Éditorial

Anne-Marie Bertrand

Nous vieillissons. Nous devenons plus vieux, de plus en plus : l’espérance de vie en France atteint 83,8 ans pour les femmes, 76,7 ans pour les hommes – 80,2 ans en moyenne *.

L’âge moyen des conservateurs de bibliothèque était, en 2000, de 47 ans et 5 mois.

Non seulement nous vieillissons, mais nous devenons vieux en même temps. Et nous allons partir en retraite en même temps – 46 % des conservateurs d’ici 2010. Nous ? Les enfants du baby-boom, appelés à devenir les vieux du « papy-boom ».

Appel d’air, respiration, soulagement : du côté des jeunes, le départ massif des plus anciens est positif. Davantage de postes vacants, de responsabilités à prendre, d’initiatives, des nouvelles bibliothèques à inventer. Du côté des anciens, enfin du temps pour lire, pour faire du vélo, voyager dans le vaste monde, s’occuper des petits-enfants, se mettre aux arts martiaux.

Que du bonheur !

Mais (aussi) quelques interrogations. Les départs en retraite vont-ils tous être compensés ? À niveau statutaire égal ? À niveau de qualification égal ? L’air du temps, si réticent à la dépense publique, ne rend guère optimiste sur ce point.

Autre interrogation, qui dépend plus étroitement de nous : le passage d’une génération à l’autre. Les sociologues du travail ont, depuis longtemps, souligné qu’un départ en retraite ce n’est pas seulement une personne qui s’en va, mais aussi son expérience, ses compétences, sa mémoire du métier, sa culture de l’entreprise. Comment faire en sorte que ces connaissances, cette expertise ne soient pas perdues ?

Ou bien, faudrait-il au contraire qu’elles soient perdues pour qu’un nouveau monde puisse voir le jour ? J’en doute, tant l’histoire et la mémoire de notre métier et de nos établissements nous instruisent – non seulement des valeurs et des ambitions (des utopies ?) dont notre groupe professionnel est porteur, mais aussi de nos lacunes, de nos faiblesses et même de nos erreurs.

Passer le témoin sans perdre la mémoire : joli programme.