Bibliothek : Forschung und Praxis, années 2001 (no 3) et 2002 (nos 1, 2 et 3)

par Dominique Lahary
Munich : K.G. Saur ISSN 0341-4183. Abonnement annuel (3 numéros): 184 € ; au numéro : 70 €.

Texte des articles en ligne : http://www.bibliothek-saur.de

Ces quatre livraisons s’étalant sur seize mois confirment la prépondérance croissante des questions liées aux ressources numériques et l’intérêt persistant pour les problèmes de management.

On continuera à regretter la mauvaise qualité des résumés en français des articles, et je me résous, de guerre lasse, à en reproduire deux extraits : « […] la mensuration d’utilisation qui peut surtout être employée au domaine du ravitaillement en journaux » ; « […] exposer comment, sur la base des données qui ont été obtenues, des facturations de la rentabilité des frais peuvent être effectuées ».

Les défis de l’information numérique

Les lecteurs de Bibliothek peuvent suivre le développement de standards et projets internationaux. Ainsi Diann Rusch-Feja dans son article « Die Open Archive Initiative » (no 3, 2001) trace-t-elle la genèse de l’OAI 1 et fait-elle une présentation à la fois pédagogique et relativement détaillée de l’OAI Metadata Harvesting Protocol : on aimerait disposer d’une telle documentation en français. Monika Cremer et Heike Neuroth, dans « Coopération internationale avec le projet CORC d’OCLC à la bibliothèque d’État et universitaire 2 de Basse-Saxe à Göttingen » (no 3, 2002), évoquent un exemple de participation à une entreprise internationale de signalement de données en ligne, reposant notamment sur les métadonnées. La question des métadonnées est reprise par Heike Neuroth dans « Recherche dans des Quality-controlled Subject Gateways 3 partagés » (no 3, 2002). Se référant au trimestriel Metadata Watch Report 4, elle identifie 75 formats différents de métadonnées. Elle met l’accent sur le Dublin Core comme format d’échange et analyse ses quinze éléments de façon très détaillée. Elle présente le Cross Search comme la recherche sur plusieurs bases à partir d’un environnement sémantique solide et place ces activités dans le cadre du web sémantique. Quant à Carola Wesse, elle évoque dans « Meta-Lib : l’initiative sur les métadonnées des bibliothèques allemandes » (no 3, 2001) divers chantiers allemands relatifs aux métadonnées. Enfin, Susanne Dobratz et Inka Tappenbeckn, dans leurs « Remarques sur l’archivage de longue durée de l’information numérique en Allemagne » (no 3, 2002), développent des préconisations sur la partie non matérielle de cette question reposant sur les métadonnées, encore elles, et l’OAIS (Open Archival Information System). Plus traditionnelle paraîtra la présentation par Erwin Miedke d’ILEKS (no 1, 2002), collection de signets pour bibliothèques publiques gérée en coopération par des bibliothèques de Brême, Berlin, Paderborn, Hanovre. Les sites web font l’objet d’une indexation par mot clé et selon une classification, ce qui permet une recherche arborescente 5.

On trouvera aussi un tableau de la situation en Écosse dans l’article « Collaboration entre bibliothèques numériques et non numériques » (no 2, 2002) de Derek Law, Dennis Nicholson et Gordon Dunsire, publié en anglais. Sur les pays scandinaves sont présentés, dans « Culture en ligne dans le Grand Nord » de Wolfgang Ratzek (no 1, 2002), des serveurs d’information culturelle, mêlant l’événementiel et l’accès à des bases de données, qui, dans le cas du Danemark 6 et de la Norvège 7, sont mis en œuvre par la bibliothèque nationale.

On notera aussi la présence spectaculaire du thème de la concurrence dans nombre d’articles relatifs à l’environnement numérique. Dans « Une nouvelle chaîne de création de valeur sur le marché de l’information scientifique ? » (no 2, 2002), les Néerlandais Hans E. Roosendaal, Peter A.T.M. Geuts et Paul E. Van der Vet, partant de la formule : « Les auteurs veulent publier davantage, les lecteurs veulent moins lire », tentent de redéfinir d’un point de vue économique le rôle spécifique des universités dans la publication et l’archivage de l’information scientifique pour l’enseignement et la recherche, en relation avec celui des éditeurs. Rainer Herzog, Michael Lörzer, Sabine Werfers présentent « La bibliothèque d’État et universitaire de Thuringe à Iéna, exemple de bibliothèque multimédia » en insistant, dans ce contexte concurrentiel, sur la nécessité du développement de la production d’information et de services.

Le management des bibliothèques

Les questions de management sont abordées tantôt du point de vue des ressources humaines, tantôt sur un plan organisationnel. Dans « Développement du personnel, aperçus et perspectives » (no 3, 2001), Maria Elisabeth Müller part de l’obligation de réformer dans laquelle sont plongées les bibliothèques d’étude et de recherche (moins de crédits et de personnel et nouvelles tâches liées aux technologies de l’information) : cela exige une flexibilité à laquelle une organisation hiérarchique et centralisée est inapte. Définissant successivement le « développement du personnel » comme amélioration de la qualification, adaptation à une nouvelle organisation bibliothéconomique et moyen d’augmentation de la motivation, elle en présente les éléments, à commencer par l’entretien sous ses diverses formes, y compris l’entretien d’évaluation, mais aussi « l’entretien d’accord sur les objectifs » de nature à répondre à ces quatre questions : À qui ça sert ? Pourquoi cet objectif doit-il être atteint ? À quoi est-ce que ça contribue ? Où est le sens de tout ça ?

Wiebke Andresen présente une étude de cas en grandeur réelle. Dans « Réforme administrative sur le mode participatif » (no 2, 2002), elle décrit le processus de réforme de la bibliothèque municipale de Hanovre reposant sur la participation de tout le personnel. Wolfgang Ratzel livre en deux épisodes une étude intitulée « Typologie, analyses et dynamique des conflits » (nos 2 et 3, 2002), dont le contenu, malgré quelques exemples fournis, n’a certes rien de profondément spécifique aux bibliothèques, mais qu’il est bon de lire dans une revue pour bibliothécaires. Se situant à la fois sur le plan de l’organisation interne et sur celui des relations avec le public, il montre qu’un conflit apparaît quand chacune des deux parties (individus ou groupes) est persuadée qu’elle a raison. Il dégage les écarts culturels (comme l’origine nationale) et relatifs à la vie quotidienne (comme le fait d’avoir des enfants, de les élever seul, ou de n’avoir ni conjoint ni enfant). Jugeant les différents modes et écoles de management 8 également utilisables selon les cas, il considère qu’il n’y a pas de méthode brevetée pour un management réussi et considère que l’essentiel tient à un mélange subjectif d’expérience, de technique et d’arbitraire. Il conclut en rappelant que chacun d’entre nous pense autrement, a d’autres centres d’intérêt, parce qu’il est justement différent des autres.

Dans « Centralisation et décentralisation », Axel Halle aborde le fonctionnement des bibliothèques universitaires allemandes. Il observe qu’au-delà de la traditionnelle distinction entre structures à un niveau ou à deux niveaux (la BU et les bibliothèques d’institut et de laboratoire), toutes sont traversées par les mêmes tendances centrifuges et centripètes. Parmi les premières, citons la volonté des équipes d’enseignement et de recherche de disposer de leur propre documentation, les modes de financements particuliers et les impératifs de rapidité de mise à disposition des documents. Parmi les tendances centripètes, figurent à l’inverse le renchérissement du coût des périodiques notamment électroniques, les progrès de l’interdisciplinarité, l’utilité de disposer de professionnels formés et la nécessité de gestion de services en ligne performants. Il conviendrait ainsi de combiner une décentralisation ou une externalisation du traitement des documents tandis que les autres prestations militent pour la centralisation.

Enfin David F. Kohl, dans un article en anglais intitulé «  Transformation de l’organisation d’une bibliothèque universitaire dans le monde numérique dans un contexte de budget limité », développe, à partir de l’exemple de l’université de Cincinnati, une stratégie de partenariat avec le secteur privé et de mise en place de presses numériques spécialisées.

Autres thèmes

On trouvera dans le no 1 de l’année 2002 un dossier consacré aux bibliothèques des Fachhochschulen, ces quelque 150 « Écoles supérieures spécialisées » particulièrement tournées vers les pratiques professionnelles et qui rassemblent un bon quart des étudiants allemands.

Dans le no 3 de la même année, sous le titre « Bibliothèques publiques et universitaires sous un même toit », sont présentés deux exemples anciens (la ville de Mainz et l’État de l’Anhalt) et un autre postérieur à la réunification, celui de Potsdam.

Parmi les quelques études isolées présentes dans les quatre fascicules analysés ici, on fera un sort à celle de Manfred Weichert (no 2, 2002), qui présente sans fard les résultats d’une analyse des recherches fructueuses et infructueuses des usagers de l’Opac web du système Pica LBS3 de la bibliothèque universitaire de Hambourg. On s’y convaincra que la moitié des recherches concernent l’accès mixte auteur-titre-sujet ; que 5 % seulement des recherches s’effectuent à partir du formulaire de recherche combinée, l’opérateur « ou » n’étant utilisé que dans 3 % des cas et l’opérateur « sauf » pratiquement jamais ; que beaucoup d’utilisateurs recherchent un nom de personne dans son ordre naturel « prénom-nom », ce que le système n’accepte pas ; que les recherches par vedette matière ne concernent que 12 % des requêtes ; que les utilisateurs ne sont guère effrayés par un grand nombre de réponses ; qu’ils feuillettent allègrement ; que si le message « réponses trop nombreuses pour pouvoir être affichées » apparaît, ils réitèrent le plus souvent la même requête. L’auteur signale quelques difficultés dues au système Pica tel qu’il est implémenté à l’université de Hambourg, mais on peut conférer une portée générale à la plupart de ses observations et conclusions, et méditer avec un certain effroi la phrase suivante, qui ne saurait concerner seulement la bibliothèque universitaire de Hambourg : « La complexité et le volume de notre catalogue sont trop grands pour qu’on puisse s’attendre à obtenir un résultat à la première tentative de recherche. ».