La recherche australienne en maîtrise de l'information

2000-2005

Hilary Hughes

Michael Middleton

Sylvia L. Edwards

Christine Bruce

Lynn McAllister

Le sens prêté au concept de maîtrise de l’information a évolué ces dernières années en Australie ; les contextes et les approches de recherche se sont diversifiés. Malgré la prédominance des projets à visée éducative, la recherche concerne aussi le monde du travail ou le secteur associatif. On note un début d’intérêt pour les contextes culturels différents, attesté par le démarrage de recherches sur les thématiques transculturelles et les influences culturelles.

The meaning given to the concept of information literacy in Australia has evolved in recent years; contexts and approaches in research have diversified. Despite the predominance of projects with educational aims, research also concerns the world of work or the associative sector. An awakening interest has been observed in different cultural contexts, demonstrated by the beginnings of research into cross-cultural themes and cultural influences.

Die Interpretation des Konzepts Beherrschung des Umgangs mit Informationsmitteln hat sich in letzter Zeit in Australien weiter entwickelt. Kontext und Forschungsmöglichkeiten haben sich vervielfacht. Die Projekte sind zwar hauptsächlich auf dem Erziehungssektor aber die Forschungsarbeit befasst sich ebenfalls mit der Arbeitswelt und dem Gemeinwesen. Man bemerkt ein wachsendes Interesse für verschiedene kulturelle Kontexte, bestätigt durch neue Forschungsprojekte über transkulturelle und kulturelle Einflüsse.

El sentido prestado al concepto de dominio de la información ha evolucionado estos últimos años en Australia; los contextos y los enfoques de investigación se han diversificado. A pesar del predominio de los proyectos que apuntan a la educación, la investigación concierne también el mundo del trabajo o el sector asociativo. Se nota un principio de interés para los contextos culturales diferentes, certificado por el arranque de investigaciones sobre las temáticas transculturales y las influencias culturales.

« Les chercheurs en Information Literacy considèrent que leurs recherches relèvent du domaine ou du “ territoire” de l’Information Literacy, domaine qu’ils construisent en même temps qu’ils élargissent le champ de ces recherches » (11, p. 92).

Le territoire des recherches en Information Literacy (IL) s’est beaucoup enrichi en dix ans. On peut, avec Bruce, y reconnaître cinq dimensions : 1. la localisation sectorielle des recherches ; 2. les façons de considérer l’IL ; 3. l’objet de la recherche, soit ce qu’il s’agit d’étudier ; 4. la méthode de recherche, soit la manière dont on étudie cet objet ; 5. l’influence des disciplines. Bruce prévoit en outre qu’à l’avenir, le développement des recherches s’orientera probablement dans cinq directions : extension au-delà du secteur de l’enseignement ; prise en compte d’une plus grande variété de contextes culturels ; renforcement et consolidation des programmes de recherche ; collaboration accrue entre chercheurs ; définition des projets en fonction des priorités budgétaires.

Le présent article porte sur le développement de la recherche australienne en IL entre 2000 et 2005, et il s’intéresse également à ses orientations futures. Le tableau ainsi obtenu témoigne de l’évolution du sens donné à l’Information Literacy et de la diversification des contextes et des approches de recherche. Malgré la prédominance des projets à visée éducative, une part de plus en plus importante de l’activité de recherche concerne le monde du travail ou le secteur associatif. On note aussi un début d’intérêt pour les contextes culturels différents, attesté par le démarrage de recherches sur les thématiques transculturelles et les influences culturelles.

Le cadre australien

Les chercheurs et les professionnels australiens qui travaillent dans ce domaine définissent généralement l’Information Literacy comme « un mode de compréhension allié à un ensemble de capacités permettant aux individus de reconnaître le besoin en information quand il se fait sentir, et de localiser, d’évaluer et d’utiliser efficacement l’information voulue ». Quant aux personnes compétentes dans l’usage de l’information, ce sont celles qui, « lorsqu’elles ont besoin d’une information, sont donc capables d’identifier, de localiser, d’évaluer, d’organiser et d’utiliser efficacement l’information, de façon à faciliter la résolution de questions et de problèmes d’ordre personnel, professionnel ou social au sens large » (13, p. 3).

Évolution d’un concept

En Australie, le concept et les applications de l’IL ont évolué progressivement, de pair avec la reconnaissance croissante de leur pertinence sociale et éducative. D’abord associé à des procédures de formation aux pratiques bibliographiques enseignées à l’université et à l’école, ce champ s’est élargi jusqu’à former, non seulement un réseau de définitions théoriques et d’applications pratiques au service d’une approche critique de l’usage de l’information, mais aussi un ensemble de ressources pour la formation individuelle tout au long de la vie, telle qu’elle se poursuit dans les cadres formels ou informels mis en place dans la collectivité. Plusieurs temps forts présentés ci-dessous ont jalonné le développement que ce concept connaît aujourd’hui en Australie.

Si, dans les années 1970, les bibliothèques scolaires et universitaires ont adopté des approches différentes pour former aux procédures de recherche d’information, en Australie, c’est au début des années 1990 que cet enseignement a véritablement pris son essor, sous l’influence du Rapport final de la commission présidentielle de l’American Library Association (2) et des réformes éducatives impulsées par plusieurs rapports gouvernementaux. Developing lifelong learners through undergraduate education, le plus important de ces rapports dans la perspective de l’IL, insiste, dès le premier cycle universitaire, sur la nécessité de promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie (14). Il fait de la maîtrise de l’information l’une des quatre composantes essentielles des programmes de premier cycle, étant entendu que les étudiants en licence doivent posséder un solide bagage de compétences et de stratégies informatives pour devenir des professionnels qualifiés et jouer pleinement leur rôle dans la société.

Information Literacy (8), cette dernière élabore un modèle qui, à partir de différentes pratiques associées à l’information, se concentre sur l’utilisation de l’information et sur la réflexion qui doit l’accompagner. Bruce distingue dans l’IL sept caractéristiques distinctes mais interconnectées, dont chacune reflète une perspective privilégiée par les utilisateurs :

  • la technologie de l’information (l’IL comme moyen d’utiliser cette technologie pour rechercher l’information et la communiquer) ;
  • les sources d’information (l’IL comme moyen de repérer les informations localisées dans ces sources) ;
  • le processus d’information (l’IL comme moyen de mettre en œuvre une méthode) ;
  • le contrôle de l’information (l’IL en tant que capacité à exercer ce contrôle) ;
  • l’élaboration de connaissances (l’IL comme moyen de se constituer une base personnelle de connaissances dans un nouveau domaine d’intérêt) ;
  • l’élargissement des connaissances (l’IL associée au savoir pour dégager de nouvelles pistes) ;
  • le discernement (l’IL comme moyen d’utiliser judicieusement l’information dans l’intérêt collectif).

Le modèle relationnel de Bruce représente un changement de paradigme dans l’enseignement de l’IL, car, au lieu de prescrire les comportements souhaités, il met en lumière les variations des pratiques individuelles et insiste plus sur l’information et l’engagement des utilisateurs que sur l’aspect technologique. Il incite donc à une réflexion sur le contenu de l’enseignement, associé à un engagement dans des pratiques jugées représentatives.

La publication, en 2001, des Australian Information Literacy Standards – révisées, ces normes ont été rééditées sous un nouveau titre : Australian and New Zealand Information Literacy Framework (13) – constitue un autre temps fort de ce parcours. Définies sur le modèle américain des Information Literacy Competency Standards for Higher Education (3), elles précisent la définition de l’IL, formulent des règles cohérentes pour l’inscrire dans les cursus d’enseignement supérieur, et encouragent la collaboration entre universitaires, bibliothécaires et autres professionnels concernés. La majorité des universités australiennes proposent désormais des programmes en maîtrise de l’information élaborés en conséquence (13, p. 41-48).

À la faveur de ces avancées théoriques et pratiques, l’attention jusqu’alors accordée à la formation des usagers aux « outils bibliographiques » s’est progressivement élargie à une conception holistique de la maîtrise de l’information dans l’enseignement supérieur, pensée tant pour permettre aux étudiants « d’apprendre à apprendre » que pour accompagner leur développement et le rôle qu’ils sont appelés à remplir en tant que citoyens « informés » (52). La manière dont la plupart des bibliothécaires universitaires conçoivent leur mission a évolué dans le même sens, et ils participent aujourd’hui plus activement à l’élaboration des programmes. Ils s’emploient à acquérir les compétences pédagogiques nécessaires pour collaborer pleinement avec leurs collègues enseignants, intervenir dans les débats sur l’enseignement et dans la prise de décision (12 ; 18 ; 69).

Ces dernières années, la prise de conscience croissante de l’importance sociale et économique de l’Information Literacy pour la collectivité dans son ensemble, tant au niveau local que national et international, en a élargi le champ au-delà du seul secteur éducatif. L’ALIA (Australian Library and Information Association) en a fait en 2001 une condition préalable de la « citoyenneté participative » et de l’apprentissage tout au long de la vie (4). Plusieurs délégués australiens assistaient à la conférence internationale d’où est issue la Déclaration de Prague (40), texte qui présente l’IL comme « un préalable nécessaire pour participer efficacement à la société de l’information » et comme « une composante du droit fondamental à la formation tout au long de la vie ».

La recherche australienne en Information Literacy

Ce qui précède atteste le dynamisme des recherches en Information Literacy dans la communauté scientifique australienne. À l’origine de la formation de groupes de recherche pluridisciplinaires (l’équipe constituée à la Queensland University of Technology, par exemple), il impulse également les activités et les prises de position d’organisations professionnelles telles que l’ANZIIL (Australian and New Zealand Institute of Information Literacy), l’ALIA ou l’ASLA (Australian School Library Association). Les recherches en IL bénéficient par ailleurs de colloques internationaux organisés en Australie, dont les trois conférences internationales sur l’apprentissage tout au long de la vie qui ont eu lieu en 2000, 2002 et 2004, ou le congrès de bibliothécaires prévu en 2005 (« Evidence Based Library Conference »). Bien que le présent article porte essentiellement sur la recherche universitaire, on ne saurait passer sous silence les enquêtes et les réflexions qui ont cours dans nombre d’écoles, d’instituts et d’organismes professionnels à propos des pratiques.

Panorama de la situation actuelle

La recherche australienne en IL se répartit aujourd’hui entre trois grands secteurs : l’enseignement supérieur, le monde du travail et la société au sens large. Afin de donner une idée du champ couvert par la recherche dans ces trois secteurs, nous présentons ci-dessous une sélection de projets, récemment aboutis ou en cours.

La recherche en Information Literacy dans l’enseignement supérieur

Ce secteur, qui concentre la plus grosse part de la recherche en IL, la développe en fonction de plusieurs axes ; soit, pour en citer quelques-uns : les pratiques étudiantes relatives à la maîtrise de l’information en général ; les pratiques propres aux différentes disciplines ; le développement et l’évaluation des programmes d’IL ; l’influence de l’IL sur les attitudes des étudiants face à la recherche d’information ; l’IL en tant que compétences génériques ou attribut spécifique.

Pratiques étudiantes en maîtrise de l’information en général

Deux études portant sur les pratiques des doctorants éclairent sur certains points la manière dont les étudiants s’y prennent pour collecter, conserver, récupérer et organiser leurs données de recherche (30 ; 53) ; elles analysent également les attentes et les expériences du corps enseignant vis-à-vis de ces étudiants et émettent des recommandations pour que les programmes existants correspondent mieux aux besoins spécifiques des doctorants.

L’idée que l’Information Literacy est une approche de la formation intellectuelle (46 ; 8) reste d’actualité, et les recherches menées par Lupton sur la nature de l’Information Literacy et son rapport avec le processus d’apprentissage viennent à l’appui de cette thèse. Lupton (51 ; 52) établit un parallèle entre l’approche de la formation intellectuelle et la représentation que les enseignés se font de l’IL. Le projet auquel elle travaille en ce moment porte, dans le cadre de contextes disciplinaires précis, sur les différentes manières dont les étudiants en dernière année de premier cycle abordent la maîtrise de l’information. Il se propose de définir un modèle du rapport entre Information Literacy et processus d’apprentissage. Les résultats escomptés serviront à élaborer des programmes d’enseignement en maîtrise de l’information, et ils devraient affiner notre compréhension de la nature de l’IL, sous son double aspect de compétence générique et de caractéristique spécifique.

L’acquisition par les étudiants de connaissances et de compétences propres à l’Information Literacy intéresse aussi beaucoup les chercheurs. Selon Pavey, si, en la matière et pour ce qui est de la capacité à communiquer, le niveau des enseignants et étudiants d’université est satisfaisant, les premiers se montrent généralement plus confiants que les seconds sur ce sujet (68). Ce constat corrobore les résultats d’une étude montrant que le degré de maîtrise de l’IL par les étudiants en première année de premier cycle est très variable.

Lim et Lee soulignent quant à eux la nécessité de former les étudiants à la maîtrise de l’information, d’une part pour répondre aux exigences des employeurs qui recrutent sur diplômes, d’autre part et surtout pour offrir de vrais débouchés aux étudiants maintenant que l’usage de l’informatique s’est généralisé à tout le secteur tertiaire (48). La recherche conduite par -Oliver et Towers confirme le caractère indispensable d’une formation en Information Literacy (61). Ils observent des disparités entre les étudiants d’université et les étudiants d’IUT (instituts universitaires de technologie) en ce qui concerne l’accès aux TIC (technologies de l’information et de la communication) et les compétences qu’elles réclament. Le fait qu’à cet égard les groupes minoritaires soient défavorisés est un facteur à prendre en compte dans le développement des programmes de maîtrise de l’information.

Empruntant à une approche de la psychologie cognitive, Macpherson a utilisé des méthodes conceptuelles pour former les étudiants de premier cycle à la recherche d’information (54) ; cette approche a notablement amélioré leur maîtrise des processus de recherche et leur capacité à localiser des informations fiables. Une autre étude est par ailleurs venue conforter la thèse qui, pour stimuler la production des idées, la résolution des questions et la curiosité intellectuelle, prône l’adoption d’une perspective cognitive ouverte sur la formation intellectuelle (31).

Les travaux de Middleton (59) sur la contribution des bibliothèques à l’enseignement en ligne s’appliquent également à l’Information Literacy. Sa recherche, qui porte sur l’offre effective de services de bibliothèque en ligne en direction des entreprises du tertiaire, part de l’hypothèse que la plupart des usagers de bibliothèque en formation, qu’ils soient ou non inscrits dans les programmes d’enseignement à distance, utilisent de toute façon les services numériques. Les études de cas effectuées sur plusieurs services représentatifs fournissent une mine de renseignements sur les conditions dans lesquelles la fourniture de services de bibliothèque en ligne est actuellement assurée. Cette recherche devrait déboucher à terme sur un modèle de développement efficace et permanent des services de bibliothèque en ligne, d’autant qu’elle s’accompagne d’une analyse situationnelle de l’aide apportée à un public éloigné.

Pratiques propres aux différentes disciplines universitaires

Cuffe et Bruce (15) se sont penchés sur l’usage que les étudiants en droit font de l’information et des technologies qui s’y rapportent. Ils constatent qu’en dépit de la richesse des ressources en information et des technologies de l’information présentes dans leur environnement, en dépit aussi du niveau élevé de leur formation, à l’heure actuelle, les cursus de droit échouent à transmettre des modes de résolution efficaces – pourtant cruciaux dans la pratique juridique – des problèmes d’information. Ces résultats ont poussé à l’élaboration d’un programme d’enseignement destiné à inculquer ces compétences indispensables ; le paradigme de la formation à la recherche juridique y a été remplacé par celui de l’acquisition de l’Information Literacy juridique.

Développement et évaluation des programmes

Brewer estime qu’il y a lieu de s’interroger sur la valeur des programmes d’IL (6). L’évaluation de l’un d’entre eux, intégré à un cursus de premier cycle, montre que le fait de l’avoir suivi n’a que peu d’incidence – voire aucune à long terme – sur les compétences à la recherche des étudiants.

À l’inverse, plusieurs chercheurs qui ont évalué la mise en œuvre des programmes d’IL à l’aide de diverses méthodes obtiennent des résultats nettement plus encourageants (19 ; 35 ; 36 ; 37 ; 82). Certaines enquêtes soulignent par ailleurs la nécessité d’améliorer les méthodes d’enseignement et les modalités de mise en œuvre desdits programmes (21 ; 70). Une étude conduite à l’université Macquarie démontre que la prise en compte des programmes d’IL dans l’évaluation de l’enseignement et la définition des tâches accroît l’intérêt et, partant, la réussite de l’expérience d’apprentissage (73). Ses auteurs sont toutefois d’avis qu’une telle intégration ne doit pas se faire « aux dépens de la structure sur laquelle reposent le contenu des unités de valeur ainsi que les processus d’acquisition et de contrôle des connaissances ».

D’autres études ont pour objet l’efficacité de la collaboration entre bibliothécaires et universitaires ou chercheurs aux programmes d’IL (41 ; 72 ; 76). Pour les enseignants et les bibliothécaires qui travaillent avec eux, l’enjeu est de s’assurer que les connaissances ici enseignées sont pertinentes, régulièrement répétées, correctement définies, qu’elles répondent à de solides projets éducatifs et reposent sur des modes de transmission adéquats, qu’elles concernent enfin tous les domaines couverts par le programme (33 ; 77 ; 79). Hartmann précise notamment que les choix des étudiants étant influencés par leur parcours antérieur, ils suivront les programmes d’IL « en tant que matière dans la mesure seulement où il leur semble que les chargés de cours et les professeurs l’exigent d’eux ».

Influence de l’IL sur le comportement des étudiants face à la recherche d’information

Plusieurs études tentent de cerner les comportements des étudiants vis-à-vis de la recherche d’information et de son utilisation.

Pour Cunningham, Reeves et Britland (16), la conception des bibliothèques numériques de musique pourrait utilement s’inspirer d’enquêtes sur le comportement de la clientèle des disquaires et des bibliothèques publiques face à l’information. Klaus (45) a dirigé une étude phénoménographique sur l’utilisation de thésaurus, menée par une équipe de chercheurs spécialisés dans la recherche en ligne. Par cette étude, Klaus a essayé de comprendre quelle représentation du thésaurus peuvent avoir des utilisateurs amenés à rechercher sur le web des outils d’indexation et d’analyse. Klaus se demande en conséquence s’il ne serait pas utile d’ajouter aux programmes d’Information Literacy de l’enseignement supérieur ces éléments-clés que sont apparemment les thésaurus.

Une autre étude phénoménographique effectuée par Parker montre que s’il y a probablement un rapport entre la formation intellectuelle des étudiants et leurs attitudes face à l’information, il « est structuré par une définition étroite de “l’information” dans la littérature universitaire, et envisagé en dehors du champ des sciences de l’information » (62). Parker qui, pour comprendre la complexité de l’interaction entre apprentissage et information, a observé des étudiants s’acquitter de tâches d’évaluation, pense que ce domaine mériterait d’être exploré davantage.

Edwards utilise également la phénoménographie pour déterminer les variations des pratiques de recherche d’information sur le web mises en œuvre par les étudiants (23 ; 24 ; 26 ; 27). Ses découvertes sur la manière dont ils apprennent à utiliser Internet et les bases de données des bibliothèques parlent en faveur de l’introduction de stratégies d’enseignement et d’apprentissage dans des programmes fondés sur l’organisation des pratiques étudiantes.

L’impact des caractéristiques culturelles et linguistiques sur les pratiques des internautes est au cœur du projet de recherche auquel s’est attelée Hughes dans le double objectif de mieux saisir comment, à l’échelle internationale, les étudiants utilisent les ressources en ligne, et de déterminer les besoins de formation en Information Literacy de jeunes gens aux origines culturelles diversifiées (38).

L’IL en tant que compétence générique ou attribut spécifique

Qu’elle concerne ou non l’ensemble des programmes universitaires, l’intégration de l’Information Literacy dans les cursus est un autre aspect important du débat. Abbott et Peach proposent une vue d’ensemble du travail accompli à l’université Griffith pour intégrer l’IL dans les cursus et la porter au rang de composante générique (1). La politique similaire adoptée par l’université Curtin est décrite en détail par Briguglio (7). Patrick et Crebert estiment pour leur part qu’il « faut envisager le rôle de la personnalité ou du caractère comme une influence jouant sur les manières d’appréhender l’importance du développement ultérieur des compétences génériques » (67). Ils préconisent de réfléchir à des stratégies qui feraient clairement ressortir la nécessité de développer l’Information Literacy tout au long de la vie.

Enfin, en conclusion d’une étude sur les connaissances en IL acquises par des étudiants de troisième cycle et sur leur capacité à les traduire dans leurs activités professionnelles, Yashin-Shaw, Buckridge et Ferres avancent qu’on leur faciliterait la tâche en les aidant à se forger une idée explicite, et non pas implicite, de ce bagage (81). Si tel était le cas, soutiennent ces auteurs, ils auraient une image plus claire de leur profil lorsqu’ils cherchent un emploi et parviendraient plus facilement à transférer leurs connaissances dans la sphère professionnelle. Ces observations ont des implications pour la recherche en Information Literacy telle qu’elle est organisée à l’université ou dans l’entreprise.

La recherche en Information Literacy dans le monde du travail

Débordant le cadre de l’enseignement, la recherche en IL s’étend désormais au monde du travail. L’attention se focalise déjà sur plusieurs thèmes, à savoir : les besoins des entreprises en technologies de l’information ; le transfert de l’Information Literacy, y compris sous ses aspects technologiques, de l’enseignement à la sphère professionnelle ; le développement de programmes d’IL dans l’entreprise ; les comportements face à l’information dans le monde du travail.

Le transfert de l’Information Literacy de l’enseignement à la sphère professionnelle

Comme l’indique la dernière étude présentée ci-dessus (81), depuis quelque temps les chercheurs s’intéressent au transfert de l’Information Literacy de l’enseignement théorique à la pratique professionnelle.

Leur enquête sur les élèves infirmiers amène Searle, Dwyer, Jirowong et Hinton à préconiser la constitution d’ateliers en Information Literacy dans le domaine de la santé et à inciter les bibliothécaires travaillant dans ce secteur à participer plus activement aux sessions de formation organisées pour les personnels de santé (71). Ils trouvent aussi qu’il faudrait encourager les étudiants de premier cycle à engager des projets de recherche en collaboration avec les milieux de la santé et les associations locales.

Les besoins des entreprises en technologies de l’information

Des recherches récentes sur le monde du travail appellent également à améliorer l’enseignement universitaire des compétences relatives à l’information et aux technologies s’y rapportant. Lawson et de Martos sont ainsi partis d’une enquête sur les expériences d’étudiants de niveau licence pour analyser les tendances de la demande des employeurs en ce qui concerne la maîtrise des technologies de l’information (47). Leurs résultats intéressent directement le contenu de l’enseignement de licence.

Le développement de programmes d’IL en entreprise

Dans une étude sur des journalistes amenés à travailler avec des bibliothécaires sur leur lieu de travail, Bradley évoque le « manque de recherches autour de la transposition au monde du travail de l’enseignement théorique universitaire » (5). Il propose en conséquence de consacrer des études supplémentaires aux projets de formation conçus par les bibliothécaires à l’intention des journalistes, aux possibles modalités de la coopération de ces deux corps professionnels en vue du développement des ressources formatives et aux méthodes de formation qui seraient les plus profitables aux journalistes.

Dans une conclusion remarquée, il suggère qu’il faudrait davantage se pencher sur les raisons qui poussent les bibliothécaires à introduire des programmes d’IL dans les bibliothèques, afin de déterminer ce que de tels programmes apportent de fait dans des contextes différents.

Usages et comportements face à l’information dans le monde du travail

Le rapport entre Information Literacy individuelle et organisationnelle retient depuis quelque temps l’attention des chercheurs. Bruce avance que les pratiques de maîtrise de l’information au travail sont en lien étroit avec les méthodes couramment appliquées par les entreprises, qu’il s’agisse de veille stratégique, de gestion de l’information, de mémoire de l’entreprise, de stratégies recherche et développement (10).

Kirk, qui a lui aussi enquêté sur ce terrain (42 ; 43 ; 44), distingue au total cinq aspects qualitativement différents de l’utilisation de l’information dans l’entreprise : la présentation de l’information, la facilitation de la transmission des flux de données, le développement de connaissances et de perspectives nouvelles, l’élaboration des jugements et des décisions, l’influence sur autrui. D’autres recher-ches portent sur l’utilisation de l’information et les attitudes qu’elle génère dans des environnements professionnels précis ; c’est par exemple le cas du travail mené par Lloyd auprès des pompiers (50), ou de celui consacré par Cunningham, Knowles et Reeves aux personnels d’université chargés de l’assistance technique (17).

Un projet dirigé par Middleton devrait par ailleurs affiner la compréhension de la genèse et du développement des services d’information scientifique et technique en Australie (58). Il comprendra une analyse des qualifications des spécialistes de la gestion de l’information, et traduira les résultats relatifs à l’Information Literacy dans des propositions de programmes destinés à former des personnels non spécialistes aux applications des systèmes d’information. Il s’agit là d’un facteur important pour la préparation à l’emploi.

La recherche en Information Literacy dans la société au sens large

Les recherches récentes sur les besoins de la société en Information Literacy apportent une preuve supplémentaire de l’élargissement des perspectives de ce domaine de recherche, ouvert sur des contextes culturels de plus en plus diversifiés. En la matière, les questions clés concernent l’accès à l’information et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication.

L’utilisation des TIC

La synthèse qu’ils opèrent entre des rapports statistiques d’actualité et d’autres sources d’information fiables du domaine public permet à Funston et Morrison de décrire comment, dans l’ensemble, les jeunes Australiens utilisent Internet et les autres TIC (29). Les auteurs constatent en outre que, bien que l’Australie fasse toujours partie des pays les mieux équipés à cet égard, la « fracture numérique » y reste préoccupante. La situation familiale, les revenus du ménage et le niveau d’instruction s’avèrent en l’occurrence déterminants.

Dans une étude qui touche de près au thème de l’Information Literacy, Hardy passe au crible les efforts déployés par les autorités locales de l’État de Victoria (32). Il démontre ainsi que nombre d’organismes s’emploient à trouver, organiser et redistribuer l’information à l’intention de leurs administrés. Si son rapport fait état d’une forte demande pour des cours d’initiation à « la maîtrise de l’outil », il suggère aussi qu’une volonté plus soutenue d’assurer la formation de personnels qualifiés contribuerait efficacement à augmenter la capacité de production d’information des services publics. Ce pourrait être, selon Hardy, l’occasion de développer des partenariats entre bibliothèques et collectivités locales.

Accès à l’information et action sociale

L’Information Literacy n’est pas non plus sans rapport avec la justice et l’action sociales.

Une étude sur la façon dont les adolescents utilisent l’information pour rassembler et analyser des données relatives à la consommation d’héroïne a ouvert quelques pistes sur les actions éducatives et informatives à engager vis-à-vis de ce problème social de l’usage de la drogue (75). Une autre enquête ciblée sur l’accès à l’information des aveugles et des malvoyants montre que d’autres ressources qu’Internet, les stations de radio par exemple, devraient spécifiquement pourvoir aux besoins des personnes visuellement déficientes (80). Soulignant que de tels services sont d’une nécessité vitale pour ceux qui souffrent d’un tel handicap, les auteurs affirment qu’il faut au moins maintenir à son niveau actuel l’offre de ces services.

Les recherches actuellement poursuivies par Partridge portent spécifiquement sur la dimension humaine de la fracture numérique (63 ; 64 ; 65 ; 66). Le nouveau cadre théorique à partir duquel y est envisagée la coupure sociale entre « inforiches » et « infopauvres » apporte la démonstration que la disponibilité des ressources et les moyens financiers d’y accéder sont loin d’en être les seules causes. Cette recherche vise entre autres à définir une échelle de perception de l’efficacité personnelle atteinte avec Internet, outil d’évaluation utilisable pour toutes les catégories sociales. Il permettra aux organismes qui s’efforcent de diminuer la fracture numérique (les bibliothèques publiques par exemple) de concevoir des services et des programmes « sur mesure » en vue de résorber de manière plus précise et efficace l’écart qui sépare les nantis de l’information de ceux qui n’y ont pas accès. Cela permettrait d’offrir à tous les membres de la collectivité des chances égales de s’inscrire durablement dans des parcours personnels et professionnels productifs, en phase avec la rapide émergence de l’ère numérique.

Les besoins d’information des gens souffrant de sévères handicaps physiques sont pris en compte dans une recherche en cours dirigée par Tilley (74). L’équipe est partie du constat que la technologie, justement, pouvait offrir à ces personnes des stratégies d’indépendance, et favoriser de la sorte leur autonomisation. Reste que s’il permet plus d’autonomie, le processus qui confère un sentiment de maîtrise peut aussi, dans certains cas, développer la dépendance. Les problèmes inhérents à la fracture numérique et le fait que, pour les gens handicapés, la réalité virtuelle puisse être « à double tranchant » expliquent les recoupements observés entre autonomisation et dépendance. Ces résultats serviront à formuler des recommandations pour l’élaboration d’un cadre de travail théorique, et à définir les stratégies d’application d’un modèle de communauté virtuelle fondé sur les besoins d’information d’utilisateurs du Queensland atteints de handicaps physiques ou moteurs de longue durée.

La fracture numérique est également au cœur de l’enquête menée conjointement par McMahon et Bruce sur les besoins d’information dans des environnements interculturels (57). Ce travail analyse les différences entre employés aborigènes et employés occidentaux en charge de l’aménagement quant à la perception des besoins en information. Ses conclusions dégagent plusieurs pistes de réflexion dont pourraient utilement s’inspirer la politique et les pratiques du développement interculturel, en particulier les projets visant à réduire la fracture numérique, de manière à se donner plus de chances d’obtenir des résultats durables.

Le secrétariat de la condition féminine de Nouvelles-Galles du Sud a piloté une étude sur les besoins d’information propres aux femmes (78). Des conseillères des gouvernements d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont participé à ce projet qui rend compte de la manière dont elles abordent la recherche d’information relativement aux publications gouvernementales.

Les méthodes de la recherche en Information Literacy

Les projets de recherche passés en revue ci-dessus font appel à des approches méthodologiques très diverses, qui vont de l’enquête à l’analyse théorique approfondie en passant par la technique dite de l’incident critique et la phénoménographie (cf. fig.).

Illustration
Échantillonnage des méthodes utilisées par les chercheurs australiens en Information Literacy

Il est intéressant de remarquer qu’une grande partie des travaux aujourd’hui menés sur l’IL empruntent à des approches que l’on ne saurait mieux décrire qu’en les qualifiant de qualitatives, d’interprétatives, voire de critiques dans leur orientation. Si chacune répond à des exigences scientifiques précises, la phénoménographie est peut-être la plus représentative de la recherche australienne dans ce domaine, ce qui justifie qu’on s’y arrête un peu plus longuement.

La phénoménographie est une méthode de recherche interprétative visant à « préciser les modes qualitativement différents sur lesquels les gens vivent, conceptualisent, perçoivent et comprennent divers aspects du monde environnant, ainsi que les phénomènes qui s’y produisent » (55). D’abord utilisée comme une approche de recherche en éducation, elle est appliquée depuis peu à l’Information Literacy (8 ; 22 ; 23 ; 24 ; 49 ; 51 ; 52). Centrée sur l’observation du rapport entre l’individu (le sujet) et telle ou telle composante du monde en question (l’objet) (8 ; 56), elle décrit et le sens caché du mode sur lequel les phénomènes sont vécus, et les variations qui l’affectent (25).

L’enquête phénoménographique permet d’identifier non seulement les différentes perceptions individuelles d’un même phénomène, mais aussi les rapports structurels entre ces modalités d’expérience définies comme un ensemble fini de catégories (par exemple dans les Seven Faces du modèle d’Information Literacy élaboré par Bruce [8]).

Orientations futures de la recherche australienne

Cette présentation générale atteste la vitalité et la productivité de la recherche australienne en Information Literacy. Son champ d’application s’est élargi de l’enseignement supérieur à la société, au monde du travail, aux contextes multiculturels, et l’adoption d’un riche éventail d’approches lui a permis d’affiner la compréhension du concept d’IL et des pratiques qui lui sont liées. Il s’agit pourtant toujours d’un domaine en extension, plein de possibilités et de défis, dont la croissance et la maturité dépendent en dernier ressort du traitement qui sera accordé à un certain nombre de facteurs importants. Les problèmes primordiaux auxquels sont actuellement confrontés les chercheurs australiens concernent notamment :

  • l’élaboration d’un programme global de recherche renforcé et consolidé, qui intègre les initiatives tant nationales qu’internationales, antérieures ou contemporaines ;
  • le développement d’une collaboration plus poussée entre institutions de recherche régionales, nationales ou internationales ;
  • des conditions de financement optimalisées, qui, tout en soumettant les projets de recherche de tous types au respect des critères universitaires d’intégrité et d’engagement, permettraient de débloquer des crédits pour soutenir le travail des étudiants doctorants.

Programme global de recherche

Cet enjeu intéresse directement plusieurs organisations, dont le Conseil des bibliothèques universitaires australiennes, et, comme on l’a vu plus haut, des associations telles que l’ANZIIL, l’ASLA et l’ALIA. Le comité de recherche récemment constitué par cette dernière va vraisemblablement défendre les secteurs prioritaires définis par le bureau national. Ils couvrent notamment les compétences en IL réclamées dans certains domaines, par exemple la mission des bibliothèques en direction des jeunes adultes.

Collaboration

Le lancement d’un séminaire annuel sur les applications de la recherche fait partie des initiatives à même d’intensifier la collaboration entre institutions. Le tout premier, organisé en 2004 à la Queensland University of Technology (60), a permis d’identifier dans les institutions universitaires des domaines d’intérêt mutuel pour la recherche en bibliothéconomie et sciences de l’information ; plusieurs des caractéristiques de l’IL ont naturellement été retenues.

Le séminaire a par ailleurs réuni de nombreux professionnels, bibliothécaires ou documentalistes, qui ont réagi à des communications universitaires. On table aujourd’hui sur une participation accrue de ce milieu, surtout s’agissant de pratiques factuelles. La session de 2005 a été confiée à la Charles Sturt University, en association avec la Bibliothèque nationale d’Australie ; celle de 2006 sera assurée par l’université de technologie Curtin.

La même tendance à la collaboration se développe au sein des institutions, ainsi que l’illustre l’expérience du groupe de recherche en IL de la Queensland University of Technology. Ce groupe encore embryonnaire s’est constitué autour d’un domaine de recherche lui aussi en germe, mais la liste de plus en plus imposante des thèses et publications des universitaires et des doctorants qui le composent dénote son dynamisme.

Une partie de ces travaux ont été cités dans les pages qui précèdent ; Edwards, Bruce et McAllister les décrivent plus en détail (28). Le groupe « Matching users with information », créé à l’université Charles Sturt, regroupe lui aussi des chercheurs qui travaillent sur l’Information Literacy (34).

Financement des recherches

Malgré les efforts de collaboration, aucun projet de recherche bénéficiant de financements conséquents n’a pour l’instant été lancé, et il reste encore un gros travail de terrain à accomplir avant que cela devienne envisageable.

L’équipe de la Queensland University of  Technology pour ne citer qu’elle, explore en ce moment les sources possibles de financement extra-universitaire. Afin de compléter les classiques bourses de recherche (allouées par l’État), elle cherche à établir des partenariats avec des entreprises du secteur privé et des institutions potentiellement intéressées, telles la Bibliothèque nationale d’Australie, la Bibliothèque d’État du Queensland, les conseils municipaux ou les établissements d’enseignement technique et spécialisé.

La définition du programme global de recherche dépend étroitement des alliances stratégiques nouées entre les disciplines et les institutions, d’une part, et d’autre part des accords de partenariat conclus avec les entreprises.

Nous ne pourrons y parvenir qu’en réunissant une communauté de chercheurs désireux de s’engager dans les échanges interdisciplinaires et de nouer des rapports suivis entre groupes de spécialistes. Nous devons par ailleurs surmonter la faiblesse essentielle de l’actuel programme de recherche en Information Literacy – précisément le fait qu’il soit établi par des inconditionnels de l’Information Literacy. Les progrès en la matière seront lents, sauf si nous arrivons à lier nos objectifs aux priorités des organismes qui financent la recherche, ou, mieux, à peser sur la définition de ces priorités.

Conclusion

Concret, inscrit dans la réalité, le programme australien de recherche en IL concerne des gens réels, qui font des choses réelles dans des contextes bien réels. Si l’enseignement supérieur reste au centre de ces recherches, la société au sens large et le monde du travail captent une part de plus en plus importante de l’intérêt et de l’activité qu’elles suscitent. La diversité culturelle de la société australienne et les effets socio-économiques de la mondialisation retiennent également l’attention des chercheurs en IL. La valeur de la recherche en maîtrise de l’information a partie liée avec les potentialités qu’elle comporte pour l’autonomisation des individus, le maintien du bien-être économique et social, l’incitation à la formation tout au long de la vie.

Reste à créer, et à saisir, les occasions de développer ces recherches.

Septembre 2005

  1. (retour)↑  Traduit de l’anglais par Oristelle Bonis.
  2. (retour)↑  Traduit de l’anglais par Oristelle Bonis.