Un nouveau service pour les lecteurs.

La reproduction de livres à la demande à la bibliothèque de Troyes

Thierry Delcourt

Henri Le More

Nombre de bibliothèques patrimoniales sont confrontées à une demande croissante de reproduction de documents anciens. Depuis 1999, la bibliothèque municipale à vocation régionale de Troyes propose un service de fourniture de fac-similés, sous forme papier ou numérique, en partenariat avec Librissimo/Phénix Éditions. L’article, en forme de premier bilan, fait apparaître les avantages de la formule pour les lecteurs, la bibliothèque et l’éditeur, pointe les difficultés éventuelles, et dégage quelques perspectives d’évolution, dans un cadre où le partenariat devra jouer un rôle croissant.

Many patrimonial libraries are confronted with a growing demand for the reproduction of old documents. Since 1999 the municipal library at Troyes, which has a regional remit, has offered a service of providing facsimiles, in paper or digital format, in partnership with Librissimo/Phénix Éditions. This article, which constitutes a first assessment, shows the advantages of the service for readers, for the library and for the publisher, points out the resulting difficulties, and reveals some perspectives of the evolution of techniques, in a setting where partnership will play an increasing role.

Viele Bibliotheken mit historischen Sammlungen stehen vor einer steigenden Nachfrage nach der Reproduktion von antiquarischen Dokumenten. Seit 1999 bietet die Stadtbibliothek mit Regionalverantwortung von Troyes in Zusammearbeit mit dem Librissimo/Phénix Verlag einen Faksimile – Lieferservice sowohl auf Papier, als auch auf digitalen Trägern. Als erster Ergebnisbericht lässt der vorliegende Artikel die Vorteile dieses Angebots für den Leser, die Bibliothek und den Verlag erkennen, weist auf mögliche Schwierigkeiten hin und zeigt einige Perspektiven der Entwicklung innnerhalb eines Rahmens in dem Partnerschaft eine immer grössere Rolle spielt.

Numerosas bibliotecas patrimoniales están confrontadas a una demanda creciente de reproducción de documentos antiguos. Desde 1999, la biblioteca municipal con vocación regional de Troyes propone un servicio de suministro de facsimiles, bajo forma de papel o numérico, en asociación con Librissimo/Phenix Éditions. El artículo, en forma de primer balance, hace aparecer las ventajas de la fórmula para los lectores, la biblioteca y el editor, apunta las dificultades eventuales y despeja algunas perspectivas de evolución, en un marco en el que la asociación deberá jugar un papel creciente.

Traditionnellement, les bibliothèques offrent à leurs utilisateurs un service, même limité, de reproduction de leurs ouvrages anciens. La forme la plus rapide en est la photocopie, mais celle-ci pose de multiples problèmes de conservation : écrasement des reliures, fragilisation des papiers acides, risques liés à la mauvaise tenue des encres face à la lumière et à la chaleur...

En outre, la mode ayant aussi ses lois dans la recherche universitaire et érudite, il n’est pas rare que le même ouvrage soit sollicité plusieurs fois, dans un délai assez court. Aussi, depuis les années soixante, les microformes (microfilms et microfiches) ont-elles été considérées comme un support de substitution idéal, à partir duquel il était aisé de fournir des copies (microformes de seconde génération ou photocopies) aux lecteurs qui en feraient la demande.

Cependant, l’expérience tend à prouver que les microformes présentent aussi des inconvénients. En ce qui concerne la production, le coût très élevé du matériel nécessaire interdit pratiquement aux bibliothèques moyennes de s’équiper – sauf à envisager des systèmes de mutualisation, par exemple dans le cadre des agences de coopération régionale. Mais ceux-ci ont montré leurs limites : en Champagne-Ardenne, l’agence Interbibly s’était ainsi dotée d’une antenne de microfilmage qui n’a fonctionné que quelques années, faute d’une activité suffisante pour couvrir les frais de personnel et de fonctionnement.

D’autre part, si l’on se place du point de vue de l’utilisateur, il faut avouer que le maniement des appareils de lecture et de reproduction n’est pas simple. Les bobines s’enclenchent mal, le déplacement avant et arrière est parfois aléatoire, il n’est pas rare que les films anciens cassent, les photocopies sont souvent trop pâles ou au contraire semées de traînées noires quasiment illisibles... La maintenance des appareils est en effet coûteuse – donc pas toujours assurée – et ne suffit pas à pallier l’usure des films eux-mêmes, qui sont souvent rayés...

Plus fondamentalement encore, les reproductions fournies par les bibliothèques ne sont pas commodes, qu’il s’agisse de microformes (qui nécessitent de posséder soi-même un appareil de lecture, ou de se rendre à la bibliothèque ou au laboratoire le plus proche – avec les contraintes d’horaires que cela suppose), ou de photocopies, encombrantes, peu maniables et difficiles à classer dans une bibliothèque personnelle.

Du fait de l’arrêt de l’atelier régional de microfilmage, la bibliothèque de Troyes se trouvait depuis le début des années quatre-vingt-dix dans une situation délicate. La richesse exceptionnelle de son fonds ancien attire en effet les chercheurs du monde entier. Certains viennent consulter les ouvrages sur place, mais plus nombreux encore sont ceux qui, ne pouvant se déplacer, commandent des reproductions à distance. Le fonds de manuscrits médiévaux ayant été presque intégralement microfilmé par l’Institut de recherche et d’histoire des textes, ces documents ne posent pas de problème majeur. Il n’en va pas de même des imprimés, dont seule une part minime a été reproduite, suivant des techniques aujourd’hui obsolètes qui ne permettent pas de réaliser des copies acceptables.

Répondre aux demandes de reproduction impliquait donc, soit de doter la bibliothèque d’un atelier de microfilmage interne, soit de recourir à un prestataire privé. Divers événements ont concouru pour que cette dernière solution fût retenue, mais suivant des modalités entièrement nouvelles, tant sur le plan technique que d’un point de vue administratif.

Le contexte de la bibliothèque de Troyes

La bibliothèque de Troyes a bénéficié du programme de conversion rétrospective des fonds anciens et particuliers mené par la Bibliothèque nationale de France (BnF) dans le cadre du projet du Catalogue collectif de France (CCFr). Cet exemple a permis d’obtenir que la ville finançât, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles, une opération équivalente pour les fonds du XIXe et du XXe siècle.

Ce vaste programme de modernisation des outils au service du public s’inscrivait en effet dans la perspective de la future bibliothèque municipale à vocation régionale (BMVR), actuellement en construction. Dans le même temps, la bibliothèque était informatisée : dès 1998, le nouveau catalogue incluait les ouvrages antérieurs à 1811 convertis dans le cadre de l’opération BnF ; ils furent rejoints par les fonds modernes, en plusieurs étapes, dans le courant de l’année 2000. C’est à ce moment que fut ouvert le site Internet de la Bibliothèque, qui donnait notamment accès à l’ensemble du catalogue 1.

Il se trouve que l’informatisation du fonds a coïncidé avec l’ouverture d’un vaste chantier de numérisation : après les miniatures des manuscrits de Clairvaux, numérisées dans le cadre du plan national du ministère de la Culture et de la Communication en même temps que les chartes et les sceaux conservés aux Archives départementales de l’Aube, la ville de Troyes a engagé un programme pluriannuel de numérisation à l’extérieur, consacré aux fonds municipaux (livrets de colportage et bois gravés de la Bibliothèque bleue, iconographie troyenne en lien avec les musées et les archives...), tout en dotant la bibliothèque d’une station de numérisation destinée à réaliser des travaux internes tels que le contrôle qualité des travaux conduits à l’extérieur, ou les expositions virtuelles du site web.

L’informatisation et la numérisation des fonds s’inscrivent dans une politique plus globale visant à restituer aux citoyens le patrimoine, conçu comme le bien commun de tous. Celle-ci s’exprime également par des expositions, des ateliers à destination des publics les plus variés (écoles, clubs de personnes âgées, publics éloignés de la lecture...), des projets de création multimédia... Elle s’appuie sur la présence d’une équipe principalement consacrée à la diffusion du patrimoine et composée de bibliothécaires et de médiateurs sous contrat emploi-jeune.

Dans ce contexte, la question de la fourniture de reproductions des documents anciens ne pouvait demeurer éternellement sans réponse.

La reproduction de livres à la demande

La totalité du catalogue de la bibliothèque de Troyes ayant été convertie, y compris les fonds du XIXe et du XXe siècle – souvent laissés de côté par les autres bibliothèques municipales faute de moyens –, il paraissait probable que nous aurions à faire face à une demande accrue de reproductions dès que le site web serait ouvert. C’est pourquoi nous avons accueilli avec un grand intérêt la proposition faite par Librissimo (devenu Phénix Éditions depuis son intégration à Alapage/France Télécom), en 1999. Il s’agissait, un peu sur le modèle de ce qu’avait réalisé le Livre à la carte à la Bibliothèque nationale de France, de mettre en place un service de reproduction de livres à la demande qui utiliserait la numérisation, mais fournirait au final un fac-similé sous forme de livre.

Le public des chercheurs qui utilisent les livres anciens est très varié, mais il n’est sans doute pas majoritairement rompu aux nouvelles technologies. Il comprend une part non négligeable d’érudits et de bibliophiles, souvent âgés, pour qui le livre demeure le support le plus maniable et le plus naturel pour consulter un texte imprimé. La fourniture de supports numériques (cf. encadrés 1 et 2)

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1 - Le livre, stade suprême du numérique ?

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2 - Le livre, stade suprême du numérique ? (2)

n’est donc qu’une demande encore très marginale chez les lecteurs individuels – alors qu’elle est désormais presque systématique chez les éditeurs, même les plus modestes. C’est pour cela que cette idée nous a séduits et que, après examen par le service juridique de la ville, une convention a été établie entre Phénix Éditions et la ville de Troyes, et soumise au conseil municipal à l’automne 1999.

Le cadre administratif

D’un point de vue administratif, deux solutions étaient envisageables : l’introduction d’un service tarifé totalement géré par la bibliothèque dans le cadre de la régie, ou le conventionnement avec Phénix Éditions/Librissimo. La première solution eût été proche de ce qui existe pour le prêt entre bibliothèques : le conseil municipal vote un tarif (par exemple 3 F par page) que la bibliothèque facture au lecteur ; elle paye par ailleurs le service rendu à Phénix Éditions, qui n’est alors qu’un prestataire de service. La valeur ajoutée du système est limitée au fait que la bibliothèque permet à ses utilisateurs d’obtenir des supports plus pratiques que les anciennes microformes et photocopies : une disquette, un cédérom ou un véritable fac-similé sous forme de livre. Mais il n’y a pas de véritable partenariat entre la bibliothèque et le prestataire, qui ne peut jouer le rôle de diffuseur.

Comme nous souhaitions avant tout favoriser la diffusion du patrimoine de la bibliothèque bien au-delà de ses utilisateurs habituels, cette solution a paru d’emblée trop restrictive, et nous lui avons préféré la signature d’une convention de partenariat culturel entre la ville de Troyes et Phénix Éditions/Librissimo. Les conditions sont les suivantes : la ville de Troyes s’engage à remettre à Phénix Éditions une copie de son catalogue pour qu’elle soit versée sur la base Librissimo (à charge à Phénix Éditions d’éliminer les ouvrages couverts par le droit d’auteur). Phénix Éditions est autorisé à numériser les ouvrages de la bibliothèque de Troyes demandés par ses clients – mais la bibliothèque garde à tout moment le droit de refuser la reproduction d’un ouvrage, notamment pour des raisons de conservation. Phénix Éditions peut utiliser les fichiers numériques ainsi produits pendant toute la durée de la convention. Les données numériques appartiennent toutefois à la ville.

Il n’y a aucune clause d’exclusivité de part et d’autre : même pendant la durée de la convention, la ville peut contracter avec d’autres prestataires si elle le souhaite, et elle peut utiliser les fichiers numériques réalisés par Phénix Éditions pour alimenter sa bibliothèque virtuelle. Il va de soi cependant qu’elle ne peut les confier à un autre prestataire que Phénix Éditions pour réaliser des produits similaires.

Après numérisation, la bibliothèque reçoit le fichier sur cédérom, et, si elle le souhaite, un exemplaire de l’ouvrage reproduit. Enfin, la ville touche un pourcentage sur les ventes réalisées par Phénix Éditions à partir des ouvrages de son fonds. Elle bénéficie également de tarifs préférentiels pour la fourniture de fac-similés supplémentaires.

Les modalités pratiques

Les demandes de reproduction émanent de plusieurs sources. Les lecteurs de la bibliothèque de Troyes peuvent remplir un formulaire à l’accueil. On peut faire une demande à partir du site web de la bibliothèque de Troyes (soit par courrier électronique à la bibliothèque, soit grâce à un lien vers le site Librissimo). Sur le site Librissimo 2, il est possible d’interroger le répertoire qui cumule les catalogues des bibliothèques partenaires et de demander la reproduction d’un livre qu’on a repéré, ou bien de consulter la liste des ouvrages déjà reproduits, ou encore de faire une demande « à l’aveugle », à charge ensuite à l’équipe de Phénix Éditions de trouver un exemplaire du livre dans une des bibliothèques partenaires.

Phénix Éditions établit alors un devis, en fonction des données à sa disposition dans le catalogue ou, lorsque celles-ci ne sont pas assez précises – s’il manque par exemple le format ou le nombre de pages, ce qui est bien souvent le cas –, en se rendant dans la bibliothèque qui conserve l’ouvrage.

C’est à ce stade que la bibliothèque peut refuser la reproduction d’un ouvrage, notamment s’il est trop fragile ou trop précieux pour pouvoir être transporté.

Si le client est d’accord sur le devis, Phénix Éditions numérise l’ouvrage en mode image, soit sur place – c’est le cas à la bibliothèque de Lyon, où une station de numérisation a été installée –, soit dans ses ateliers à Paris. Dans ce cas, il faut donc transporter les originaux eux-mêmes.

Après numérisation, le client reçoit le fac-similé (cf. les encadrés 3 et 4)

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3 - Demandes de fac-similés des bibliothèques dans le cadre de Phénix Editions/Librissimo

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4 - Demandes de fac-similés des bibliothèques dans le cadre de Phénix Editions/Librissimo

demandé ; Phénix Éditions rend à la bibliothèque l’original, le fichier numérique correspondant et un exemplaire du fac-similé.

Le coût, pour le client final, est très variable. Il dépend certes du nombre de pages de l’ouvrage, de difficultés techniques particulières qui rendraient l’opération plus longue et plus complexe (par exemple la présence d’encarts, de dépliants…), mais surtout du nombre d’exemplaires commandés. Pour un ouvrage qui n’a pas encore été numérisé, et qui est commandé en un seul exemplaire, le coût est de 3 à 4 F la page (soit, à peu près, le coût d’un microfilm). Mais ce tarif est très rapidement dégressif pour plusieurs exemplaires, ou si le livre a déjà été numérisé par ailleurs.

Premier bilan

Comme l’indique par ailleurs l’étude menée par Phénix Éditions, le volume des demandes de reproduction adressées à la bibliothèque de Troyes a crû rapidement, de quelques unités à près d’une centaine par mois au début de l’année 2001. Toutes ces demandes ne sont pas suivies d’une numérisation, certains clients renonçant à leur projet après qu’un devis leur a été adressé. Mais, globalement, l’opération représente un véritable succès pour la bibliothèque, sans aucune commune mesure avec ce que nous connaissions jusqu’alors en matière de reproductions sur microformes.

Il va de soi que la présence du catalogue de la bibliothèque sur le web, tant sur notre site propre que sur celui de Librissimo, est la raison majeure de cet engouement. Quelle que soit la richesse de notre fonds, nous ne rencontrerions sans doute pas un tel succès si un grand nombre d’autres bibliothèques avaient converti, comme nous, leurs catalogues du XIXe et du début du XXe siècle. Peu d’établissements ayant eu les moyens de mener une telle opération – à la charge de la collectivité, contrairement aux conversions rétrospectives de fonds anciens qui ont été financées par la BnF dans le cadre du projet de CCFr –, nous nous trouvons constituer, pour quelque temps encore, l’un des rares réservoirs bibliographiques en ligne pour ces documents, alors même qu’ils intéressent aujourd’hui de très nombreux chercheurs et amateurs, et représentent donc la très grande majorité des demandes de reproduction.

À ce jour, le partenariat entre la ville de Troyes et Phénix Éditions/Librissimo n’a présenté que des avantages. Il nous a permis de rendre aux utilisateurs un service apprécié, rapide et de qualité. Comme c’était la règle lorsque nous réalisions des microfilms à la demande, ce service concerne principalement les publics non troyens, qui sont informés de son existence, soit lors de leur venue à la bibliothèque, soit sur le site, soit lorsque nous répondons à leurs courriers – les Troyens peuvent facilement venir consulter les originaux sans rien débourser... Il a également permis de faire connaître le fonds de la bibliothèque à un nouveau public de bibliophiles ou d’amateurs.

Du point de vue de la bibliothèque, l’intérêt est multiple. Le service ne nous coûte rien d’autre qu’un peu de temps pour sortir et rentrer les ouvrages, mais il rapporte des royalties à la ville – ce qui est vu positivement par les élus et le secrétariat général –, et nous permet surtout d’enrichir sans frais notre bibliothèque virtuelle. Grâce aux demandes de reproductions, nous avons d’ailleurs découvert des richesses dont nous ne soupçonnions même pas l’existence. Enfin, à l’occasion de l’établissement des devis pour ses clients, Phénix Éditions peut nous transmettre des compléments ou des corrections sur les informations du catalogue comme la date d’édition ou le nombre de pages...

Mais, par ailleurs, ce service de reproduction d’ouvrages à la demande n’empêche pas la bibliothèque de fournir également des documents numérisés dans le cadre de la régie, avec un tarif voté par le conseil municipal. Le service que propose Phénix Éditions relève très exactement de la réédition à la demande, et non de la fourniture de documents numérisés (sous forme de CD, disquettes, fichiers envoyés par courrier électronique…).

Perspectives d’évolution

L’évolution des techniques et des outils mis à la disposition des chercheurs impose d’ores et déjà d’envisager l’avenir du service de reproduction de livres à la demande, alors même qu’il n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière dans sa configuration actuelle.

L’offre de produits devra sans doute s’enrichir. Phénix Éditions fournit aujourd’hui des fac-similés à l’identique ou agrandis (ce qui peut constituer un élément de confort appréciable pour les chercheurs âgés ou malvoyants). La société pourrait également fournir sans difficulté des fichiers numériques en mode image, par exemple sur cédérom.

En revanche, la fourniture de fichiers en mode texte n’est pas encore possible. Il reste à savoir si elle est économiquement rentable : compte tenu des performances actuelles des logiciels de reconnaissance optique de caractères et des caractéristiques des imprimés anciens (lettres irrégulières, ligatures...), il est impossible de se borner à passer un OCR (reconnaissance optique de caractères) sur un fichier image pour fournir un fichier texte de qualité professionnelle. Une relecture ligne à ligne est indispensable : peut-être la personne la plus à même de la réaliser est-elle le client ?

Le nombre croissant de demandes de reproductions – une centaine de devis ont été établis, pour la seule bibliothèque de Troyes, en janvier et février 2001 – imposera rapidement l’installation à Troyes d’une station de numérisation dédiée à ce service : les ouvrages seront numérisés dans l’enceinte de la bibliothèque, par un agent de Phénix Éditions ; puis les fichiers seront transmis à Paris, où seront imprimés les fac-similés. Ce mode opératoire est déjà en vigueur à la bibliothèque municipale de Lyon.

Alors que le CCFr se confirme comme le formidable outil de repérage des fonds patrimoniaux qui nous manquait, la question de la fourniture à distance de documents est appelée à prendre une importance croissante. La bibliothèque de Troyes envisage donc tout naturellement d’utiliser le module de Prêt entre bibliothèques (PEB) du CCFr pour assurer le suivi des demandes de reproduction émanant d’autres bibliothèques.

Rappelons que le CCFr fédère trois ensembles documentaires : le catalogue de la BnF, le Système universitaire et le catalogue des bibliothèques municipales rétroconverties (BMR), qui regroupe essentiellement des documents anciens (antérieurs à 1811) ou locaux. De ce fait, les ouvrages signalés dans la base BMR ne peuvent généralement pas être prêtés. Le module PEB, initialement conçu pour la gestion des prêts physiques d’ouvrages, est donc appelé à s’ouvrir à la fourniture de supports de substitution. Nous souhaitons pouvoir y gérer les demandes de reproduction qui passent actuellement par des formulaires papier.

Même si la très grande majorité des demandes de reproduction passe actuellement par le site Librissimo, le module PEB du CCFr constitue une ouverture intéressante vers un public différent, en particulier universitaire, qui semble davantage enclin à recourir à la médiation de sa bibliothèque pour ce type de service.

Reste cependant une question en suspens : Phénix Éditions n’ayant encore conclu d’accords qu’avec un nombre limité de bibliothèques (Lyon, Troyes, École polytechnique, Le Saulchoir, bientôt Poitiers...), le problème de la concurrence entre les fonds – et les institutions – ne s’est pas posé. Si la formule doit s’étendre à d’autres bibliothèques, il sera sans doute nécessaire de mettre en place une formule qui garantisse une répartition harmonieuse de la charge de travail et des recettes.

Enfin, peut-on rêver à une mise en commun des ressources numériques ainsi constituées par les bibliothèques ? À côté de Gallica, il y a sans doute place pour une bibliothèque virtuelle commune, qui permette aux chercheurs de consulter simultanément les ouvrages numérisés un peu partout en France, sans avoir à rebondir de site en site et à recommencer indéfiniment la même recherche.