Rencontres nationales 2004 des discothécaires et bibliothécaires musicaux

Marc Boilloux

Les quatrièmes rencontres nationales des discothécaires, organisées en partenariat par l’Acim (Association pour la coopération de l’interprofession musicale), l’ABF Languedoc-Roussillon, la C2LR (Agence de coopération pour le livre en Languedoc-Roussillon) et la liste de diffusion Discothecaires_fr 1 se sont tenues à Saint-Jean-de-Védas (Hérault) les 15 et 16 mars 2004. Elles ont rassemblé environ 110 participants venus de toute la France. Suivant leur tradition récente, ces rencontres ont fait place à la fois à des débats thématiques et aux chantiers et questions d’actualité concernant la profession. Elles sont aussi l’occasion de renforcer le travail coopératif dont la liste de diffusion et le site Discothécaires 2 constituent les pivots.

L’animation musicale en bibliothèque

Après une riche introduction musicale offerte par le groupe languedocien Une anche passe, centrée sur le hautbois et ses cousins méditerranéens, la journée du 15 mars a été consacrée à la première table ronde, « L’animation autour de la musique en bibliothèque publique ». Christian Massault a suggéré d’orienter le débat vers les questions de problématique des missions (dans quel cadre s’inscrivent les animations réalisées ?) et d’animation des collections (qu’en fait-on ? Comment les fait-on vivre ?).

Des nombreux échanges avec la salle est ressortie la diversité des objectifs (mise en valeur des fonds, pédagogie, découverte du spectacle vivant, animation vers le public existant, vers de nouveaux publics ou vers des publics spécifiques). Des visées « stratégiques » ont été également citées (visibilité des services d’une collectivité, d’une discothèque qui vient d’ouvrir, création de liens avec écoles de musique ou conservatoires). Un même type d’animation suivant la bibliothèque peut donc avoir des objectifs très différents. Les moyens utilisés pour les atteindre vont des plus modestes (sélection de documents avec biblio-discographie, listes de nouveautés, écoute sur place…) aux plus ambitieux (conférences musicales, concerts, mise à disposition d’un piano dans un auditorium attenant à la bibliothèque, partenariats avec théâtres ou festivals…).

C’est l’organisation de concerts dans le cadre de la médiathèque qui suscite le plus de débats, en raison souvent du manque de moyens (locaux, budget pour organiser ou rémunérer le(s) musicien(s), etc.). Certains évoquent aussi la difficulté d’organiser et de réussir ce type d’animation (qui nécessite un accompagnement technique précis et qui suppose, pour être réussie, que la rencontre entre le musicien et le public se produise). Il faut également compter avec les réticences des élus (pour des questions de « visibilité » notamment). En face, les partisans du « concert en bibliothèque » arguent de la défense du spectacle vivant, de la possibilité de donner accès à des publics défavorisés, peu familiers des concerts.

La question des missions est donc naturellement posée. Les initiatives d’animations viennent en fait souvent des discothécaires/bibliothécaires. La majorité des discothécaires présents dans la salle n’étaient pas missionnés par leur tutelle pour en organiser. Parfois, devant le succès des animations (Valence), la tutelle missionne officiellement les discothécaires. Inscrire les animations dans le cadre des missions de la discothèque permet aussi d’associer des moyens aux animations envisagées. Enfin, pour pérenniser les animations, il est indispensable de se poser la question de l’évaluation de leur impact sur le public. Différents moyens furent cités en fonction des types d’animation (comptages, retours du public, notes pour la tutelle, etc.). Christian Massault souligna en conclusion le lien qui devrait être établi entre politique documentaire et politique d’animation.

L’assemblée générale de l’ACIM

Le 16 mars a eu lieu la première assemblée générale de l’Acim suivant ses nouveaux statuts (les abonnés de la revue Écouter Voir sont tous adhérents !). Christian Massault, son président, a souhaité qu’elle porte à la fois sur l’avenir de l’association, compte tenu des difficultés de celle-ci, mais qu’elle s’oriente aussi vers un débat sur les besoins en information musicale des discothécaires/bibliothécaires musicaux, ainsi que sur les formes qu’elle peut prendre.

Avec Michel Sineux, il dressa le tableau de la situation : la formule actuelle d’Écouter Voir a fait son temps, notamment pour des raisons de moyens humains (sélections discographiques) et financiers (retrait progressif des tutelles). La tentative de construire un Écouter Voir trimestriel n’est plus viable, compte tenu du retrait complet des subventions de l’État annoncé pour 2005. Les réflexions sur l’avenir avaient été engagées notamment autour des partenariats entre associations (AIBM, Afas, Discothécaires de l’Est…). Les difficultés sont aussi « structurelles » : en France, la musique est souvent peu ou mal reconnue en bibliothèque, presque toujours considérée sous le seul angle du divertissement, non inscrite dans les missions, alors qu’elle peut représenter 20 à 25 % de l’activité des médiathèques.

Différentes pistes furent évoquées pour répondre au besoin d’information, avec en toile de fond cet impératif rappelé par plusieurs intervenants : la nécessité d’un outil fédérateur pour la profession. Il pourrait s’agir d’un autre outil papier, d’un élargissement du site Discothécaires, d’un portail fédérant les différentes associations professionnelles, d’un « OPMB » (Observatoire permanent de la musique en bibliothèque !), ces différentes solutions pouvant même coexister. Concernant le sort de l’Acim, fut évoqué le rôle de l’adhésion : elle pourrait constituer un droit d’accès aux rencontres nationales et aux actes qui en sortiraient.

Christian Massault synthétisa ce brain storming en proposant de procéder à l’élection d’un conseil d’administration de transition de l’Acim chargé d’étudier les pistes suivantes : travailler sur la faisabilité du portail (notamment technique et financière) ; envisager une publication écrite qui se présenterait d’abord sous la forme d’actes émanant des rencontres nationales ; enfin, pour favoriser crédibilité et visibilité de la profession, étudier l’idée d’un Observatoire. Un nouveau conseil d’administration fut donc élu sur ce mandat.

Questions d’actualité

Les rencontres se sont achevées avec un point sur les questions d’actualité et les chantiers en cours. Le groupe de travail chargé du PCDM 4 (Plan de classement des documents musicaux) a mis en ligne sur le site Discothécaires des propositions d’évolution qui seront validées en juin 2004, mais il reste ouvert à d’ultimes remarques des professionnels sur ces propositions.

Nicolas Blondeau a fait le point sur la réflexion menée avec Christian Massault et Bertrand Calenge sur les processus d’élaboration d’une politique documentaire en musique. Trois pistes de travail sont envisagées : la préparation d’une charte ; une réflexion sur les documents d’évaluation du public et sur les outils de sélection (listes « idéales », critères de sélection des documents, etc.). Des exemples de processus d’acquisition ont été cités (Montpellier), avec commissions thématiques chargées d’élaborer des sélections pour les acquéreurs.

Concernant le catalogage partagé, l’échec (provisoire ?) en 2003 du projet de réservoir de notices de Frédérique Mondon et Christian Ducharme (pour des raisons de coût et d’harmonisation des champs) fut l’occasion d’un bref débat. Du fait de l’absence d’un réservoir de ce type, la plupart des fournisseurs de documents proposent en option à leurs clients des notices, mais ces dernières sont souvent loin d’être satisfaisantes et nécessitent un gros travail de reprise. À l’inverse, certains soulignèrent que le travail de saisie n’est peut-être pas prioritaire, par rapport à une bonne indexation.

Plutôt que d’apporter des réponses, la question de la musique en ligne a surtout permis de faire émerger les interrogations que soulève le sujet dans la profession. Elles portent notamment sur la dématérialisation de la musique et le rôle des discothèques face à cette évolution ; la crainte d’un droit de prêt ; le positionnement à adopter face à l’arrivée des services de musique en ligne. Une journée d’étude sur ces sujets est annoncée à Rillieux-la-Pape pour fin 2004. Si la dématérialisation peut s’avérer intéressante pour les fonds actuels, Xavier Galaup, Gilles Pierret et Pascal Wagner soulignèrent l’intérêt de la numérisation dans un but patrimonial, même pour de petits établissements.

Sur ces interrogations prospectives, rendez-vous est pris pour les Rencontres 2005 !