Impact des technologies numériques sur les périodiques anciens et contemporains :

Ifla International Newspaper Conference 2008

Aurélie Bosc

«Impact des technologies numériques sur les périodiques anciens et contemporains  1 : tel était le thème de la conférence organisée du 1er au 3 avril 2008 par l’Ifla (section des Périodiques, section Préservation et conservation, programme Préservation et conservation – PAC) à la Bibliothèque nationale de Singapour. Conservation physique et numérique, numérisation, dépôt légal, droits d’auteur, accès et services aux usagers ont été les principaux sujets abordés pendant trois jours de conférence qui ont réuni 140 participants de plus de vingt pays.

Projets de numérisation

Plusieurs réalisations ou projets de numérisation – qui vont souvent bien au-delà de la simple numérisation – ont été présentés. Ainsi, la Bibliothèque nationale de Finlande a été l’une des pionnières avec le lancement en 2001 de Tiden, bibliothèque numérique des journaux anciens nordiques, projet qui a prouvé qu’il était possible de numériser, puis océriser, des collections de journaux à partir de microfilms de qualité. La création de métadonnées fait désormais partie intégrante du processus de numérisation. Le site  2 propose à ce jour 165 titres finlandais (1771-1890).

L’Australian Newspaper Plan  3, dirigé par la Bibliothèque nationale d’Australie et impliquant les huit bibliothèques régionales, a été lancé en 1992, pour préserver et donner accès à tous les journaux publiés en Australie, par le catalogage, la conservation et le microfilmage. Les résultats sont encourageants : quatre des neuf bibliothèques ont microfilmé entre 70 % et 90 % de leur collection, et le catalogue général Libraries Australia  4 contient aujourd’hui 11 200 notices de journaux dont 5 000 ont une version numérisée. Une nouvelle impulsion a été donnée début 2008, avec la campagne « Wanted » lancée auprès du grand public pour la collecte des titres et numéros absents des collections.

La Bibliothèque du Land de Bavière a lancé en 2003, avec le soutien financier de la Fondation allemande pour la recherche (DFG), le catalogage dans le catalogue collectif des périodiques allemands (ZDB) de tous les journaux bavarois d’avant 1945 des bibliothèques (rétroconversion de 3 000 fiches papier) et des archives (2 400 titres). Cette étape achevée, la numérisation systématique et la préservation à long terme des journaux bavarois anciens a été lancée (360 000 pages numérisées  5, plus de microfilms pour la conservation), mais son financement reste à l’étude.

La British Library a choisi pour les journaux anciens numérisés  6 un modèle de diffusion restreint : depuis octobre 2007, la consultation de 48 titres du xixe siècle, soit 2 millions de pages (numérisation d’après les microfilms, océrisation, zonage, métadonnées) est possible uniquement sur place et depuis les établissements de l’enseignement supérieur. Le microfilm reste le support utilisé pour la conservation à long terme.

Quant à la Bibliothèque nationale des Pays-Bas  7, elle a entrepris la numérisation d’une sélection de journaux hollandais de 1618 à 1995 (donc une partie sous droits), soit 8 millions de pages et un budget de 12,5 millions d’euros. Pour la consultation des journaux sous droits, la bibliothèque a lancé des pourparlers avec les éditeurs, sans grand succès.

Dans le cadre du National Digital Newspaper Programme (NDNP)  8 (2005-2009), 8 900 titres de périodiques californiens sont numérisés à partir des microfilms, océrisés, puis versés dans « Chronicling America  9 » (Bibliothèque du Congrès), qui propose à ce jour les journaux de 1897 à 1910 pour six États.

Fourniture de fichiers par les éditeurs

La fourniture de fichiers numériques par les éditeurs a été un autre thème important abordé pendant la conférence.

Ainsi, la bibliothèque de l’université du Zimbabwe  10, face à des problèmes d’accès et de conservation (collection de périodiques de l’université détruite par manque de place ; aucun accès aux périodiques en dehors des Archives nationales), projette de créer un réservoir national de périodiques (en open access, sous DSpace), qui comporterait les neufs journaux principaux du pays, dont les éditeurs fourniraient à la bibliothèque les fichiers cumulatifs, sans violation du droit d’auteur.

En juillet 2007, la Bibliothèque nationale de Singapour a signé un accord avec le Straits Times pour la numérisation et l’océrisation des archives du journal de 1845 à 2006. L’accès sera possible depuis les bibliothèques publiques de Singapour, par un portail de consultation de la presse  11 amené à s’étoffer, opérationnel fin 2008. Les droits d’accès (articles sous droits) seront gérés par le logiciel de bibliothèque numérique Greenstone. La mise à jour en sera quotidienne, prenant ainsi en compte la date mouvante pour les droits d’auteur. Autre facette de l’accord avec l’éditeur, le dépôt légal du Straits Times se fait désormais entièrement de manière numérique.

Quant à la Bibliothèque nationale de France, elle explore le dépôt légal numérique des quotidiens régionaux. Les avantages sont multiples : meilleure couverture des 400 éditions, meilleure conservation, réduction des coûts. Parallèlement, les contraintes sont fortes : les fichiers déposés doivent être exactement similaires à la version imprimée, le format doit être pérenne, le volume de données numériques doit être estimé pour leur stockage et le dépôt doit être automatisé. La BnF a passé un accord avec Ouest France (achat et numérisation de microfilms, océrisation, dépôt légal des fichiers numériques, archivage à long terme) en 2005 ; Le Populaire du Centre dépose ses fichiers numériques depuis février 2007, et le récent accord entre la BnF et La Dépêche du Midi prévoit le dépôt légal des fichiers numériques. La conservation à long terme sera assurée par Spar (Système de préservation et d’archivage réparti) et opérationnelle en 2009. La numérisation d’instruments de recherche comme tables, index, bibliographies est prévue.

Les index sont en effet un des points d’accès aux journaux. Ainsi, la bibliothèque de l’université des Philippines a lancé en 2007 un index en ligne pour 19 journaux philippins  12, comme première étape d’un projet de numérisation.

Des périodiques accessibles sur le long terme

La question de la collecte et de l’archivage des journaux en ligne a été posée : le constat de l’impossibilité d’archiver tout le web mène nécessairement les bibliothèques à faire des sélections de titres. En Suède, la Bibliothèque nationale archive les sites internet depuis 1997, et effectue depuis 2004 une collecte journalière des sites de périodiques en ligne. Ainsi les pages web de 140 journaux suédois ont été collectées quotidiennement – mais dans la plupart des cas, seule la page d’accueil a été archivée. La difficulté de préserver la mise en page, le contexte, les images, etc. est réelle, aussi la Bibliothèque nationale projette-t-elle de remplacer la collecte automatique par une collecte sélective et thématique qui préserverait le contexte, et d’utiliser les fils RSS pour préserver les informations que le journal diffuse par ce biais.

Dans ce paysage mouvant, alors que de nombreux projets de numérisation de journaux anciens ont vu le jour ou sont en cours, qu’attend-on des bibliothèques ? Qu’elles rendent les journaux accessibles à une large échelle, y compris les documents sous copyright. Ce qui les amène à conclure des accords avec les éditeurs pour les conditions d’utilisation. Cette collaboration avec les éditeurs est nécessaire (dépôt légal des fichiers numériques, métadonnées, archivage). En effet, l’accès et la conservation des données numériques sont un des enjeux majeurs de l’accès aux périodiques et les bibliothèques doivent assurer la pérennité de la conservation sur le long terme. Si les microfilms sont encore très présents – comme support de consultation, sur place ou à distance, de conservation et de numérisation –, leur remplacement par les données numériques est en cours, avec, à l’appui, la mise en place de standards de balisage – différents schémas de métadonnées existent, et certaines bibliothèques manquent de conseils en ce domaine –, de technologies de stockage et d’archivage adaptées (mais souvent encore à l’étude). Enfin, il ne faut pas oublier non plus l’importance des collections ni numérisées ni microfilmées, dont il faut améliorer l’accès, en mettant à disposition des instruments de recherche et en intégrant leur contenu avec les autres formats : livres, cartes, musique… En bref, il faut que nous soyons créatifs pour rendre ces collections plus accessibles.