Culture, bibliothèques et handicaps

Nathalie Majkowski

Céline Stevenot

L’Accolad (Agence régionale de co-opération pour la lecture, l’audiovisuel et la documentation) et la médiathèque départementale du Territoire de Belfort ont organisé conjointement à Belfort le 12 juin 2008 un colloque sur le thème « Culture, bibliothèques et handicaps ». Dans son discours inaugural, Yves Ackermann, président du conseil général, a rappelé l’implication financière, humaine et technique du département en faveur des personnes handicapées et des publics dits « empêchés » avec, notamment, l’ouverture de la Maison de l’autonomie en mars 2008. La loi de 2005 sur la handicap place les collectivités au cœur du dispositif. Dans cette perspective d’« accès à tout pour tous », l’organisation de l’accès à la culture en général et à la lecture sous toutes ses formes en particulier passe impérativement par la mutualisation des ressources et la mise en place d’outils collaboratifs.

En France, la prise en compte de la notion d’accessibilité généralisée est récente. La loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », et ses décrets d’application visent à faire changer les comportements et le regard de la société pour une intégration pleine et entière des personnes handicapées. Mais les obstacles sont nombreux face à cette réforme institutionnelle et culturelle : la règle d’emploi des 6 % de personnes handicapées dans les services publics est loin d’être appliquée ; les problèmes techniques et financiers rencontrés par les collectivités mettent en sursis l’échéance de 2015 pour la mise aux normes du cadre bâti ; les professionnels de la culture et des bibliothèques en particulier s’interrogent sur leur capacité à faire face à ces normes d’accessibilité et à la prise en charge individualisée et globale du handicap sous toutes ses formes.

Les différents intervenants insistent sur le retard de la France dans la prise en charge des 6 à 8 % de personnes qui seraient en situation de handicap, soit 8 000 à 9 000 personnes dans le Territoire de Belfort.

Quel que soit l’angle d’approche (statistique, économique, historique, social), en raison des handicaps de nature et de niveaux différents, des capacités d’autonomie variables et des attentes particulières en termes d’accompagnement et d’accès à la culture, la question de l’accessibilité se heurte très souvent à ce paradoxe : comment concilier le « sur mesure » en reconnaissant le droit à la différence et pratiquer l’intégration sans discrimination ? L’accessibilité des bâtiments et l’accessibilité des documents, optimisée par les apports technologiques, sont au cœur de la réflexion.

Cette recherche permanente d’un équilibre entre la normalisation et la revendication du droit à la différence implique un consensus fort et partagé entre les différents partenaires : personnes en situation de handicap elles-mêmes, associations, MDPH (maisons départementales pour le handicap), partenaires institutionnels et toutes les structures prêtes à partager leurs expériences. L’impact budgétaire sur les collectivités locales, suite au transfert des compétences, est un souci constant pour maintenir et améliorer la qualité des services rendus. La médiathèque départementale du Territoire de Belfort, avec son service Rabelais, s’inscrit dans cette dynamique, soucieuse de rechercher de nouveaux publics tout en favorisant l’accès à la lecture et à la vie culturelle.

Une table ronde a permis de rendre compte du développement des actions culturelles adaptées au handicap dans tout l’Hexagone. Le département de Haute-Savoie est l’un des précurseurs et des moteurs dans ce domaine. Avec l’Office départemental d’animation culturelle et son action « Culture à domicile », des ateliers artistiques sont menés depuis 1994 dans onze établissements médico-sociaux du département.

La médiathèque de Grenoble a ouvert en 2005 un service de lecture pour personnes déficientes visuelles au sein de l’espace multimédia de la bibliothèque Kateb-Yacine. Elle propose des supports et des services adaptés : l’édition 2008 du salon « Printemps du livre » a proposé en ce sens l’adaptation en braille et en enregistrement sonore des livres des auteurs invités, en partenariat avec les associations locales (Donneurs de voix et Valentin Haüy).

La médiathèque intercommunale du Val-d’Argent, située à Sainte-Croix-aux-Mines (Haut-Rhin), s’est quant à elle engagée dans différentes actions menées en direction des « publics empêchés ». Sa proximité avec les structures liées au handicap et le dynamisme partagé ont permis la création, en février 2008, d’un mois dédié à la mise en lumière du handicap dans la vallée.

La mise aux normes des établissements recevant du public, l’accessibilité des fonds, la formation des personnels à l’accueil et à l’animation relèvent d’une démarche collective et volontariste, inscrivant la prise en charge des personnes en situation de handicap au cœur des politiques citoyennes et solidaires. La loi de 2005, en responsabilisant les collectivités, rappelle également que chacun peut potentiellement se retrouver un jour confronté au handicap.

 

Liens internet :

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Developpement-culturel/Culture-et-handicap2

http://alphabib.bpi.fr

http://www.culture74.fr

http://www.cg90.fr

http://www.valdargent.com/mediatheque.htm

http://www.bm-grenoble.fr

 

Voir aussi, sur le site de l’Accolad, la synthèse du colloque proposée par Guillaume Guthleben :

http://www.livre-franchecomte.com/pdf/synthese_colloque.pdf