Coopérer, mutualiser, innover : journées Abes 2009

Sandrine Malotaux

Les journées de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur, tenues les 26 et 27 mai à Montpellier, ont été placées sous le signe de la collaboration et des services innovants. Pour cette édition, l’Abes a choisi d’ajouter au programme la présentation de projets novateurs et collaboratifs des bibliothèques membres du réseau Sudoc. Cette nouvelle formule, mêlant présentation des activités de l’Abes, de la MISTRD  1, de la DLL ou de la BnF, comptes rendus d’expériences étrangères ou françaises, et modes d’emplois pratiques des applications de l’Abes, s’est avérée extrêmement riche  2.

Sigles et acronymes

Abes • Agence bibliographique de l’enseignement supérieur

Aura • Association du réseau des établissements utilisateurs de l’Abes

BnF • Bibliothèque nationale de France

BPI • Bibliothèque publique d’information

Cadist • Centre d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique

Calames • Catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur

Cerimes • Centre de ressources et d’information sur les multimédias pour l’enseignement supérieur

Couperin • Consortium universitaire de publications numériques

CRI • Centre de ressources informatiques

DLL • Direction du livre et de la lecture

Fulbi • Fédération des utilisateurs de logiciels de bibliothèque

INP • Institut national polytechnique

INSA • Institut national des sciences appliquées

IST • Information scientifique et technique

LRU • Loi relative aux libertés et responsabilités des universités

MISTRD • Mission de l’information scientifique et technique et des réseaux documentaires

Numes • Inventaire des corpus numérisés dans l’enseignement supérieur et la recherche

OCLC • Online Computer Library Center

ORI-OAI • Outil de référencement et d’indexation, réseau de portails OAI (Open Archives Initiative)

SCD • Service commun de la documentation

SICD • Service interétablissement de coopération documentaire

SDBIS • Sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique

Sudoc • Système universitaire de documentation

TICE • Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement

UKRR • UK Research Reserve

UNR • Université numérique en région

    Dans sa séance inaugurale, Stefano Mazzochi (Metaweb Technologies) a su gagner l’auditoire en rappelant l’importance du bibliothécaire au sein d’un « écosystème informationnel » amené à devenir tout-électronique. En dépit des avantages évidents que présente l’information électronique, demeurent inconvénients et incertitudes que seuls les bibliothécaires sont à même de résoudre : la question de la conservation, celle de la modélisation des données, dont les bibliothécaires comprennent naturellement l’importance, ou celle du contrôle de la qualité et du maintien nécessaire de leur cohérence. Rassurons-nous, le rôle du bibliothécaire reste fondamental pour conserver, sélectionner, trier et organiser l’information.

    L’Abes, un animateur de réseau efficace

    L’intervention de Raymond Bérard présentant l’avancement du projet d’établissement de l’Abes a permis de mesurer l’ampleur du travail accompli par l’agence, qui paraît, à travers ce bilan, un animateur de réseau efficace et un prestataire de services à l’écoute de ses utilisateurs. L’un des objectifs du projet est d’ailleurs d’associer plus étroitement les établissements à la définition de la politique de l’Abes. Un autre est d’assurer désormais un développement convergent de l’ensemble des applications, dans une optique de politique globale. Citons, parmi les chantiers en cours, celui de Cartomundi, outil destiné à faciliter la consultation et le catalogage collectif des documents cartographiques ; l’enrichissement de Calames par des liens aux images et une expérimentation d’annotations par les chercheurs ; le partenariat avec OCLC, permettant un versement des notices du Sudoc dans WorldCat. Citons encore la mise en service de Numes  3, inventaire des corpus numérisés dans l’enseignement supérieur et la recherche, le répertoire de signets pour les universités  4 réalisé en collaboration avec le Cerimes et alimenté par les Cadist, enfin le projet de portail des thèses, auquel un atelier a été ultérieurement consacré. Raymond Bérard a également rappelé le rôle de l’Abes pour faciliter la gestion des ressources électroniques : portage de plusieurs groupements de commandes, réflexion amorcée avec Couperin sur la question de l’accès aux archives, chantier du catalogage des ressources électroniques dans le Sudoc, très attendu par les bibliothèques universitaires et toujours en test, auquel Couperin est également associé.

    Michel Marian, chef de la MISTRD, a rappelé le soutien apporté par l’ex-SDBIS au projet Abes : l’agence doit bénéficier d’une « diversification maîtrisée » de ses activités. Priorité est donnée à un Sudoc enrichi et doté de nouveaux moyens au service des établissements, ainsi qu’aux groupements d’achat, dont le portage constitue la deuxième grande mission de l’agence. L’Abes est amenée à devenir l’opérateur principal des actions de mutualisation documentaire, dans l’esprit de la LRU qui définit un nouveau partage entre politique nationale et politique des établissements et transmet l’opérationnel aux établissements ou agences nationales. Les fonctions opérationnelles de l’ex-SDBIS sont donc transférées à l’Abes : normalisation, conversion rétrospective des catalogues, pilotage du portail national des thèses, signalement des ressources électroniques. Forte de ces nouvelles missions, l’Abes passe ainsi d’un statut d’opérateur technique à un rôle plus complexe et étendu d’animateur de réseau et pilote de projets collectifs ou mutualisés. L’objectif prioritaire de la MISTRD, quant à elle, est la mise en place de la bibliothèque scientifique numérique dans le cadre du schéma national numérique : achat de licences nationales à partir de 2010, soutien à l’émergence de réseaux thématiques et territoriaux de l’IST.

    Le réseau

    La parole fut donnée cette année aux établissements du réseau : les réalisations qu’ils ont présentées illustrent l’importance du travail collaboratif. La tendance est au regroupement d’établissements autour d’outils mutualisés, destinés à améliorer la qualité du service rendu.

    • Le SCD de Lyon-2, les SICD Grenoble 1 et 2, les hospices civils de Lyon et la BPI se sont rassemblés pour l’acquisition d’un moteur de recherche fédéré.
    • Les trois SCD de Nancy, regroupés au sein de la fédération Nancy-Université, ont mis en place simultanément un résolveur de lien (N@ncy-Clic) et un système d’accès distant communs pour les ressources électroniques.
    • L’université du Maine pilote le projet d’indexation des ressources pédagogiques de l’UNR Pays de la Loire (Nantes, Angers, Maine et grandes écoles) qui permet d’intégrer les enseignants au circuit d’indexation et de faire collaborer SCD, services TICE, CRI et enseignants des universités au travers d’une répartition bien claire des tâches entre chaque partenaire.
    • Divers établissements (dont l’INSA de Lyon, l’INP Toulouse, Rennes 1 et 2, Nancy et Valenciennes) collaborent au développement de la plateforme ORI-OAI, outil de gestion, publication, valorisation et partage de l’ensemble des ressources numériques des universités (ressources pédagogiques, thèses, archives ouvertes, etc.). La présentation a plus particulièrement concerné le travail réalisé sur l’interface thèses.
    • Citons enfin l’intéressante expérience d’Ubib, service de référence en ligne collectif regroupant sept SCD  5. La présentation concrète de Nicolas Alarcon a permis d’appréhender toutes les facettes de l’organisation : gestion distribuée des questions entre six pôles thématiques transverses, importance d’une communication maîtrisée, priorité donnée à la formation des personnels, accès et visibilité du service sur le web. Le nombre élevé de questions posées par l’assistance révèle le vif intérêt des professionnels pour ce type de service.

    D’autres présentations ont concerné la base des reliures estampées de la bibliothèque Sainte-Geneviève ; les activités et l’actualité de la Fulbi et de l’Aura ; l’actualité de l’Abes, et plus particulièrement le projet ambitieux de portail des thèses, en réponse au rapport Salençon  6 qui souligne la visibilité insuffisante des thèses françaises. Le portail devra rassembler l’ensemble des étapes de la vie d’une thèse, de la proposition de sujets par le monde académique ou économique au document final, en incluant l’accès aux documents cités ou le recensement des citations de la thèse. Un projet vaste, dont la réalisation est pour l’instant prévue à l’horizon 2011, qui représentera un progrès considérable.

    Expériences étrangères et françaises

    La journée suivante a permis de découvrir deux expériences étrangères. Deborah Shorley (Imperial College, Londres) a magistralement présenté le projet UKRR (UK Reserve Research), plan de conservation partagée des périodiques de recherche associant neuf universités et la British Library, subventionné par l’État à hauteur de 12 millions d’euros et prévoyant notamment une « rémunération » des établissements au désherbage (30 € le mètre linéaire) : une approche pragmatique efficace, dont l’objectif est de permettre un désherbage conséquent tout en assurant la conservation de trois exemplaires par titre au niveau national.

    Lluis Anglada a présenté quant à lui l’action du consortium des bibliothèques universitaires de Catalogne, une mutualisation très large qui concerne le signalement des collections, la conservation, ainsi que l’accès aux ressources électroniques : acquisitions, archives ouvertes, publication de revues libres, résolveur de liens. Le travail collaboratif, conclut-il, est la manière la plus efficace de renforcer l’action des bibliothèques tout en modernisant leur image.

    Retour à la France avec une présentation des politiques de coopération de la DLL et de la BnF. Fabien Plazannet a présenté un bilan synthétique des actions menées par la DLL et souligné le souhait de travailler plus étroitement avec la MISTRD, notamment dans le cadre du schéma numérique national ou du développement de l’Observatoire du patrimoine écrit, mis en place en 2008 afin de rendre visibles les actions de coopération en matière de patrimoine. La BnF, représentée par Aline Girard, donne deux priorités à son action de coopération : la coopération numérique et le signalement du patrimoine écrit. La coopération numérique se traduit par la mise en place de programmes de numérisation disciplinaire concertée, généralement copilotés par la BnF et un établissement de l’enseignement supérieur. Le plan triennal 2009-2011 traduit la priorité donnée à la numérisation concertée par un doublement des crédits par rapport au plan 2006-2008.

    Ce programme riche et varié, ainsi que l’accueil chaleureux et efficace de Raymond Bérard et son équipe, ont fait de ces journées un moment professionnel particulièrement stimulant. Au fil des interventions, c’est bien l’importance d’un travail collaboratif pour la mise en place de services réellement innovants qui s’est trouvée valorisée. L’« écosystème informationnel tout-électronique » rend la coopération autant nécessaire qu’aisée à mettre en œuvre. Ces journées ont constitué un plaidoyer efficace pour le travail en réseau, souligné par des comptes rendus de réalisations exemplaires.