Les groupeurs d’abonnements en bibliothèque universitaire
une évaluation
De nombreux établissements documentaires sous la tutelle administrative de l’université Paris-I travaillent ensemble, malgré leur disparité, à la mise en place des marchés documentaires pour les abonnements, et regroupent leurs commandes en passant par des agences spécialisées. Une telle organisation présente des avantages indéniables, mais aussi des inconvénients et des dysfonctionnements, auxquels éditeurs, bibliothécaires, libraires et agences d’abonnements tentent de remédier, notamment par la concertation interprofessionnelle et la recherche de nouveaux modèles économiques.
Numerous and diverse documentation organisations falling under the administrative supervision of Paris I University collaborate to form documentation markets for periodical subscriptions, and group their orders by going through specialised agencies. This mode of organisation presents undeniable advantages but also drawbacks and problems, for which publishers, librarians and subscription agencies are endeavouring to find solutions, notably through inter-professional consultation and by looking for new economic models.
Eine große Anzahl von Dokumentationseinrichtungen, die der Verwaltungsaufsicht der Universität Paris I angehören, arbeiten trotz ihrer Vielschichtigkeit -zusammen an der Erstellung von Erwerbungsverträgen für die Abonnements und gruppieren ihre Bestellungen, indem sie sich an spezialisierte Agenturen wenden. Eine derartige Organisation bietet unleugbare Vorteile, aber auch Nachteile und Funktionsstörungen, denen Verleger, Bibliothekare, Buchhändler und Zeitschriftenagenturen versuchen, Abhilfe zu schaffen, insbesondere durch die kollektive Abstimmung und die Suche nach neuen ökonomischen Modellen.
Numerosos establecimientos documentales bajo la tutela administrativa de la universidad Paris-I trabajan juntos, pese a su disparidad, a la instalación de los mercados documentales para los abonos, y reagrupan sus pedidos pasando por agencias especializadas. Una tal organización presenta ventajas innegables, pero también inconvenientes y disfuncionamientos, a los cuales los editores, bibliotecarios, libreros y agencias de abono tratan de remediar, particularmente a través de concertación interprofesional y la búsqueda de nuevos modelos económicos.
L’université Paris-I exerce sa tutelle administrative sur des établissements documentaires nombreux et hétérogènes : deux bibliothèques interuniversitaires – la Sorbonne et Cujas ; une bibliothèque de SCD – celle du site Pierre-Mendès-France (Tolbiac) ; plusieurs bibliothèques spécialisées – celles de l’Institut de géographie et de la Maison des sciences économiques et plus de cinquante centres de documentation à la taille et au statut très divers.
En dépit de cette disparité, les bibliothécaires responsables des départements de périodiques des deux bibliothèques interuniversitaires, du SCD, de l’Institut de géographie et de la Maison des sciences économiques ont éprouvé depuis plusieurs années le désir de travailler ensemble à la mise en place des marchés documentaires pour les abonnements de périodiques imprimés et, dans un second temps, à celle des marchés des ressources électroniques (bases de données et bouquets de périodiques).
Nos bibliothèques sont fort différentes : les volumes d’abonnements peuvent être, selon l’établissement, de quelques dizaines ou de plusieurs milliers de titres ; le panorama des disciplines est étendu (sciences humaines et sociales, sciences juridiques, économiques et politiques) ; les publications proposées regroupent aussi bien des titres de vulgarisation que des revues rares ou très spécialisées. Quant à nos utilisateurs (étudiants, enseignants, chercheurs français et étrangers), ils ont des attentes multiples.
Malgré de nombreuses relances, nous n’avons pas encore réussi à faire participer régulièrement à nos travaux préparatoires toutes les composantes concernées. Cette absence de concertation est gênante pour une bonne estimation des seuils comptables des marchés publics.
Les bibliothèques de Paris-I face aux marchés publics
Rappelons tout d’abord l’importance du « périodique » pour nos établissements d’enseignement supérieur et la nécessité pour les bibliothèques patrimoniales de proposer des collections complètes et suivies, sans oublier le coût toujours croissant de ces publications en série. Nous avions pleinement conscience de ces exigences et de ces contraintes lorsqu’en 2002 nous avons décidé de travailler ensemble. Ces contraintes demeurent, mais nous croyons aux bienfaits de la concertation : travailler en réseau et mutualiser les coûts nous permet d’offrir à nos publics une documentation élargie.
L’obligation de nous soumettre aux marchés publics a changé la donne dans nos pratiques d’acquisition : compte tenu du volume inégal d’abonnements entre les bibliothèques, nous avons décidé de limiter le nombre des lots.
Avantages indéniables
Cette nouvelle organisation réduit le nombre de fournisseurs et présente pour chaque bibliothèque les avantages suivants : un regroupement des commandes et des factures en une seule devise ; une visibilité et un contrôle du budget facilités ; l’accès au catalogue de titres de l’agence ; un pilotage en ligne des dossiers d’abonnements.
Les agences mettent également à notre disposition des outils informatiques facilitant notre travail quotidien : la messagerie électronique (pour ajouter des titres, préciser une référence bibliographique, etc.) et surtout les modules de réclamation en ligne qui permettent un traitement plus rapide et laissent une trace écrite pour les relances ultérieures.
Citons également un service complémentaire, le groupage : la livraison des fascicules étrangers (essentiellement nord-américains) est assurée par l’agence elle-même après bulletinage. Nos collections sont mieux suivies et ne comportent pas de lacunes. Cependant, ce service a un coût – différent d’une agence à l’autre (jusqu’à 15 % en plus du prix du périodique) et un délai de livraison supplémentaire…
Nos cahiers des charges insistent sur la présence au sein de l’agence d’un interlocuteur dédié à notre portefeuille de titres, disponible, connaissant le marché de l’édition… mais tout changement d’interlocuteur fragilise le service…
Inconvénients et contraintes quotidiennes
Les agences n’assurent pas la veille documentaire et ce défaut pose problème en cas de parution séparée des tables et hors-séries divers. Fréquemment, ce sont nos lecteurs et non pas les agences qui nous signalent la parution de ces fascicules ; malheureusement, ils peuvent être épuisés et nous offrons alors des collections incomplètes…
Si le passage obligé par une agence allège la partie comptable pour un grand nombre de titres (une facture peut regrouper plusieurs centaines de titres différents), nous devons consacrer autant de temps à des vérifications diverses, voire contacter les éditeurs pour identifier précisément les titres commandés (ISSN, adresse complète, tarif, périodicité).
La gestion de nos abonnements donne satisfaction tant qu’il s’agit de périodiques « commerciaux courants », mais dès que nous commandons des titres de littérature grise, des bulletins d’associations – titres qui font la richesse de nos bibliothèques de recherche –, les agences ne savent ou ne veulent pas « faire ». D’ailleurs, elles clament haut et fort qu’elles ont une obligation de moyens et non de résultats. Pour ces revues irrégulières que nous avons pourtant payées, nous éprouvons des difficultés à nous faire livrer les fascicules ou à nous faire rembourser en cas de non-livraison.
La facturation de nos titres comporte des risques : nous payons nos abonnements dès la commande et recevons donc une facture provisionnelle pour l’ensemble des titres souscrits. Cette procédure rapide a l’inconvénient de nous facturer des titres que nous ne recevrons peut-être jamais et pour lesquels il est souvent difficile d’obtenir les avoirs correspondants.
Au cours de l’année 2007-2008, année de renouvellement des marchés, nous avons été amenés à changer de fournisseur pour les titres étrangers hors langues romanes (2 056 titres pour la Sorbonne et 950 titres pour Cujas). Ce changement ne s’est pas fait sans inquiétude, alors même que notre fournisseur précédent ne nous donnait plus satisfaction. Comme les bibliothèques, les éditeurs doivent intégrer ces changements d’agences. Actuellement, nous constatons la livraison d’exemplaires multiples ou pas de livraison du tout. Cette situation va durer plusieurs mois et nos collections risquent d’en pâtir – situation que nous avons déjà connue par le passé.
Pour tenter de remédier à certains de ces dysfonctionnements, un groupe constitué de bibliothécaires, libraires et agences d’abonnements, piloté par le GFII (Groupement français de l’industrie de l’information), a rédigé un vade-mecum sur la gestion des abonnements aux périodiques 1. Ne faudrait-il pas relancer cette initiative à intervalles réguliers afin de maintenir un dialogue et confronter nos points de vue ?
Les périodiques électroniques
L’offre de périodiques électroniques concernant principalement les éditeurs étrangers, nous avons, dans un premier temps, procédé à un dédoublonnage de nos abonnements de périodiques imprimés afin de bénéficier de tarifs préférentiels, sachant que ces mêmes éditeurs nous proposaient un modèle économique basé sur le chiffre d’affaires « papier ». Nous avons opté pour un abonnement à des bouquets sciences humaines et sociales plutôt que d’acquérir des abonnements titre à titre, et ce sont les quatre bibliothèques principales qui paient ces bouquets pour l’ensemble des utilisateurs de l’université Paris-I.
Pour gérer l’ensemble de ces titres, il nous a semblé utile de nous doter d’outils facilitant l’accessibilité et la gestion de ces nouveaux supports et c’est pourquoi nous avons souscrit à un portail d’accès partagé, A to Z, et à un outil de recherche bibliographique à partir des données de l’article, EJS. Ces deux produits sont commercialisés par la société Ebsco.
Par ailleurs, l’université Paris-I est devenue membre du consortium Couperin 2. Alors que nous sommes liés à notre agence de fournitures, dans le cadre du consortium Couperin, nous menons directement avec les éditeurs des négociations de tarif pour les ressources électroniques. Il n’est pas toujours très facile de concilier ces deux pratiques « apparemment » contradictoires.
De plus, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, l’absence de concertation avec l’ensemble des bibliothèques d’UFR et de laboratoires ne permet pas une réflexion commune sur le maintien ou la suspension des abonnements papier. Cette situation est d’autant plus grave lorsque ces mêmes bibliothèques résilient leurs abonnements papier en cas d’accès à la version électronique. Dans ce cas, le surcoût est « supporté » par les quatre bibliothèques principales. Il est donc souhaitable que les éditeurs revoient leurs modèles et qu’ils nous proposent des tarifs indépendants de la version papier.
De nouveaux modèles économiques
Certes, les marchés sont incontournables, mais ne pourrait-on pas proposer un allongement de leur durée (plus de trois ans) pour permettre une gestion mieux adaptée aux périodiques ?
De plus, le nombre de titres à traiter dissuade bien souvent la candidature de petites agences. N’allons-nous pas vers un monopole des fournisseurs ? Ce qui serait contraire à l’objectif des marchés publics, censés assurer la libre concurrence : actuellement l’un de nos fournisseurs cumule quatre des six lots concernant les périodiques imprimés et électroniques.
Par ailleurs, nous constatons que le développement des ressources électroniques dans nos collections de périodiques a permis une plus grande mutualisation et un meilleur partage des coûts, mais cette situation risque de ne pas perdurer longtemps et ce pour plusieurs raisons : la documentation électronique va devenir un secteur à part entière de notre politique d’acquisition et ne pourra donc plus être assujettie à l’abonnement des périodiques imprimés.
Les éditeurs réfléchissent à de nouveaux modèles économiques indépendants du papier.
Une nouvelle mutualisation est en cours d’élaboration : en effet, les bibliothèques du Quartier latin commencent à réfléchir aux moyens de mettre en place une politique d’acquisition concertée ainsi qu’une conservation partagée des collections imprimées. La carte documentaire du Quartier latin modifiera vraisemblablement nos relations avec les agences de fourniture d’abonnements.
Janvier 2008