Bibliothèque et RFID

Christophe Robert

C’est dans l’écrin rococo du théâtre municipal de Calais que se déroulait, le jeudi 8 novembre dernier, le séminaire « RFID : et la gestion des collections change de dimensions », organisé par la médiathèque de Calais en partenariat avec les sociétés Opsys et Nedap. La journée s’est articulée en trois tables rondes : présentation générale de la RFID (Radio Frequency Identification) en bibliothèque, retours d’expérience des médiathèques de Calais, Alfortville, Illkirch (communauté urbaine de Strasbourg) et Nogent-sur-Marne, et enfin informations pratiques sur l’équipement des documents. Le séminaire s’achevait sur une succincte présentation des produits Nedap.

La RFID en bibliothèque : aspects techniques et enjeux

La journée fut d’abord l’occasion de revenir sur certains aspects théoriques de la technologie RFID : la recommandation Idrabib 1, rédigée par un groupe de bibliothécaires et de fournisseurs en systèmes intégrés de gestion de bibliothèque dans un but de standardisation et d’interopérabilité avec le SIGB, fit l’objet d’un rapide exposé de Dominique Lahary (bibliothèque départementale du Val-d’Oise). L’intégration totale ou partielle du logiciel RFID dans le SIGB fut aussi abordée par le biais de témoignages concrets : si Marc Meschberger (médiathèque d’Illkirch) raconte l’expérience d’un fonctionnement en parallèle (non intégré) des deux logiciels, les fournisseurs s’accordent à dire que l’intégration de l’application RFID au SIGB via l’utilisation des webservices facilite l’échange d’informations plus précises.

La journée permit aussi un survol des différentes applications : automates de prêt et retour, antivol, lecteurs portables (ou stations de récolement), mais aussi chutes à livres automatisées, chariots intelligents, jusqu’à une biblio-thèque mobile.

L’avantage majeur invoqué par les intervenants est le temps dégagé pour des tâches d’accueil plus gratifiantes. La médiathèque de Nogent envisage ainsi de profiter de cette disponibilité pour proposer à ses usagers un entretien individuel par an. P. Gauchet y voit quant à lui la promesse d’une transformation du rapport à l’usager, les agents pouvant désormais adopter une attitude de disponibilité qu’il était plus difficile d’offrir derrière un ordinateur. Le gain de temps et d’effort pour les récolements (certes moindre pour les livres jeunesse et autres documents en bacs) est considérable.

Les intervenants soulignent également les bénéfices de l’utilisation des automates : autonomie, marque de confiance à l’égard de l’usager, et discrétion : Dominique Brunet (médiathèque de Nogent-sur-Marne) prétend que le taux de rotation de La vie sexuelle de Catherine M. s’est vu décuplé par l’installation de l’automate de prêt… L’affichage d’informations sur les documents (retards, réservations…), l’éventuel choix de la langue, et surtout l’imprimante de tickets récapitulatifs contribuent à l’adoption des automates par les lecteurs. M. Meschberger témoigne du succès de cette « petite liste de commissions culturelles, affichée sur le frigo ou ailleurs, pour savoir quand rapporter tel et tel document ».

Des retours d’expérience encourageants

30 % des prêts passent par l’unique automate proposé par les médiathèques d’Illkirch et de Nogent. La satisfaction est telle que D. Brunet évoque la situation fréquente d’une queue d’usagers à l’automate tandis que l’agent présent à la banque de prêt doit se manifester pour que les usagers viennent vers lui. Les situations de libre-service intégral, comme à la médiathèque de Calais, sont une réussite : plusieurs des intervenants insistent sur l’entraide et l’autoformation du lecteur, observant la manipulation par-dessus l’épaule d’un autre lecteur, et ayant de plus en plus l’habitude des caisses automatiques en grande surface.

Les inquiétudes sur le respect de la vie privée sont résolues par le principe de non-redondance avec le SIGB posé par la recommandation Idrabib : la puce ne décrit que « l’union provisoire d’un usager et d’un document » (D. Lahary) et, en dehors de la connexion avec le SIGB, ne contient que des numéros ininterprétables. Sur le chapitre de la santé, Kees Payens (Nedap) rappelle que les ondes radio émises par les puces (13,56 MHz) restent sensiblement moins puissantes que celles des téléphones cellulaires (jusqu’à 1 800 MHz).

Anne-Françoise Robert (Alfortville) évoqua quant à elle une autre appréhension des bibliothécaires : l’absence de contrôle de l’état des documents, en cas d’automates de retours, n’accélère-t-elle pas la dégradation des collections ? Peu gratifiant pour les agents, ce travail de vérification est jugé inutile par P. Gauchet, les lecteurs prenant l’habitude de signaler d’eux-mêmes aux agents d’éventuels problèmes (notamment les difficultés de lecture d’un DVD).

Pour l’équipement des DVD et (surtout) des CD, tous les participants soulignent la nécessité de tentatives au cas par cas : position des puces, utilisation des puces « booster », alternance savante de puces-livres et de puces-CD, toutes sortes de ruses de Sioux sont expérimentées pour sécuriser au maximum les documents (option de Calais) ou jouer avec des leurres éventuels (Illkirch), en limitant le reconditionnement. Philippe Evrard (Calais) présente avec fierté un équipement record : une version lue par Bernard Giraudeau de Harry Potter ne contenant pas moins de 10 puces, et parfaitement identifiée par les automates. Les documents non équipables représentent 1 % du fonds à Illkirch et Alfortville, moins encore selon l’équipe de Calais.

Parmi les inquiétudes non dissipées, demeurent toutefois la question du coût (en particulier des étiquettes -« booster ») et surtout l’aspect inesthé-tique des étiquettes, en particulier sur les livres jeunesse.