Construire une nouvelle médiathèque aujourd'hui

Est-ce encore et toujours construire une nouvelle cohérence et pour quels usages ?

Anne Dujol

Accueillie à la nouvelle médiathèque de Biarritz grâce à sa trésorière, Suzy Badet, la 40e journée d’étude du Cebral (Cercle d’études des bibliothécaires des régions Aquitaine-Languedoc) s’est tenue le 25 juin dernier sous la présidence de Jean-Claude Annezer, vice-président du Cebral. Elle avait pour thème l’architecture des bibliothèques comme reflet de leur organisation et de leurs usages.

Citant Pierre Riboulet – « La bibliothèque ne saurait être un lieu ordinaire » –, J.-C. Annezer rappela que, quelle que soit la collectivité, toute construction de bibliothèque doit émaner d’une volonté politique fondamentale ; la bibliothèque étant perçue comme « réseau de formation » de toutes les couches sociales, permettant un voyage de par le monde mais avec un enracinement dans un lieu, surtout en ces temps d’immatériel et d’électronique.

La médiathèque de Biarritz

Rappelant la genèse du projet de médiathèque conduit en parallèle avec d’autres projets culturels structurants (Conservatoire national de région pour la musique, Festival de danse avec compagnie en résidence), Jacques Abeberry * évoqua l’impulsion donnée à la culture par la nouvelle équipe municipale et la réalisation de la bibliothèque, « navire amiral d’une zone culturelle », aujourd’hui presque achevée.

Toute de verre et de bois, la bibliothèque, pensée et programmée par Bernard Noël et François Lombard (disparu en 2004), abrite 80 000 volumes sur 4 000 m2. Elle propose de multiples services aux usagers dont l’accès Wifi à Internet avec procédure d’authentification et la gestion des comptes-lecteurs. Elle offre des départements spécialisés : Image, America, un fonds local et un fonds basque. Sa construction aura coûté 5,5 millions d’euros hors taxes, l’équipement 1 million d’euros, ce qui représente un coût global au m2 Shon (surface hors œuvre nette) de 1 300 euros HT (ce dont rêveraient les bibliothèques universitaires).

Emmenés par sa directrice, Marie-Christine Irigoyen, les « cébraliens » auront pu constater la qualité des matériaux utilisés, résine et bois mêlés (acajou et garapa), la charte graphique déclinée aux couleurs de la mer et de la terre, la belle luminosité des lieux grâce aux mezzanines et passerelles, ainsi que le succès auprès du public puisque plus de 10 000 abonnés s’y pressent six mois après l’ouverture.

Pour son architecte, Patrick Loirat, la réussite du projet tient avant tout à la qualité des contenus (pas seulement du normatif) définis par F. Lombard qui s’est préoccupé de deux éléments : l’usage du bâtiment d’une part, et le contexte (l’inscription dans le paysage extérieur) d’autre part. Disposant de peu d’emprise au sol, dans un environnement externe hétéroclite (villas, hôtel, bâtiment scolaire), le bâtiment s’élève sur de grands plateaux ouverts assurant la « co-visibilité » de l’ensemble. Rappelant que « pour un bâtiment, l’usage prime », P. Loirat a souligné l’importance du comité de pilotage qui s’est réuni tous les quinze jours, et « sans langue de bois ». Pari réussi.

La médiathèque de Toulouse

En l’absence du directeur de la médiathèque José Cabanis, une vidéo ainsi qu’un reportage furent diffusés pour présenter la bibliothèque toulousaine, instaurant un dialogue parfois rude entre les participants sur le parti pris de la bibliothèque comme libre-service de type grand magasin, vieux débat lié au libre-accès et déjà ouvert pour la Bibliothèque publique d’information, sur lequel, me semble-t-il, les bibliothécaires ont évolué, préférant laisser les deux usages possibles : celui du libre-service et celui du service accompagné.

Mariangela Roselli, sociologue à l’université de Toulouse II le Mirail, a présenté son travail sur les médiathèques de quartier de Toulouse après l’ouverture de José -Cabanis, s’interrogeant selon quatre axes : les personnels, les outils constitutifs du réseau (en cours), la recomposition de l’offre documentaire, la spécialisation des publics.

De son exposé, on retiendra, pour les personnels, une homogénéisation de la réflexion sur le métier. Pour le public, elle constate une offre documentaire plus fluide, donc un meilleur service rendu. L’afflux du public vers « la grande bibliothèque », massif dans un premier temps, est en train de s’inverser : on assiste à un retour du public vers les médiathèques de quartier, à l’exception des faibles lecteurs, jeunes le plus souvent, qui se sont approprié la BMVR (bibliothèque municipale à vocation régionale) et son arche d’entrée en tant qu’espace de liberté et pour des usages détournés.

Le lendemain, les irréductibles « cébraliens » ont visité le Musée basque de Bayonne, récemment rénové, visite guidée et très savamment commentée par son conservateur Olivier Ribeton, un régal.

  1. (retour)↑  Maire-adjoint délégué à la Culture à Biarritz jusqu’en 2001, il est aujourd’hui élu au Développement et aux aménagements urbains.