Abonnements électroniques : perspectives stratégiques

Marie-Françoise Liard

David Soret

L’atelier intitulé « Abonnements électroniques : perspectives stratégiques » s’est tenu le 13 juin à l’occasion de la sortie de : Des abonnements papier aux abonnements électroniques : clients, agences, éditeurs : vade-mecum élaboré par l’ADBS, l’ADBU, la FNPS, le GFII et le Sniel.

Des abonnements papier aux abonnements électroniques

Cette publication (qu’on pourra trouver facilement en ligne sur les sites des associations éditrices) présente les conclusions et recommandations d’un groupe de travail qui, après la publication en 2005 d’un premier vade-mecum consacré aux abonnements papier, a voulu élargir la réflexion à la problématique des abonnements électroniques.

Les recommandations très pragmatiques avancées par le vade-mecum se présentent comme ce qui paraît être la solution la plus raisonnable en 2007 car, comme l’ont dit avec insistance Caroline Wiegandt, alors présidente de l’ADBS, et Gilles Kahn, représentant John Libbey Eurotext, dans ce domaine où les pratiques et les usages sont en pleine mutation, nous sommes dans une phase pionnière de la documentation électronique, avec une constante : les coûts sont en expansion continuelle alors que les budgets stagnent.

L’intérêt de cet atelier très dense est qu’il ne s’est pas contenté de présenter la publication (qui non seulement sera une utile mise au point pour les personnes souhaitant s’initier au sujet, mais donnera aux autres d’intéressantes pistes de réflexion) ; il a été aussi l’occasion pour les clients, éditeurs et agences d’abonnements, tous concernés par ces changements et en recherche de solutions, de présenter leurs points de vue, souvent contradictoires, sur les quatre grands thèmes abordés lors de la présentation.

La notion d’acquisition, classique en bibliothèque, est équivoque dans l’univers du numérique, qui privilégie l’accès au détriment de la propriété et rend inopérante la notion de fonds ; l’offre éditoriale s’y fait souvent à l’échelle du bouquet qui met les collections en danger d’uniformisation ; le coût de l’électronique est encore lié aux abonnements papier et reste ainsi tributaire de modèles anciens, sans pratiques tarifaires homogènes ni contrats-types. Le développement du libre accès est craint par certains éditeurs qui, outre la menace économique qu’il représente pour eux, mettent en avant l’absence de validation des contenus.

Les consortiums, comme Couperin ou Carel, sont aujourd’hui un acteur essentiel des négociations avec des éditeurs aux prétentions parfois exorbitantes. Le consortium, qui incite les institutions à coopérer, constitue un modèle séduisant, mais pas forcément adapté à toutes les ressources ni à tous les établissements.

Les questions techniques prennent une importance considérable dans l’édition électronique. Ainsi, l’accès aux plates-formes hébergeant les périodiques « achetés » par la bibliothèque peut se faire selon des modalités variées pouvant nécessiter la mise en œuvre de solutions localement adaptées, d’autant qu’on assiste à une forte augmentation de la demande d’accès distant à laquelle les éditeurs devront s’adapter en aménageant des tarifications qui ne seront plus liées aux sites géographiques. La nature électronique des documents facilite l’établissement de statistiques permettant de mieux connaître l’utilisation des ressources, d’optimiser les acquisitions et d’être en adéquation avec les attentes des usagers. La politique documentaire peut dès lors s’appuyer sur des indicateurs chiffrés, les statistiques jouant un rôle d’aide à la décision. Cependant, ici comme en d’autres domaines, c’est l’absence de normalisation qui prévaut malgré quelques initiatives en ce sens (tel que le protocole Counter). La diversité des modes d’extraction et l’absence de compatibilité entre les données recueillies permettent difficilement une analyse globale.

Accès pérenne aux ressources

La question des archives se situe au cœur des enjeux soulevés par la documentation électronique. Pour les bibliothèques, la pérennité de l’accès aux ressources acquises est une des conditions nécessaires à leur mission de conservation. Or, les éditeurs, en refusant de libérer les archives, remettent en cause le modèle historique, fondé sur le papier, dans lequel l’acquisition de ressources s’accompagne de leur conservation. En ce sens, les archives ouvertes, qu’elles soient le fruit d’initiatives privées (Clockss) ou publiques (Persée, Revues.org) constituent pour les bibliothèques un moyen de se réapproprier des fonds.

Chaque intervenant s’est efforcé de tenir compte, dans sa présentation, du point de vue des différents acteurs. Toutefois c’est lors du débat concluant l’atelier que les divergences d’intérêt ont eu l’occasion d’apparaître entre, d’une part, les représentants de certains éditeurs qui assurent avoir à remplir un rôle dans la conservation et affirment que le coût de cette tâche serait démesuré pour les pouvoirs publics et, d’autre part, des bibliothécaires qui leur contestent ce qu’ils considèrent comme une mainmise sur des biens intellectuels.