Public Internet Access in Libraries and Informations Services

par Jean-Claude Utard

Paul Sturges

London : Facet Publishing, 2002. – 220 p. ; 25 cm. - ISBN 1-85604-425-4 – 34,95 £

Cet ouvrage, publié chez un éditeur spécialisé qui émane du monde des bibliothécaires et s’y adresse, puisque Facet Publishing a pris la suite de ce qui s’appelait auparavant Library Association Publishing, a pour but d’aider, de manière très pragmatique, les professionnels qui mettent à disposition de leur public des postes Internet.

Paul Sturges aborde donc de manière très pédagogique l’introduction d’Internet dans ces espaces publics que sont les bibliothèques et, de manière plus large, l’ensemble des services publics qui peuvent procurer un accès à cette prodigieuse, mais dangereuse source d’information et de communication selon la définition qu’il donne de ce nouveau « média ».

Le propos débute par une rapide série de définitions, plus pratiques que théoriques de ce que peuvent être l’information, un accès public à cette information et une politique d’information. Car les institutions, écrit Paul Sturges, doivent avoir une claire vision de leurs missions, identifier des buts et des objectifs et développer une politique pour les atteindre. Et ce livre doit contribuer à formaliser cette politique, à travers tous les aspects de l’accès à Internet qui peuvent se présenter dans une institution.

Les dangers

En effet, après un rappel de ce qu’est Internet, l’auteur en explique les dangers : accès à une information dangereuse (pornographique, raciste, misogyne, homophobe, incitant à la haine…), mais aussi accès à une information non crédible ou ne respectant pas la propriété intellectuelle. Cet accès libre présente une nouveauté et un défi pour une institution publique (que ce soit une bibliothèque ou un établissement d’enseignement), qui se caractérisait auparavant par sa capacité à filtrer et à sélectionner les informations. Cela oblige les personnels à définir cet accès mais aussi à délimiter leurs responsabilités et à se protéger d’un point de vue juridique.

Pour s’aider, les professionnels de l’information peuvent évidemment s’appuyer sur une éthique ou, plus simplement, sur des principes déontologiques. Ces principes généraux sont étudiés et, en fin de volume, une première série d’annexes présente un certain nombre de codes d’éthique ou de déontologie formalisés par des associations comme l’American Library Association ou son homologue anglais, la Library Association. Tous ces codes insistent sur le nécessaire libre accès à l’information que les bibliothécaires doivent procurer à leurs usagers mais ils rappellent aussi leurs responsabilités. L’article g du code des bibliothécaires anglais, par exemple : « Les membres ne doivent pas consciemment promouvoir des publications dont le but principal est d’encourager à la discrimination sur la base de la race, de la couleur de peau, des croyances, du genre ou de l’orientation sexuelle. Ce n’est pas promouvoir de tel matériau que de les divulguer en revanche dans le but d’étudier le sujet d’une telle discrimination. »

Connaître la loi

C’est reconnaître la difficulté à trouver un équilibre entre le but louable de permettre un libre accès à l’information mais aussi le souci de ne pas appeler information n’importe quelle opinion. Il existe aussi une éthique du filtrage de l’information, particulièrement sur un lieu public et de travail ou pour protéger des publics, à commencer par celui des enfants. Par ailleurs, les principes ne dispensent pas de bien connaître la loi et de s’appuyer sur celle-ci. Cela est indispensable pour toute mise en service d’un accès libre à Internet : tout professionnel doit s’insérer dans des principes de légalité et se protéger également des poursuites possibles de la part d’usagers ou d’associations, voire d’autorités de tutelle. Dans le même temps, il importe aussi de distinguer ce qui, dans les lois actuelles, est insatisfaisant ou ce qui peut entrer en contradiction avec son éthique professionnelle.

Toutes ces réflexions débouchent sur des propositions pratiques. Trop d’institution et de responsables se polarisent sur le matériel ou la sécurité des systèmes informatiques en oubliant les problèmes de contenus, or les bibliothécaires ou les responsables d’un service public doivent délimiter un code du bon usage d’Internet, l’afficher, l’enseigner, le faire respecter. Ce code doit être affiché à côté des écrans et sur les murs de l’établissement. Le mieux est encore de les afficher sur écran, chaque fois qu’un usager commence une nouvelle session de recherche sur ordinateur. Par ailleurs, la cosurveillance des membres du personnel (qu’il faut associer à la définition des services mis à disposition et former à la gestion des incidents) et des autres usagers est en général dissuasive, mais il ne faut pas hésiter à prévoir également des procédures disciplinaires pour les usagers qui contreviennent à ces codes de bon usage.

Définir les bons usages

Ces bons usages doivent être définis selon les buts et la politique d’information de l’établissement. Cette politique a d’ailleurs deux facettes et elle s’applique aussi bien aux personnels de l’institution qu’à ses usagers. Elle doit envisager un certain nombre d’aspects et commencer par définir d’abord quels sont les services proposés (cela inclut-il la messagerie, les chats ? Cela englobe-t-il des activités récréatives ?). Ces services peuvent être différents selon le type de bibliothèque ou d’institution et correspondre à des objectifs de communication et d’information pour des publics différents. Ce pourquoi il faut distinguer si l’ensemble des services est proposé à tous les publics ou s’il y a des conditions d’éligibilité. Certains services peuvent être restreints pour telle catégorie d’usagers ou n’être obtenus que sur permission (pour les jeunes publics, par exemple, il faut une autorisation parentale ; l’accès à des revues électroniques en ligne peut être réservé à telle catégorie de chercheurs). Il faut évidemment prévoir les moyens de surveiller l’usage de ces services et délimiter ce qui relève d’un usage illégal et d’un usage inacceptable (regarder un site pornographique n’est pas illégal mais peut être jugé inacceptable et offensant dans un espace public) et prévoir alors les moyens de coercition, différents dans l’un et l’autre cas.

Enfin, il peut être fort utile d’écrire et de faire signer des engagements (commitments), des sortes de convention à l’usage tant des personnels que des usagers qui résument la politique de service Internet offert par l’institution et les droits et devoirs de chacun. Les annexes, là encore, éclairent les propos de l’auteur en offrant plusieurs exemples de guides et chartes de bons usages, ainsi que de conventions proposées à la signature, soit en interne à des membres du personnel, soit en externe à des usagers, les exemples pour ces dernières étant pris aussi bien dans des bibliothèques universitaires (Derby, Loughborough) ou publiques (Leeds, Dublin) que dans des écoles primaires et secondaires.

Une liste d’adresses Internet vient enfin compléter ce livre dont le but, l’auteur le rappelle dans sa conclusion, n’est pas de recommander une politique d’accès public à Internet, mais d’aider à élaborer cette politique d’accès en en listant tous les aspects et toutes les implications. Cela le rend doublement intéressant pour nous autres, bibliothécaires français, car, si l’insistance sur les problèmes juridiques et la culture des engagements signés entre partenaires tient évidemment beaucoup au contexte anglo-saxon, cet ouvrage renvoie également, au-delà même de l’accès à Internet, au souci très actuel et nouveau pour nous de formaliser nos politiques d’acquisition et de service.