Le livre d'architecture : XVe-XXe siècle

édition, représentations et bibliothèques

par Anne Kupiec
sous la dir. de Jean-Michel Leniaud et Béatrice Bouvier. Paris : École des chartes, 2002. – 335 p. ; 24 cm. – (Études et rencontres de l’École des chartes ; 11). ISBN 2-900791-53-7 : 35 €

Ce livre, abondamment illustré, rassemble les actes de deux journées d’étude qui se sont tenues en 2001. Ambitieux, il propose un premier état des lieux des recherches consacrées au livre d’architecture, domaine jusque-là négligé par l’histoire du livre. L’ouvrage est organisé autour de trois thèmes : l’éditeur d’architecture, la représentation de l’architecture dans le livre, les bibliothèques d’architecture.

Une conception globale de l’univers

Un peu plus d’une quinzaine de contributions érudites présentent, notamment, les particularités des « récits illustrés de voyages pittoresques », les éditeurs publiant en France des livres d’architecture au XIXe siècle, mais aussi les bibliothèques d’architecte (celle de Soufflot par exemple), d’ateliers d’architecture ou d’institutions diverses tant en France qu’en Allemagne et en Autriche-Hongrie. L’étude des bibliothèques peut concerner les fonds, mais aussi les publics qui les fréquentent.

Dans une contribution qui apparaît singulière puisqu’elle révèle d’abord un art d’écrire – auquel de nombreux auteurs eurent recours – « sous l’esquisse informelle d’un traité d’architecture », Ariane Boltanski analyse La somptueuse et magnifique entrée du très-chrétien roy Henri III en soulignant la signification politique de l’architecture interne de l’ouvrage publié par Blaise de Vigenère en 1576.

Dans la conclusion, Jean-Yves Mollier souhaite voir encore se développer de nouveaux axes de recherche pour enrichir la connaissance du livre d’architecture qui intéresse « quiconque a envie de savoir pourquoi, des pyramides d’Égypte à la Cité radieuse de Le Corbusier ou aux tours de la Bibliothèque nationale de France, le croquis ou la planche, l’épure ou le plan ont exprimé une conception globale de l’univers ».

Des convergences entre livre et architecture

Au-delà de l’intérêt propre de ces analyses, l’ouvrage suscite deux types de réflexion qui ne peuvent laisser insensibles ceux qui, de manière générale, s’intéressent au livre.

Du point de vue formel, sont ainsi soulignées les contraintes de mise en pages et de format liées à l’illustration de tels ouvrages pour lesquels les équipes de graveurs et de dessinateurs ont joué un rôle essentiel.

Du point de vue conceptuel, plusieurs contributions insistent sur les convergences entre livre et architecture. Theo van Doesburg – cité par Matthias Noell – associe les problèmes liés à la réalisation d’un livre à ceux de l’architecture : « La couverture [d’un livre] est semblable à la façade d’une maison et ne doit être considérée que comme la surface du contenu. » Pour Le Corbusier, l’architecture concerne à la fois « l’art de bâtir » et « l’art typographique » ; « la conception du livre comme espace architectural [ne lui était] pas étrangère », selon la formulation de Catherine De Smet.

Ainsi, au-delà de son intérêt historiographique, cet ouvrage nourrit la réflexion sur la reproduction de l’œuvre d’art – notamment à partir du texte de Walter Benjamin – et sur les rapports entre le texte et l’image éclairés par l’invitation du photographe et typographe Johannes Molzahn en 1928 : « Ne plus lire ! Voir ! »

Cette réflexion n’est certes pas nouvelle, mais n’est-elle pas nécessairement et régulièrement reprise par ceux qui s’intéressent à l’écrit et s’interrogent sur l’image, qu’elle complète ou concurrence le texte ?