L'évaluation et les indicateurs de la performance des activités info-documentaires.

par Pierre-Yves Renard

Éric Sutter

Paris : ADBS éd., 2006. – 60 p. ; 24 cm. – (L’Essentiel sur…).
ISBN 2-84365-082-8 : 15 €

Que les acteurs de l’information-documentation s’approprient les outils et techniques de l’évaluation avant qu’on ne leur impose des critères qu’ils n’ont pas négociés et qu’ils ne maîtrisent pas, voilà le principal message du petit guide d’Éric Sutter, paru chez ADBS Éditions. Convaincu que « le management des organisations ne concerne pas que les entreprises capitalistiques », l’auteur dresse en 60 pages – dans la collection « L’essentiel sur… » – un panorama renseigné et actuel sur l’évaluation des activités info-documentaires.

Un répertoire de situations et de questions

É. Sutter définit d’abord quelques notions clés, celles qui forment le langage commun de l’évaluation, telle l’efficacité (les résultats sont-ils conformes aux objectifs ?), l’efficience (à quel coût les résultats sont-ils obtenus ?) ou encore la performance (le service est-il efficace, efficient et pertinent ?) et l’excellence (la performance est-elle élevée ?). Ce cadre posé, l’ouvrage présente la démarche d’élaboration des indicateurs (mais pas à proprement parler de méthode de construction), de la collecte des données de base jusqu’à l’appréciation de la contribution de la fonction documentaire à la performance globale de l’organisation. Un dernier chapitre est consacré à l’exploitation des indicateurs, c’est-à-dire à leur prise en compte dans un processus d’amélioration, mais aussi à l’action de promotion du service et de communication qu’ils doivent soutenir.

À chaque étape, les référentiels existants (normes, recommandations, documents d’associations) sont présentés, qu’ils ressortissent à la sphère documentaire ou qu’ils traitent de la qualité et de son management en général. Les modèles et angles d’approche possibles sont variés et donc complémentaires : centrés sur les processus, dégageant la dimension économique ou encore axés sur la satisfaction de l’utilisateur. L’ouvrage d’Éric Sutter n’a pas vocation à constituer un traité théorique mais le lecteur y trouvera un répertoire de situations et de questions qui faciliteront sa mise en condition en tant qu’acteur de l’évaluation.

L’auteur prend par ailleurs bien soin d’indiquer qu’il n’y a pas de démarche d’évaluation possible sans pédagogie et implication du personnel du service en question. L’évaluation doit autant que possible être menée au bénéfice de tous, voire en mettant en avant la contribution de chacun au bon fonctionnement du service, et ne saurait se transformer en pointage des faiblesses ou des succès de tel ou tel ! L’évaluation de la performance du service n’est pas l’évaluation du personnel.

Le concept d’efficacité informationnelle

Que le lecteur ne cherche toutefois pas de recette dans cet ouvrage. É. Sutter pointe d’ailleurs bien le fossé que les professionnels de l’information engagés dans une démarche d’évaluation devront s’employer seuls à combler, dans un contexte d’exercice à chaque fois unique : le passage de la simple mesure de l’activité à la véritable appréciation de la performance, autrement dit le passage du diagnostic sur la base d’une vision claire des missions au choix des indicateurs adéquats.

Afin précisément d’assister le lecteur dans ce moment délicat de sa démarche, entre autres pistes, l’ouvrage aborde le concept, à notre sens fécond, d’efficacité informationnelle, ou comment estimer que « l’information est bien parvenue, lue et exploitée ». Présentée trivialement, la question de l’efficacité informationnelle pourrait être formulée ainsi : à quoi sert, par exemple, un bulletin de sommaires ? Comment contribue-t-il à l’amélioration du fonctionnement et des prestations de l’organisation ? Plus globalement encore, comment mesurer la contribution du management de l’information à la performance de l’organisation ? La tradition (et parfois le confort) d’une politique centrée sur l’offre documentaire a peut-être reculé le moment de prendre en compte ces problématiques de la réception mais c’est là un champ d’étude promis à un avenir certain dans le secteur info-documentaire. É. Sutter propose d’ailleurs quelques pistes convaincantes.

Sans doute estimera-t-on l’auteur optimiste lorsqu’il juge possible une approche vraiment « balancée » de la performance, où l’organisation mère du service documentaire veut bien prendre en considération à la fois la qualité des prestations documentaires, les coûts et le temps passé, tant les dépenses liées à la fonction documentaire peuvent aujourd’hui constituer la première des variables d’ajustement budgétaire, sans considération pour le service rendu.

Pour autant, il est vrai que l’évaluation est aujourd’hui un des moyens de mieux intégrer la dimension documentaire au fonctionnement des organisations, privées comme publiques.  Autant que sur ses compétences propres et ses spécificités, la reconnaissance et la légitimité d’un service info-documentaire résident dans son alignement sur les mêmes repères de gestion que le reste de l’organisation : ainsi des bibliothèques universitaires, qui sont pleinement incluses dans le processus de « lolfisation » des relations contractuelles entre l’État et les universités, avec indicateurs à la clé.