Les jeunes et la lecture de la presse quotidienne d'information politique et générale

par Corinne Verry-Jolivet

Bernard Spitz

Paris : Ministère de la Culture et de la Communication, 2004.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/044000522.shtml

Bernard Spitz 1, maître de requêtes au Conseil d’État, spécialiste de l’économie des médias, s’est vu confier un rapport sur le lectorat des jeunes de la presse quotidienne par le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres.

Ce rapport, remis en octobre 2004, établit d’abord un constat : la lecture par les jeunes de la presse quotidienne d’information se heurte en France à plusieurs problèmes concomitants de prix, de distribution et de contenu. Elle doit en outre affronter la concurrence conjointe des magazines, de l’audiovisuel et plus récemment de la généralisation de l’Internet. Ces problèmes, préoccupants quant à l’accès des jeunes à l’information générale, constituent également une menace pour l’avenir de la diffusion de la presse écrite, amputée d’une partie de son lectorat potentiel.

Face à ce constat, Bernard Spitz présente huit propositions ayant pour objectif d’élever le nombre de jeunes lisant la presse quotidienne et d’inciter les éditeurs à renouveler leurs contenus dans ce sens.

Huit propositions

  • Abonnement gratuit à 18 ans, pendant deux mois, à un quotidien choisi, avec une prise en charge partielle des frais par l’État.
  • Utilisation gratuite de la presse comme support pédagogique pour les collèges et lycées, avec une prise en charge par l’État des frais de transport des quotidiens mis à disposition gratuitement par les éditeurs.
    Concernant ces deux premières propositions, on peut se demander dans quelle mesure les éditeurs pourront supporter les coûts de ces dispositions et s’ils seront prêts à jouer le jeu.
  • Vente des journaux dans les lycées en incitant les chefs d’établissement, par circulaire, à accepter et organiser la vente de la presse au sein de leur établissement, à prix réduit. Cette mesure concernerait plus de deux millions d’élèves, et commencerait à titre expérimental dans un petit nombre de lycées volontaires.
  • Extension du champ de la loi sur le mécénat pour inciter à l’application de ladite loi aux initiatives en faveur de la lecture de la presse chez les jeunes. Cette mesure pourrait financer des abonnements, contribuer à la fabrication d’un journal, etc.
  • Utilisation du fonds de modernisation pour des investissements consacrés à la lecture de la presse par les jeunes. Le fonds de modernisation n’était pas conçu jusque-là pour soutenir des projets significatifs visant à la conquête de nouveaux lectorats. Le comité d’orientation du fonds a le pouvoir néanmoins de décider de permettre le financement d’études, des actions de promotion ou la création de sites répondant à ces objectifs.
  • Promotion de la lecture de la presse dans l’audiovisuel public, qui prendrait la forme de revues de presse spécifiques ou de programmes télévisés dans tous les genres, y compris la « télé réalité » (ce qui laisse à penser qu’une certaine dose de « démagogie » ne serait pas exclue pour mener à bien ce projet…), en révisant le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, en particulier France 5.
    Cette mesure, si elle était suivie, aurait-elle vraiment l’impact supposé et n’est-elle pas d’emblée vouée à l’échec, compte tenu du support même qu’elle cherche à valoriser ?
  • Favoriser l’accès gratuit aux quotidiens sur Internet en ouvrant les archives Internet des quotidiens à tous les étudiants se connectant à partir de leur université. Un dédommagement des éditeurs serait versé par l’État pour l’abonnement par l’université.
    Sur ce point, la question qui reste en suspens est celle du coût de l’abonnement : resterait-il à la charge de l’université ?
  • Constitution d’un comité de suivi et d’évaluation.

Et les bibliothèques dans tout ça ?

On peut regretter, malgré la teneur très synthétique du rapport et des propositions concrètes et pragmatiques, que Bernard Spitz ne soit pas allé plus loin dans les modalités de mise en place des solutions proposées. Tout reste sans doute à faire, en particulier négocier avec les éditeurs et les administrations, sur un domaine qui n’a pas encore sensibilisé suffisamment ni le public ni les acteurs en jeu.

Il est à noter que Bernard Spitz ne prend quasiment pas en compte le rôle que jouent ou pourraient jouer les bibliothèques dans la sensibilisation et l’éducation à la lecture de la presse chez les jeunes. On pourrait souhaiter que la part qu’elles prennent dans le processus soit considérée et évaluée.

On sait seulement, par un texte introductif sur le site Internet du ministère 2, qu’à la suite de ce rapport et « après une concertation approfondie avec les représentants des éditeurs de presse », le ministre décidera des mesures à adopter pour dégager une enveloppe dans le projet de budget 2005 des aides à la presse.

Ce dossier est donc à suivre…