Bibliothèques du futur : progrès, développement et partenariats
73e Congrès de l’Ifla, Durban
Martine Jan
2 427 professionnels de bibliothèques représentant 118 pays se sont retrouvés à Durban, Afrique du Sud, du 19 au 23 août 2007.
Commençons par souligner le grand effort de la communauté professionnelle sud-africaine pour accueillir ce congrès, et saluons l’engagement du gouvernement en faveur de la création d’une société globale de l’information. Il reconnaît ainsi l’importance des bibliothèques dans la réalisation d’une société de l’information juste et équitable pour tous.
La participation des délégués africains était particulièrement importante : 1 606, dont 1 212 d’Afrique du Sud. L’un des objectifs de l’Ifla, favoriser la participation des bibliothécaires des différentes parties du monde en choisissant de tenir son congrès chaque année sur un continent différent, est donc atteint.
Le thème du congrès, « Bibliothèques du futur : progrès, développement et partenariats », fut l’occasion une fois encore pour les professionnels de partager idées et expériences contribuant au développement et à la promotion des bibliothèques et des centres d’information dans le monde.
216 communications dont 98 de langue française ont été assurées durant le congrès. Ces communications sont accessibles sur le site Iflanet 1 et sur le site du Comité français Ifla 2.
Le multilinguisme à l’Ifla
L’importance de la diversité linguistique, sujet développé par Adam Samassakov 3 dans sa conférence, s’est trouvée illustrée par la nouvelle politique linguistique de l’Ifla, reconnaissant sept langues officielles de travail : arabe, chinois, anglais, français, allemand, russe et espagnol.
Communications, résumés d’articles dans Ifla Journal, traductions de communications, traductions simultanées de conférences seront désormais déclinées dans ces sept langues.
L’Ifla a annoncé à Durban la création de quatre bureaux linguistiques dont trois en Afrique, à Pretoria, Dakar, Alexandrie et le quatrième à Moscou. Ces bureaux ont pour mission de maintenir des liens avec les communautés linguistiques négligées jusqu’ici du fait de la prédominance de l’anglais et de favoriser la traduction des textes officiels et des communications.
La francophonie
75 professionnels francophones sont élus dans les comités permanents. Le conseil d’administration de l’Ifla compte cinq membres francophones : Réjean Savard (Canada), Pascal Sanz (France) et Danielle Mincio (Suisse) ont été élus en 2007 aux côtés d’Ingrid Parent (Canada) et de Patrice Landry (Suisse), représentants des divisions de l’Ifla.
L’AIFBD, la nouvelle association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes francophones tiendra son premier congrès du 3 au 6 août 2008 à Montréal avant le Congrès de Québec. Il est possible d’adhérer en ligne à l’association sur le site Bibliodoc 4.
La fondation Bibliomondialiste (Québec) favorisera la participation des jeunes professionnels au congrès 2008 par des bourses.
Le Comité français Ifla, tout comme l’AIFBD, encourage les professionnels francophones à faire des traductions, à présenter des communications et à s’engager dans les activités de l’Ifla. En 2007, le Comité français Ifla a attribué 22 bourses à des participants de France et de pays étrangers francophones.
De nombreux thèmes de réflexion, de travail et d’échange
Sauver les manuscrits de Tombouctou
La ministre adjointe des Arts et de la Culture d’Afrique du Sud présenta en séance plénière l’historique du projet de conservation des manuscrits médiévaux de la bibliothèque Ahmed-Baba de Tombouctou. Le président MBeki a promis l’aide de l’Afrique du Sud pour préserver cette rare et précieuse collection de manuscrits et construire une nouvelle bibliothèque.
Savoir indigène et propriété intellectuelle sur les connaissances traditionnelles : des questions difficiles
Qu’est-ce que le savoir indigène ? Qui le possède ? Comment l’Ifla peut-elle influencer les priorités concernant la documentation sur le savoir indigène et sa préservation ? Une autre question complexe posée à l’Ifla concerne la protection juridique du savoir traditionnel. Comment définir ces connaissances traditionnelles, comment appliquer des règles de propriété intellectuelle au savoir-faire d’origine autochtone ? L’OMPI, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, travaille depuis plusieurs années sur ces questions. Pour les bibliothèques, une législation protégeant ce savoir traditionnel aurait pour conséquence une restriction du droit d’accès à ces connaissances qui n’appartiendraient plus au domaine public.
Des livres pour enfants, numérisés et accessibles en ligne
L’ICDL, la Bibliothèque internationale numérique pour enfants, est un projet de l’université du Maryland qui vise à mettre en ligne en accès libre des livres remarquables qui aident les enfants à comprendre le monde autour d’eux et la société dans laquelle ils vivent. À ce jour, 2 000 livres dans 42 langues ont été numérisés et mis en ligne 5.
Avec le web 2.0, l’usager devient créateur de contenu
D’abord centre d’information, la bibliothèque évolue et se transforme en centre de communication. Les bibliothécaires comme les usagers font partie de la communauté de création des connaissances. Les technologies du web 2.0 le permettent. Plusieurs exemples de ces créations collaboratives ont été présentés, tels que le Guide de recherche d’information 6 réalisé par le Blekinge Institute of Technology, établissement suédois d’enseignement supérieur spécialisé dans les techniques de l’information. Le guide est mis sur une plate-forme libre. Avec une licence de participation, les bibliothécaires, enseignants et étudiants peuvent exporter des ressources d’apprentissage et créer leur propre guide de recherche avec leurs propres objets d’apprentissage.
Un autre exemple de l’utilisation des nouvelles technologies pour répondre aux changements de mode de vie des usagers a été présenté par la directrice de la Bibliothèque nationale de Singapour. Le service de Référence et d’information de la bibliothèque répond aux questions des usagers sur leur téléphone mobile, par SMS ou par courriel.
Les bibliothécaires travaillent sur une plate-forme collaborative en ligne avec une communauté de professionnels et d’experts fournissant à l’usager des listes de ressources recommandées et des liens vers des articles récents.
Ces nouveaux modes de communication modifient l’image des bibliothèques qui deviennent ainsi des « lieux de culture, de vie communautaire et de liberté intellectuelle 7 », comme l’a formulé Lise Bissonnette 8.