Item

revista de biblioeconomica i documentació, n° 29, juillet-décembre 2001

par Laurence Tarin
Barcelona : Col-legi oficial de bibliotecaris-documentalistes de Catalunya. – 24 cm . ISSN 0214-0349. 2 numéros par an – Abt : 21,03 €

Le dernier numéro d’ Item, la revue du collège des bibliothécaires-documentalistes catalans, comporte comme à l’accoutumée quelques articles isolés, un dossier thématique et une partie bibliographique. En ce qui concerne cette dernière partie, on regrettera que le nombre des ouvrages faisant l’objet d’analyses critiques se soit réduit au fil du temps.

Le premier des trois articles isolés que contient ce numéro appartient à un genre particulier puisqu’il s’agit du compte rendu d’un travail universitaire réalisé par deux bibliothécaires actuellement en formation à l’Universitat oberta de Barcelona 1. Item publie en effet ce type de travaux comme peut le faire le BBF. L’étude en question a pour objet les serveurs web des municipalités de la province de Gérone (Catalogne). Les deux bibliothécaires en formation ont bâti, dans le cadre de l’enseignement intitulé « planification et évaluation des politiques d’information », un outil d’évaluation des web municipaux. Elles le présentent et exposent ensuite les résultats de l’enquête qu’elles ont réalisée au moyen de cet outil.

Le second texte, qui porte sur l’externalisation dans les services d’archives, vient en réalité compléter le dossier sur ce thème paru dans le numéro précédent et dont on avait rendu compte dans le numéro 3 du BBF de 2002.

Le troisième article traite d’un sujet original : la féminisation du métier de bibliothécaire et le rôle des femmes dans le domaine de la bibliothéconomie. Ce texte sera complété lors du prochain numéro, une synthèse des contributions sur ce sujet sera donc réalisée à cette occasion dans un numéro à venir du BBF.

Bibliothécaires et documentalistes dans la société de l’information

Quant au dossier thématique, il porte sur les nouveaux champs d’intervention qui s’offrent aux professionnels de l’information. Le rôle des documentalistes et des bibliothécaires dans la société de l’information est en effet une question fondamentale pour le Col-legi oficial des bibliotecaris-documentalistes de Catalunya (COBDC).

Les différents articles qui composent le dossier montrent en quoi les métiers de bibliothécaire et de documentaliste évoluent. Dans l’éditorial, le comité de rédaction d’ Item s’excuse presque du ton de certains articles qui peut paraître assez prétentieux, pour finalement reconnaître qu’il convient de valoriser une profession dont l’utilité devient évidente à l’heure d’Internet. L’éditorial souligne d’ailleurs la nécessité de promouvoir l’image de nos métiers, ce que nos collègues catalans font d’ailleurs déjà avec une aisance et une bonne conscience que l’on se prend parfois à leur envier.

Les deux premières contributions de ce dossier, qui se rejoignent d’ailleurs sur de nombreux points, s’efforcent de définir les nouvelles missions qui pourraient être confiées aux bibliothécaires-documentalistes.

Après un retour un peu long sur les théories de l’information (pour ne dire finalement qu’une chose relativement évidente : « le documentaliste gère avant tout de l’information »), Lluís Codina, enseignant à la faculté de bibliothéconomie de l’université Pompeu Fabra (Barcelone) expose les tâches que pourrait accomplir selon lui un bibliothécaire-documentaliste dans une entreprise. Il s’agirait tout d’abord de la gestion intégrale des documents. Il entend par là qu’il ne devrait plus y avoir, surtout depuis l’apparition des nouvelles technologies, de distinction, au sein d’une entreprise, entre la gestion des archives et celle de la documentation. Cela implique bien sûr que les deux professions puissent se rapprocher. Il estime également que le bibliothécaire-documentaliste devrait être chargé de tout ce qui concerne la gestion de la connaissance. En effet, il ne pourrait y avoir une bonne utilisation de l’intelligence dans une entreprise, sans une gestion documentaire performante qui serait en quelque sorte garante de la mémoire et de l’expérience de l’entreprise. Il en découle que le bibliothécaire-documentaliste devrait participer également à la veille technologique et être responsable de l’organisation de l’architecture de l’information. Ce dernier terme est quelque peu abscons, du moins pour un lecteur français : l’auteur entend par là que le documentaliste, en appliquant les principes de la bibliothéconomie au monde numérique, pourrait organiser l’information utile à l’entreprise au moyen de serveurs web et d’intranet dont il bâtirait l’architecture. Il souligne cependant que, pour mener à bien cette tâche, le documentaliste devra se spécialiser en informatique.

En conclusion, Lluís Codina note que, pour que le bibliothécaire-documentaliste puisse remplir ces missions, un certain nombre de défis devront être relevés par la profession. Dans le domaine de la formation en particulier, des passerelles devront être trouvées vers d’autres métiers comme ceux d’archiviste et d’informaticien ; la spécialisation ainsi que le recours à la formation continue devront devenir naturels. Il souligne d’autre part que les bibliothécaires-documentalistes devront s’efforcer de faire évoluer l’image que les entreprises ont de la profession. Il semble en effet conscient que très peu d’entreprises sont prêtes à confier les tâches qu’il décrit à des documentalistes.

L’auteur du second article, Vicenç Melendez, de l’institut de statistiques de Catalogne, évoque quasiment les mêmes missions que celles dépeintes par Lluís Codina, mais il nous place dans une perspective plus historique puisqu’il analyse l’évolution du rôle des bibliothécaires-documentalistes depuis trente ans, en insistant sur l’impact des nouvelles technologies sur la profession. Pour ce faire, il prend l’exemple de l’Institut de statistiques de la Catalogne qui a joué un rôle moteur dans le développement des centres de documentation catalans. Il insiste sur le fait que l’information, contrairement à d’autres produits ou services, ne s’épuise pas lorsqu’on l’utilise, mais se renouvelle et s’étend. La base du métier de bibliothécaire-documentaliste pourrait donc consister à trier l’information utile aux usagers et à en faciliter l’accès.

On remarquera que, curieusement, les deux auteurs n’évoquent à aucun moment le rôle que pourraient jouer les bibliothécaires-documentalistes dans la formation des usagers, sujet qui est au cœur des réflexions des bibliothécaires français sur l’évolution de la profession. Peut-être est ce dû au fait qu’ils ont tendance à considérer la gestion de l’information comme un service qui est fourni quasiment « clés en main » à un usager qui se rapproche de plus en plus d’un client.

Les nouveaux débouchés du métier de documentaliste

Les deux articles suivants, rédigés par Laura Rosas et Jaume Zorita Quiñones, constituent en quelque sorte une illustration des propos tenus par Lluís Codina et Vicenç Melendez sur les nouveaux débouchés du métier de documentaliste. Il s’agit des témoignages de deux personnes ayant reçu une formation en bibliothéconomie et qui travaillent pour des sociétés de services offrant de l’information en ligne.

La première personne a une expérience variée. Laura Rosas a d’abord travaillé dans une entreprise qui a créé un portail sur Internet. Elle y était chargée plus particulièrement de cataloguer les ressources d’Internet susceptibles d’intéresser les clients de cette société. Elle a ensuite occupé un poste dans un centre d’information destiné aux entreprises, pour lequel elle devait rechercher de l’information sur les salons et les foires. Elle mettait ensuite cette information à disposition sur le réseau après l’avoir organisée. Enfin, elle travaille actuellement pour une société qui a pour objectif de diffuser des informations sur la nouvelle économie et d’en expliquer l’impact dans tous les domaines. Elle y a pour mission la gestion des ressources documentaires qu’elle doit actualiser et éditer sur le web.

Le deuxième témoignage est celui d’une personne qui exerce ses compétences dans un organisme de diffusion de l’information qui offre à ses clients (des entreprises en général) la possibilité de gérer, de façon efficace et personnalisée, les informations contenues dans la presse quotidienne. Le documentaliste est devenu dans ce cas-là quasiment un commercial chargé d’analyser les besoins des clients en matière d’information.

Le dernier article du dossier thématique est également basé sur une expérience, celle de la création du serveur web et de l’intranet de la municipalité de Barcelone, mais il va au-delà du simple témoignage. Ses auteurs s’efforcent en effet de réaliser un bilan de leur expérience et d’en tirer un enseignement sur les développements futurs du métier. Adela d’Alós Moner et Joan Batlle Montserrat expliquent que les professionnels de la documentation et des bibliothèques peuvent être utiles à différents niveaux dans l’élaboration d’un serveur web, mais que cela implique qu’ils soient capables de travailler en équipe avec des personnes exerçant d’autres métiers : informaticiens, spécialistes des ressources humaines ou de la communication. Elles estiment que les bibliothécaires-documentalistes peuvent, non seulement intervenir sur les aspects techniques (comme la présentation de l’information, les critères d’indexation ou les modes de recherche), mais aussi sur les aspects stratégiques, ce qui sous-entend qu’ils aient une bonne connaissance de la structure qui les emploie. Elles concluent en soulignant que participer à l’élaboration d’un serveur web, outil de gestion de la connaissance, peut être l’occasion de ne plus être considéré comme un simple technicien, mais comme un véritable professionnel de l’information, apte à proposer une expertise.

Les différents articles de ce dossier sur l’évolution de la profession sont d’un intérêt inégal, cependant l’ensemble permet de réfléchir utilement aux mutations de nos métiers. On notera que parmi les expériences relatées, nombreuses sont celles qui ont été réalisées dans le secteur privé, ce qui est souvent le cas dans la revue Item. On remarquera également que les professions de bibliothécaire et de documentaliste ne sont pas réellement distinguées par la plupart des auteurs qui s’efforcent de généraliser leurs propos, mais que les exemples cités proviennent de situations relevant plutôt de l’univers des documentalistes. Il faut dire que le COBDC qui édite Item rassemble des professionnels venus d’un horizon beaucoup plus large que celui des bibliothécaires. Il s’agit là d’ouvertures intéressantes pour le bibliothécaire français mais cela constitue également la limite de l’intérêt que l’on peut porter à ces expériences.

  1. (retour)↑  Université ouverte de Barcelone, il s’agit d’une université entièrement virtuelle, la totalité des cursus se déroulant à distance par l’intermédiaire d’Internet.