Guide des sources du féminisme

de la Révolution française à nos jours

par Noëlle Balley
sous la dir. de Christine Bard, Annie Metz, Valérie Neveu
Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006. – 442 p. : ill. ; 24 cm. – (Archives du féminisme).
ISBN 2-7535-0271-4 : 22 €

Les archives du militantisme sont un patrimoine fragile : le caractère mouvant des associations qui les produisent, leur faible structuration, leur implication dans la lutte au quotidien, peu compatible avec un regard rétrospectif, la confusion fréquente entre archives personnelles et archives associatives, la confidentialité de certains fonds, leur éparpillement, leurs difficultés d’accès, contribuent à leur vulnérabilité.

Le militantisme féministe n’échappe pas à cette règle. Peut-être même y est-il plus sujet que d’autres. L’histoire des premières archives féministes (presque toutes disparues, à la remarquable exception de la bibliothèque léguée par Marguerite Durand à la ville de Paris) en témoigne.

Ce monumental guide des sources du féminisme, porté par l’association Archives du féminisme, se heurtait à des obstacles méthodologiques redoutables. Outre l’ingrat travail de rédaction des questionnaires, de repérage des destinataires, de relance, de persuasion, de compilation et de mise en forme inhérent à l’exercice, il fallait d’abord cerner précisément un sujet qui, après tout, ne concerne jamais que la moitié de l’humanité : histoire des femmes au sens large ou féminisme ? Archives du féminisme militant stricto sensu, ou de toute personne ou groupe œuvrant pour l’« émancipation », la « promotion » ou la « dignité » des femmes ? Comme s’en explique Christine Bard dans sa remarquable introduction, le choix des auteurs s’est porté sur la dernière solution. Au-delà du mouvement féministe avec ses associations, sa presse, ses militant(e)s, le guide prend en compte toutes les formes politiques, syndicales, associatives, culturelles de l’émancipation des femmes.

Pour des raisons qui tiennent à l’accessibilité des fonds, le recensement s’en tient aux institutions publiques et aux structures privées ouvertes à la consultation.  Aux archives émanant de personnalités ou d’associations féministes s’ajoutent celles des pouvoirs publics, dont la typologie même en dit long sur l’histoire du mouvement, de la surveillance policière aux initiatives gouvernementales et locales de promotion des femmes. Cette répartition entre archives des pouvoirs publics et archives privées (déposées ou non dans une institution publique) explique un plan qui peut dérouter : 1. les archives publiques, 2. les associations, bibliothèques, musées et centres d’archives privés, 3. guide des sources audiovisuelles du féminisme.

Centré sur les fonds d’archives, ce guide – qui pourrait plus exactement s’appeler guide des archives de l’histoire du féminisme – laisse une part marginale à la documentation imprimée. Il est vrai que la littérature féministe, abondamment représentée dans les bibliothèques publiques des années 1970, a fait depuis l’objet d’un désherbage radical, sa dimension patrimoniale n’ayant pas été perçue à temps, tandis que l’existence d’une bibliothèque spécialisée sur le sujet (et le fantasme de son exhaustivité) servait de prétexte à bien des pilons.

En nombre impressionnant – près d’une centaine – les institutions détentrices de fonds liés au féminisme font l’objet de fiches descriptives détaillées : chaque fonds est présenté dans son histoire, sa typologie, ses instruments de recherche, ses conditions d’accès. Une place particulière est accordée à la bibliothèque Marguerite Durand et à ses dizaines de fonds spéciaux, ainsi qu’au nouveau Centre des archives du féminisme rattaché à l’université d’Angers. Des explications fort utiles sont données sur les plans de classement des archives nationales et départementales. Elles ne rendront pas seulement service aux spécialistes de l’histoire des femmes.

Le lecteur (épicène volontaire) ne peut qu’exprimer son admiration devant ce magnifique travail de compilation, à l’illustration abondante et austère, doté de tous les index nécessaires, instrument de travail indispensable qui, on l’espère, suscitera de nombreuses recherches et de nouveaux dépôts. On regrette simplement l’absence d’un titre courant, rappelant le nom de l’institution dont les fonds sont décrits dans le corps du texte : ce petit artifice typographique aurait grandement facilité le feuilletage.