La médiathèque André Malraux

Un grand projet pour la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée

Evelyne Didier

La construction de la médiathèque André Malraux sur le site de l’espace Duguesclin a été décidée par la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée en avril 2002. Ce projet déclaré d’intérêt communautaire devient de ce fait le premier geste culturel fort de la communauté.

L’opération est confiée à la SEBLI (Société d’équipement du Biterrois et de son littoral) et le bâtiment a été conçu par le cabinet d’architecte Jean-Michel Wilmotte pour une ouverture prévue fin 2007. La programmation a été faite par le cabinet Tetra en 2003.

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Médiathèque André Malraux, perspective basse (état projeté 1/2). © Wilmotte et associés

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Médiathèque André Malraux, perspective haute (état projeté 2/2). © Wilmotte et associés

La communauté d’agglomération Béziers Méditerranée a souhaité intégrer au projet une démarche haute qualité environnementale (HQE) initiée dès la phase de programmation de l’opération. Cette démarche HQE s’inscrit dans une perspective de développement durable et devra répondre aux critères d’une éventuelle certification.

Elle vise deux objectifs fondamentaux : la maîtrise de la qualité environnementale des bâtiments (QEB) et la maîtrise du processus d’élaboration d’un projet par un système de management environnemental (SME) des opérations afin d’optimiser la QEB. Le principe général consiste à réduire les impacts du bâtiment sur l’environnement extérieur et sur l’usager.

Les bibliothèques de l’agglomération

La communauté d’agglomération Béziers Méditerranée enregistre une population de 104 000 habitants, dont près de 70 % vivent dans la ville de Béziers. Cette population est un peu plus âgée que la moyenne dans le département de l’Hérault et les revenus des ménages sont inférieurs à la moyenne départementale. Le territoire est composé de 13 villes et villages.

L’agglomération est nettement sous-équipée en matière de lecture publique, au regard des principaux critères que sont les surfaces, les collections, les inscrits, les prêts. Ainsi le taux d’inscrits s’élève-t-il à 11,7 % de la population desservie pour 16 % en moyenne au niveau national. La surface des locaux pour 100 habitants s’élève à 2,9 m2 pour 5,9 m2 en moyenne dans les villes de 100 000 habitants. Les bibliothèques sont inégalement réparties sur le territoire : il existe trois bibliothèques au nord, trois au sud, mais aucune au nord-est du territoire. Par ailleurs, il n’y a aucune médiathèque de proximité sur la ville de Béziers.

Face à ces constats, la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée a décidé la création d’une médiathèque à vocation de tête de réseau, d’une surface ambitieuse de 7 900 m2 shon (surface hors œuvre nette).

En cours de projet, les élus ont décidé la construction supplémentaire d’un parking de 70 places, réservé au personnel et aux publics à mobilité réduite.

Objectifs et perspectives

La valeur symbolique de la médiathèque intègre une triple dimension, celle de devenir un nouveau lieu de vie culturelle, un nouveau lieu d’identité de l’agglomération, et un nouveau lieu de valorisation urbaine de la ville centre.

Le bâtiment sera au service d’une priorité absolue : le développement de la lecture publique. En effet, la médiathèque rayonnera sur la ville centre, l’agglomération, mais également au-delà pour combler les retards constatés et structurer un nouveau réseau en intégrant les partenariats déjà développés, notamment avec la bibliothèque départementale de prêt. La médiathèque pourra assumer une partie de l’offre globale de documents et de services mais s’appuiera sur les bibliothèques municipales périphériques pour compléter l’offre et la rapprocher des habitants, de même qu’elle pourra contribuer à préfigurer le développement de nouvelles structures de proximité.

La médiathèque André Malraux est implantée sur un site de 5,7 hectares en centre-ville de Béziers, terrain militaire cédé à la ville en 1998. Ce site, actuellement en cours de réaménagement, est composé principalement d’une grande place centrale (Champ de Mars) et accueille des équipements publics existants : le centre universitaire Paul Valéry, le restaurant universitaire, le Cirdoc (Centre interrégional de développement de l’occitan), un groupe scolaire… Ce site a vocation à affirmer son rôle de pôle intellectuel de l’agglomération.

La médiathèque constitue un élément clé du projet de restructuration de cet espace. Ce lieu sera aisément accessible et au service de tous les usagers.

Il offrira 6 000 m2 utiles, 220 000 documents (dont 180 000 en accès direct à terme) et 100 postes informatiques. Le projet vise ainsi à élargir les publics et à le diversifier par une offre adaptée. La médiathèque ne doit pas être un lieu élitiste, mais au service de l’ensemble de la population, en permettant aux jeunes et à un public en difficulté d’accéder à ce type d’équipement. Les personnes handicapées devront pouvoir accéder à tous les services.

L’objectif de fréquentation approche les 25 % de la population.

L’attractivité de cet équipement se traduira à travers une organisation simple et fonctionnelle des espaces :

– un espace d’accueil, qui joue le rôle d’interface entre l’espace public et la médiathèque, lieu d’information et d’orientation ;

– un espace d’animation qui gère les fonctions liées aux actions culturelles de la médiathèque ;

– un ensemble de pôles thématiques multisupports, rassemblant les documents par contenu et correspondant à différents usages, aisément identifiables et accessibles aux utilisateurs : actualité, enfance, littérature et langues, sciences et société, musique, cinéma, arts, recherche, formation, patrimoine.

Fonctionnement

Un programme spécifique de préparation des collections, portant à la fois sur la remise à niveau des collections actuelles de la bibliothèque Béziers Méditerranée et sur le chantier de constitution et de traitement d’un fonds complémentaire d’ici à l’ouverture de la médiathèque, a été élaboré en septembre 2003.

Ce programme concluait à la nécessité de recruter des personnels qualifiés et de dégager des moyens financiers supplémentaires, bien en amont de l’ouverture de la médiathèque, pour mener à bien toutes les opérations envisagées. Une dizaine de personnes a ainsi été recrutée par la communauté d’agglomération en 2004 et 2005, dans le cadre du projet.

Cette équipe travaille à l’acquisition de 70 000 documents tous supports, dans un local transitoire réaménagé et équipé par la communauté d’agglomération. L’équipe en place à la bibliothèque actuelle détermine et coordonne la politique d’acquisitions et mène les travaux de remise à niveau des collections existantes (recotation notamment) et le plan de travail sur les fonds patrimoniaux.

Par ailleurs, suite à la réalisation d’une étude de stratégie informatique, la bibliothèque Béziers Méditerranée s’est réinformatisée en 2005, dans la perspective d’un redéploiement vers la médiathèque en 2007. Une étude pilotée par le conseil général concernant l’élaboration d’un schéma de développement de la lecture publique sur le territoire et la maturation d’un réseau de médiathèques a livré ses conclusions.

Le mode d’organisation du futur équipement s’appuie sur les orientations générales du programme fonctionnel et tient compte des contraintes du bâtiment conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte.

La médiathèque cherchera, afin d’élargir le public et le diversifier, à tenir compte des pratiques constatées, à développer des actions culturelles, les partenariats et les services aux publics les plus en difficultés et les moins enclins à fréquenter ce type de lieu.

Cette ambition exige la présence de personnels compétents en nombre suffisant, pour répondre aux demandes et assurer une médiation entre les œuvres, les savoirs, les informations et les publics de tous âges et de toutes catégories sociales, ainsi que des horaires d’ouverture adaptés aux modes de vie des publics.

Le projet de service et la charte culturelle de la future médiathèque ont été validés au premier semestre 2006, ainsi que l’organigramme et les horaires d’ouverture.

La médiathèque devrait pouvoir ouvrir le dimanche après-midi.

La médiathèque André Malraux

(ouverture prévue fin 2007)

Surfaces

Surface totale shob : 14 033 m2

Surface totale shon : 7 982 m2

Surface ouverte au public : 4 300 m2

Intervenants

Maîtrise d’ouvrage : communauté d’agglomération de Béziers Méditerranée (CABEME), SEBLI

Maîtrise d’œuvre :

– Architecte mandataire: Wilmotte et associés

– Architecte associé : Moget-Gaubert

Fréquentation prévisible : 1 000 à 2 000 visiteurs par jour

Moyenne : 1 500 entrées par jour

Fréquentation annuelle : 300 000 à 450 000 entrées annuelles

Estimation des prêts : 400 000 à 700 000 par an

Heures d’ouverture : 39 heures hebdomadaires

    La médiathèque de Béziers : entretien avec Jean-Michel Wilmotte

    Jean-Michel Wilmotte, comment définiriez-vous une médiathèque ?

    La médiathèque est un lieu de rencontres, de croisements, un lien culturel et interactif ouvert à tous, le lieu d’accumulations des mémoires, le cœur des connaissances et des cultures offertes… À Béziers, nous avons voulu créer un édifice fédérateur qui réponde à la variété des publics et de leurs pratiques. Nous avons dû prendre en compte la densité d’établissements scolaires à proximité du site qui impose un traitement adapté à un public jeune.

    La médiathèque est à la fois un lieu collectif et un lieu d’étude individuel, le fonctionnement des espaces doit donc répondre aux exigences paradoxales d’un tel programme. Et cela ne doit en aucun cas faire renoncer à une unité fonctionnelle.

    Pouvez-vous nous présenter rapidement le projet de la médiathèque André Malraux de Béziers ?

    La médiathèque s’inscrit sur le site de l’ancienne caserne Duguesclin. Le bâtiment est constitué de trois monolithes de pierre et de verre, de quatre niveaux pour le corps central, et de trois niveaux pour les deux corps latéraux. La façade principale permet d’identifier clairement le statut d’un édifice public inscrit dans une place de grande dimension. L’emprise du bâtiment (80 x 36 m) permet de se dégager du prospect du restaurant universitaire au sud, et d’aménager un parvis au nord, côté avenue Jean Moulin.

    Le bâtiment s’organise autour d’un vide intérieur : le patio. L’accès principal s’effectue dans l’axe du site, place du 14-Juillet. Le rez-de-chaussée, vitré sur toute sa hauteur, invite le public à pénétrer dans le hall et ménage depuis la place des perspectives à l’intérieur du bâtiment et vers le patio végétalisé. Une entrée haute depuis l’avenue Jean Moulin permet d’accéder à la brasserie, l’auditorium, la salle d’exposition… Cette entrée est aménagée autour d’une place minéralisée et d’un bassin qui assurent l’accroche de l’équipement culturel à la ville.

    Comment s’organisent les pôles et divers espaces au sein de la médiathèque ?

    Le fonctionnement au sein du bâtiment est lisible et facilite les relations entre les différents pôles. L’aménagement des espaces est simple, unitaire et fluide. Il améliore les circulations et permet d’accueillir un nombre important de visiteurs. Les pôles sont desservis pour le public par des escaliers et ascenseurs reliés à une grande distribution éclairée naturellement par le patio. Deux noyaux en jonction des volumes contiennent les circulations verticales réservées aux services internes. Dans le hall, un grand comptoir concentre plusieurs services : l’accueil, les inscriptions et les prêts. Dans les pôles, les zones de lecture se situent sur le patio végétalisé afin d’offrir le calme et un confort lumineux pour le lecteur.

    Le bâtiment bénéficie d’un auditorium de 150 places, en liaison avec le patio qui permet de créer, l’été, des spectacles en extérieur. La salle d’exposition est orientée vers la place et se prolonge par une grande terrasse. Le deuxième et dernier étage contenu dans la partie centrale du bâtiment abrite les services internes.

    Le bâtiment s’articule autour d’un patio…

    En effet, à l’espace public faisant face au bâtiment répond un lieu extérieur, plus intime, propre à la médiathèque ; un grand espace intériorisé et méditatif, ouvert sur le ciel : le patio. Traité en tapis vert, gravillons, avec différentes variétés d’arbres, il apporte un cœur à l’édifice.

    Quels matériaux avez-vous utilisés?

    Le bâtiment présente une image très minérale : la pierre claire est utilisée pour l’édifice et les espaces extérieurs ; elle révèle l’ambiance méditerranéenne et la luminosité particulière à la région. Le matériau façade ouest composé d’un feuilletage de pierre et de verre permet de filtrer l’entrée de lumière dans les pôles de travail. À l’intérieur, le choix de matériaux naturels (bois, pierre) offre un confort acoustique et visuel aux utilisateurs en créant des ambiances agréables dans les différentes zones d’activité.

    Vous avez eu la volonté de donner une lecture de nuit et une lecture de jour à votre bâtiment, pourquoi?

    Nous avons voulu enrichir les perceptions. Le caractère du bâtiment diffère que l’on soit de jour ou de nuit. La nuit, sont mis en opposition lumineux et sombre, et l’accent est porté sur le corps central du bâtiment rétro-éclairé grâce à ce matériau translucide composé d’une fine feuille de pierre collée sur du verre. L’image du bâtiment est davantage énigmatique et poétique. Mais cela crée aussi une animation sur la place, le bâtiment devient alors un signal dans le tissu urbain. À l’inverse, de jour, est mise en valeur la monumentalité à travers la luminosité de la pierre des façades et des sols.

    Pourquoi avez-vous utilisé ce matériau translucide ?

    Tout d’abord pour des raisons dites de haute qualité environnementale. Nous avions comme contrainte majeure de limiter l’usage de la climatisation tout en ayant la volonté de créer des espaces lumineux ! Louis Kahn a dit : « A man with a book goes to the light. A library begins that way. » Nous avons fait de nombreuses recherches pour mettre au point un matériau qui pouvait, à la fois, laisser passer la lumière et faire écran au rayonnement solaire.

    Ensuite, c’est l’envie de mettre au point un nouveau matériau dans un nouveau contexte.

    Ce bâtiment est un bâtiment HQE, quels sont les points développés dans ce domaine ?

    Cette démarche conduit au respect de la santé et du confort des utilisateurs tout en étant économe des ressources naturelles, de l’énergie, de la qualité de vie des riverains et de l’environnement. Pour répondre au mieux à ces exigences, nous avons mis en place des façades performantes thermiquement : une façade double peau à l’ouest et une façade ventilée à l’est avec des menuiseries métalliques à rupture de ponts thermiques. Nous avons également créé un puits provençal. Ce système permet d’utiliser l’inertie du sol – température constante – pour rafraîchir ou réchauffer l’air ventilé dans le bâtiment. L’air capté à l’extérieur passe dans des tubes enterrés avant d’être insufflé dans le bâtiment. Le puits provençal permet de réduire la dépense. L’économie due au puits provençal et aux capteurs solaires représente 880 tonnes de dioxyde de carbone et 157 kg de déchets radioactifs économisés pendant la période d’exploitation de référence de la Médiathèque, soit 30 ans de fonctionnement.

    Vous avez également utilisé la brique en terre cuite ?

    Pour les murs extérieurs, en effet, c’est un excellent isolant. D’autre part, la production des briques de terre cuite nécessite peu d’énergie et a donc peu d’impact sur l’environnement. L’inertie des briques permet de limiter les déperditions vers l’extérieur et d’emmagasiner le soir de l’air pour rafraîchir le bâtiment. Nous avons mis en place également : un filtrage de l’air par des filtres à haute performance, réduisant les particules nuisibles à la santé ; une sur-ventilation nocturne, afin de rafraîchir naturellement les locaux durant la nuit ; la récupération des eaux de pluie pour l’arrosage du patio dans un souci d’économie de l’eau potable.

    (Propos recueillis par Thérèse Le Roy)