des bâtiments et de l’offre de service en croisant le point de vue des principaux acteurs : les bibliothécaires et les architectes. Voilà donc l’occasion peut-être, à travers le prisme italien, de nous questionner sur la situation française et sur nos propres pratiques. Il faut d’ailleurs souligner que nos collègues transalpins font fréquemment référence à l’Hexagone. Soit pour regretter l’absence de toute initiative incitative à la manière de Jack Lang, soit pour vanter la réussite, comme le fait par exemple Antonella Agnoli  3, du rôle urbain et économique de la bibliothèque de l’Alcazar à Marseille « … devenue le cœur du projet de rénovation du quartier, contribuant ainsi à l’amélioration de la qualité de vie et de l’économie de Marseille ». Ce sont aussi des réalisations françaises qui sont utilisées pour montrer les conséquences du manque de dialogue entre architecte et bibliothécaire. Pour cela, A. Agnoli se réfère aux œuvres de trois stars de l’architecture : Norman Foster pour le Carré d’Art de Nîmes, Paul Chemetov et Borja Huidobro pour la BMVR (bibliothèque municipale à vocation régionale) de Montpellier et Dominique Perrault pour la BnF. Ainsi par exemple, la bibliothèque de Norman Foster ne respecte pas au moins trois des exigences auxquelles doit répondre tout service de bibliothèque : la continuité des espaces, la facilité d’utilisation des services et la qualité de la lumière.

L’administration, l’architecte et le bibliothécaire

La première partie de l’ouvrage est consacrée à la recherche d’une vision partagée, d’un langage commun autour du concept de bibliothèque. C’est le postulat posé d’emblée comme la garantie permettant d’assurer le succès d’un projet. Le trio qui détient la clé de cette réussite est constitué, nous disent les deux organisateurs du colloque, de trois partenaires : l’administration, l’architecte et le bibliothécaire. Les trois partenaires doivent impérativement apprendre à se connaître, à échanger, à s’écouter pour parvenir à se comprendre. Ils sont aussi vivement incités à voyager ensemble pour aller voir ailleurs, visiter d’autres bibliothèques. C’est l’apport des compétences de chacun qui donnera in fine naissance à la bibliothèque qui répondra le mieux aux besoins de la population et du territoire à desservir.

Les sept mots clés

Pour assurer la réussite de ce projet citoyen, Marco Muscogiuri  4, s’inspirant des « dix commandements » édictés par Harry Faulkner-Brown, lors du Library Building Seminar de l’Ifla en 1977, propose les sept mots clés pour concevoir la bibliothèque publique du IIIe millénaire : accessibilité, visibilité, articulation, évolution, confort, durabilité, diversité. Certes, tous ces objectifs ne sont pas toujours applicables à toutes les structures, mais doivent servir à identifier les marges de progression et d’amélioration car, comme le rappelle Paola Vidulli  5, « la bibliothèque, temple de la démocratie, est aujourd’hui la seule institution publique capable de concurrencer les autres lieux de socialisation très attractifs que sont les centres commerciaux, les stades ou les discothèques, où les logiques mercantiles et la consommation conditionnée régissent les besoins, les comportements et les modes de relation ».

Une variété de projets

La seconde partie analyse différents projets de bibliothèques publiques réalisées en Lombardie ces dernières années. Certaines sont implantées dans de toutes petites communes, comme la nouvelle bibliothèque municipale de Gironico (2 036 habitants). D’autres, localisées dans des villes de moins de 30 000 habitants, ont vocation à desservir tout un bassin de population, c’est le cas de la biblioteca civica de Vimercate (25 000 habitants) positionnée sur une aire urbaine de 200 000 habitants répartis sur trente communes. La biblioteca civica de Castellanza (14 400 habitants) près de Varese a été installée dans une ancienne usine et insérée dans le projet global de requalification des rives du fleuve Olonna visant à créer un nouveau centre urbain. La contribution d’Ennio Ferraglio, conservateur du fonds ancien de la bibliothèque Queriniana de Brescia, expose le vaste programme entrepris pour la restructuration et le réaménagement des espaces de la bibliothèque qui occupe plusieurs édifices patrimoniaux en plein cœur du Centro storico de la ville.

Les services au cœur du projet

Marcello De Carli, architecte et professeur au Politecnico de Milan, revient sur la genèse de la future Bibliothèque européenne d’information et de culture (BEIC)  6. Il explique comment sa recherche, réalisée au départ dans une perspective strictement universitaire, traitant de l’analyse du système fonctionnel des bibliothèques de Milan et en Lombardie, avec les hypothèses et propositions formulées pour un développement des services à la population, a servi à convaincre les politiques et a abouti à la programmation de la future BEIC (Milan). Il incite tous les porteurs de projets et en particulier les professionnels des bibliothèques à participer activement à l’élaboration du « Plan des services » que chaque commune doit désormais adopter, conformément à la législation en vigueur en Lombardie depuis la promulgation en 2001, par la Région, des nouvelles lois sur l’urbanisme. La programmation des projets et l’allocation des moyens sont décidées en fonction des priorités définies au préalable dans le cadre de ce plan.

Giuliana Casartelli, bibliothécaire, insiste elle aussi sur la nécessité de bâtir une véritable architecture des services, avant de se lancer dans un projet de construction ou de réaménagement de bâtiment. Architecture fondée sur une étude du territoire à desservir, de ses caractéristiques économiques et sociales, des aires de mobilité des populations et des structures de coopération dans lesquelles devra s’insérer le futur établissement. C’est à partir de cette structure programmative solide que sera conçue la bibliothèque physique créée par les architectes.

De nombreux tableaux et graphiques présentent les résultats de la première enquête nationale, effectuée à l’initiative du « groupe architecture » de l’AIB sur les nouvelles constructions et restructurations de bibliothèques universitaires entre 2000 et 2006. Ces données très riches permettent une première approche comparative avec la situation de nos BU françaises. Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est l’ouvrage coordonné par Marie-Françoise Bisbrouck, Les bibliothèques universitaires : évaluation des nouveaux bâtiments (1992-2000) 7 qui a servi de trame pour l’élaboration du questionnaire envoyé aux établissements.

Célébrer l’alliance du bibliothécaire et de l’architecte pour bâtir la bibliothèque du futur autour d’un noyau originel constitué par les services, voilà le point de convergence autour duquel se rejoignent l’ensemble des auteurs des contributions. Il ne reste qu’à souhaiter à nos collègues italiens un pacte durable qui verra l’édification de nombreuses bibliothèques made in Italy susceptibles de séduire le grand public et réussissant même parfois à le sevrer d’une consommation compulsive de programmes de type berlusconien !