Manuscrits littéraires du XXe siècle : conservation, valorisation, interprétation, édition

actes du colloque du 8 avril 2004

par Michel P. Schmitt
sous la direction de Martine Sagaert. Pessac : Presses universitaires de Bordeaux, 2005. – 170 p. ; 22 cm. – (Lecteurs, bibliothèques, usages nouveaux ; 8).
ISBN 2-911185-07-2 : 20 €

Au carrefour de la littérature, de la science des textes et de la bibliothéconomie, le développement moderne des approches archivistiques, codicologiques et génétiques permettent de comprendre l’œuvre littéraire en gestation, et la valeur heuristique de la démarche n’est plus à démontrer.

Défense et illustration de la recherche de terrain

L’IUT Michel de Montaigne de l’université de Bordeaux III organise depuis 1999 des journées professionnelles intitulées « profession bibliothécaire », pour réfléchir sur l’évolution des métiers liés aux bibliothèques-médiathèques. En 2004, le colloque fut consacré aux « Manuscrits littéraires du XXe siècle : conservation, valorisation, interprétation, édition 1 ». C’est donc tout naturellement de génétique littéraire qu’il fut question.

Martine Sagaert, professeur de littérature du XXe siècle dans le pôle des métiers du livre et chercheuse en génétique, coordonna cette journée professionnelle, en relation notamment avec les grandes institutions nationales de la recherche 2 et les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, la direction régionale des affaires culturelles, le conseil régional d’Aquitaine, les bibliothèques universitaires, etc. Il faut saluer ce geste fort pour défendre, illustrer et promouvoir la recherche scientifique et littéraire de terrain en direction des institutions les plus prestigieuses, dans leur variété même.

Martine Sagaert se chargea du suivi et de la publication en 2005, aux Presses universitaires de Bordeaux, de Manuscrits littéraires du XXe siècle, dont le titre un peu plat et la maquette terne ne sont guère de nature à manifester l’intérêt de l’ouvrage. Dans un avant-propos chaleureux, Jean-Pierre Vosgin, directeur du pôle métiers du livre de l’IUT de Bordeaux, ouvre les débats. Marie Dinclaux présente ensuite la collection « Lecteurs, bibliothèques, usages nouveaux » dont elle est la directrice. Suivent alors les contributions qui animèrent cette journée.

Une vulgarisation intelligente

Claire Bustarret présente un exposé clair sur l’approche codicologique des manuscrits littéraires, en s’appuyant sur de nombreux exemples et en y mettant la passion que l’on peut mettre dans la description d’un objet manuscrit. Son propos est accompagné de photographies, dont celles de pages de cahiers d’écolier de Proust et de Bernanos.

Marie-Odile Germain relie l’originalité littéraire à la considération de la modernité pour le manuscrit, et rappelle à ce propos le geste de Victor Hugo qui, en lui léguant ses papiers personnels, obligea la Bibliothèque nationale à créer un fonds spécifique d’archives modernes et contemporaines, distinct du fonds des manuscrits anciens. Elle fait en outre le point sur les travaux en cours à la BnF en matière de catalogage et de numérisation.

Martine Sagaert ouvre le grand chantier génétique des œuvres de Christiane Rochefort et s’intéresse à Porte du fond, tandis que Catherine Viollet observe chez l’écrivain la fabrique de son autobiographie rebelle. Hélène de Bellaigue présente une trentaine de manuscrits conservés à la bibliothèque municipale de Bordeaux. Agnès Vatican fait le point sur les manuscrits et les archives de France, en insistant sur la différence entre « collection » et « fonds constitué ». Philippe Lejeune présente les manuscrits qu’il a rassemblés pour son ouvrage Un journal à soi. Histoire d’une poétique. Alain Goulet envisage la valorisation des manuscrits des Caves du Vatican de Gide à travers son édition génétique sur cédérom : tout l’intérêt de son travail est de rendre possible la consultation des notes, brouillons, manuscrits et dossiers divers sur l’œuvre et de permettre l’exploration des diverses phases de son élaboration.

Une bibliographie pratique enrichit l’ouvrage qui, exemples et réalisations à l’appui, est susceptible de donner à tous ceux qui pratiquent les métiers du livre, aux spécialistes des textes et à tous les amoureux de la littérature dans ses rapports intimes d’un auteur avec le mystère de l’écriture, un bon aperçu des perspectives ouvertes par la recherche génétique en littérature.

Souhaitons que ce type de vulgarisation intelligente de la recherche spécialisée se développe et conduise, par exemple, un grand nombre de chercheurs vers les travaux d’Almuth Grésillon, l’Item et la revue Genesis qui connaît aujourd’hui de graves difficultés dans sa diffusion. Une telle entreprise, interdisciplinaire dans son principe, ne peut que favoriser les échanges scientifiques et métho-dologiques entre les chercheurs et contribuer à pallier la gêne occasionnée par l’éparpillement des manuscrits dans trop de lieux différents. C’est à ce titre qu’il faut souhaiter que cette collection dynamique accueille, dans les années qui viennent, les actes de colloques aussi enrichissants que celui-ci.

  1. (retour)↑  Voir le compte rendu de Jocelyne Hubert, BBF, 2004, no 5 (Ndlr).
  2. (retour)↑  Institut Mémoires de l’édition (Imec), Institut des textes et manuscrits modernes (Item), département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (BnF), Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique (APA), etc.