Les supports pédagogiques multimédias dans la formation des usagers

Conception et utilisation

Françoise Sigaud

Une centaine de professionnels des bibliothèques et de la documentation, de responsables de formation se sont réunis le 12 juin 2001 à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), à Villeurbanne, pour les premières rencontres Formist 1, organisées autour de la conception et de l’utilisation des supports pédagogiques multimédias dans la formation des usagers.

S’adressant aux formateurs, cette journée avait pour objectif d’examiner, à travers des exemples concrets, comment, au-delà de leur utilisation, on peut concevoir des outils pédagogiques multimédias destinés à former les étudiants à l’information scientifique et technique (IST) 2.

Ces premières rencontres furent ouvertes par François Dupuigrenet Desroussilles, directeur de l’Enssib, pour qui cette journée devait être l’occasion d’une troisième étape : après « la préhistoire » et la mise en place, notamment par le biais du site Formist, 2001 devrait être l’année de la mise sur orbite.

Françoise Roubaud, présidente du comité éditorial et scientifique de Formist, rappela brièvement les objectifs et les missions dans le domaine de la formation des utilisateurs, et souligna que le thème choisi pour ces premières rencontres était volontairement vaste. Au-delà des avis et des réponses pratiques apportés aux participants, ces rencontres devaient contribuer à développer un véritable réseau d’échanges autour de la formation des usagers.

Un axe fort

En introduction, Mathieu Stoll, du bureau de la formation à la Sous-direction des bibliothèques et de la documentation (SDBD), fit quelques rappels : la formation des usagers à l’information scientifique et technique constitue un des axes forts de l’enseignement supérieur avec la mise en place en 1997 de la « loi Bayrou », qui rend obligatoire un enseignement de méthodologie en 1er cycle, et l’intégration en 2000 de la formation des usagers aux contrats d’établissements.

La SDBD mène depuis 1998 des actions de soutien à la production de documents pédagogiques multimédias, à travers plusieurs dispositifs dont le Budget civil de recherche et de développement (BCRD). Ces crédits de recherche sont attribués à des produits innovants. La Sous-direction examine les aspects scientifiques et techniques de ces projets avant de les transmettre, s’ils sont retenus, à la Direction de la technologie.

Un autre dispositif de soutien est l’appel à projets « Campus numériques » lancé en 2000 et renouvelé en 2001 (clôturé le 12 juin) 3, qui encourage la création de consortiums d’établissements d’enseignement supérieur pour la mise en œuvre d’actions de formation à distance utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Corinne Gandini, du bureau de la formation à la SDBD, rappela les grands principes du droit d’auteur et les règles à respecter lors de la réalisation d’un document multimédia. Il en ressort que, lors de la création de documents pédagogiques multimédias, il est difficile de ne pas être dans l’illégalité en raison de la complexité de la législation !

Expériences concrètes

Deux expériences concrètes furent alors présentées.

Ces modules, qui servent de support aux formateurs, sont aussi utilisés dans le cadre de l’autoformation par les étudiants. Notons que l’accès à ces documents n’est pas très aisé, en raison de l’installation d’un logiciel spécifique à télécharger. Celui-ci est utilisé sur le campus de Nancy, mais peut poser des problèmes d’installation ailleurs. Les modules d’un graphisme intéressant sont utilisés en formation des usagers par le personnel de la bibliothèque. Ils peuvent être transposés ailleurs. Les notions vont du plus simple (différents types de publications, interrogations des catalogues) à des modules plus complexes.

Diliweb

Sous le titre : « Contraintes et enjeux d’un projet web pédagogique : méthodes, modèles et objectifs », Pierre-Yves Cachard décrivit avec enthousiasme et un certain recul une expérience en cours de réalisation à l’université du Havre, Diliweb, plate-forme de formation à l’utilisation d’Internet. S’appuyant sur les phases classiques de la conduite de projet (phase d’analyse, de conception, de préproduction, de production, puis de publication), trois points importants doivent être soulignés :

– quelle(s) méthode(s) mettre en œuvre devant la multiplicité des questions à développer ? : contenus, choix techniques, maquette, compétences diverses, application informatique…

– quel(s) modèle(s) de conception adopter ? : ces modèles doivent être adaptés aux applications d’un web pédagogique, prendre en compte le scénario des contenus et l’expression des besoins. Pour l’élaboration d’un produit pédagogique multimédia, il convient de tenir compte de la spécificité informatique. Diliweb a été développé selon un modèle « formel » développé par Peter Stockinger qui définit quatre composants : le corpus de cours ou « connaissance du domaine », « tests et évaluations », « service utilisateurs » (bloc-note, forum, dictionnaire…) et « interface » qui contient les aspects visuels et interactifs. Pierre-Yves Cachard insista sur l’importance du travail d’équipe et du graphisme pour ce type de produit pédagogique. Pour lui, on sous-estime toujours la part prise dans le projet par l’écriture du scénario. .

– quel objectif viser ? : l’implication active de l’utilisateur dans sa formation grâce à différents niveaux d’interactivité.

Modules de formation à la méthodologie documentaire

Avec « Comment utiliser un document pédagogique multimédia en formation des usagers ? », Jean-Noël Gérard présenta des modules de formation à la méthodologie documentaire mis en place au SCD Nancy II 4. Ces modules abordent quatre thèmes :

– des documents aux lieux qui les abritent : « À la découverte des documents » ;

– la façon d’accéder aux documents : « À la découverte des catalogues » ;

– application d’une recherche documentaire : « Et si l’on s’intéressait au chocolat ? » ;

– utilisation des ressources Internet : « L’Internet sans risque ».

Concevoir une application pédagogique

L’après-midi reprit avec un exposé d’André Tricot, de l’IUFM de Toulouse, sur le thème : « La conception ergonomique de documents pédagogiques multimédias » 5. Concevoir une application pédagogique, c’est pour l’essentiel concevoir un document. Pour qu’un processus de conception puisse se réaliser, il est des préalables fondamentaux à respecter en terme de description des tâches, de conditions d’utilisation et de types d’usagers. D’autre part, un niveau des contenus à transmettre doit être déterminé. Afin de définir l’ensemble des actions possibles pour l’utilisateur, un niveau d’interactions est à définir à travers deux formes de scénarios compatibles entre eux : un scénario d’apprentissage permettant d’appréhender des connaissances nouvelles, un scénario de navigation, transparent aux yeux de l’utilisateur. Enfin, l’interface devra faciliter la perception, la compréhension et l’action de l’utilisateur. L’ergonomie et l’ingénierie cognitive prendront en compte l’ensemble des aspects de la conception et de l’utilisation d’un document.

L’utilisation de documents pédagogiques multimédias semblerait plus efficace que les supports traditionnels. Ils permettent de concevoir des environnements d’apprentissage orientés vers celui qui apprend, en situation, qui devient donc plus actif et plus concerné par sa situation d’« apprenant ».

Pour conclure, une table ronde animée par Odile Riondet, de l’université de Mulhouse, réunit plusieurs invités : Paul Thirion, de l’université de Liège, Bruno Deshoullières, de l’université de Poitiers, André Tricot, Yannick Maignien, de l’École normale supérieure Lettres & Sciences humaines, répondirent aux questions des participants. La table ronde fut organisée autour de plusieurs thèmes : certains émanant directement des participants, à l’issue de la journée – par exemple sur la production de documents pédagogiques multimédias en formation des usagers à l’étranger. D’autres questions permirent aux intervenants de répondre à des questions non abordées jusque-là – notamment sur les questions d’usage des documents – et de compléter les interventions de la journée. Certaines abordèrent la place des supports multimédias dans les autres dispositifs. Comment s’harmonisent-ils pour un usager dans une offre plus large ? Sait-on qui les utilise ? Y a-t-il un profil des formateurs ou des équipes à mettre en place pour aider à l’usage effectif ? Le débat fut très riche, et les réponses des intervenants très diverses en raison de leurs profils et expériences variés.

Ces premières rencontres Formist ont apporté des réponses aux questions que pouvaient se poser les participants concernés par la formation à l’IST à travers l’exposé de pratiques en cours. Les échanges ont été enrichissants grâce à la qualité et à la disponibilité des intervenants qui ont su faire partager leurs expériences. On ne peut que souhaiter que ces rencontres soient suivies de nombreuses autres et puissent contribuer à la constitution d’un réseau de formateurs à la formation des usagers, par des échanges diversifiés en coopération.