Les techniques documentaires au fil de l'histoire

1950-2000

par Yves Desrichard

Jacques Chaumier

en collab. avec Florence Gicquel ; préf. d’André Chonez. Paris : ADBS Éditions, 2003. – 175 p. ; 24 cm. – (Sciences de l’information. Série Études et techniques). ISBN 2-84365-064-X : 28 €

Il n’est certes pas besoin de présenter Jacques Chaumier. Auteur il y a plus de trente ans d’un des premiers livres en français sur l’informatique documentaire, il n’aura cessé, pendant toute sa carrière, de faire œuvre de vulgarisation en matière de techniques documentaires, avec quelques ouvrages qui sont devenus des classiques du genre, comme son « Que sais-je ? » sur Les techniques documentaires, ou Travail et méthodes du documentaliste qui, vingt ans après sa première parution, en est à sa sixième édition. Nul n’était mieux placé que lui pour brosser à traits rapides mais précis un demi-siècle d’évolution de ces techniques, cinquante années marquées par une série de révolutions et de ruptures dont, en quatre chapitres fortement charpentés, il nous propose de retracer avec érudition mais sans lourdeur les progrès, progrès qui ont marqué le métier de documentaliste, ses outils et ses pratiques, et fait évoluer en profondeur les méthodes employées.

Le premier chapitre, « Le stockage et la conservation de l’information », montre comment on est passé dans ce domaine des supports photographiques (microcopie) aux supports informatiques et, pour ceux-ci, des supports analogiques aux supports numériques, dont la suprématie est désormais définitive. Pour l’auteur, l’avenir est à l’holographie, qui permet une densité de stockage de l’information sans comparaison avec celle des supports actuels.

Dans « La description de l’information », il rappelle que les techniques documentaires ont entraîné l’élaboration d’outils linguistiques et sémantiques de description de plus en plus élaborés, des langages à syntaxe aux thésaurus les plus complexes. Un long développement sur l’indexation automatique, ses performances et ses limites, permet de mesurer que le chemin reste encore long avant que l’on puisse laisser à la machine le soin d’un travail qui fait partie du « cœur de tâche » des professionnels.

« La recherche documentaire », objet du troisième chapitre, a bien évidemment été totalement bouleversée par l’arrivée de l’informatique documentaire, puis d’Internet. C’est sans doute le chapitre qui laissera le plus… songeur. C’est que, des sélecteurs photographiques aux cartes et bandes perforées, nombreux ont été les systèmes ingénieux mis en place avant que l’informatisation documentaire, puis le passage à Internet et à ses moteurs de recherche viennent reléguer dans la préhistoire tant d’inventions étonnantes, ici dûment présentées et illustrées.

Enfin, « L’accès à l’information et à son exploitation » met l’accent sur les réseaux et sur les serveurs. Là encore, Internet a tout balayé, qui permet aujourd’hui de passer directement de la référence du document au document lui-même, voire de se passer complètement de l’utilisation d’informations secondaires, quand des outils de veille de plus en plus sophistiqués permettent presque automatiquement d’être informé des documents importants dans son cadre de recherche.

Dans un rapide « Coda », Jacques Chaumier rappelle que nous sommes passés du temps des pionniers à celui du World Wide Web, « une évolution majeure » pour lui, ce que nul ne contestera. « L’information publiée perd en stabilité et en fiabilité pour gagner en dynamisme et en volume. » Le travail du documentaliste, loin de disparaître, se trouve renforcé d’avoir à gérer ces incertitudes.

« Une nouvelle génération d’acteurs de l’information est en train de naître », dit l’auteur en conclusion. « Est-elle l’héritière des techniques documentaires ou ignorante de ce passé pourtant si riche d’expérience ? » On l’aura compris, c’est tout l’enjeu de ce petit livre bien troussé. Non pas un regard nostalgique sur des technologies dépassées et oubliées, mais l’occasion de remettre en perspective le présent pour forcer à plus de modestie dans la prise en compte des (r)évolutions, et aiguiser le regard critique du praticien, pour éviter de redécouvrir chaque jour la roue.